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péril seul l'a contraint à cette alliance, si éloignée de ses sentimens, dès qu'il ne craint plus, il ne songe qu'aux moyens d'accabler son ennemi, et il ordonne à Cécilie de le servir et d'y engager Pompée, qu'il lui promet pour époux. C'est ici que la vertu et l'amour combattent dans le cœur de Cécilie; mais la vertu demeurant la maîtresse, Cécilie se résout à épouser Marius, pour lui sauver la vie; elle fait plus elle force Pompée à prendre l'intérêt de cet infortuné. Enfin, Marius, abandonné des siens, et craignant de tomber au pouvoir de son ennemi, se perce le sein.

Boyer était singuliérement prévenu en faveur de cette tragédie, qu'il regardait comme un morceau travaillé avec beaucoup de soin, et inaccessible aux traits de la critique. Dans cette idée, il en fit la dédicace à M. de Colbert, pour le remercier de la pension qu'il venait d'obtenir par son crédit.

MARIVAUX (PIERRE CARLET DE CHAMBLAIN DE), auteur dramatique, membre de l'Académie française, né à Paris en 1688, mort dans la même ville en 1763.

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Presque tous les ouvrages de Marivaux respirent l'enjouement et la finesse, et supposent, assez généralement, nne imagination vive, et un caractère d'esprit singulier. Parmi les romans de sa composition, la Vie de Marianne, et le Paysan Parvenu, occupent le premier rang; mais par une inconstance peu commune, il quitta l'un pour commencer l'autre, et n'acheva aucun des deux. Nous avons de lui un grand nombre de pièces de théâtre, ne sont pas toutes du même mérite. Celles qu'on regarde comme les meilleures sont: la Surprise de l'Amour, le Legs et le Préjugé vaincu, au théâtre français; et, au théâtre italien, la Surprise de l'Amour, la Double Inconstance et

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l'Epreuve. Les autres sont intitulées : L'Amour et la Vérité; Arlequin poli par l'Amour; le Prince Travesti; la Fausse Suivante; l'Ile des Esclaves; l'Héritier de Village; le Triomphe de Plutus; la Nouvelle Colonie; le Jeu de l'Amour et du Hazard; le Triomphe de l'Amour; l'École des Mères; l'Heureux Stratagême; la Méprise; la Mère confidente; les Fausses Confidences; la Joie imprévue; les Sincères; la Dispute; la tragédie d'Annibal ; le Dénouement imprévu; l'Ile de la Raison; la Réunion des Amours; les Sermens indiscrets; le Petit-Maître corrigé; le Père prudent et équitable; l'Amante frivole; e Chemin de la Fortune; la Femme fidèle; Félicie et es Acteurs de bonne foi.

Voyant qu'il lui était, sinon impossible, du moins trèsdifficile de se faire un nom dans la comédie de caractère, Marivaux prit le parti de composer des pièces d'intrigue, et, dans ce genre, qui peut-être varié à l'infini, ne voulant suivré d'autre molèle que lui-même, il se fraya une route nouvelle. Bientôt il introduisit la métaphysique sur la scène, et il analysa l'esprit humain dans des disserta-' tions tendrement épigrammatiques. Aussi le canevas de ses comédies n'est-il ordinairement qu'un tissu fort léger, dont l'ingénieuse broderie, ornée de traits plaisans, de pensées fleu-' ries, de situations neuves, de reparties agréables, de saillies fines, exprime ce que les replis du cœur ont de plus caché, ́ et ce que les rafineméns de l'esprit ont de plus delicat. Mais cette subtilité métaphysiquement comique, n'est pas le seul caractère de son théâtre : ce qui le distingue principalement, est un fonds de philosophie, dont les idées, développées avec finesse, filées avec art et adroitement accomodées à la scène, ont pour but le bien de l'humanité. Quoiqu'on reproche à Marivaux de trop disserter sur le

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sentiment, ce n'est cependant pas le sentiment qui domine dans la plupart de ses comédies; mais lorsqu'elles manquent d'un certain intérêt de cœur, il y existe presque toujours un intérêt d'esprit qui le remplace. Peut-être qu'un peu plus de précision y jetterait plus de chaleur., et que, si le style en était moins ingénieux, il serait plus naturel. Il faut en conclure que les défauts que l'on remarque dans les ouvrages dramatiques de Marivaux, ne viennent que d'une surabondance d'esprit qui fait tort à la délicatesse de son goût. Tels sont ces dialogues si ennuyeux, entre des interlocuteurs qui regorgent d'esprit et manquent de sens; qui épuisent une idée et jouent sur le mot, pour égayer ridiculement un tissu de scènes métaphysiques; ces tristes analyses du sentiment qui ne peignent ni les mœurs, ni les ridicules des hommes ; ces refléxions subtiles qui suffoquent les spectateurs; ces métaphores toujours neuves à la vérité, mais souvent hardies et quelquefois hazardées; ces expressions détournées, qui n'ont de piquant que leur association. Ce que j'ai traduit d'après vos yeux; des amans sur le pavé ; des caurs hors de condition; des yeux qui violeraient l'hospitalité, sont des façons de parler qu'on désaprouve avec peine, comme certains criminels que l'on ne condamne qu'à regret.

