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tous présentèrent leur supplique, excepté Sabas. Comme l'Empereur le pressait de s'expliquer, il se contenta de le prier de rendre la paix à l'Eglise, et de ne plus persécuter ses ministres. Anastase lui donna mille pièces d'or, pour être employées à des œuvres de charité. Sabas passa l'hiver à Constantinople, et se présenta souvent devant l'Empereur pour solliciter ce qui faisait le principal objet de la députation. Anastase avait fait tenir à Sidon un conciliabule où l'on avait condamné le concile général de Calcédoine, et les évêques qui refusèrent de souscrire à cette condamnation furent bannis. Il épargna cependant le patriarche de Jérusalem, d'après les représentations réitérées de Sabas. Il renvoya le saint abbé après lui avoir donné des marques de son estime et de son respect. Sabas retourna

dans sa solitude.

Justin, successeur d'Anastase, favorisa les catholiques, et rendit la paix à l'Eglise. Sabas profita de cette occasion pour aller à Césarée, à Scytopolis et en d'autres lieux. Il instruisait les moines et les fidèles qui s'étaient laissés séduire, et il en porta un grand nombre à abjurer l'hérésie.

Une sécheresse, qui affligea la Palestine pendant cinq ans, fut suivie d'une famine générale dans le pays. Sabas eut recours à la prière, et il eut de quoi pourvoir aux besoins de ses monastères. A la fin il obtint du Ciel une pluie abondante, qui répandit une joie universelle dans la Palestine.

Il avait quatre-vingt-onze ans, lorsqu'à la prière de Pierre, patriarche de Jérusalem, il entreprit un second voyage à Constantinople. L'objet de ce voyage était de justifier les chrétiens de la Palestine qu'on avait calomniés à la cour. Justinien, qui occupait alors le trône impérial, le reçut honorablement, et lui accorda tout ce qu'il demandait. Il lui offrit même des revenus annuels pour la subsistance de ses monastères. Le saint abbé le remercia, T. XVIII.

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en lui répondant que ses religieux n'auraient point besoin de ces revenus, tant qu'ils serviraient Dieu. Mais il le pria d'exempter d'impôt, pour un certain temps, le peuple de la Palestine, ruiné par les ravages des Samaritains; de bâtir un hôpital à Jérusalem pour les pélerins, et une forteresse pour mettre les anachorètes et les moines à l'abri des incursions des Barbares; de donner quelques ornemens à l'église qui venait d'être fondée sous l'invocation de la Sainte-Vierge; d'accorder enfin sa protection aux catholiques. L'Empereur ne lui refusa rien de ce qu'il avait demandé.

Un jour que Justinien traitait, en la présence du Saint, quelques affaires qui le regardaient, Sabas le quitta à l'heure de tierce pour aller prier. Jérémie, son compagnon, lui représenta que ce qu'il faisait ne convenait pas au respect dû à la majesté impériale. « Mon fils, lui dit-il, l'Empereur fait son devoir, et nous devons faire le nôtre. » Cette réponse prouve jusqu'à quel point il était fidèle à l'accomplissement de ses devoirs.

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Sabas revint en Palestine avec les ordres de l'Empereur, qui furent remis aux magistrats de Jérusalem, de Scytopolis et de Césarée, et partout exécutés avec exactitude. Peu de temps après son retour dans sa laure, il tomba malade. Le patriarche lui persuada de se faire porter à une église voisine, où il le servit de ses propres mains. Le Saint souffrait avec une patience et une résignation admirable les douleurs les plus aiguës. Sentant approcher sa dernière heure, il se fit rapporter dans sa laure, il désigna pour son successeur Mélitas de Béryte, auquel il donna d'excellentes instructions. I vécut encore quatre jours, pendant lesquels il ne vit personne, et ne s'entretint qu'avec Dieu. Il mourut le 5 Décembre 532 (1), à l'âge de quatre

(1) Non en 531, comme M. Jos. Assémani l'a démontré contre Baronius et d'autres auteurs,

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vingt-quatorze ans. Il est nommé en ce jour dans les calendriers grecs et latins.

