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» Mais ceux qui défendent leur opinion, quoique fausse et erronnée, sans obstination, surtout quand ils n'en sont » pas eux-mêmes les téméraires auteurs, mais qu'ils l'ont » reçue de parens séduits et tombés dans l'erreur et qu'ils » cherchent la vérité avec une prudente sollicitude, disposés qu'ils sont à se corriger dès qu'ils l'auront trouvée, ceux là, disons-nous, ne sont aucunement des hérétiques (12). Malgré la modération du saint Pape, les donatistes essayèrent après sa mort de noircir sa réputation par la calomnie: ils prétendirent qu'il avait livré les saintes Ecritures aux persécuteurs. S. Augustin le justifia, et fit voir que l'accusation n'avait point d'autre fondement que la méchanceté des ennemis du saint Pape.

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Melchiade mourut le 10 Janvier 314, après avoir siégé deux ans six mois et huit jours. Il fut enterré sur la voie Appienne, dans le cimetière de Calixte. On lit son nom dans le martyrologe romain, et dans ceux de Bède, d'Adon, d'Usuard, etc. Quelques calendriers lui donnent le titre de martyr, parce que sans doute il avait souffert pour la foi dans les persécutions précédentes.

La paix rendue à l'Église par Constantin, remplit de joie saint Melchiade, parce qu'en multipliant les conversions, elle devait faire triompher la croix de Jésus-Christ. Mais l'esprit du monde n'accompagne que trop souvent les prospérités temporelles; il s'insinue même dans le sanctuaire,

(12) Puissent ces paroles de ce grand docteur de l'Eglise, mûre⚫ment méditées, ramener à une charité modeste ceux d'entre nous, qui » condamnent sans pitié leurs frères qui sont dans l'erreur! puissent» elles aussi ramener ces derniers à un consciencieux examen et par-là » à la vérité! La connaissance est un don de Dieu; mais il veut qu'elle soit le fruit de nos efforts; l'indifférence à l'égard de la vérité est un ⚫ grand péché. » (Stolberg, Gesch. der Religion Jesu, X, 85, note.) (Note de l'édit. allem.)

en sorte que les pasteurs zélés se sont plus d'une fois écriés avec Isaïe (13) Seigneur, vous avez multiplié ce peuple, mais vous n'avez point augmenté ma joie. La ferveur des premiers siècles, qui se soutenait au milieu des plus cruelles persécutions, ne fut point universelle; le poison du vice infecta le cœur de quelques chrétiens, qui devinrent d'autant plus méchans, qu'ils avaient été comblés de plus de grâces. Le mal est devenu plus considérable dans la suite des temps, parce que l'amour du monde, si sévèrement proscrit dans l'Evangile, a étendu ses ravages. L'esprit du christianisme règne cependant encore et régnera toujours. Dieu se réservera dans tous les temps un certain nombre d'âmes choisies qui ne vivront que pour lui. Quels doivent être nos sentimens, à la vue de cette corruption et de cet oubli de Dieu qui ont gagné tous les états? Tremblons, veillons, tenonsnous sur nos gardes, pour ne pas nous laisser entraîner par le torrent du mauvais exemple. Ce n'est point la multitude, mais l'Evangile que nous devons suivre. Quoique les biens temporels soient un don de Dieu, nous ne devons point nous y attacher; craignons d'en abuser : ils deviendraient un piége pour nous, et détruiraient dans nos cœurs le règne de Dieu.

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Ste EULALIE, VIERGE ET MARTYRE A MÉRIDA EN ESPAGNE.

Quatrième siècle.

SAINTE EULALIE, dont Prudence (1) a célébré le glorieux triomphe, était de Mérida, capitale de la Lusitanie en Es

(13) Is. IX, 3.

(1) Aurélius Prudentius Clemens naquit en Espagne en 348, comme

pagne, laquelle est beaucoup déchue de son ancienne splendeur, depuis que le siége archiepiscopal qui y était, a été

il nous l'apprend lui-même, proef. in Cathem., p. 1. Ceillier et quelques autres écrivains se sont trompés en le faisant naître à Saragosse. Il est vrai qu'il résida quelque temps dans cette ville en qualité de gouverneur; mais il eut pour patrie Calahorra, dans la vieille Castille, hymn. 1, de Coron. p. 116, et hymn. 18, v. 31.

