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Dans le onzième siècle, Siméon, moine de Sinaï, vint à Rouen pour recevoir l'aumône annuelle de Richard, duc de Normandie. Il apporta avec lui une portion des reliques de sainte Catherine, qu'il laissa dans cette ville. On garde encore dans l'église du monastère du mont Sinaï, la plus grande partie de la dépouille mortelle de la sainte martyre (4).

L'érudition peu commune de sainte Catherine, l'esprit de piété par lequel elle la sanctifia, le bon usage qu'elle fit de ses connaissances, l'ont fait choisir dans les écoles pour la patronne et le modèle des philosophes chrétiens. Après la vertu, le plus beau et le plus précieux ornement de l'esprit humain, est la science qui perfectionne toutes les facultés naturelles. On voit des gens se plaindre de l'infidélité de leur mémoire; mais si on a soin d'exercer cette faculté, sur-tout dans la jeunesse, on la rendra capable de cette mesure de connaissances qui sont au moins nécessaires. Mais les instituteurs doivent s'attacher à ne mettre dans la mémoire des enfans que des choses excellentes, ou qu'il est indispensable de savoir. Comme l'entendement est la lumière de l'âme, il faut l'exercer et l'étendre par l'acquisition des sciences solides et utiles. De toutes nos facultés, le jugement est la plus estimable, celle qui gouverne et dirige les autres. Il est donc nécessaire de le former par des études bien faites, par la réflexion, par l'expérience, ce qui produira la justesse et le goût du vrai. Par ces différens moyens, l'âme contractera l'habitude de se roidir contre la paresse naturelle à l'homme, et deviendra capable d'occupations sérieuses. C'est sans doute la volonté du Créateur, que tous ses ouvrages acquièrent le degré de perfection dont ils sont susceptibles; et si cette

(4) Voyez la description de l'église du monastère du mont Sinaï, les voyages de Pocock, t. I, p. 140, in-fol.

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perfection dépend de notre travail et de notre industrie, ne pourrions les refuser sans crime. Est-il quelque chose qui nous intéresse davantage que notre âme, qui fait la dignité de notre être, et qui est le chef-d'œuvre de ce monde créé? Si l'on veut bien connaître les effets et la nécessité de la culture, qu'on compare les sauvages avec les nations policées. Qu'on laisse un champ en friche, il ne produit que des ronces et des épines; mais qu'on le cultive, il se couvre de fruits. Il en est de même de notre âme. La culture qu'on lui donne, doit être cependant appropriée aux conditions, aux états, aux circonstances. Il y a des études qui ne sont que pour certaines personnes; la théologie, par exemple, ne convient en général qu'à ceux qui sont chargés de l'enseignement. Observons toutefois que les femmes étant destinées à former les premières années des enfans, elles doivent bien savoir la religion et en connaître toutes les vérités pratiques. Elles peuvent joindre à cette connaissance celle de l'histoire et des ouvrages de littérature, pourvu qu'elles les rapportent à la religion, et qu'elles donnent toujours la première place aux livres et aux exercices de piété (5).

(5) Le génie n'est point le partage exclusif des hommes; bien des femmes ne le leur cèdent point sous ce rapport : elles seraient donc capables des sciences les plus sublimes. Nous citerons entre autres exemples, la célèbre Hélène-Lucrèce Cornaro, Vénitienne, qui réunissait presque tous les genres de connaissances, et qui reçut le grade de docteur en théologie à Padoue, en 1678; mais si elle fut le prodige de son siècle par son savoir, elle ne le fut pas moins par l'austérité de sa vie et son extraordinaire piété. Du reste, l'Histoire ecclésiastique nous fait connaître une foule de femmes versées dans les sciences et saintes en même temps. Ce serait sans doute une louable entreprise, si un homme instruit en faisait une galerie, dans un ouvrage particulier.

(Note augm. d'après l'édit. allem.)

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+ S. MOYSE ET S. MAXIME, PRÊTRES MARTYRS ET PLUSIEURS AUTRES CONFESSEURS A ROME, SOUS DÉCE.

Vers l'an 251.

MOYSE et MAXIME, prêtres de l'Eglise romaine, sous le pontificat de saint Fabien, furent arrêtés pour la foi avec plusieurs autres chrétiens, dont les principaux étaient Nicostrate et Rufin, diacres, Célérin, Urbain, Sidoine, Macaire, surnommé aussi Célérin, Calphurne et Augende. Ils restèrent long-temps en prison, et quelques-uns d'entre eux confessèrent généreusement Jésus-Christ. On voit par leurs lettres à saint Cyprien, et par celles que S. Cyprien leur écrivit alors, qu'ils avaient une union intime avec cet illustre évêque. Dans une lettre qu'il adresse à S. Moyse, à S. Maxime et aux autres confesseurs à Rome, il les félicite de leur captivité, il s'étend sur la gloire du martyre, et les loue de la fermeté qu'ils montrent à observer la discipline. « C'est » confesser le Seigneur, » dit-il, « c'est mériter le titre » de martyr de Jésus-Christ, que de demeurer dans toutes >> les circonstances inviolablement fidèle à ses promesses. » Car vouloir témoigner contre le Seigneur et travailler à » détruire les préceptes du Seigneur; vouloir se servir de » la grâce que l'on a reçue comme d'une arme contre >> celui qui l'a donnée, et se révolter en quelque sorte contre » lui, c'est confesser Jésus-Christ et renier l'Evangile (1).

