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» Ainsi j'ai subjugué Solime et la Judée

» Ainsi j'ai fléchi Rome à ma perte animée;

>> Et toujours enchaînant la fortune à mon char,
» Je fus l'ami d'Antoine, et le suis de César. »

Comme Mariamne écoutait avec trop de tranquillité une déclaration d'amour, et ne s'offensait pas assez de l'insulte faite à sa vertu, la parodie, intitulée : Le Mauvais Ménage, relevait ainsi ce défaut :

« La déclaration, quoiqu'à vrai dire, obscure,
» Paraît à mon honneur une cruelle injure;

» Une autre, à vos discours, voudrait n'entendre rien;
» Mais, malgré ma vertu, moi je vous entends bien.
» Je vois que vous m'aimez; et, comme je suis honne,
» Je plains votre faiblesse, et je vous le pardonne;
>> Quoiqu'un juste courroux en dût être le prix,
» Pour si peu, doit-on rompre avec ses bons amis?
» Je sais bien qu'on ne peut jamais m'aimer sans crime;
» Et pourtant j'ai toujours pour vous la même estime.
» Pour la première fois, c'est vous donner beau jeu :

>> Si vous m'entendez mal, c'est votre faute ; adieu. »

J.-B. Rousseau écrivit la lettre suivante sur Mariamne. Voltaire en ayant eu connaissance, elle devint la source des querelles de ces deux grands hommes. La voici :

« J'ai enfin eu le plaisir de considérer à mon aise cette >> merveilleuse superfétation dramatique, ou, si vous voulez, » le second accouchement d'un avorton remis dans le ventre » de sa mère, pour y prendre une nouvelle nourriture. La >>formation, pour tout cela, ne m'en a pas paru plus régu» lière; et je vous avoue que, depuis la tête jusqu'à la queue, je n'ai pas vu de monstre dont les parties fussent plus disjointes et plus mal composées. Tout est précipité dans ce

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> ouvrage, sans nulle forme de raison ni de vraisemblance; et >> il n'y a aucune chose qui dût arriver, si un seul des acteurs » de la pièce avait le sens commuu. Mariamne est une idole >> froide et insipide, qui ne sait ni ce qu'elle fait, ni ce qu'elle » veut. Varus est un étourdi, qui prend aussi mal ses me>>sures sur le Jourdain que sur le Danube. Hérode, avec sa politique, est la plus grande dupe et le plus imbécille de la >> troupe; Salome, une malheureuse qui mériterait une pu>nition exemplaire; et Mazaël un fripon mal-adroit, qui, >> loin de s'acccommoder aux intentions de son maître, le

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beurte d'une façon à se faire mettre entre quatre murailles, » si Hérode n'était pas un aveugle, aussi fou que l'auteur qui le fait agir. Varus promet toujours, et ne fait que de > l'eau claire; Mariamne veut se sauver, et perd le tems à » faire son paquet; Hérode, qui arrive entouré de peuple et » de courtisans, trouve moyen d'aller chez sa femme, en » bonne fortune, sans que personne s'en apperçoive. Le » même Varus, obligé par ordre du sénat, d'installer ce roi » réhabilité, qui ne peut être reconnu sans cela, a l'adresse » de se dérober à sa vue dans son palais même ; et Hérode, » avec ses sujets, qui ne le sont point encore, et qui le haïs-» seut mortellement, veille Varus et les Romains, tout » maîtres qu'ils sont dans ses états. Mariamne se réconcilie avec son mari; et, dans le tems qu'ils sont ensemble, il sur» vient un accident qui la déshonore; et elle le laisse partir sans se justifier. Mais la fin est ce qu'il y a de plus ridicule. Il est arrivé un tumulte ; l'échafaud est » renversé ; on ne sait ce qu'est devenue Salome, qui apparemment a pris soin de se bien cacher, sans quoi » elle aurait mal passé son tems. Mariamne est sur » le théâtre. Varus vient de la quitter, retournant au >> combat; elle sort sans y être contrainte, avant que la

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» querelle soit décidée. Hérode arrive dans l'instant même » et à peine a-t-il prononcé douze vers, qu'il se trouve » que l'échafaud est redressé, que Salome y a fait con» duire en cérémonie Mariamne, et et que la pauvre reine « a été décapitée aussi tranquillement, que si de rien » n'était, quoique le récit de sa mort, tout abrégé qu'il » est, occupe quatre fois plus de tems, que l'auteur » n'en a donné à toutes ces opérations. En vérité, si » l'auteur a négligé le merveilleux dans son poème de » la ligue, c'est belle malice à lui; car je défie qu'on >> trouve rien dans les enchantemens de l'Arioste, qui » le soit autant que cette surprenante catastrophe. Le » pauvre Hérode n'avait garde de s'en douter. Aussi n'en » a-t-il rien su, que quand tout a été fait: mais tout » enragé qu'il est, il ne pense pas seulement à châtier » sa malheureuse sœur, par les conseils de laquelle il » s'est conduit dans toute la pièce, quoiqu'il la reconnaisse » pour une furieuse qui l'a rendu odieux par toute le terre. » Quant à ses fureurs, qui sont si animées et si touchantes » dans Tristan, malgré la vétusté du langage, elles ne sont »mises ici que pour la forme; car vous ne vites jamais > un sommaire de fureur plus abrégé que celui-là; et, si on les mettait en musique, elles ne dureraient pas >> autant que celle d'Atys. Voilà, monsieur, le précis << de ce chef-d'œuvre, qui, comme vous voyez, ne » semble pas moins fait contre la raison que contre » la rime, à laquelle le poëte en veut furieusement. »