Il étudia l'éloquence sous un maître célèbre, et il apprit, suivant l'usage de son siècle, à déclamer sur toutes sortes de sujets, ainsi que l'art de donner en plaidant une tournure favorable à une mauvaise cause. Il se repentit depuis d'avoir ainsi abusé de ses talens, et de les avoir fait servir à défendre le mensonge, aux dépens de la vérité. Les panégyriques d'Hélène et de Busiris par Isocrate montrent que la coutume dont il s'agit était ancienne dans les écoles des rkéteurs. Cicéron en cite aussi plusieurs exemples, in Bruto, de Orat. § 8.

La vie de Prudence ne fut pas toujours sans reproche. Il déplore les déréglemens dans lesquels il tomba pendant sa jeunesse, prof. in Cathem. et in hymn. 9, de SS. Calagurit.

Il fut fait deux fois gouverneur de province et de ville en Espagne. Il dit, præf. in Cathem. qu'ensuite la bonté du prince (Théodose I ou Honorius) l'éleva aux plus grands honneurs, et qu'il obtint une des places les plus distinguées de la cour. L'opinion la plus probable est qu'il fut créé préfet du prétoire. Il éprouva alors de violens combats dans son âme; tantôt il était plein de ferveur et désirait ardemment servir Dieu; tantôt il se laissait entraîner par les vanités du monde, et cédait à la corruption de son propre cœur. Psychom. sub finem, v. 898, etc. Mais après son entière conversion, Dieu fit toute sa joie; il ne trouva qu'en lui les consolations dont il avait besoin. « Vous êtes, lui disait-il, la » beauté charmante pour laquelle je brûle d'un amour chaste; en vous » seul je trouve le vrai et souverain bonheur. >> Apoth carm. 4.

Prudence était encore dans la vigueur de l'âge, quand il quitta le monde. Il fit un voyage à Rome vers l'an 405. En passant par Imola, il baisa le tombeau de saint Cassien, et l'arrosa de ses larmes avec une vive componction de ses péchés, de Coron. hymn. 19, de S. Cassiano. Arrivé à Rome, il visita les tombeaux des martyrs, et pria pour obtenir la guérison des maladies spirituelles de son âme, de Coron. hymn. 12, de S. Hyppolyto, etc. Il y passa la fête de saint Pierre et de saint Paul, après quoi il retourna en Espagne, où il mena depuis une vie retiréc.

transféré à Compostelle. Issue d'une des meilleures familles d'Espagne, elle fut élévée dans la religion chrétienne.

Il employait ses momens de loisir à composer des poésies sacrées, se faisant une loi de ne traiter aucun sujet profane.

On l'a toujours regardé comme le plus savant des poètes chrétiens. Sidoine Apollinaire, 1. 2, ep. 9, compare ses compositions lyriques aux odes d'Horace, qui est conjointement avec Phèdre, celui de tous les poètes, même de tous les auteurs classiques, qui a le plus de douceur, de délicatesse, d'élégance et de goût. Il n'y a peut-être rien de supérieur aux stances des hymnes de la fête des Innocens, qui sont tirées de Prudence. Cathemer. hymn. 12; rien de plus beau que les similitudes et les autres figures qui s'y trouvent: Salvete flores, etc. Quoi de plus ingénieux et de plus énergique que ces expressions: Palmá et coronis luditis, etc. Les hymnes, Nox et tenebræ, lux ecce surgit aurea, etc. sont presqu'entièrement prises de celle du matin, composée pas Prudence, Cathem hymn. 2.