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Les confesseurs de Carthage sollicitant avec trop de vivacité la réconciliation des chrétiens qui étaient tombés dans la persécution, ceux de Rome leur représentèrent

(1) Epist. XXV.

que leur charité n'était pas assez éclairée, et qu'elle portait une atteinte préjudiciable à la discipline de l'Eglise. S. Cyprien les remercia de leur zèle.

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Ce Père de l'Eglise reçut des chrétiens tombés une lettre dans laquelle ils ne rougissaient pas de déclarer au nom de l'Eglise, qu'ils insistaient sur leur réconciliation. Le saint évêque leur fit une réponse pleine de dignité. « Notre Seigneur, » dit-il, « dont nous devons suivre les préceptes et les avis, en déterminant la dignité de l'évêque et la constitution de son Eglise, s'exprime en ces termes : » Et moi aussi je vous dis que vous êtes Pierre, et que sur cette pierre je bátirai mon Eglise; et les portes de l'enfer ne prévaudront point contre elle. Et je vous don» nerai les clefs du royaume des cieux; et tout ce que vous lierez sur la terre sera aussi lié dans les cieux; » et tout ce que vous délierez sur la terre sera aussi dé» lié dans les cieux (2). Depuis cette époque, l'Eglise a toujours reposé sur ses évêques et a été dirigée par eux. Et cela étant fondé sur la parole divine, je suis surpris » de l'audace de quelques-uns d'entre vous (savoir les » chrétiens tombés), qui m'écrivent au nom de l'Eglise, » tandis que l'Eglise se compose de l'évêque, du clergé et » des fidèles. Que la miséricorde et la toute-puissance de » Dieu ne permettent pas, qu'un petit nombre de chrétiens » tombés soit appelé l'Eglise, tandis qu'il est écrit : Dieu » n'est pas un Dieu des morts, mais des vivans (3). Nous souhaitons que tous redeviennent vivans, et nous appe» lons leur réhabilitation de nos prières et de nos soupirs. » Mais si quelques hommes tombés prétendent être l'Eglise, » si l'Eglise est chez eux et en eux, que nous reste-t-il à

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(2) Matth. XVI, 18, 19.

(3) Matth. XXII, 32.

» faire que de les implorer de daigner nous recevoir dans » leur communion? » Il les exhorte ensuite à l'humilité, à la paix et à la modestie, et, en mémoire de leurs transgressions, à ne plus écrire au nom de l'Eglise, convaincus que c'est à l'Eglise qu'ils écrivent. Il leur raconte que quelques autres chrétiens tombés lui avaient écrit récemment, mais avec humilité, avec douceur et dans la crainte du Seigneur; que ces hommes avaient auparavant accompli de grandes choses dans l'Eglise, et qu'ils ne s'en étaient jamais vantés devant Dieu, parce qu'ils s'étaient rappelés ces paroles qu'il avait prononcées : Lorsque vous aurez accompli tout ce qui vous est commandé, vous direz : Nous sommes des serviteurs inutiles; nous n'avons fait que ce que nous étions obligés de faire (4); que ces mêmes chrétiens, quoique munis de billets des martyrs, lui avaient cependant écrit, qu'ils reconnaissaient profondément leur transgression, qu'ils en éprouvaient un repentir véritable, qu'ils accompliraient leur pénitence, qu'ils n'insisteraient pas avec audace et impatience sur la réconciliation, mais qu'ils attendraient son retour. « Dieu m'est témoin, ajoutet-il, combien ces sentimens me font éprouver de joie, » Dieu qui daigne montrer dans l'humilité de ces hommes ce que de semblables serviteurs peuvent obtenir de sa grâce. Je fais des vœux, mes très-chers frères, pour que » votre santé soit toujours bonne, et qu'après cette cor»rection que vous inflige le Seigneur, vous viviez en paix et en repos. Adieu (5).

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Cependant il reçut une lettre des prêtres Moyse et Maxime, des diacres Nicostrate et Rufin et des autres martyrs de Rome, qui languissaient avec eux dans les cachots. Ils y

(4) Luc. XVII, 10.

(5) Epist. XXVII. Stolberg, Geschichte der rel. Jesu. IX, 87 et 88.

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