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rendait sensibles toutes les vérités de la religion. Il possédait l'art d'exciter l'émulation parmi les enfans, afin d'exciter leur attention, et de leur inspirer le désir d'apprendre. Les parens rougissaient de se voir moins instruits que leurs enfans, et ils les engageaient à leur répéter ce qui avait été dit à l'église. Pierre Fourrier ne se contentait pas d'instruire en public, il parcourait encore les maisons de sa paroisse pour parler en particulier à ceux dont il connaissait l'ignorance. On ne saurait imaginer les fruits merveilleux que produisit son zèle. Il avait un talent particulier pour conduire les âmes de ceux qui venaient se confesser à lui. Après leur avoir aidé à faire une confession exacte, il leur suggérait les motifs d'une vive componction, et les confirmait solidement dans la vertu. Il établit dans son église diverses confréries, et ceux qui voulaient y être associés, étaient obligés de se confesser tous les mois. S'il se trouvait quelque pécheur dont il ne pouvait vaincre l'endurcissement, il allait le trouver secrètement, il se jetait à ses pieds fondant en larmes, et le conjurait d'avoir pitié de son âme. Lorsqu'il ne le touchait point, il se prosternait au pied des autels, et y demandait la conversion de ce pécheur au Père des miséricordes. Il allait ensuite le trouver de nouveau, et il était rare qu'il ne triomphât pas de la dureté de son cœur. Sa charité envers les pauvers n'était pas moins admirable. Leurs mi. sères ne lui étaient pas plus tôt connues, qu'il s'empressait de les soulager. Malgré la modicité du revenu de sa cure, il suffisait à tout, et disait agréablement que la fragilité était une banque de grand rapport. Personne, en effet, ne portait cette vertu plus loin que lui; il ne vivait que de légumes; il couchait sur la dure, et n'avait jamais de feu, même dans la saison la plus rigoureuse.

Cependant quelques filles de sa paroisse, dégoûtées du monde, formèrent le projet de se consacrer à Dieu dans

l'état de virginité. Elles allèrent trouver Pierre Fourrier, auquel elles communiquèrent leur dessein, en lui promettant de se soumettre aux réglemens qu'il leur prescrirait. Il leur répondit qu'elles devaient encore examiner leur vocation. Elles revinrent quelque temps après, et lui dirent qu'elles persistaient dans la même résolution. Il leur permit donc d'assister à la messe de la nuit de Noël, avec un habit noir et un voile sur la tête, pour marquer publiquement leur renonciation au monde. Telle fut la naissance de la congrégation des filles de Notre-Dame, destinées à l'instruction des enfans de leur sexe. Leur établissement en corps de communauté souffrit d'abord de grandes difficultés; mais Pierre Fourrier vint à bout de les lever. Il logea ces filles dans une maison de sa paroisse. Leur nombre s'étant considérablement augmenté, elles s'établirent dans plusieurs villes où on les demandait. Les services qu'elles rendaient, les firent universellement respecter. Enfin leur institut fut approuvé par les bulles de Paul V, du premier Février 1615, et du 6 Octobre 1616.

Lorsque le père de Matincour eut réglé tout ce qui concernait ses filles spirituelles, il s'occupa de la réforme de sa propre congrégation, afin de la mettre en état de rendre service à l'Eglise par l'instruction de la jeunesse, et par l'exercice des fonctions du saint ministère. L'évêque de Toul avait reçu une commission du Pape pour travailler à cette réforme; mais il n'espéra de succès qu'autant que le père de Matincour l'aiderait de ses lumières et de ses exemples. La bonne œuvre réussit au-delà de ses espérances. Les difficultés qu'on éprouva d'abord s'aplanirent; la réforme commença par quelques maisons particulières, et devint bientôt générale. Ceux qui l'embrassèrent prirent le titre de Congrégation de Notre-Sauveur. On en donna le gouvernement au P. Guignet, qui mourut trois ans après. On élut pour le remplacer le P. de Matincour, qui donna en cette occasion les plus grandes preuves de son humilité.

Cette place ne lui fit rien changer à son premier genre de vie. Il se regardait comme le dernier de ses frères, et ne pouvait souffrir aucune distinction. Sa douceur était inaltérable, et sa charité sans bornes. Il rendait le bien' pour le mal, et ne se vengeait de ses ennemis que par des services. Le cardinal de Bérulle, qui le vit à Nanci, et qui conversa avec lui, dit à ses disciples, quand il fut de retour; que s'ils voulaient d'un coup d'œil considérer toutes les vertus, ils devaient aller en Lorraine, et qu'ils les trouveraient réunies en la personne du P. de Matincour. Nous ne finirions pas, s'il fallait entrer dans le détail de toutes ses vertus, de sa piété envers Dieu, de sa dévotion à la SainteVierge et aux autres Saints, de son amour pour la prière, de sa pureté, de son zèle pour la foi catholique et pour la conversion des hérétiques. Tant de vertus furent récompensées par le don de prophétie et par celui des miracles.

