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Lecteur, femblent s'être défendu de penfer & de fentir. On ne trouve parmi tant de narrations, ni une réflexion fine ou profonde, ni une peinture énergique, ni un mouvement de fenfibilité. L'Eloquence & la Philofophie femblent bannies de ce long Ouvrage.

Voici maintenant ce qu'on a cru pouvoir faire pour le préfenter au Public, fous une forme plus agréable.

L'Ouvrage de l'Abbé Prévôt eft de feize volumes in-4°, en y comprenant un volume de Supplément qui eft le quinzieme, & la Table générale des matieres, qui fait le feizieme. Depuis få mort, on a imprimé une fuite de trois nouveaux volumes, compofés par MM. Querlon & de Leyre, & on doit publier inceffamment deux nouveaux volumes, ce qui formera en tout vingt-un tomes. On peut juger de la réduction qu'on a cru néceffaire, & du nombre des fuperfluités qui ont paru devoir être élaguées, puisque, dans cette nouvelle édition, les vingt-un tomes in-4° font réduits à vingt-un volumes

in-8°, dans lesquels même on a compris tous les Voyages autour du Monde entrepris & exécutés depuis la mort de l'Abbé Prévôt; ceux de M. de Bougainville, à qui nous devons les premiers détails imprimés fur la Nation finguliere d'Otahiti; ceux qu'on a tentés de nos jours dans la mer du Sud, pour la découverte des Terres Auftrales, & dans la mer du Nord, pour chercher un paffage dans l'Océan Oriental, prodiges d'audace & de constance, qui semblent le dernier effort des lumieres & des forces de l'homme, & qui doivent immortaliser les noms des Cook, des Bank, des Solander, des Wallis, des Byron, des Phipps, &c.

On voit que, dans cette derniere Partie, on n'a point travaillé d'après M. l'Abbé Prévôt. Mais on a cru néceffaire de la traiter, pour compléter l'Abrégé de l'Hif toire générale des Voyages, & conduire le Lecteur au même terme où font parvenues, en ce genre, les entreprifes & les connaiffances de notre fiécle.

Il refte à expofer la méthode qu'on a

fuivie dans la compofition de cet Abrégé. D'abord on a voulu rendre voulu rendre propre à toutes les claffes de Lecteurs un Livre qui est, en effet, de nature à être lu par quiconque veut s'amufer ou s'inftruire. On a donc fupprimé tout ce qui n'était fait que pour occuper un petit nombre d'hommes, & pour ennuyer le plus grand nombre. Tout ce qui s'appelle Journal de Navigation, a été retranché : toutes les répétitions, toutes les fuperfluités, toutes les circonstances indifférentes, toutes les aventures vulgaires, voilà ce qu'on a fait difparaitre.

On a tâché enfuite de mettre le plus d'ordre & de clarté qu'il a été poffible, dans la diftribution des différens Voyages, de maniere qu'on ne perdit pas un pays de vue, fans avoir apris tout ce qu'il pouvait offrir de curieux & d'intéreffant. Dans la partie defcriptive, on a claffe les articles généraux, de maniere que l'un ne fe confondit jamais avec l'autre.

On s'eft efforcé d'ailleurs de mettre, dans cette méthode, toute la variété dong

elle était fufceptible, en plaçant, toutes les fois qu'on l'a pu, fans bleffer l'ordre, un Voyage d'aventures après des defcriptions, de mœurs & de lieux. Cette partie romanefque des Voyages, quelquefois fupérieure à tous les Romans pour l'intérêt & le merveilleux, eft faite pour reposer l'attention du Lecteur, en flattant son imagination.

Quand un Voyageur, qui s'eft vu dans des fituations extraordinaires, raconte luimême, on s'est bien gardé de prendre fa place: on l'a laiffé parler fans rien changer, rien ajouter à fon récit. On ne remplace pas ce ton de vérité, cette expreffion naïve que donne le fouvenir d'un grand péril à l'homme qui s'y eft trouvé, à celui dont l'âme, après avoir été fortement ébranlée, retentit, pour ainfi dire, encore long-temps de l'impreffion qu'elle

a reçue.

On n'a fait non plus que très-peu de changemens dans les defcriptions de lieux & de mocurs, dans les détails phyfiques 3.

d'abord pour n'en pas altérer la vérité, enfuite parce que la diction de l'Abbé Prévôt, toutes les fois que le fujet ne demande pas d'élévation, a de la pureté & de la clarté. Mais on y a joint, autant qu'on l'a pu, cette Philofophie qui lui manque abfolument, & qui doit être l'âme d'un Ouvrage de cette espèce. Car que fert-il de promener le Lecteur d'un bout du Globe à l'autre, fi ce n'eft pour le faire penfer, & pour penfer avec lui?

On n'entend point par Philofophie ces fpéculations audacieufes & deftructives, qui attaquent tout pouvoir & tout principe, & qui ne font que l'abus de la Philofophie, comme le Fanatifme eft l'abus de la Religion; mais cette morale pure & univerfelle, qui n'eft dictée & fentie que par le cœur, qui ne cherche dans toutes les connaiffances que l'homme peut acquérir, que de nouveaux rapports faits pour l'attacher à fes femblables, & qui lui apprend fans ceffe ce qu'il eft pour les autres, & ce que les autres font pour lui.

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