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MARIAMNE, tragédie en cinq actes, en vers, par l'abbé Nadal, aux Français, 1725.

Appelé à la cour d'Auguste, Hérode y rend comptede sa conduite et se justifie; mais pendant son absence,

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Salome, sa sœur, femme artificieuse et vindicative, fait répandre le bruit de sa disgrâce et de sa mort, et intercepter toutes les lettres d'Hérode, à Mariamne; de manière que, maîtresse de toutes les nouvelles, elle les faits bonnes ou mauvaises selon que sa politique semble, l'exiger. Cependant Hérode arrive comblé des faveurs d'Auguste, et trouve sa cour dans une agitation qui donne matière à ses soupçons. Salome, comme dans les pièces précédentes accuse Mariamne d'avoir voulu le faire empoisonner; mais cette reine trouve un défenseur, dans son fils Alexandre, qui joue ici un très-beau rôle.. Ainsi qu'on l'a déjà vu, elle est condamnée par le conseil d'Hérode: Soesme, ministre d'Hérode, est mis à mort sur un simple soupçon. A la fin on parvient à lui faire ouvrir les yeux, et il fait venir l'accusateur de Maiamne. Celui-ci lui découvre la trame dont il a été un des principaux fils, et se tue. Mais tandis qu'Hérode cherche à découvrir la vérité, Salome profite des instans et fait périr Mariamne; ainsi, elle ne triomphe de ses ennemis qu'après sa mort. En proie au plus affreux désespoir Hérode jure de venger l'innocente Mariamne.

L'intérêt de cette tragédie est suspendu avec beaucoup d'art; le caractère d'Hérode est un mélange de fermeté et de faiblesse, de vertus et de vices: Hérode est ici, comme nous l'a transmis l'histoire, soupçonneux et toujours inquiet; aussi se laisse-t-il facilement séduire et s'abandonne-t-il aveuglément aux perfides conseils de ses ennemis; mais, dès qu'il découvre la vérité, il veut réparer ses torts; il n'est plus tems. Mariamne est plus digne de pitié, en ce que, malgré les crimes d'Hérode, elle conserve pour lui l'intérêt et l'attachement que lui inspirent les titres d'époux et de pères Quand elle est accusée, elle ne cherche point à se justifier d'une Tome VI. H

inculpation odieuse qu'elle a lieu de croire l'ouvrage d'Hérode, elle ne lui parle qu'avec une noble fierté; qu'avec cet orgueil qui sied à l'innocence. Si dans son entrevue avec Hérode, elle ne répond pas à ses transports, c'est moins par mépris pour lui, que par l'indignation que lui inspire sa conduite avec Auguste. Salome est la même partout. Ce sont ses perfides insinuations, ce sont ses fureurs qui forment l'intrigue, l'action et le dénouement de la tragédie. Mais les ressorts, qu'on lui fait jouer dans celle-ci, sont infiniment plus déliés que dans celle de Tristan, qui, comme nous l'avons déjà dit, n'a fait que recrépir celle de Hardy; quant au style de l'abbé Nadal, il a souvent de l'élégance, de la correction et même de la force.

MARIAMNE, opéra comique, en un acte, en prose, tiré du roman de Mariamne de Marivaux, par Favart et Panard, à la foire Saint-Germain, 1737.

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Valville, déguisé en laquais, remet une lettre à sa maîtresse Mariamne, après l'avoir lue, reconnaît son amant. Valville se jette à ses pieds dans ce moment M. Duclimat les surprend : Mariamne se retire. La scène entre l'oncle et le neveu est assez plaisante; Valville avoue son amour à M. Duclimat et s'accuse de ressentir la même passion. L'hypocrisie de M. Duclimat se manifeste dans une autre scène qui a lieu entre lui et Mariamne. Il a la honte d'être raillé par Valville, qui entend une partie de sa conversation. Mariamne y est comme dans le roman reconnaissante et généreuse à l'excès. Sa vertu est aussi dignement récompensée. Elle se trouve fille de madame d'Orsin, et digne, par sa

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