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Bretagne et de l'Australie d'un côté, et celui de l'union de la France, l'Italie, la Belgique et la Suisse, d'autre part.

Le souverain anglais contient 123,274 grains de troy avec un douzième d'alliage, c'est-à-dire 113,002 grains d'or fin représentant 7,322 grammes français. La pièce d'or de 20 fr. en France, réunie à la pièce de 5 fr. renferme 7,258 grammes d'or fin, non compris un dixième d'alliage. La différence entre le souverain et 25 fr. d'or français est donc de 64 milligrammes.

Si ces 64 milligrammes d'or fin étaient retranchés du souverain, ainsi réduit de 0,825 pour cent en or fin, et que la proportion d'alliage fût portée dans la fabrication du souverain au dixième, au lieu d'être seulement du douzième, le souverain vaudrait un peu moins, mais pèserait un peu plus qu'aujourd'hui, ce qui le rendrait plus dissemblable extérieurement qu'il ne l'est actuellement du napoléon français, et il équivaudrait exactement à 25 fr.

Ce serait un immense avantage pour les relations entre les deux pays. Le voyageur français, belge ou italien aurait dans sa poche des souverains fractionnés, et représentés par un certain groupement de pièces de 20 fr., 10 fr. et 5 fr. Le même le voyageur anglais trouverait dans son porte-monnaie des napoléons et des pièces moindres, groupés sous la forme de souverains, et qui ne laisseraient plus de prétexte sérieux aux perceptions quelquefois usuraires des changeurs entre les deux pays.

Non-seulement les relations privées seraient ainsi affranchies de tout tribut trop onéreux payé à des intermédiaires, mais il serait facile aux gouvernements des pays en deçà et au delà de la Manche, après avoir concerté les règles de leur fabrication par une obligation mutuelle, de décider l'admission réciproque de leurs monnaies d'or dans les caisses publiques, comme cela a été accepté entre la Suisse, la Belgique, la France et l'Italie.

On peut supposer qu'il serait même possible au gouvernement français, ainsi qu'aux Etats cosignataires de la convention du 23 décembre 1865, de s'engager à faire fabriquer une certaine quantité de pièces de 25 fr. qui seraient de véritables livres sterling sous une effigie continentale.

Il y aurait peut-être à ce sujet quelques répugnances fondées sur l'entente rigoureuse du système décimal, telle qu'elle existe chez les savants qui sont les adversaires de toute coupure monétaire ne représentant pas en France un facteur du chiffre 10, ou un produit de ce chiffre 10 multiplié par l'un de ses facteurs simples, 2 et 5. C'est ce rigorisme qui a fait remplacer en France les pièces de 40 fr. et de 25 cent. par celles de 50 fr. et de 20 cent. Mais plusieurs français éclairés réprouvent ce que M. Hendriks appelle le fetichisme décimal, tout en voulant rester, partout où la chose est sans inconvénient, fidèle à ce système poussé jusqu'à ses plus délicates exigences.

D'un autre côté, soit que les gouvernements français, belge, suisse et italien, s'engageassent ou non à admettre le type de la pièce de 25 fr., il serait facile au gouvernement anglais de faire fabriquer des pièces d'or de 2 florins, ou 2/10 de livre sterling, qui correspondraient exactement aux pièces d'or de 5 fr. de l'Union latine, et qui seraient le véritable trait d'union pratique des deux circulations.

Sur ces bases, l'union monétaire, en ce qui concerne la circulation d'or, de la Grande-Bretagne et de l'Australie avec 70 millions d'habitants de l'Europe continentale serait véritablement constituée, et on pourrait laisser au temps les rapprochements ultérieurs qui pourraient être désirables relativement aux monnaies d'argent de ces pays.

L'avenir et le rayonnement de cette circulation d'or harmonisée et combinée entre le groupe anglais-australien d'une part, et le groupe formé par l'Union constituée le 23 décembre 1865 par la convention de Paris, d'autre part, seraient d'autant plus grands que l'Allemagne et les Pays-Bas n'ayant pas de circulation nationale en or sont par cela même conduits à recevoir en grande partie les pièces d'or françaises. Le congrès du commerce allemand réuni à Francfort en 1865 a même demandé que l'Allemagne frappât des pièces de 20 francs suivant le type français, pièces qui recevraient annuellement suivant ses vœux un cours légal, à peu près comme les souverains anglais sont devenus admissibles dans les caisses publiques de l'Inde au cours de 10 roupies.

Nos lecteurs sentiront que par cette féconde alliance de la France et de l'Angleterre, préconisée au delà de la Manche avec des efforts auxquels M. de Laveleye a rendu une justice méritée, les monnaies d'or de ces deux pays acquerraient probablement un cours dominant et prépondérant dans toute l'Europe, en exceptant seulement peut-être la Russie pouvant résister plus longtemps à cause de l'importance de son vaste territoire et de sa production métallique autochtone, mais que les exemples de l'Amérique et de la Grèce ne laisseraient pas indifférente.