Persuadé que la subtilité épigrammatique de son esprit, et la singularité de son style, plairaient assez, sans le secours de la versification, Marivaux a écrit en prose toutes ses comédies. Ses succès lui firent d'abord des partisans et bientôt il eut des imitateurs. Une foule d'auteurs subalternes s'embarassèrent dans un labyrinte de phrases, qui devint à la mode. Heureusement qu'ils n'avaient ni l'esprit, ni le mérite de leur chef, et que, ne copiant que ses défauts, ils n'offrirent dans leurs écrits qu'un jargon

précieusement ridicule. Des cris s'élévèrent de toutes parts pour le proscrire, et l'on convint qu'il ne serait souffert désormais que dans les ouvrages de Marivaux, où il s'est, pour ainsi dire, identifié avec les grâces de son esprit.

MARLET (l'abbé) a fait la musique d'une pastorale intitulée : Jésus naissant, adoré par les Bergers, dont les paroles sont de l'abbé Bonvalet des Brosses. Elle fut représentée à Paris, en 1744, par les demoiselles de l'Enfant-Jésus.

MARMONTEL (Jean François), auteur dramatique, membre de l'Académie française, né à Bort en 1723, mort à Abbeville en 1799.

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Les hommes de génie impriment à leurs ouvrages un.caractère particulier qu'il est facile de distinguer imitateurs de la nature, ils la peignent comme ils l'ont vue main hardie, ils burinent sans hésiter ses principaux traits. Leurs tableaux, leurs dessins, leur coloris, tiennent à leur âme, et, quoiqu'ils n'aient qu'un modèle, ils ne le peignent pas de la même manière, parce qu'ils ne le voyent pas avec les mêmes yeux. Les uns, comme Corneille, ne montrent de nos passions que ce qu'elles ont de grand, de sublime et de terrible; les autres, comme Racine, n'en retraçent que ce qu'elles ont de tendre, de funeste et de déchirant. Ceux-ci impriment la terreur, ceux-là excitent la pitié; aussi leur style se fait-il facilement reconnaître. Aucun homme, pour peu qu'il ait de tact, n'attribuerait à Corneille des vers do Racine, ni à celui-ci des vers de Corneille. Il n'en est pas de même des successeurs de ces grands hommes; ce n'est plus seulement la nature qu'ils imitent, c'est encore la mapière de leurs prédécesseurs aussi leurs ouvrages ont-ils

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une uniformité, qui fait qu'on ne les distingue pas facilement les uns des autres. C'est ainsi que Voltaire tient tout-à-la fois de Corneille et de Racine, quoiqu'il ait un caractère particulier, la profondeur des pensées, et la précision du style. Marmontel qui fut l'imitateur de ces trois grands hommes, empruntant tour-à-tour leur manière, s'est formé un style pur et correct à la vérité, mais qui n'a rien de caractéristique, et qu'on peut facilement confondre avec celui de Laharpe, son contemporain.

Envisagé sous ce rapport, Marmontel n'occupe que le troisième rang parmi les poëtes tragiques, tandis que Corneille et Racine sont seuls au premier, et que personne ne se place à côté de Voltaire et de Crébillon. Dans le tems de Corneille, Marmontel n'eut point été poëte, parce que, pour être inspiré, il avait besoin de l'exemple de ses prédécesseurs. Enfin, il n'avait ni assez de force pour se frayer une route nouvelle, ni assez de génie pour peindre d'original; mais il avait tous les talens qui font un excellent imitateur.

D'une famille honnête, mais peu riche, Marmontel éprouva dans sa jeunesse beaucoup de difficultés pour perfectionner son éducation; toutefois avec du zèle et de la persévérance, et une certaine souplesse, qui n'avait rien de bas, il vint à bout de les vaincre, et de se faire de l'étude des lettres un état fixe, qui le mit à même de s'avancer dans le monde, et de devenir le protecteur de sa famille. Ce fut à Toulouse qu'il débuta dans la carrière littéraire, par plusieurs pièces qui remportèrent le prix à l'Académie des jeux floraux. Ces succès l'enhardirent, et il osa offrir ses premiers essais à Voltaire. Ce grand homme l'encouragea, le fit venir à Paris, et fut à la fois son Mécène et son Aristarque. It Jui conseilla d'entrer dans la carrière dramatique. Fidèle aux

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