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Mais il ne faut fe fier ni aux faveurs de la fortune;

ni à celles des Rois. Pacheco fut arrêté peu de temps après, fans l'histoire nous en apprenne

que

la cause, & le vainqueur du Samorin mourut dans un cachot.

CHAPITRE III.

Exploits d'Almeyde & d'Albuquerque. Puiffance & corruption des Portugais. Siéges de Diu. Sylveyra & Jean de Caftro.

LA COUR de Portugal, animée par les fuccès & faifant de plus grands efforts à mesure qu'elle concevait de plus grandes efpérances, mit en mer, dès le 5 de Mars 1507, vingt-deux vaiffeaux montés de quinze cens hommes de troupes régulieres, fous le commandement de François d'Almeyde, qui partit le premier avec le titre de Viceroi des Indes. Il avait ordre de former des établissemens & de bâtir des forts pour la fûreté du commerce Portugais fur toute la côte orientale d'Afrique,depuis Mozambique, jufqu'au Cap de Guardafu, à l'entrée de la mer Rouge. Sa flotte fut difperfée par la tempête, & il n'en avait pu raflembler que buit vaifleaux, lorfqu'il fe préfenta devant l'lfle de Quiloa. Il falua le Port de quelques coups de canon; mais n'en recevant aucune réponse, il se détermina fut-le-champ à commencer les hoftilités. Il prit terre avec cinq cens hommes, & livra

la Ville au pillage. Le Roi Ibrahim avait gagné le continent avec la femme & fes tréfors. Les Portugais nommerent un autre Roi, & construisirent, dans l'espace de vingt jours, un fort, où ils laisserent une garnison de cinq cens cinquante hommes, avec une caravelle & un brigantin, pour croiser continuellement fur la côte. Monbafla, qui reçut Almeyde à coup de canon, fut traitée encore plus rigoureusement. Elle fut pillée & brûlée jusqu'aux fondemens, ainfi que quelques vaiffeaux de Cambaye, qui étaient dans le Port. Ces terribles expéditions répandirent la terreur devant la flotte Portugaife. L'Ile d'Anchedive confentit à fe laiffer brider par un Fort, où l'on mit une garnison de quatre-vingt hommes. On bâtit une citadelle dans le Port même de Cananor. Onor, fur la côte du Malabar, fit quelque réfiftance, & fut brûlé.

Une autre efcadre de fix vaiffeaux, commandée par Pédro d'Annaya, s'était rendue à Sofala, pays célèbre par ses mines d'or. Le Roi ne put s'oppofer à l'établissement d'une fortereffe. Mais bientôt impatient du joug qu'on lui oppofait, il attaqua le Fort à la tête de cinq mille Caffres. Il fut tué, & l'on mit à fa place fon fils Solyman, qui promit d'être fidèle à l'alliance des Portugais.

Cependant l'infatigable Samorin rassemblait une nombreuse flotte, qui osa se présenter devant Cananor. Elle fut battue & difperfée. Les Maures, forcés

de céder à la puiflance Portugaife, abandonnerent enfin les côtes de Malabar & d'Ajan, dont ils avaient été long-temps les maîtres, où ils avaient même fondé plufieurs Villes, telles que Magadoxa & Brava. Ils tournerent à l'orient, & porterent leur commerce vers le détroit de Malaca & vers les Ifles de la Sonde. Lorenzo, fils d'Almeyde, les pourfuivit, avec neuf vaiffeaux, fous un ciel jufqu'alors inconnu aux Portugais. C'est alors qu'ils découvrirent l'Ile de Ceylan, l'ancienne Taprobane, nommée par les Arabes, Serendib. Tant de fuccès étoient balancés par quelques difgraces. L'air mal fain de Sofala, fit périr le Commandant Annaya & la plupart de ceux de fa fuite. La garnifon de Quiloa, trop faible pour résister aux Maures, fut obligée d'abandonner l'Isle, après avoir rafé le Fort. Mais Tristan de Cugna & le fameux Albuquerque s'approchaient avec de nouvelles forces, & les fondemens de la puiffance Portugaise dans les Indes allaient s'affermir fous leurs mains.

Ils partirent de Lisbonne, le 6 Mars 1508, avec treize vaiffeaux & treize cens hommes. Le vent les pouffa jufqu'à la vue du Cap Saint- Auguftin au Bréfil, & dans l'efpace immenfe qu'ils eurent à traverser pour gagner le Cap de BonneEfpérance, Tristan de Cugna s'avança fi fort vers le Sud, que plufieurs de fes gens y périrent de

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froid. Il découvrit dans cette route, les Ifles qui portent encore fon nom. Mais la tempête y fépara fes vaiffeaux, dont l'un, commandé par Ruy Pereyra mouilla heureufement à Matatanna port de Madagascar, fous le Tropique du Capricorne. Sur le bruit que l'Ifle produifait une grande quantité d'épices, Triftan de Cugna y arriva de Mozambique, où il avait raffemblé fa flotte. Mais, trouvant le commerce moins avantageux qu'il ne l'avait cru, il tourna vers Mélinde. Le Roi de ce pays, toujours attaché aux Portugais, les engagea à tourner leurs armes contre le Shac ou Roi d'Oja, dont il avait à fe plaindre. Oja n'eft qu'à dix-fept lieues de Mélinde. Tristan fe présenta devant la ville avec fix vaiffeaux. Les Maures voulurent s'opposer au débarquement & le fruit de leur réfiftance fut l'entiere deftruc tion de la ville, que les vainqueurs livrerent au pillage & aux flammes. Brava qui s'était révoltée ( car les Hiftoriens donnent le nom de révolte aux efforts que faifaient les malheureux Indiens pour fecouer le joug de leurs oppreffeurs), Brava, prife une feconde fois par Albuquerque, éprouva toutes les horreurs où peuvent s'emporter des brigands victorieux. Le fang ruiffelait dans les rues jonchées de cadavres. On coupait aux femmes les oreilles & les bras pour leur arracher plus promptement les ornemens d'or

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