Les moines de Sabas devinrent ses persécuteurs ; sa vertu leur était importune; ils traitaient son exactitude de scrupule et de rigorisme; ils furent long-temps insensibles à ses remontrances pleines de douceur et de charité; ils ne profitèrent pas davantage des instructions qu'il leur donnait, et qu'il soutenait par l'exemple d'une admirable sainteté. Il n'est pas rare de voir encore des hommes qui se laissent aveugler par leurs passions, qui se dissimulent leurs vices, et qui s'endorment dans une fausse sécurité. Que la conversion de cette sorte de pécheurs est difficile ! Il y a moins à désespérer d'un pécheur qui se reconnaît pour tel, que de celui qui s'appuie sur une fausse justice. L'un sent sa misère, au lieu que l'autre se couronne de ses propres mains; on l'entend même, comme l'orgueilleux Pharisien de l'Evangile, faire son éloge ou du moins son apologie. Rien cependant de plus commun que cet aveuglement; on cherche tous les jours à pallier ses crimes; on se fait une fausse conscience; on imagine des prétextes pour justifier ce qu'il y a de plus condamnable. Souvent, dit saint Augustin, nous appelons saint ce qui flatte nos passions. Si nous voulons éviter la perte éternelle de notre âme, nous devons mourir à nous-mêmes, mortifier nos inclinations, et ne jamais les prendre pour guides. Défions-nous de nousmêmes, examinons, sondons notre propre cœur, et ne craignons rien tant que d'en être la dupe. Les autres hommes nous trompent souvent; mais nous nous trompons bien souvent nous-mêmes.

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Sainte Crispine, suivant saint Augustin (1), sortait d'une famille illustre; elle était riche; elle s'engagea dans l'état du mariage, et eut plusieurs enfans. Quoiqu'elle fût ďune complexion délicate, elle montra un courage invincible, et préféra Dieu au monde. Elle méprisa les larmes de ses enfans lorsqu'il fallut confesser Jésus-Christ, et mériter un bonheur éternel par le sacrifice de sa vie.

Ses actes que nous avons ne sont point entiers. Ils ne contiennent que le récit de ce qui se passa dans son dernier interrogatoire. On y lit que Crispine, née à Thagare, dans l'Afrique proconsulaire, fut arrêtée comme chrétienne, et conduite à Thébaste, devant Anulin, proconsul d’Afrique. Ce magistrat la pressant de sacrifier aux dieux, conformément aux édits des Empereurs, elle lui répondit : « Je n'ai jamais sacrifié, et je ne sacrifierai jamais à d'au>> tre qu'au seul Dieu véritable et à notre Seigneur JésusChrist, son fils, qui est né et qui a souffert pour nous. » Comme Anulin la menaçait de la traiter suivant la rigueur de la loi, elle lui dit qu'elle ne connaissait et n'adorait qu'un seul Dieu, et qu'elle gardait les commandemens de Jésus-Christ son Seigneur. Le proconsul insista pour qu'elle donnât quelque marque de piété envers les dieux de l'empire. « Il ne peut y avoir de vraie piété, dit la Sainte, lorsqu'on emploie la contrainte. » Anulin réitérant les menaces, elle ajouta que les tourmens ne l'effrayaient point; mais que si elle méprisait le Dieu du ciel, elle se rendrait

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(1) In Ps. 120 et 137, p. 1382, 1826.

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coupable de sacrilége, et qu'elle serait punie de ce crime au dernier jour. Le proconsul ordonna qu'elle fût rasée après quoi il la fit exposer en public, pour servir d'objet de dérision à la populace. Crispine s'écria, que si les dieux étaient offensés de ce qu'elle avait dit, ils n'avaient qu'à parler eux-mêmes. Anulin, transporté de colère, lui annonça qu'elle serait traitée comme l'avaient été Maxime, Donatille et Seconde, ses compagnes. «Mon Dieu est avec » moi, répondit la Sainte, et il me préservera du malheur » de consentir au sacrilége que vous exigez de moi. » Le proconsul fit lire à voix haute le procès-verbal de l'interrogatoire, et condamna ensuite Crispine à perdre la tête : ce qui fut exécuté le 5 Décembre 304. Cette Sainte est nommée dans le martyrologe romain.

Voyez ses actes sincères, publiés par Mabillon, Analect, t. III, et par Ruinart.

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S. NICET, VULGAIREMENT S. NICIÈCE, ÉVÊQUE DE TRÈVES.

Vers l'an 566.

SAINT NICET, étant encore enfant, fut mis dans un monastère pour y être élevé. Il y fit de grands progrès dans les sciences et la vertu, et son mérite lui acquit une telle réputation, qu'il fut bientôt connu à la cour. Le Roi Thierri l'honora d'une estime particulière, et l'obligea d'accepter l'évêché de Trèves en 527. Théodebert, fils et successeur de ce prince, eut pour Nicet les mêmes sentimens. Mais Clotaire Ier, oncle de Théodebert, ayant dans la suite réuni toute la monarchie française, tint une conduite différente à l'égard du saint évêque. Il ne put souffrir le zèle qu'il faisait paraître pour le rétablissement de la discipline, et

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