Quant aux inconvénients qu'aurait pour le gouvernement britannique la modification demandée dans la constitution de la livre sterling, il est impossible de les nier absolument, mais ils soulèvent cependant les réflexions suivantes.

Ou le gouvernement anglais croirait pouvoir, avec l'assentiment de la législature, et à raison de l'abaissement minime indiqué pour assimiler la livre sterling aux 25 fr. français, réduire la valeur intrinsèque du souverain sur les bases ci-dessus, sans indemnité pour les créanciers antérieurs à la modification projetée, comme l'a supposé M. Hendriks dans sa brochure, et alors tout serait d'une merveilleuse simplicité. Le gouvernement anglais ferait pour la livre sterling ce qu'a cru pouvoir faire honorablement le gouvernement néerlandais en 1839, lorsqu'il a

réduit son florin de 9,613 d'argent fin à 9,450, c'est-à-dire de 163 milligrammes représentant environ 2 0/0 du poids primitif.

Ou bien le gouvernement anglais, spécialement pénétré de la rigidité des principes qui l'ont toujours distingué, depuis le règne d'Elisabeth, par l'éloignement pour toute apparence d'affaiblissement (debasement) dans les monnaies, voudrait qu'il fût tenu compte de la différence de valeur intrinsèque du nouveau souverain dans le payement des dettes contractées avant la modification proposée, au moins des dettes excédant certain chiffre, et alors il se trouverait dans la situation exacte, quoique inverse, de celle dans laquelle s'est trouvé le gouvernement français lorsque le franc a été substitué à la livre ancienne au commencement de ce siècle et à laquelle aussi le gouvernement grec a dû faire face, comme nous l'avons vu plus haut.

Le franc valant 1 livre 3 deniers, et la livre valant 99 centimes du franc, il a été publié le 26 vendémiaire an VIII un tableau officiel constatant ces relations, et les comptes et payements opérés dans la nouvelle monnaie ont donné lieu à l'application d'une échelle de conversion pratiquée pendant tout le temps pour lequel des conversions de valeurs livres en valeurs francs ont été nécessaires.

Quelques personnes penseront peut-être qu'aucun accord ne serait possible entre le système monétaire de l'Angleterre et celui de la France, si cette dernière nation ne renonçait au double étalon qui la sépare de la législation anglaise fondée exclusivement sur l'étalon d'or.

Mais cette vue de la question serait un peu superficielle peut-être. La théorie du double étalon est presque toujours une fiction en ce sens qu'un seul des métaux est habituellement investi en fait de l'approvisionnement du marché monétaire (1). Depuis dix ans l'or est la véritable monnaie de la France, et les masses d'or qui sortent annuellement des extractions californiennes et australiennes ne permettent pas de supposer de longtemps un changement à cet état de choses.

L'avantage des communications réciproques sur la base de la monnaie

(1) La question de l'étalon unique ou du double étalon a été longuement discutée pendant les mois de mars et d'avril dernier dans une commission dont nous avons demandé la formation, et composée avec nous de MM. Chevalier, de Lavenay, Louvet, Gouin, Wolowski, Andouillé, Dutilleul et Pelouze, et M. de Laizer, secrétaire. Le principe de l'étalon double a prévalu, contre notre opinion personnelle, nous devons le dire. (Voy. la chronique du Journal des Économistes des 15 avril, 15 mai et 15 juin, sur les travaux de cette commission, travaux qui doivent se terminer par le dépôt d'un rapport qui sera probablement publié comme l'ont été ceux des commissions de 1857 et 1861 sur la même matière.) Le gouvernement autrichien s'est honoré en publiant en détail tous les actes de la commission monétaire du mois dernier.

d'or serait donc suivant nous probablement permanent et indestructible.

Pourquoi d'ailleurs plusieurs Français éclairés tiennent-ils encore, au moins provisoirement, au maintien de l'étalon d'argent? Parce que, j'aime à leur attribuer cette raison, c'est l'étalon d'argent qui nous rattache le plus étroitement au système métrique des poids et mesures, et par lequel certains peuples peuvent se relier à nous. La preuve de cette dernière assertion serait dans un projet de loi proposé dans les Principautés danubiennes, suivant le Moniteur du 31 janvier 1867.

Nous pouvons peser nos lettres avec des pièces de monnaies. Les mathématiciens, qui composent parmi nous une classe d'hommes non sans influence, aiment avec raison à voir le système monétaire ainsi en relations étroites avec les poids métriques. On regarde en France comme supérieure à tous les legs de la tradition l'idée d'une mesure qui se rattache à la dimension de la planète habitée par l'homme, et qu'il est censé gouverner, à l'exception cependant des glaces du pôle, des sommets inhospitaliers des hautes montagnes et sauf les petites insurrections résultant des éruptions volcaniques et des tremblements de terre. Les étrangers qui veulent arrêter l'extension du système français semblent vouloir eux-mêmes emprunter certaines de ses bases (1).

