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Saints, animés du Saint-Esprit & de la parole de JESUS-CHRIST, nous affurent que la vie dévote eft douce, aimable & heureuse.

Le monde voit que les perfonnes dévotes jeûnent, prient, fouffrent avec patience les injures qu'on leur fait, fervent les malades, donnent l'aumône, veillent, répriment leur colere, font violence à leurs paffions, fe privent des plaifirs fenfuels; & font beaucoup d'autres chofes qui font naturellement fort pénibles: mais le monde ne voit pas la dévotion du cœur, laquelle rend toutes ces actions agréables, douces & faciles. Confidérez les abeilles fur le thym, elles y trouvent un fuc fort amer; & en le fuçant même, elles le changent en miel : nous le confeffons donc, ames mondaines, les personnes dévotes trouvent d'abord beaucoup d'amertume dans l'exercice de la mortification, mais bientôt elles la fentent toute changée, par l'ufage, en une charmante fuavité.

Les Martyrs, au milieu des feux, & fur les roues, ont cru être couchés fur les fleurs, & parfumés des odeurs les plus délicieuses: & fi l'efprit de piété a pu ainfi par fa douceur charmer les tourments les plus cruels, & la mort même, que ne fait-il pas dans les exercices les plus laborieux de la vertu ? Ne peut-on point dire qu'il leur eft ce que

le fucre eft aux fruits, dont il tempere la crudité lorsqu'ils ne font pas mûrs, ou dont il corrige ce qui leur refte de malignité naturelle, quoiqu'ils foient en leur maturité ? Il eft vrai, la dévotion affaifonne toutes chofes avec beaucoup d'agrément : elle adoucit l'amertume des mortifications, & elle corrige la malignité des confolations humaines elle foulage le chagrin du pauvre, & elle réprime l'empreffement du riche: elle confole un efprit défolé dans l'oppreffion, & elle humilie l'orgueil de la prospérité & de la faveur : elle charme l'ennui de la folitude, & elle donne du recueillement à ceux qui font dans le commerce du monde elle eft à nos ames, tantôt ce que le feu est en Hyver, & tantôt ce que la rofée eft en Eté : elle fait porter l'abondance, & fouffrir la pauvreté : elle rend également utile l'honneur & le mépris: elle reçoit avec une même difpofition le plaifir & la douleur, & elle nous remplit d'une admirable fuavité.

Contemplez l'échelle de Jacob; car c'est une fidelle peinture de la vie dévote. Les deux côtés de cette échelle nous représentent l'oraifon qui demande l'amour de Dieu, & l'ufage des Sacrements, qui nous le donne. Les échelons font les divers degrés de charité par lefquels l'on va de vertu en vertu, foit en s'abaiffant jufqu'à fervir le prochain,

& fouffrir fes foibleffes, foit en s'élevant par la contemplation jufqu'à l'union amoureuse de Dieu. Or considérez, je vous prie, comme ces bienheureux Anges, revêtus d'un corps humain, defcendent & montent par cette échelle, & nous représentent bien les vrais dévots qui ont un efprit angélique. Ils nous paroiffent jeunes, & cette jeunesse nous marque la force & l'activité fpirituelle de la dévotion. Leurs ailes nous figurent le vol & l'élancement de l'ame en Dieu par la fainte Oraifon : mais en même temps ils. ont des pieds, & cela nous apprend que nous devons vivre fur la terre, avec les autres hommes, dans une fainte & paifible fociété. Leur beauté & la joie peinte fur leur vifage, nous marquent la douce tranquillité avec laquelle il faut recevoir tous les événements de la vie : & leur tête nue, auffibien que leurs bras & leurs pieds, nous font penfer que l'on ne doit rien mêler dans fes intentions & dans fes actions avec le motif de plaire à Dieu. Le reste de leur corps eft couvert d'une robe fort légere, pour nous apprendre que dans la néceffité de fe fervir du monde & des biens du monde, il n'en faut prendre que ce qui eft purement néceffaire.

Croyez-moi donc, Philothée, la dévotion eft la reine des vertus, puifqu'elle eft la perfection de la charité elle eft à la

charité ce que la crême eft au lait, la fleur à une plante, l'éclat à une pierre précieuse, & l'odeur au baume. Oui, la dévotion répand par-tout cette odeur de fuavité qui conforte l'efprit des hommes, & qui réjouit les Anges.

CHAPITRE II.

Que la Dévotion convient à tous les états de la vie.

L

E Seigneur créateur commanda aux arbres de porter du fruit, chacun felon fon efpece; & il commanda encore à tous les Fideles, qui font les plantes vivantes de fon Eglife de faire de dignes fruits de piété, felon leur état & leur vocation : car les regles n'en font pas les mêmes pour les gens de qualité & pour les artifans; pour les Princes & pour le peuple ; pour les maîtres & pour les domeftiques; pour une femme mariée & pour une fille, ou pour une veuve : & il faut même accommoder toute la pratique de la dévotion à la fanté, aux affaires, & aux devoirs de chaque particulier. En vérité, Philothée, feroit-ce une chofe louable, qu'un Evêque fût folitaire comme un Chartreux; que les perfonnes

mariées ne penfaffent pas davantage à amaffer du bien que les Capucins; qu'un Artifan für affidu à l'Office de l'Eglife, comme un Religieux l'eft au Choeur; & qu'un Religieux fût autant expofé à tous les exercices de la charité envers le prochain qu'un Evêque? Cette dévotion ne feroit-elle pas ridicule, déréglée & infupportable? Cependant c'est ce que l'on voit fouvent; & le monde, qui ne fait pas faire, ou qui ne veut pas faire ce difcernement entre la dévotion & l'indifcrétion des perfonnes qui la prennent de travers, la blâme avec beaucoup d'injuftice.

Non, Philothée, la véritable dévotion ne gâte rien, & même elle perfectionne tout: de forte que fi elle répugne aux devoirs légitimes de la vocation, elle n'eft qu'une fauffe vertu. L'Abeille, dit Ariftote, laiffe les fleurs, dont elle tire fon miel, auffi fraîches & auffi entieres qu'elle les a trouvées ; mais la véritable dévotion fait encore mieux: nonfeulement elle ne bleffe en rien les devoirs des différents états de la vie ; elle leur donne même un nouveau mérite, & elle en fait le plus bel ornement. L'on dit que fi on jette dans le miel quelques pierreries que ce foient, elles y prennent toutes plus d'éclat qu'elles n'en ont, fans qu'aucune y perde rien de fa couleur naturelle. C'eft ainfi que la piété étant bien établie dans les familles, tour En

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