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spécialement été faite; il trouve même que violer la loi c'est se conformer à «l'esprit » de la loi. Nous avouons ne point comprendre, à moins d'admettre que les lois sont faites pour être transgressées. Il ne nous semble pas que tel soit précisément « l'esprit» de la législation anglaise, de celle-là moins que de toute autre législation du monde.

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Nous serions honteux, en présence de l'affirmation réitérée et si tranchante de M. Wolowski, de notre manque de compréhension, si nous ne nous trouvions couvert par l'organe le plus accrédité de l'Angleterre dans les questions de finances,» à qui la dernière suspension de l'Act inspire la très-judicieuse remarque que voici : « La loi (Act de 1844) dit que le bank-note est sûr, parce que (au-dessus de 15 millions liv. st.) chaque note est couverte par un sovereign; mais que dit la suspension ? Qu'estce que par elle la Banque et le gouvernement déclarent? Que dans les temps de panique et de crise, dans le temps précisément où le billet de banque est le plus exposé, où les demandes d'espèces sont le plus urgentes, où la sûreté du billet par conséquent importe le plus, et où les désastres d'un manquement sont le plus terribles, dans ces temps justement, dit la suspension, le bank-note est sûr lors même que l'émission dépasse l'encaisse de quelques millions liv. st. » Il serait difficile de mieux faire voir en si peu de lignes le contre-sens de l'Act de 1844. Le contre-sens, toutefois, ressortirait plus criant encore, si la suspension, au lieu d'être un acte d'autorité que légalise ultérieurement un bill d'indemnité du Parlement, était inscrite dans la loi même, qui rendrait le gouvernement maître de décider quand la suspension est nécessaire, opportune. Voilà pourtant la seule « réforme » que M. Wolowski admet dans l'œuvre de Robert Peel! A peine est-il besoin d'en faire la remarque: en sus du précieux « avantage » de rendre l'Act de 1844 franchement dérisoire, puisqu'à chaque instant on pourrait en suspendre l'action, cette réforme réaliserait le grand « progrès de faire le gouvernement juge souverain en matière de circulation fiduciaire ! C'est le conseil de la reine qui, chaque jour déciderait si le crédit fonctionne bien dans le Royaume-Uni et dans le reste de l'univers, si la circulation est suffisamment ou surabondamment pourvue, s'il faut resserrer l'émission ou lâcher la détente! Nous craindrions de faire injure au sens économique de nos lecteurs si nous nous mettions à démontrer à quel point un pareil régime est inconciliable avec la doctrine et la pratique économiques du jour.

Il est vrai que, pour M. Wolowski,-déjà on le sait surabondamment,l'économie politique cesse où commence la banque; c'est le «domaine de l'Etat.» Les instincts autoritaires de l'honorable académicien se révoltent à l'idée que l'on puisse « laisser à des compagnies de négociants ccroître ou de diminuer à volonté la somme des instruments En dehors d'une émission dont le montant « autorisé >>

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(sans couverture métallique) est fixé par l'autorité, et au delà duquel chaque billet est couvert par une quantité adéquate d'espèces, il n'y a plus ni sincérité dans les prix, ni sécurité dans les transactions.»> Tout ceci n'est plus à apprécier; c'est fait dans les pages qui précèdent. Faisons seulement remarquer que la double énonciation renferme la condamnation la plus formelle de notre propre régime : l'émission de la Banque de France n'est limitée ni par les lois ni par les statuts, et la compagnie de négociants qui l'exploite est absolument maîtresse d'accroître ou de diminuer la circulation fiduciaire. Ce n'est pas à nous de prendre la défense de la Banque de France; nous renvoyons simplement, pour examen et révision, le jugemeut si sévère de M. Wolowski à l'auteur de la Question des banques, qui a pour la Banque de France un faible tout aussi prononcé que pour sa rivale anglaise.

Peut-être, placé en face de la première, M. Wolowski serait-il tout aussi embarrassé de justifier les maximes tranchantes émises pour les besoins de la cause en l'honneur de la Banque d'Angleterre, qu'il lui semble difficile de concilier ses vues autoritaires en matière de banque avec ses anciennes vues libérales en matière de commerce. Dans les << observations >> faites en réponse à M. Michel Chevalier devant l'Académie des sciences morales et politiques, dans les articles insérés dans la Revue des Deux-Mondes, dans les lettres adressées à l'Avenir commercial, l'honorable académicien promet toujours de démontrer, le moment après, que la liberté du commerce exclut la liberté des banques. La démonstration promise n'arrive jamais. Pour toute raison ou preuve, une citation ou deux, destinées à prouver que Richard Cobden n'était pas partisan de la pluralité des banques ! Cela fût-il démontré, nous n'y verrions qu'une preuve de plus l'histoire en fourmille de ce fait que les promoteurs de grandes découvertes, dans l'ordre moral ou dans le domaine de la matière, arrivent rarement à tirer de leur découverte tout ce qu'elle comporte, à la poursuivre jusque dans ses dernières conséquences. Le mérite du grand libre-échangiste et la reconnaissance que lui doit le monde économique n'en souffriraient pas la moindre atteinte, mais le grand principe de la liberté des banques non plus! (1)

