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pour objet l'étude et la défense des intérêts professionnels, économiques, industriels et commerciaux communs à tous leurs membres.

Art. 3. · Quinze jours avant le fonctionnement d'un syndicat professionnel, ses fondateurs devront déposer les statuts du syndicat et les noms et adresses de tous les membres qui le composent, avec indication spéciale de ceux qui, sous un titre quelconque, seront chargés de l'administration ou de la direction.

Ce dépôt aura lieu, pour le département de la Seine, à la préfecture de police, et pour les autres départements, à la mairie de la localité où le syndicat est établi.

Ce dépôt devra être renouvelé le 1er janvier de chaque année, et à chaque changement des administrateurs ou des statuts.

Art. 4. Les syndicats professionnels ne pourront être formés qu'entre Français jouissant de leurs droits civils.

Art. 5. Le défaut de déclaration sera puni d'une amende de 16 à 200 fr. En cas de fausse déclaration, l'amende pourra être portée à 500 fr.

En cas d'infraction aux statuts ou aux prescriptions des articles 2 et 4, les tribunaux pourront prononcer la 'dissolution des syndicats professionnels.

Art. 6. Les dispositions antérieures qui sont contraires à la présente loi sont abrogées.

II.

CHAMBRE DES DÉPUTÉS.

(Séance du 15 mars 1881).

RAPPORT fait au nom de la Commission' chargée d'examiner le projet de loi relatif aux syndicats professionnels, par M. ALLAIN-TARGÉ, député.

Messieurs, le projet de loi qui vous est soumis a pour but de reconnaître des associations qui depuis longtemps existent de fait, par la tolérance du Gouvernement, et d'assurer aux travailleurs les droits indispensables à l'exercice d'une liberté qu'ils réclament avec énergie et dont la garantie ne saurait leur être refusée sans injustice.

L'ancien régime n'admit jamais que par accidents la liberté de l'industrie, du commerce et du travail. Il les protégeait surtout par des privilèges; et chaque corporation professionnelle, ayant payé la rançon de ses privilèges, sup. portait difficilement un effort collectif qui aurait eu pour but de les atteindre et de les réduire.

Au moment où l'ancien régime disparut, après que l'Assemblée constituante, appliquant les doctrines de la révolution politique, économique et sociale préparée par le dixhuitième siècle, et continuant l'œuvre de Turgot, eut dissous ces corporations privilégiées, supprimé les maîtrises et les jurandes, elle ne rencontra pas sans irritation la coalition d'un certain nombre d'anciens maîtres et les réclamations même d'un certain nombre de travailleurs, surpris et

1 Cette commission était composée de MM. Floquet, président; Sarrien, secrétaire; Allain-Targé, rapporteur; Nadaud, Margue, Hérisson, Couturier, Giroud, Maze, Reyneau, Binachon.

troublés, les uns et les autres, par les brusques conséquences des grands changements de cette époque. Elle considéra cette coalition, ces réclamations embarrassantes, comme une résistance à l'esprit de réforme et de progrès, comme une révolte contre les lois d'émancipation, de liberté et d'égalité qu'elle avait édictées. A la suite de la grève des charpentiers, qui avait causé de graves ennuis à la municipalité de Paris, le député Chapelier fut chargé par le comité de constitution de présenter à l'Assemblée un projet qui fut adopté sans discussion et qui devint la loi des 14 et 17 juin 1794.

Dans l'exposé des motifs de cette loi, le rapporteur s'appuyait sur une doctrine dont les législations postérieures n'ont conservé que la partie la plus dure. Chapelier ne cherchait pas même à définir la liberté d'association, et la confondait avec le droit de réunion, garanti à tous les citoyens par la déclaration des droits de l'homme; mais le droit de se rassembler qu'il accordait en général à tous les Français, il le refusait en particulier à tous les patrons ou ouvriers d'une même profession. Pour expliquer cette exception, il déclarait que la nation, que les officiers publics devaient aux travailleurs, en cas de chômage, un emploi de leurs bras et un secours aux malheureux; et, dans cette promesse d'assistance faite aux individus au nom de l'État, il croyait trouver le droit de leur interdire toute action collective qui, de près ou de loin, pût rappeler les habitudes et même le langage des corporations abolies.

