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de lui parler. Alors il lui demande, comme une preuve du res tour qu'elle donne à sa passion, de laisser tomber à ses pieds une rose qu'elle tient entre ses doigts. Clémentine a beaucoup de peine à lui accorder cette faveur; mais enfin la rose échappe de sa main. Le Magnifique se félicite et triomphe, en ayant l'air d'être en colère contre Aldobrandin du silence obstiné de sa pupille. Cependant, la gouvernante fait venir Laurence, son mari. Cet esclave apprend à Clémentine que son père est avec lui à Florence, et que le Magnifique a racheté les captifs, et leur a rendu la liberté. Bientôt l'esclave reconnaît Fabio, valet d'Aldobrandin, et le suit. Le père de Clémentine, accompagné d'Octave, son bienfaiteur, fait avouer à Fabio que c'est lui qui, par ordre d'Aldobrandin, a livré le maître et le domestique à des corsaires. Enfin, Aldobrandin est confondu et renvoyé de la maison, qui appartient au père de Clémentine; et la pupille, réunie à son père, épouse son amant.

MAGNON (Jean), auteur dramatique, naquit à Tournus, près Mâcon, et mourut à Paris, où il fut assassiné, en passant sur le Pont-Neuf, en 1662.

<< Si une vanité sans bornes et une extrême fécondité sont des titres suffisans pour mériter celui de bon auteur, nul autre dit Brossette, n'y peut mieux prétendre que Magnon. » Il nous apprend lui-même, dans l'avis au lecteur qu'il a mis en tête de sa tragédie de Jeanne de Naples, que peu de personnes ont eu de plus belles dispositions que lui pour la poésie. Il au rait dû ajouter que ses tragédies lui ont coûté moins de peine à composer qu'on n'en prend à les lire. L'Entrée du roi et de la reine dans Paris, ouvrage de sept cent cinquante deux vers, fut composé en moins de dix heures. Il dit quelque part qu'il projète un ouvrage de deux cents mille vers,intitulé la Science Universelle. On lui demandait un jour quand ce poëme Tome VI.

B

serait achevé? « Ce sera bientôt, dit-il, je n'ai plus que cent mille vers à faire; » et il le disait sérieusement. Pour entre→ prendre cet ouvrage, il avait renoncé aux pièces profanes du théâtre, ne voulant plus rien écrire, disait-il, qui le fit on rougir devant les hommes, ou repentir devant Dieu. Il se justifie même de l'impression de sa tragédie de Jeanne, reine de Naples, sur ce qu'elle avait été faite et représentée avant qu'il eût pris la résolution de consacrer sa plume à des ouvrages plus relevés et plus utiles. Cependant, il donna encore Zénobie, et nous n'avons pas sa Science Universelle. Ses autres pièces sont: Artaxerce, Josaphat, Séjanus, Tamerlan, le Mariage d'Oroondate et de Statira, et les Amans Discrets.

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MAGOTS (les), parodie en un acte, en vers, de la tragédie de l'Orphelin de la Chine, au théâtre Italien, 1756. Cette parodie eût du succès, et fut attribuée à M. Boucher, officier, alors au service de la Compagnie des Indes. On y trouve de la gaieté, mais le plan de la tragédie n'y est point suivi avec assez d'exactitude.

MAHOMET II, tragédie par de Châteaubrun, 1714. Le caractère de Mahomet, peint avec des traits si frappans par tous les historiens qui ont eu occasion de parler de cet empereur, est ici méconnaissable; et, quoique l'on ait écrit contre Bajazet, il s'en faut bien qu'il soit aussi poli dans Racine, que Mahomet l'est dans Châteaubrun. Les autres personnages de la tragédie de Mahomet Il sont beaucoup plus intéressans, à proportion, que le héros de la pièce, et la reconnaissance de Comnène avec sa sœur, attire une bonne par

tie de l'attention.

MAHOMET II, tragédie, par Lanoue, aux Français, 1739.

Comme le style de cette pièce est fort inégal, que le dialogue en est boursouflé et peu dramatique, que les scènes 'n'y sont pas d'ailleurs assez liées, elle ne dût pas avoir, à la lecture, autant de succès quelle en avait eu à la représentation. Ainsi le dénouement, qui avait été universellement condamné au théâtre, dût l'être, à plus forte raison, dans le silence du cabinet. Uu amant qui massacre brutalement sa maîtresse n'offre point un genre d'horreur propre à la tragédie; mais comment un homme, qu'on nous donne pour un héros aussi vertueux qu'amoureux, peut-il commettre une action horrible, barbare, et presque insensée ? C'est en vain qu'on se fonde sur la vérité du trait historique; outre que ce fait n'est pas certain, le poëte ne doit jamais s'écarter de ce précepte d'Horace :

Et que

Desperat tractata nitescère posse, relinquit.