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(1) M. Wolowski ne cesse de répéter qu'il ne s'agit point de la « liberté des banques,» puisque le débat ne porte que sur les banques d'émission, tandis que l'on est d'accord pour les autres. Querelle de mots! Précisément, parce que les autres banques sont hors de débat, tout le monde comprend que l'on discute les banques d'émission seules: il n'y a donc pas lieu à équivoque. Mais, dans tous les cas, le reproche ne nous paraît pas à sa place sous la plume de M. Wolowski; car cet honorable académicien a écrit sur la «Question des banques » un très-gros volume où il n'est absolument question que des banques d'émission ! Pour

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La liberté est une et indivisible, en matière économique comme en matière politique. Pour s'assurer une bonne circulation fiduciaire, les peuples n'ont pas plus besoin de l'intervention directe et de la tutelle du gouvernement qu'ils n'en ont besoin pour s'assurer une bonne circu lation des produits. En matière de banque comme ailleurs, la liberté peut avoir des inconvénients, puisque la liberté implique la latitude d'abuser; mais en matière de banque comme ailleurs, la liberté guérit, et seule guérit, les blessures qu'elle fait; en matière de banque comme ailleurs, les inconvénients de la liberté sont largement compensés par les avantages qu'elle offre et en tous cas apparaissent insignifiants en comparaison des dangers et des maux qu'entraîne le régime opposé.

J.-E. HORN.

NOTICE SUR LES DÉVELOPPEMENTS

DE

L'INSTRUCTION PRIMAIRE A PARIS

Il n'existe aucun document qui permette de connaître s'il y avait des écoles chez les Gaulois, et en particulier chez les habitants de la vieille ile de Lutèce. On n'a pas non plus conservé de texte qui nous instruise authentiquement de ce que pouvaient être les premières de celles qui se formèrent auprès des monastères et des églises, quand le christianisme fut venu régénérer la Gaule et commencer les destinées de la France. Tout ce que l'on sait, c'est que dans les plus anciens souvenirs de l'enseignement de ces écoles ecclésiastiques, on ne voit figurer que la lecture, l'écriture, un peu de grammaire barbare, et le chant des psaumes. N'oublions pas qu'il ne s'agissait point de répandre des lumières dans l'esprit de tous les enfants d'un peuple, mais seulement de former des sujets choisis pour servir aux cérémonies de la religion.

Ce n'est que plusieurs siècles après l'introduction du christiauisme, avec Charlemagne, Alcuin et l'évêque Théodulfe, que paraissent des actes qui étendent le cercle des études. Charlemagne mériterait la gloire qui s'attache à son nom quand il n'aurait fait que méditer, et il la décréta, l'instruction gratuite et obligatoire de tous les enfants nés dans les grands centres de population. Paris aurait dû profiter largement des

quoi ne serions-nous pas libres de prendre ces deux mots « des banques >> dans le sens qu'établit ce précédent?

bienfaits de ce noble décret, mais il ne paraît pas que cette partie des volontés de l'empereur ait été exécutée. Ce ne fut pas là le seul des capitulaires dont la barbarie des temps ait fait ajourner l'exécution, et d'ailleurs, il était difficile, avant l'invention de l'imprimerie, que l'instruction primaire prît jamais un grand essor.

Néanmoins, on doit croire, d'après le texte même des Capitulaires de Charlemagne, d'après les actes des conciles et quelques rares documents venus jusqu'à nous, qu'il y eut, pendant quelque temps, un essai d'enseignement général, indépendant peut-être de l'éducation religieuse, et une sorte d'organisation plus ou moins sérieuse de petites écoles det lecture, scholæ legentium puerorum.

Mais il nous faut traverser encore plusieurs siècles pour arriver à des faits certains. Près de mille ans s'écoulèrent ainsi, et il nous serait plus difficile que nous ne le pensons de nous représenter le long espace de temps que font mille années d'obscurité et d'ignorance. Encore, si au bout de cet écoulement de siècles, nous touchions enfin le temps où les hommes, où les enfants, ont eu des livres dans leurs mains!