L'article 2 de la loi des 14 et 17 juin 1794, loi dont nous vous demandons l'abrogation, est ainsi rédigé :

« Les citoyens d'un même état ou profession, les entrepreneurs, ceux qui ont boutique ouverte, les ouvriers et compagnons d'un art quelconque, ne peuvent, lorsqu'ils se trouvent ensemble, se nommer ni président, ni secrétaires, ni syndics, tenir des registres, prendre des arrêtés et délibé rations, former des règlements sur leurs prétendus intérêts

communs. »>

Et l'article 3 ajoutait :

«<< Il est interdit à tous corps administratifs ou municipaux de recevoir aucune adresse ou pétition sous la dénomination d'un état ou profession, d'y faire aucune réponse; il leur est enjoint de déclarer nulles les délibérations qui pourraient être prises de cette manière et de veiller soigneusement à ce qu'il ne leur soit donné aucune suite ni exécution. »

Les articles suivants appuyaient ces prescriptions législatives sur des sanctions pénales d'une rigueur extrême.

Aujourd'hui que le principe de la liberté du travail a été placé au-dessus de toutes les contestations, tout le monde comprend que l'Assemblée constituante, dans sa lutte et dans sa réaction contre les corporations fermées et privilégiées, avait dépassé la limite, en punissant comme des séditieux les travailleurs coupables d'avoir pétitionné sur « leurs prétendus intérêts communs. >>

Cependant les gouvernements qui entreprirent de fermer l'ère de la Révolution française devaient aller bien au-delà des précautions, des restrictions et des pénalités de la loi de 1791.

Le Consulat n'était point animé de l'esprit des constituants. Il ne reconnaissait point le droit au travail et à l'assistance; il ne chargeait point ses officiers publics de pourvoir aux besoins de l'existence des ouvriers.

Cependant la loi du 22 germinal an XI (12 avril 1803) punissait à la fois de l'amende, et, « s'il y avait lieu, » d'un mois de prison, les coalitions de patrons tendant à forcer <«< injustement et abusivement » l'abaissement des salaires, et << suivies d'une tentative ou d'un commencement d'exécu<«<tion. » Quant aux ouvriers, toute coalition pour cesser en même temps de travailler, interdire le travail dans les ateliers, empêcher de s'y rendre avant ou après certaines heures, et en général pour suspendre, empêcher, enchérir les travaux, était punie d'un emprisonnement qui ne pouvait excéder trois mois. Si la coalition avait été accompagnée de violence, voies de fait, attroupements, les auteurs

et complices étaient punis des peines portées au Code pénal ou au code de police, suivant la nature des délits.

Sept années plus tard, le Code de 1810 soumettait les associations professionnelles aux pénalités générales des articles 291, 292, 293 et 294 qui, pour les organisateurs de ces associations, élevait la peine portée dans la loi de 1791 de trois mois à deux années d'emprisonnement. D'autre part, les articles 414, 415 et 446 reproduisaient les définitions du délit de coalition prévu par la loi de germinal. Les chefs et promoteurs de simples coalitions d'ouvriers étaient frappés, cette fois, d'un emprisonnement de deux à cinq ans, et pouvaient être placés sous la surveillance de la haute police.

Ajoutons qu'entre temps, en nivôse an XII, la loi qui devint l'article 1781 du Code civil avait décidé que les maîtres seraient crus sur leur affirmation en justice, pour la quotité des gages, pour le paiement des salaires de l'année échue, pour les acomptes donnés sur l'année courante.

Ces lois suffirent à la Restauration. Il semble que la Révo lution de juillet aurait dû les abolir et rendre au travail comme aux capitaux les libertés qui sont les conditions mêmes du progrès moral et matériel d'un grand peuple. On s'étonne que, même aux heures de réaction, au moment où le Parlement votait la loi de 1834, une exception n'ait point été faite en faveur des associations professionnelles, et qu'elles soient restées enveloppées dans la proscription qui visait les réunions et les sociétés politiques, secrètes ou publiques. Le garde des sceaux, M. Barthe, avait reconnu pourtant, au cours de la discussion, que les associations ouvrières ne devaient point être accusées des tentatives révolutionnaires de l'époque. Il avait même rendu hommage aux sociétés ouvrières de Lyon, qui alors avaient une existence de fait et qui, à son avis, ne devaient point être considérées comme responsables des violences de l'insurrection récente. Cependant ces sociétés furent condamnées avec les autres.

Malgré les efforts faits en 1849 par M. Nadaud et par quelques-uns de ses collègues pour obtenir l'abrogation des

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