(1) C'est ce qui me parait démontré par un article assez récent publié en Angleterre, et qui se résume dans les observations suivantes :

«Sir John Herschell, dans un volume de lectures récemment publié, reproduit celle qu'il fit devant la Société astronomique de Leeds sur le yard, le pendule et le mètre. Dans un temps où les théoriciens s'efforcent de décimaliser nos poids, mesures et monnaies, l'opinion d'un savant tel que sir John Herschell mérite grande considération. Son opinion n'est certes pas favorable à la grande révolution qu'appellent certains théoriciens.

Le pied a été la plus commune mesure, et il était emprunté à la personne de l'homme, comme la coudée, etc. Le yard est traditionnellement la longueur du bras d'un grand roi d'Angleterre.

Dans les temps modernes on a désiré des étalons plus scientifiques. Le mètre est la dix-millionnième partie du quart du méridien. Il n'y a pas de raison de prendre plutôt la circonférence elliptique de notre sphéroïde que son axe de révolution. La longueur du mètre a du reste été trouvée inexacte.

« L'autre étalon moderne est le pendule. Un acte du parlement de 1824 déclare le yard égal à 36 pouces, de manière que 39,13929 d'eux fassent la longueur du pendule vibrant à la seconde dans le vide, au niveau de la mer, à la latitude de Londres. L'acte de 1835 omet toute référence au pendule, en vertu duquel le yard légal est établi.

Les avocats du système métrique le voudraient voir adopter en Angleterre. Sir John Herschell pense autrement. Il croit que, vu l'adoption

Si pour telle ou telle raison les difficultés sur la théorie de l'étalon subsistaient, rien ne nous empêcherait donc de nous accorder avec les Anglais sur le terrain de la monnaie d'or, terrain où, s'il est permis de s'exprimer ainsi, un fossé infiniment étroit sépare leur monnaie de la nôtre; et pourquoi attacheraient-ils trop d'importance à cet étalon d'argent qui est devenu chez nous le lien un peu théorique de la monnaie avec le système général des poids et mesures, sans que dans la pratique l'argent soit autre chose en France que ce qu'il est en Angleterre, une monnaie auxiliaire et d'appoint? On l'a dit au congrès allemand de Francfort les questions monétaires sont avant tout des questions pratiques.

De même qu'un rapprochement important et fécond pourrait s'opérer entre le système monétaire du Munzverein latin, et celui de la GrandeBretagne, il faudrait presque aussi peu d'efforts pour ramener à la valeur exacte de 5 fr. le duro espagnol (1), la piastre de l'Amérique du

des mesures anglaises par les États-Unis, l'Inde et la Russie (où la sagène est déclaré égal à 7 inches) ce serait à nos voisins à adopter nos mesures plutôt que nous les leurs.

<< Sir John Herschell propose d'accroître le yard d'un millième, de manière à le rendre exactement un sous-multiple de l'axe polaire de la terre. « Le système duodécimal est meilleur d'après lui enfin que le système décimal. »

J'extrais ces notes d'un article du Globe anglais, du 10 novembre 1866, tout en y observant quelques erreurs. Ainsi la sagène russe ne représente pas 7 pouces, mais 7 pieds de 12 pouces chacun. D'après l'Annuaire des longitudes de 1862, la sagène représente en effet 213,356 centimètres, et 7 pieds anglais donnent 213,353. (Voy. p. 72 et 73 de l'Annuaire cité.)

(1) L'Espagne s'est déjà rapprochée, comme nous l'avons dit plus haut du système de l'union latine par sa loi de 1864, qui a pris pour unité l'escudo de 12 gr., 380 à 9/10 de fin, et a fait des pesetas et reales des monnaies d'appoint frappées à un titre inférieur. Le duro est le double escudo. On a lu d'ailleurs, dans le Moniteur français du 13 mars 1867, ce qui suit, extrait de la Gazette de Madrid: « J'ai rendu compte à la reine (que Dieu garde) de l'examen fait dans ce ministère de la convenance qu'il y aurait à adhérer à la convention monétaire conclue le 23 décembre 1865 entre la France, l'Italie, la Belgique et la Suisse, aussi de l'enquête effectuée à ce sujet par la junte consultative de la monnaie et des notes adressées au ministère des affaires étrangères par les représentants à Madrid des deux premières nations mentionnées. Dans ce but, et considérant l'importance et l'opportunité de cette question pour les intérêts commerciaux généraux du pays qui demandent l'étude la plus sérieuse, Sa Majesté, d'accord avec le conseil des ministres, a daigné nommer Votre Seigneurie commissaire délégué du gouvernement

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