Au XIe siècle nous voyons que les écoles des églises et des couvents et celles de l'Université, qui donnaient plutôt une sorte d'instruction secondaire et spéciale qu'une véritable instruction primaire, ne suffisent plus pour le nombre des écoliers qui se présentent. L'autorité ecclésiastique fut obligée et se chargea d'ouvrir des écoles mineures en divers lieux des paroisses. Les premières qui existèrent sont celles des paroisses de Saint-Germain-l'Auxerrois, de Saint-Jean-en-Grève, de Saint-Sauveur, de Saint-Germain-le-Vieux, de Saint-André-des-Arcs, de Saint-Jacques-la-Boucherie, de Saint-Merry, de Saint-Josse, de SainteMadeleine, de Saint-Denis de la Châtre, de Saint-Étienne-du-Mont, de Saint-Paul, de Saint-Nicolas-des-Champs, de Saint-Laurent, de SaintJulien, de Saint-Martial, de Saint-Benoît, de Saint-Eustache, de SaintGervais. La plus ancienne institution date de 1260.

L'évêque de Paris, de qui traditionnellement relevait la matière, avait délégué à l'un des officiers de son église métropolitaine, le grand chantre, tous les pouvoirs nécessaires pour l'administration de ces Petites Écoles de Paris. Déjà même, au temps où il n'y avait d'autres écoles que celles de la cathédrale et des églises, c'était le grand chantre qui avait eu à s'en occuper. Pendant près d'un millier d'années le grand chantre fut d'abord la seule autorité de l'enseignement dans Paris, et lorsque l'Université eut son recteur, il resta l'une des principales. Il est curieux d'extraire des registres de l'archevêché, qui ont été conservés, au moins en partie, la liste de ces officiers, humbles précurseurs de notre ministère de l'instruction publique dont un avenir prochain doit sans doute agrandir singulièrement les attributions ou plutôt les œuvres et l'importance. La voici revisée d'après les statuts de 1386, 1626, 1659

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et 1725, qui servirent de règlements pour les écoles de la juridiction du grand chantre:

De l'an 1000 à l'an 1178: Lisierne, Adelin, Vigrin, Landon, Valeran, Galeran I, Galeran II, Adam et Pierre Lombart, Albert, Galtier, Gazo de Viriac.

A partir de 1178 les dates sont connues: 1178, Pierre le Chantre; 1200, Robert de Vitray; 1212, Guillaume Cambellan; 1218, Nicolas; 1256, Odon; 1292, Denis Benaiston; 1296, Jean de Cornouailles; 1298, Pierre, évêque d'Auxerre; 1307, Hugues de Besançon; 1312, Jean de Marigny; 1315, Jean; 1317, Alexandre; 1325, Girard de Campo; 1332, Vital de Prinhac, légiste; 1359, Pierre de la Charité; 1362, Thomas Malon; 1364, Guillaume de Sauvreville; 1378, Egidius; 1385, Nicolas de Villamare; 1391, Hugues Blanchet; 1396, Galeran de Prandel; 1405, Germain Paillard; 1408, Jean de Terlon; 1412, Pierre Franchomme; 1435, Guillaume Briton; 1436, Jean des Monts; 1457, Jean Bastard; 1466, Jean Henri; 1478, Denys Herpeut; 1483, Arthur de Vaudelare; 1494, Marc Tenacier; 1495, Nicolas Dubois; 1496, Jean Bohier ou Boier; 1502, Martin Pascalis; 1506, Michel de Cologne; 1529, Martin Ruzé; 1533, Jean Moreau; 1558, Claude de Bize; 1560, de Combraille; 1568, Lecourt; 1584, Ruellé; 1613, G. Ruellé; 1633, Lemasle; 1662, Thevenin; 1665, Ameline; 1671, Claude Joly; 1700, A. de Gontault; 1718, Dorsanne; 1728, Vivant; 1739, Saint-Exupery; 1747, Urvoy; 1764, de Lucker; 1773, Aymard; 1784, Robinet de Boisbasset.

Cette liste chronologique devient plus intéressante si nous y joignons un extrait des statuts qui montre quelle était l'autorité du grand chantre. Cette pièce remonte à l'an 1357. On la trouve à la fin d'un livre très-rare intitulé: Scholarum Grammaticalium Villæ et Banleuca Parisiensis collatio, institutio et distributio ac visitatio et omnimoda disposilio spectant ad Cantorem Parisiensem solum et in solidum. Nous donnons ici une traduction du texte qui, écrit au xiv siècle, n'est pas compris sans difficultés, et cette traduction nous vient des manuscrits de De La Marre, l'auteur de l'Histoire de la Police de Paris. Elle est inédite. Le statuts même sont à peu près inconnus, car on n'en à jamais cité que des passages insignifiants.

STATUTS. 1° Premièrement sont tenus tous les maîtres et maîtresses d'écoles d'être et comparoir le jour et feste de saint Jean Porte Latine, pour entendre l'exhortation que fait mondit sieur le chantre, ou autre par luy commis, ouïr la lecture desdites ordonnances, et estre appelez par leurs noms et surnoms, selon les paroisses où ils exercent lesdites écoles, à peine de huit sols parisis d'amende.

2o Item. Jurent les honneur et révérance

istres et maistresses, qu'ils porteront eur le chantre, qui est leur chef,

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