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saient les ossemens du Saint, et les emportèrent sur leurs vaisseaux. Les habitans du lieu, auxquels on donna l'alarme, coururent après eux en poussant de grands cris : mais ils ne purent les atteindre, et lorsqu'ils arrivèrent sur le rivage, les Européens s'étaient rembarqués et n'avaient plus rien à craindre. Ceux-ci abordèrent à Bari le 9 Mai 1087, et l'archevêque ayant reçu les saintes reliques, les déposa dans l'église de Saint-Etienne. Le premier jour, trente personnes furent guéries de différentes maladies en invoquant saint Nicolas, et son tombeau depuis ce temps est devenu célèbre par le concours des fidèles qui vont en pélerinage à Bari.

Nous avons l'histoire authentique de cette translation, par Jean, qui était alors archidiacre de Bari, et qui écrivait par l'ordre de son évêque; elle a été publiée par Surius. Le récit de l'archidiacre Jean est confirmé par une autre histoire de cette translation, que Nicéphore de Bari composa vers le même temps, par ordre des magistrats de la ville. Baronius l'a citée comme n'étant point encore imprimée mais Falconius l'a donnée depuis au public (6). Il paraît par ce dernier ouvrage que les Vénitiens avaient d'abord formé le projet d'enlever les reliques de S. Nicolas, et qu'ils furent prévenus par les marchands de Bari (7).

(6) Acta primigenia S. Nicolai, p. 131.

(7) On peut voir sur cette translation, Dandulus, in Chronico Veneto, 1. 7, p. 157, 256, ap Murat. Ital. Rer. Scriptores, t. XII. Ce Dandulus vivait en 1350. Mais on ne peut admettre le sentiment des Vénitiens modernes qui prétendent que les reliques de saint Nicolas furent portées à Vénise. Cette translation se fit certainement à Bari, comme nous l'apprenons de Jean de Nicéphore, qui étaient contemporains et sur les lieux. Les Vénitiens portèrent seulement chez eux en 1097, ce que leur laissèrent les citoyens de Bari, c'est-à-dire, les corps de deux autres évêques, l'un appelé Théodore, et l'autre Nicolas, mais différent de notre Saint, avec un peu de l'huile sacrée qu'on avait trouvée dans

Quoi qu'il en soit, cet enlèvement ne peut être justifié que par les lois d'une guerre juste, jointe à la crainte de l'impiété sacrilége des mahométans. On assure qu'il sort une huile sacrée et d'une agréable odeur des reliques de saint Nicolas, à Bari, et qu'on trouve une grande quantité de cette huile dans son tombeau près de Myre, en Lycie.

Saint Nicolas est regardé comme le patron des enfans, parce qu'il fut dès ses premières années un modèle d'innocence et de vertus. On dit d'ailleurs qu'il avait un plaisir extrême à former ce premier âge à la piété. Cette fonction est aussi importante que délicate. Les instructions que l'on donne doivent être simples et claires; il faut souvent, pour se faire entendre, employer les similitudes et les exemples. Il est sur-tout nécessaire que la vie des instituteurs s'accorde avec leurs instructions. Les enfans ont coutume de les copier en tout. S'ils les voient livrés aux plaisirs des sens, sujets à l'orgueil, à l'impatience, à la colère, ils se laisseront maîtriser par les mêmes passions, et on leur recommandera inutilement la pratique des vertus contraires. Il en sera de même des autres vices. Les personnes chargées de l'éducation des enfans, doivent donc se persuader que le succès de leurs soins dépend principalement de leurs exemples. Leurs élèves croiront toujours que ce qu'ils leur voient faire est permis, et les plus belles maximes

le tombeau de saint Nicolas de Myre. Une des églises des vingt-trois monastères des Grecs sur le mont Athos, est dédiée sous l'invocation de ce Saint. Voyez Montfaucon, Palæogr. Græca, 1. 7, p. 493.

Vers le temps de la translation du corps de saint Nicolas en Italie, quelques Lorrains qui s'étaient trouvés avec les marchands de Bari, portèrent dans leur pays une petite portion des reliques du même Saint. On la déposa dans une chapelle qui fut fondée pour ce sujet en 1098. On y érigea depuis un prieuré de l'ordre de saint Benoît, connu sous le nom de Saint-Nicolas de Port. C'est un célèbre pélerinage. Voyez D. Calmet, Hist. de Lorraine, 1. 20, n. 132, 133, p. 1212.

T. XVIII.

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ne produiront aucun effet, si elles se trouvent en opposition avec leur conduite.

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S. THEOPHILE, ÉVÊQUE D'ANTIOche.

Vers l'an 190.

ON a toujours respecté dans l'Eglise la mémoire de ce saint évêque, qui est aussi compté parmi les plus savans Pères du second siècle. Eusèbe et saint Jérôme donnent de grands éloges à ses écrits: ils les louent sur-tout pour l'élégance du style, la variété de l'érudition et l'esprit de piété, qui est tout à la fois plein de chaleur et de sagesse.

