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En 1622, on tira' les reliques de sainte Fare de la châsse qui les renfermait, afin que toutes les religieuses pussent les vénérer. Charlotte le Bret ne se contenta pas de les baiser, elle les fit encore appliquer sur ses yeux. Elle y sentit aussitôt de la douleur, quoique depuis quatre ans elle ne souffrit plus rien. A peine eut-on retiré les reliques, qu'une humeur découla de ses yeux. Elle pria qu'on les lui appliquât une seconde et une troisième fois, et à la troisième fois, elle s'écria qu'elle voyait. La vue lui fut en effet rendue dans le même instant, et elle distingua tous les objets qui l'environnaient. Elle se prosterna pour rendre grâces à l'auteur de sa guérison, et toute l'assemblée se joignit à elle (11). L'évêque de Meaux fit constater juridiquement les faits, et déclara dans son ordonnance rendue le 9 Décembre 1622, que la guérison était miraculeuse (12).

Sainte Fare est honorée d'une dévotion particulière en France, en Sicile, en Italie, etc.

Voyez la vie de sainte Fare ou Burgondofare, qu'on a mal à propos attribuée à Bède. Elle est de Jonas, moine de Bobio sous saint Colomban, lequel se retira depuis à Faremoutier, et devint probablement abbé d'Elnone ou de Saint-Médard. Il était à Faremoutier lorsqu'il écrivit les vies de saint Colomban, de saint Attale et de saint Bertulfe, abbés de Bobio; de saint Eustase de Luxeul, et de sainte Fare. Voyez aussi D. du Plessis, Hist. de l'église de Meaux, t. I, l. 1, n. 21, etc., t. II, p. 1, et le Gallia Christ. nova, t. VIII, p. 1701.

(11) Voyez Duplessis, t. I, c. 5, p. 433, 434.

(12) Voyez Duplessis, pièces justificatives, t. II, p. 320, 322. Il donne le mandement de l'évêque de Meaux, avec les certificats des médecins. et des chirurgiens, et les dépositions des témoins. On trouve le détail de plusieurs autres miracles dans le même auteur, et dans la vie de la Sainte, par Carcat.

8 Décembre.

LA CONCEPTION DE LA SAINTE-VIERGE.

TELS sont les précieux avantages que nous procure l'incarnation du Fils de Dieu, tel est l'excès d'amour qu'il a fait éclater dans ce mystère, qu'il devrait être l'objet principal et continuel de nos pensées, de nos louanges, de notre reconnaissance. Nous célébrons aujourd'hui l'aurore de ce beau jour qui luira bientôt sur l'univers; nous honorons l'entrée que fait dans le monde la plus pure des créatures, avec les premières semences de grâce qui produisirent dans son âme les fruits les plus admirables. Sa conception fut elle-même un mystère glorieux, une grande grâce, et le premier effet de sa prédestination.

Le Verbe éternel considéra dès-lors la dignité sublime à laquelle Marie serait élevée; il pensa au doux, au sacré nom de mère qu'elle porterait un jour à son égard; il la regarda avec complaisance, et il la distingua d'une manière proportionnée aux rapports intimes et augustes qu'elle aurait avec lui. Il ne lui dit point comme à Israël, qu'elle était sa servante dans laquelle il se glorifierait (1); mais il l'appela sa mère, et il résolut pour sa propre gloire de la rendre digne de lui. Comme c'était dans son sein qu'il devait se revêtir de notre nature, il la combla des faveurs les plus signalées, et versa sur elle, avec une profusion vraiment divine, ses dons les plus précieux. Marie pouvait donc dire avec plus de raison qu'Isaïe (2) : Le Sei

(1) Isaïe XLIX, 3.

(2) Ibid. 1.

gneur m'a appelée dès le sein de ma mère; il s'est souvenu de mon nom, lorsque j'étais encore dans ses entrailles. Le Fils de Dieu la destina, dès le premier instant de sa conception, à devenir son tabernacle.

Quand le Seigneur ordonna aux Juifs de lui bâtir un temple à Jérusalem, quelles précautions ne prescrivit-il pas? quelle pureté n'exigea-t-il pas dans tout ce qui appartenait à cet ouvrage? Tout fut réglé par rapport aux personnes et aux matériaux. Quelque saint que fût David, il n'eut point la permission de travailler à la construction de ce temple, parce que ses mains étaient teintes du sang répandu dans les guerres entreprises contre les ennemis d'Israël. Ce n'est pas tout encore. Que de purifications, que de consécrations, que de rites, que de cérémonies le Seigneur n'ordonna-t-il pas pour sanctifier toutes les parties de l'édifice? Ce n'était cependant qu'un temple matériel cù l'on devait placer l'arche, et offrir des prières et des sacrifices à la Majesté divine. Jugeons par-là de ce que le Verbe éternel fit pour Marie, dont le chaste sein était destiné à être son tabernacle vivant, du sang de laquelle son corps adorable devait être formé, qu'il devait honorer en un mot de la maternité divine. L'Eglise touchée de cette grande miséricorde, fait valoir dans les prières qu'elle adresse à Jésus-Christ, le motif tiré des grâces singulières qu'il accorda à Marie pour préparer son corps et son âme à l'accomplissement du mystère de l'incarnation; et elle lui demande par ces mêmes grâces d'exaucer sa sainte Mère, et de venir au secours de ses enfans.

