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Bonne-Efpérance, & le vent ne ceffant pas d'être favorable, elle arriva, vingt jours après, aux Ifles du Cap Verd. Là, pendant que l'Amiral était Occupé à faire radouber fon vaiffeau à SaintJago, Coëllo, qui en montait un meilleur, fe déroba la nuit, jaloux de porter au Roi de Portugal la premiere nouvelle de la découverte des. Indes, & arriva le 10 Juillet à Cafcais. Gama fur encore arrêté à Tercere, par la maladie & la mort de fon frere, qui fuccomba aux fatigues d'un fi long voyage. Enfin il prit terre à Bélem au mois de Septembre de l'année 1499, deux ans & deux mois après fon départ de l'Europe. De cent huit hommes qui l'avoient accompagné, il n'en ramena que cinquante en Portugal. Malgré tant de difgraces, fon retour ne pouvait manquer d'être éclatant. Le Roi envoya au-devant de lui un Seigneur de fa Cour, fuivi d'un nombreux cortège. Son entrée dans Lifbonne fut un triomphe. II marchait au bruit des applaudiffemens. Il obtint le titre de Dom pour lui & fes defcendans, une penfion annuelle de trois mille ducats, & la permiffion de porter dans fes armes deux biches, qu'on appelle en Portugais Gamas. Coëllo fut anobli & eut une penfion de mille ducats. Le Roi de Portugal prit le titre de Seigneur de la conquéte & de la navigation d'Ethiopie, d'Arabie,

de Perse & des Indes; titre précoce & fastueux, qui pourtant parut juftifié par les fuccès qui fuivirent, mais qui annonçait un excès de confiance & d'orgueil, que la fortune ne tarda pas à humilier.

CHAPITRE II.

Voyages de Cabral & de Jean de Nuéva. Second Voyage de Gama. Exploits de Pacheco. Commencemens d'Alphonfe d'Albuquerque.

LE BRUIT

E BRUIT de tant de découvertes excita la jaloufie de l'Europe & enivra les Portugais. Dès l'année fuivante 1500, on équipa treize vaisseaux de différentes grandeurs, fous le commandement de Pedro Alvarez Cabral. L'Evêque de Vifeu lui remit l'étendard de la Croix & un chapeau béni par le Pape. La flotte contenait douze cens hommes. On y joignit huit Religieux de S. François & huit Prêtres féculiers, fous l'autorité d'un Grand - Aumônier. Les inftructions de l'Amiral étaient de commencer par la prédication de l'Evangile, & s'il trouvait les cœurs mal difpofés, d'en venir à la décifion des armes; inftructions, dignes de ce fiècle & très-peu conformesà l'efprit de l'Evangile. On fuppofait que le Samorin fe prêterait volontiers à l'établiffement d'un comptoir,

Cabral devait le preffer d'ôter aux Maures la liberté du commerce dans fa Capitale. A cette condition, le Portugal offrait de lui fournir les mêmes marchandifes à meilleur marché que les MauresCabral devait auffi relâcher à Mélinde pour y remettre l'Ambaffadeur que Gama Gama en avait amené, & les préfens qu'on envoyait au Roi de la contrée.

La flotte mit à la voile le 9 Mars, & le 24 Avril, on découvrit à l'Ouest une terre que Gama n'avait point obfervée. Une tempête violente obligea les Portugais d'y relâcher. On célébra la Mefle fur le rivage, au grand étonnement des Naturels du pays, qui accoururent en foule à ce fpectacle, , portant fur le poing de petits perroquets, qu'on nomme oifeaux du Bréfil. C'est ains qu'on appella depuis cette terre qui fait partie du continent de l'Amérique, & que l'Amiral Portugais ne croyait pas appartenir à un nouveau Monde. On fe remit en mer le 2 Mai, pour faire voile au Cap de Bonne - Efpérance. Le 12, on apperçut à l'Eft une comète, qui parut groffir continuellement pendant' dix jours, & qui fur visible jour & nuit. Si jamais l'imagination humaine put, avec quelque apparence de vérité, chercher des rapports entre les deftinées palla geres de l'homme & les mouvemens éternels des

otps céleftes, ce fut fur-tout dans cette occa fon. On pouvait croire que l'horrible tempête qui s'éleva tout-à-coup, & qui tourmenta les Portugais pendant vingt-deux jours, était occafionnée par la preffion de la comète, qui en refoulant l'athmosphère dans cette partie de notre Globe, avait pu y exciter ces vents effroyables, mêlés d'éclairs & de pluies, qui, fe choquant avec impétuofité, foulevoient les vagues comme des montagnes, & menaçoient d'accabler les vaiffeaux. Portugais de tout le poids de l'Océan. Pendant plufieurs jours les ténèbres, qui ajoutent au danger & fur-tout à la crainte, furent fi épaiffes, que les vaiffeaux ne pouvaient fe diftinguer les uns les autres ; &, lorsqu'on eut un peu de relâche & qu'on revit un peu de lumiere, la mer, toujours agitée & furieuse, paroiffait noire comme de la poix pendant le jour & enflammée pendant la nuit. Cependant ce terrible orage, malgré fa durée & fon horreur, ne fit périr aucun des navires de la flotte, tant l'audace & l'induftrie humaines ont de reffources pour combattre la Nature & les Elémens; mais malheureusement on n'avait point encore trouvé de moyens de dé fense contre un épouvantable phénomène, inconnu à des Peuples qui affrontaient, pour la premiere fois, les mers de l'Afrique & de l'Inde. C'était une de ces colonnes d'eau que l'on appelle

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