La guerre qui troubla la Lorraine l'ayant obligé de fuir avec une partie de ses enfans, il se retira à Grey, en Bourgogne, où il passa deux ans. Il y mit la dernière main aux constitutions des religieuses de la congrégation de Notre-Dame. Ayant été attaqué de la maladie qui devait l'enlever de ce monde, il fit son testament, par lequel il laissa aux religieuses leurs constitutions, et aux chanoines réguliers des avis salutaires pour entretenir parmi eux l'esprit de la réforme qu'ils avaient embrassé. Il mourut le 9 Décembre 1636, et fut béatifié le 29 Janvier 1730, d'après les preuves les plus authentiques de l'héroïsme de ses vertus et de plusieurs miracles opérés par son intercession (1). On garde son sorps à Matincour (2).

(1) Voyez Benoît XIV, de Can. SS. 1. 43 part. 1, c. 15, n. 21, p. 185; ibid. c. 21, n. 15, p. 297.

(2) Outre les constitutions des religieuses de la congrégation de NotreDame, le B. Pierre Fourrier composa aussi les statuts des chanoines réguliers dont il était le réformateur. Le recueil de ses lettres manus

Voyez le livre intitulé, Imago boni Parochi, seu Acta B. Petri Forerii, imprimé à Vienne, en Autriche, et réimprimé depuis à Nanci; la vie du Saint, écrite en diverses langues; celle sur-tout qu'a écrite le P. Jean Bédel, chanoine régulier de la même congrégation, lequel avait connu particulièrement le serviteur de Dieu; D. Calmet, Bibl. de Lorraine, etc.

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Voyez Eusèbe, 1. 9, c. 9; saint Optat, 1. 1 ; saint Augustin, Tillemont', tom. VI, etc., et Stolberg, Gesch. der Rel. Jesu, IX, 587 et 600, et X, 79 à 89.

L'AN 314.

SAINT MELCHIADE OU MILTIADE succéda au saint Pape Eusebe, le 2 Juillet 311, sous le règne de Maxence. Constantin ayant vaincu ce tyran, le 28 Octobre de l'année suivante, publia des édits par lesquels il permettait aux chrétiens le libre exercice de leur religion, et leur accordait la liberté de bâtir des églises. Mais pour ne point effaroucher les païens mécontens de cette innovation, il donna, au commencement de l'année 313, un nouvel édit par lequel il laissait liberté de conscience à ceux qui professaient d'autres religions; il en excepta toutefois les hérétiques. Parmi les lois favorables au christianisme, il y en avait une qui exemptait le clergé du fardeau des charges civiles, Constantin obligea tous ses soldats à réciter le Dimanche une prière adressée au seul Dieu; et aucun païen ne fit scru

crites est considérable, et pourrait fournir trois volumes in-fol. Etant à Matincour, il entreprit un ouvrage intitulé Pratique des curés, mais il ne l'acheva pas.

pule de suivre cette pratique. Il abolit les fêtes païennes, et la célébration des mystères profanes qui donnaient lieu à la corruption des mœurs. Les idolâtres se livraient aux impuretés les plus abominables; la débauche était même portée à un point parmi eux, que plusieurs fuyaient le lien du mariage, afin de pouvoir s'abandonner plus librement à la brutalité de leurs passions. L'Empereur crut que le moyen le plus efficace de remédier à ce désordre, était d'encourager ses sujets à se marier, de les y obliger même par la force des lois, et de menacer de peines sévères ceux qui refuseraient d'obéir (1): mais les progrès que faisait journellement la religion chrétienne, eurent bien plus de pouvoir que toutes les lois du prince pour ramener la pureté des mœurs. Alors Constantin, en faveur du célibat, révoqua la loi pappienne : il ordonna aussi la peine de mort contre l'adultère (2).

Le saint Pape voyait avec joie multiplier le nombre des enfans de l'Eglise, et il travaillait avec zèle à étendre de toutes parts le royaume de Jésus-Christ. Mais sa joie fut troublée par les divisions intestines qu'excita le schisme des Donatistes, qui avait pris naissance en Afrique. Mensurius, évêque de Carthage, avait été accusé d'avoir livré les saintes Ecritures aux païens pour être brûlées, durant la persécution de Dioclétien. Quoique ce fût une calomnie, Donat, évêque des Cases-Noires en Numidie, s'était séparé de la communion de ce prélat. Il persévéra dans son schisme, sous Cécilien, successeur de Mensurius sur le siége de Carthage. Plusieurs ennemis de cet évêque se joignirent à Donat; il attira encore dans son parti une Dame puissante nommée Lucille, qui avait conçu une haine per

(1) Voyez la loi Julia et la loi Poppæa.

(2) Voyez Gotofred, ad cod. Theod. 1. 11, tit. 36.

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