Une pureté parfaite est la première des qualités qui rendent une âme agréable à Dieu; ainsi Marie fut préservée de la moindre tache du péché. Il échappe tous les jours aux plus grands Saints des fautes de surprise et d'inadvertance, parce qu'ils ne veillent point avec assez de soin sur tous les mouvemens de leur cœur. Mais par un pri

vilége spécial et par le secours d'une grâce extraordinaire, Marie ne contracta jamais la plus légère souillure. La charité ne souffrit jamais en elle la moindre diminution. Du moment qu'elle eut atteint l'usage de la raison, elle marcha tous les jours avec une nouvelle ardeur dans les voies de la plus sublime perfection.

Mais le bonheur qu'elle eut d'être exemple du péché originel, est un privilége encore plus extraordinaire. Tous les théologiens s'accordent à dire qu'elle fut préservée de la tache originelle, dès avant sa naissance, et qu'elle vint au monde dans un état de sainteté parfaite. Quelques-uns ont pensé qu'il était plus conforme à l'Ecriture de soutenir qu'elle n'avait été ainsi sanctifiée qu'après sa conception, c'est-à-dire, après que son âme eut été unie à son corps. Mais le sentiment le plus général, quoiqu'il n'ait point été défini comme article de foi, est qu'elle fut immaculée dans sa conception même. Plusieurs évêques, et un grand nombre d'universités catholiques (3) se sont déclarés formellement pour ce dernier sentiment, et plusieurs Papes ont expressément défendu de l'attaquer dans des disputes ou par des écrits. Il a été en même temps défendu de le mettre au nombre des articles de foi définis par l'Eglise, et de censurer ceux qui en particulier tiendraient le sentiment contraire. Nous n'insisterons point sur les preuves qui établissent la doctrine communément suivie. Nous sommes enfans de l'Eglise, et à ce titre nous nous faisons gloire de penser comme elle sur une opinion qui est fondée sur des passages des plus célèbres d'entre les Pères, sur les décrets de plusieurs conciles particuliers, et sur le suffrage des plus pieux et des plus savans docteurs des écoles de

(3) Voyez les suffrages recueillis par le P. François Davenport, dit en religion François de Sainte-Claire, et par Frassen, t. VIII, p. 188.

théologie (4). D'ailleurs, l'honneur que nous devons à Jé

(4) Il y avait eu à Paris de vives disputes sur la question de l'immaculée Conception de la Sainte-Vierge, lorsque l'évêque et l'université de cette ville condamnèrent, en 1387, quelques propositions de Jean de Montesano, Dominicain, dans lesquelles ce privilége était attaqué. En 1439, le concile de Bâle, sess. 36, déclara que la croyance de l'immaculée Conception était conforme à la doctrine et à la dévotion de l'Église, à la foi catholique, à la droite raison, à l'Écriture-sainte, et qu'elle devait être tenue par tous les catholiques. Mais ce décret n'eut point force de loi, parce que le concile n'était point alors regardé comme assemblée légitime. Il fut néanmoins reçu par l'université de Paris, et par un concile tenu à Avignon en 1457.

Les disputes sur l'immaculée Conception ayant causé du scandale dans Paris, l'université de cette ville, en 1497, fit un décret par lequel il fut ordonné que personne ne serait admis au degré de docteur en théologie, qu'il ne s'engageât par serment à soutenir le sentiment de la faculté. Voyez Sponde, cont. Baron. ad. an. 1497; Duboulay, His. Universit. Paris, t. V, p. 815; le continuateur de Fleury, t. XXIV, p. 336; Frassen, t. VIII, p. 227.

Le concile de Trente, dans son décret sur le péché originel, déclara que son intention n'était point de comprendre la bienheureuse et immaculée Vierge Marie, Mère de Dieu, et ordonna de suivre le décret de Sixte IV sur ce point. Ce Pape, en 1479, accorda des indulgences à ceux qui assisteraient à l'office et à la messe de la fête de la Conception. En 1483, il donna une autre constitution dans laquelle il défendit de censurer cette fête, ou de condamner l'opinion de ceux qui croyaient l'immaculée Conception. En 1570, le saint Pape Pie V publia une bulle qui défendait de censurer ceux qui soutenaient ou niaient cette opinion. Paul. V réitéra la même défense en 1617; mais il défendit l'année suivante de soutenir dans les sermons, dans les thèses et autres actes publics, que la bienheureuse Vierge Marie avait été conçue dans le péché originel.

En 1622, Grégoire XV défendit d'affirmer cette doctrine, même dans les disputes particulières, et n'excepta de la défense que ceux qui avaient obtenu une permission contraire du Saint-Siége, comme les Dominicains, à condition toutefois qu'ils ne parleraient de leur opinion qu'en particulier et entre eux; mais il ordonna en même temps que dans l'office et la messe de la fête, on n'employerait d'autre dénomination que celle de Conception.

Alexandre VII déclara, en 1671, que la dévotion à l'immaculée Con

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