En supposant même que cette affreuse catastrophe pût être admise; était-ce par un simple récit, que l'auteur devait terminer sa tragédie? La catastrophe devant être ce qu'il y a de plus vif, de plus frappant, de plus animé dans la pièce, un récit froid et languissant peut-il donc en tenir lieu? Racine l'a fait dans sa Phèdre, mais le récit de la mort d'Hyppolite, dans la tragédie de Phèdre, met, pour ainsi dire, sous les yeux du spectateur, le malheur arrivé à ce héros; mais la force des expressions et la vivacité des images, offrent à nos regards l'action même. Au reste, quoique le style de Mahomet II soit fort inégal, comme nous l'avons dit, on y trouve des morceaux de la plus grande beauté, une foule de vers pleins d'énergie, et des scènes parfaitement bien filées; enfin, on y voit répandu sur le style, un vernis oriental très-convenable au sujet. L'Aga des Janissaires est un de ces caractères dent Ba

l'effet est toujours sûr au théâtre. Celui de Mahomet est prés senté et développé de manière qu'il rend vraisemblable un dénouement, dont l'histoire paraît choquer la vraisemblance. Quoiqu'il en soit, Voltaire gratifia Lanoue de ces vers, à la fois flatteurs et plaisans:

Mon cher Lanoue, illustre père

De l'invincible Mahomet,

Soyez le parrain d'un cadet,

Qui, sans vous, n'est point fait pour plaire.
Votre fils fut un conquérant :

Le mien a l'honneur d'être apôtre,

Prêtre, filou, dévot, brigand,

Faites-en l'aumônier du vôtre.

MAHOMET II, opéra en trois actes, par M. Saulnier, musique de M. Jadin, à l'Opéra, 1803.

Mahomet II ressent un amour violent pour Éronime; mais le cœur de cette femme appartient à Soliman, qui lui a sauvé la vie lors de la prise de Constantinople. Cependant Racima, sultane ci-devant favorite, s'imagine très-mal à propos que Soliman est amoureux d'elle, et veut profiter de l'obscurité de la nuit pour faire périr sa rivale. Dans un moment où ce dernier se trouve à un rendez-vous que lui a donné Éronime, Racima lui remet le poignard qui doit servir sa vengeance. Bientôt Mahomet survient; et, à la faveur de l'obscurité, surprend le fatal secret de la sultane; Soliman fuit du Serail avec son amante ; mais on les ramène aux pieds du sultan, et les deux amans sont plongés dans un cachot, d'où ils sont retirés par des rebelles. Mahomet, alors, songe à se défendre contre Racima, qui vient l'attaquer. Tout-à-coup Soliman paraît et le défend; enfin, la sultane est vaincue et mise à mort par les ordres de Mahomet, qui renonce à son

amour, et unit Soliman à Éronime.

MAHOMET, ou LE FANATISME, tragédie de Voltaire, aux Français, 1742.

Le Mahomet de Voltaire est si connu, que nous nous croyons dispensés d'en donner l'analyse : tout le monde a vu ou lu cette pièce, qui est peut-être, de toutes les tragédies de Voltaire, celle où il règne le plus d'élévation de génie. Le caractère de Mahomet est tracé de main de maître; il ne se dément point, et forme un heureux contraste avec celui de Zopire. Il est peu de scènes aussi savamment traitées, que celle qui se passe entre ces deux ennemis, et l'on est forcé d'admirer l'art avec lequel Voltaire a su ménager à un imposteur cette occasion, peut-être unique, de parler sans feinte, et sans risque de se compromettre. L'auteur, dans son quatrième acte, épuise tous les ressorts de la terreur et de la pitié dans le cinquième, Seïde, empoisonné, meurt au moment qu'il veut frapper Mahomet. Il y aurait de l'humeur à disputer au poëte le droit d'avancer ou de reculer l'instant de cette mort, sur-tout lorsqu'il a eu soin de la préparer; mais on pourrait lui reprocher de faire triompher le crime. Tout ce que l'on peut dire pour son excuse, c'est que le désespoir que la mort de Palmire cause à Mahomet, rend ce triomphe plus supportable.

Cette tragédie éprouva beaucoup de critiques, mais elle en triompha. Voltaire ayant été averti que le procureurgénéral voulait la dénoncer, la retira dès la troisième représentation. Crébillon, alors censeur de la police, lui refusa son approbation; mais ce fut inutilement. L'auteur eût le crédit de faire une lecture de sa pièce au cardinal de Fleury, et ce prélat donna l'ordre de la laisser jouer. Toutefois, craignant que le procureur-général ne leur fit un mauvais parti, les comédiens ne voulurent pas continuer les représentations. Elle fut enfin représentée le 3 juin 1751; et, depuis cette époque,

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