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fortune bien inférieure. Dépouillé de tout, hors d'état de pourvoir aux besoins d'une fille unique, nommée Hortense, il l'abandonne aux soins de Lisimon, son oncle, qui passe pour son père. Le chevalier, frère de Damon, amoureux d'une certaine Angélique, paraît, toute-fois, vouloir faire épouser cette dernière à son frère, et s'attacher à une vieille et sourde Araminte, tante de sa maîtresse; tout cela, dans l'espoir qu'Angélique et Damon ne pourront se convenir, et qu'il réussira à tirer de la tante, une dot capable de lui assurer la nièce; en effet, il n'est point trompé dans son attente. Le sérieux Damon paraît un pédant aux yeux d'Angélique, qui ne paraît qu'une extravagante aux regards de Damon. Il est subjugué par la douceur d'Hortense, et, dès la seconde entrevue, il se détermine à l'épou→ ser, quoiqu'instruit, par elle-même, du mauvais état de så fortune. Son empressement et sa joie redoublent, en apprenant qu'Hortense est fille de son ami Beauval; et, ce qui est assez rare, c'est que le père de Damon approuve ce mariage désintéressé.

On trouve, dans cette comédie, un grand nombre de tirades brillantes; mais des tirades ne font point une pièce z elles ne suffisent pas même pour faire une bonne scène. L'au teur aurait pu mieux lier son intrigue, et tirer meilleur parti de ce fonds qui, par lui-même, est assez heureux. Le rôle de la sourde pensa d'abord faire tomber sa pièce, et en fit ensuite le succès. Il faut avouer qu'une infirmité n'est point un ridicule; mais ce n'est point la surdité d'Araminte que l'auteur a voulu jouer; ce sont les soins inutiles et risibles que se donne cette vieille coquette pour se cacher. Du reste, ce rôle tient de l'ancienne comédie, où il était encore permis de faire rire. Enfin, si le tissu de cet ouvrage ne caractérise pas un grand maître, il annonce du moins un homme qui pouvait le

devenir. L'auteur veut toujours paraître, et, par conséquent, c'est toujours aux dépens du personnage. L'envie de faire des vers l'empêche de faire des scènes, ce qui produit le défaut d'action dans sa comédie; mais les caractères y sont bien marqués, bien soutenus et bien contrastés : c'est la preuve la plus forte du talent de l'auteur pour le genre comique. Au reste, la morale de cette pièce est excellente, et le rôle du jeune homme raisonnable a des morceaux de la plus grande beauté.

MARIAGES DU CANADA (les), opéra-comique en un acte, par Lesage, à la foire Saint-Laurent, 1734.

Dans le prologue de cette pièce, l'Impression et la première représentation des ouvrages de théâtre, se disputent; et, avant que de plaider leur cause, elles adressent à Apollon' cette prière, dans laquelle on se moque des beaux-esprits qui s'assemblaient à l'If du Luxembourg pour critiquer les ouvrages nouveaux.

Grand juge consul du Permesse,
Vous savez notre différend;
De grâce, réglez notre rang
Par un arrêt plein de sagesse,

Par un arrêt définitif,

Tel que vous en rendez à l'If.

MARIAMNE, tragédie en cinq actes, par Alexandre Hardy, 1610.

que

Il n'est rien de plus connu dans l'histoire la mort de Mariamne. Les causes, les circonstances et les suites de co fâcheux événement sont décrites fort au long par Joseph, dans le quinzième livre de ses Antiquités ; c'est - là qu'Alexandre Hardy a puisé son sujet.

Hérode, après avoir fait égorger la famille royale des Asmonéens, autant par politique que par amour, épousa Mariamne, seul rejeton de cette famille illustre ; mais cette princesse le traita toujours avec autant de fierté que de mépris. Jusqu'ici l'amour qu'il avait conçu pour Mariamne lui avait fait pardonner tous ses dédains; mais Pherore, frère d'Hérode, et sur-tout Salome, sœur de ce tyran, ont juré la perte de la reine. Ils assiégent l'âme inquiète et cruelle d'Hérode, et la trouvent disposée à recevoir les impressions qu'ils veulent lui donner : enfin, c'est ici comme dans l'histoire. Au second acte, un page, envoyé par Hérode, vient de sa part prier la reine de passer dans son cabinet : « Sais-tu pourquoi, lui dit Mariamne?» Voici sa réponse :

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LE PAGE.