Théophile, né de parens idolâtres, fut élevé dans le paganisme; mais on eut grand soin de former son esprit par l'étude des lettres et des sciences. Il devint, étant encore fort jeune, très-habile dans la connaissance des dogmes de l'ancienne philosophie. La solidité de son jugement et la pénétration de son esprit le firent tellement estimer, qu'on le mettait dans la classe des savans de son siècle. L'impartialité avec laquelle il examinait la nature des choses, lui fit découvrir le faible de la religion qu'il professait; il la trouva aussi absurde que ridicule; et comme il avait un cœur droit, il jugea qu'il était indigne de lui de suivre un culte faux et impie, parce qu'il était à la mode. Les créatures visibles, où la Providence éclate d'une manière si sensible, le conduisirent à la connaissance du vrai Dieu et de ses perfections. Il lut les prophètes et les évangélistes. Les vérités sublimes qu'ils enseignent, le remplirent d'admiration; il fut extrêmement frappé des prédictions qui ont été vérifiées par l'événement. La doctrine de la résurrection l'embarrassa quelque temps. C'est effectivement de tous les articles de la foi, celui qui a éprouvé le

plus d'opposition de la part des philosophes païens. Entêtés de leurs idées sur la privation de la forme, dont ils jugeaient le rétablissement impossible, ils s'en tenaient au cours ordinaire de la nature, sans penser qu'il fallait distinguer un ordre surnaturel des choses, et qu'il est également facile à la toute-puissance divine de tirer un corps du néant, ou d'en ramasser les parties éparses pour leur redonner le même arrangement. Enfin Théophile se convainquit de la vérité de ce dogme, en relisant nos saints livres, et en réfléchissant sur les différentes espèces de résurrections qu'offre le spectacle de la nature. Nous venons de rapporter sa conversion, d'après ce qu'il en dit lui-même à son ami Autolyque, auquel il conseillait la même méthode (1).

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Théophile se félicitait depuis d'avoir mérité de porter le nom de chrétien; « nom, disait-il, que Dieu chérit, quoique les hommes vicieux et ignorans le méprisent. >> Mais comme il ne suffit pas d'avoir le nom de chrétien, il voulut vivre conformément aux maximes du christianisme. Il mérita même, par la sainteté de sa vie, d'être élevé sur le siége d'Antioche après Eros, qui mourut l'an de Jésus-Christ 168, le huitième du règne de Marc-Aurèle, Il fut le sixième évêque de cette ville, suivant Eusèbe et saint Jérôme, qui comptent depuis Evode; ceux qui l'ont mis le septième comptent depuis saint Pierre. Il montra beaucoup de zèle pour l'extirpation du vice et pour la défense de la foi sans cesse il travaillait à ramener dans la voie du salut ceux qui s'en étaient écartés en suivant de fausses doctrines, ou à y conduire ceux qui marchaient dans les ténèbres de l'idolâtrie. Il comparait le schisme et les hérésies à des rochers dangereux, contre lesquels on ne pourrait échouer sans courir les risques de perdre son âme.

(1) L. 2, ad Autolyc. p. 78, etc.

» De même, dit-il (2), que les pirates qui tombent sur >> les rochers, mettent en pièces leurs vaisseaux chargés

>>

de butin; ainsi ceux qui sont sortis de la voie de la

vérité, périront misérablement dans l'abîme de l'erreur. » Sa vigilance à défendre le dépôt de la foi, et la vigueur avec laquelle il s'opposa à la naissance des hérésies, seront un monument éternel de son zèle. Il réfuta par des écrits solides les dogmes impies de Marcion et d'Hermogène, et publia des discours catéchétiques. Il ne nous reste plus que quelques passages de ces ouvrages, qui ont péri par l'injure des temps.

Nous avons encore en entier les trois livres à Autolyque, qui contiennent une apologie de la religion chrétienne. On y trouve des observations curieuses sur des passages des anciens poètes et des anciens philosophes, relativement aux divers systèmes d'idolâtrie. On y admire la noblesse, la douceur et l'élégance du style, la vivacité et l'agrément dans le tour des pensées, le naturel et la beauté dans les allégories et les similitudes. Comme l'auteur se proposait de convaincre un païen et de prévenir les calomnies et les reproches des ennemis du christianisme, il faut s'attendre à trouver des discussions minutieuses, mais que les circonstances semblaient rendre nécessaires. Il s'agissait moins d'expliquer la doctrine de l'Evangile, que d'employer les raisonnemens propres à frapper un idolâtre. On voit cependant par plusieurs passages, que Théophile connaissait bien les mystères les plus cachés de la foi. C'est sans fondement qu'on l'a taxé de favoriser l'arianisme (3). Il en

(2) L. 2, ad Autolyc. p. 183.

(3) Peteau et Scultet ont prétendu découvrir dans saint Théophile des expressions favorables à l'arianisme, mais ils ont été solidement réfutés par Bullus, Defens. Fidei Nic. sect. 2., c. 4, p. 122; par D. Le Nourry, in Appar. ad Bibliot. Patr. t. II, Dissert. 4, c. 3, par D. Maran, etc.

P. 4915

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