Outre l'érudition qui brille dans ses livres contre Symmaque, on y découvre un génie qui sait rendre ses idées avec force, avec noblesse, avec élégance. Il faut cependant convenir qu'il n'est pas toujours semblable à lui-même, qu'il tombe quelquefois, et que sa versification n'est pas toujours correcte. Comme la langue latine avait alors dégénéré beaucoup de sa pureté, les phrases de Prudence n'ont pas toujours la tournure du siècle d'Auguste; il se permet même des fautes de quantité dans ses vers. On reproche le même défaut à Juvencus, prêtre espagnol, qui composa un poème sur la vie de Jésus-Christ, sous le règne de Constantin-le-Grand. Il est d'ailleurs trop dénué de figures, et de cette élévation qui sont l'âme de la poésie. Il parut sous Théodose-le-Grand un autre poète chrétien, estimé pour la correction et la pureté de sa diction, pour la force et la majesté de son style; mais qui cependant doit le céder à Prudence c'est le prêtre Sédulius, que quelques-uns font évêque en Italie. Il a composé un poème sur les miracles de JésusChrist, et sur d'autres sujets de piété. Les hymnes qu'on chante à l'église les jours de Noël et de l'Epiphanie, sont tirées d'un de ses poèmes. Bède lui attribue aussi l'hymne, A solis ortús cardine, etc. Trithème, et ceux qui le font Écossais, paraissent le confondre avec un autre Sédulius, qui est moins ancien, et qui a écrit sur les épîtres de saint Paul. Voyez Ceillier, t. X, p. 632, et Ussérius, Antiq. Brit. c. 16, pag. 408.

Pour revenir à Prudence, il célèbre dans sa Psycomachie, ou combat de l'âme contre le vice, la victoire de la foi sur l'infidélité, de

Dès son enfance, elle fit paraître une admirable douceur de caractère une modestie rare, une tendre piété,

la pureté sur la corruption, de la patience sur la colère, de l'humilité sur l'orgueil, de la tempérance sur la gourmandise, de l'aumône sur l'avarice, de la concorde sur l'inimitié.

Son Cathemerinon, ou recueil d'hymnes pour chaque jour, consiste en un certain nombre d'hymnes qu'on devait réciter en différens temps de la journée, comme le matin, le soir, avant et après le repas, lorsqu'on allumait les lumières, etc.

Il donna le titre d'Apothéose au poème qu'il composa pour la défense de la Divinité et des perfections divines : c'est une réfutation du paganisme, et des principales hérésies qui avaient attaqué les dogmes de la foi, notamment la nature de Dieu, Jésus-Christ et la résurrection.

L'Amartigénie, ou livre sur l'origine du péché, fut composé contre les marcionites, qui admettaient un mauvais principe. Il y est prouvé que le péché vient de la perversité de la volonté de la créature libre. A la fin de cet ouvrage, Prudence reconnaît avec humilité qu'il mérite toutes sortes de châtimens pour ses péchés; il implore la miséricorde divine, et prie le Ciel de lui accorder la grâce d'être purifié par les peines du purgatoire, tandis que les justes sont appelés à recevoir la couronne de gloire. Symmaque s'était adressé aux Empereurs Gratien, Valentinien II et Théodose, pour obtenir le rétablissement de l'autel de la Victoire; mais le zèle de saint Ambroise avait rendu ses démarches inutiles. L'armée d'Honorius, commandée par Stilicon, défit, en 403, Alaric, Roi des Goths, près de Pollence, dans la Ligurie. Les soldats romains firent le signe de la croix sur leur front avant de commencer le combat, et l'on porta à la tête des légions l'enseigne de Jésus-Christ, c'est-à-dire, la figure de la croix sur le premier drapeau, Prudent l. 2, adv. Symma. p. 710. Notre poète prit de là occasion d'écrire ses deux livres contre Symmaque. C'est une réfutation élégante et solide de l'idolâtrie. L'auteur la finit par exhorter Honorius à abolir les combats des gladiateurs, et à ne plus souffrir que le meurtre serve d'amusement au peuple. Il lui cite l'exemple de Théodose, son père, qui avait proscrit les combats de taureaux bien moins répréhensibles. Peu de temps après, Honorius défendit ces divertissemens inhumains.

L'Enchiridion de Prudence est un abrégé de l'histoire sainte, en vers. Les poètes Juvensus et Sédulius s'étaient auparavant exercés sur le même sujet.

Le plus célèbre des ouvrages de Prudence est son livre des couronnes T. XVIII. 30

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