« L'indice ne me donne autre suasion,

» Fors que de sa Junon de son âme démie

» L'absence le travaille.

MARIAM NE.

O faveur ennemie !

» Sévère mandement ! las ! que tu m'es amer!

>> Mais allons lui donner une œillade forcée, etc. »

Elle sort, et, pendant son absence, Salome fait ses efforts auprès de l'échanson pour le décider à servir sa vengeance, en accusant Mariamne d'avoir voulu le séduire pour empoisonner le roi. Furieux contre son épouse, Hérode ouvre le troisième acte. Entendez-le lui-même; il va vous expliquer la cause de sa juste colère :

<< Serpent enflé d'orgueil, fère ingrate sortie,

»Ne m'espère jamais de regards captieux

» Amolir courroucé; non, désormais n'espère
» Que ce refus ne soit ta ruine dernière.

» Dédaigner mes faveurs, mes flâmes mespriser!
» Le devoir d'une femme au mary refuser ?

» Voir que d'humilité je te prie et reprie

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D'appaiser de mes feux l'amoureuse furie? etc. >>

Voilà le crime de Mariamne, et ce qui détermine Hérode à la faire mourir; mais aussitôt qu'il apprend que ses ordres ont été exécutés, bourrelé de remords, il s'abandonne au plus affreux désespoir. C'est ainsi que se termine cette pièce.

MARIAMNE, tragédie en cinq actes, en vers, par Tristan-l'Hermite, aux Français, 1636.

et tous deux

Tristan a suivi Alexandre Hardy pas à pas, ont suivi l'histoire dans laquelle ils ont trouvé leurs tragé→ dies. L'historien leur a fourni non-seulement les personnages, leurs intérêts et leurs caractères, mais encore l'économie du poème et la distribution de toutes ses parties. Sous çe dernier rapport, la tragédie de Tristan n'est donc pas moins ridicule que celle de Hardy; mais le style en est plus jeune et conséquemment moins obscène. Ce sont les mêmes idées, quelquefois les mêmes expressions, mais infiniment mieux digérées. On peut ajouter à la gloire de Tristan,ce qui justifie le prodigieux succès de sa tragédie, qu'elle est bien écrite pour le tems;la rime, sur-tout,est d'une richesse extraordinaire; et, cequi vaut mieux encore, c'est qu'on n'y trouve, pour ainsi dire, aucune cheville. Voici comment il fait parler Hérode, dans cette scène scandaleuse qu'on a vu chez Hardy. Ce sont les mêmes motifs. Il dit à Mariamne, qu'il chasse de sa chambre :

<< Sors vîte de ma chambre, et n'y rentre jamais!
» Te rendre inexorable alors que je te prie !
Ingrate, mon amour se transforme en furie;

Hérode, après avoir fait égorger la famille royale « Asmonéens, autant par politique que par amour, épou Mariamne, seul rejeton de cette famille illustre ; mais ce princesse le traita toujours avec autant de fierté que de n pris. Jusqu'ici l'amour qu'il avait conçu pour Mariamne avait fait pardonner tous ses dédains; mais Pherore, fr d'Hérode, et sur-tout Salome, sœur de ce tyran, ont juré perte de la reine. Ils assiégent l'âme inquiète et crue d'Hérode, et la trouvent disposée à recevoir les impressic qu'ils veulent lui donner : enfin, c'est ici comme dans l'h toire. Au second acte, un page, envoyé par Hérode, vic de sa part prier la reine de dans passer son cabinet : «< Sais» pourquoi, lui dit Mariamne? » Voici sa réponse :

LE PAGE.

« L'indice ne me donne autre suasion,

» Fors que de sa Junon de son âme démio

» L'absence le travaille.

MARIAM NE.

O faveur ennemie !

» Sévère mandement ! las! que tu m'es amer!

» Mais allons lui donner une œillade forcée, etc. »

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Elle sort, et, pendant son absence, Salome fait ses efforts auprès de l'échanson pour le décider à servir sa vengeance, en accusant Mariamne d'avoir voulu le séduire pour empoisonner le roi. Furieux contre son épouse Hérode ouvre le troisième acte. Entendez-le lui-même; il va vous expliquer la cause de sa juste colère :

<< Serpent enflé d'orgueil, fère ingrate sortie,

»Ne m'espère jamais de regards captieux

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