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mande & qu'elle en a befoin, peut parvenir fur les traces à la perfec

tion.

Cette Théorie, confidérée dans la Rhétorique, eft le résultat des réflexions profondes faites par des Philofophes délicats & fenfibles fur les écrits des excellens Orateurs; ces réflexions nous découvrent, nous révelent, pour ainfi dire, le fecret de ces Orateurs, nous indiquent les fources du beau, nous tracent les routes du cœur, nous dévoilent les myfteres de cet Art puiffant, qui foumet à l'empire de la perfuafion les efprits les plus rébelles.

A la tête de ces utiles Obfervateurs, eft ce Philofophe fi célebre par le refpect exceffif qu'il sût infpirer à toute l'Antiquité, & par les mépris non moins exceffifs qu'affectent pour lui les frivoles Sectateurs du faux bel efprit, cet Ariftote, l'objet de tant d'éloges & de tant de critiques également outrés. C'eft lui qui le premier ofa prefcrire des bor

nes falutaires à l'impétuofité du Génie, &, fans détruire la liberté, l'affujettir à des regles qui tournent au profit de l'Eloquence.

Cicéron vint enfuite, & fon exemple fuffiroit feul pour fermer la bouche aux Détracteurs de la Rhétorique. Ce grand Orateur a si peu cru fon Art incapable de Théorie, qu'il a donné prefque autant de précep! tes que d'exemples, & qu'il a confacré plufieurs Ouvrages à l'inftruction de ceux qui aspiroient à l'Eloquence.

Quintilien a confacré un Ouvrage immortel à l'Inftitution de l'Orateur; & nos Rheteurs modernes ont développé avec goût & avec méthode les grandes vues de Cicéron & de Quintilien fur l'Eloquence. On s'eft propofé dans cet Ouvrage d'en donner une idée très-légere, mais peut-être fuffifante pour les jeunes perfonnes auxquelles il eft destiné.

RHÉTORIQUE

FRANÇOISE,

A L'USAGE

DES JEUNES DEMOISELLES,

Avec des exemples tirés, pour la plûpart, de nos meilleurs Orateurs & Poëtes modernes.

LIVRE PREMIER.

CHAPITRE PREMIER.

Définition de la Rhétorique.

LA Rhétorique eft la science de la

parole, ou l'art de parler de chaque chofe d'une maniere convenable. L'objet de la

Rhétorique eft de nous tracer les routes qui menent à l'Eloquence. Ces routes font innombrables comme les allées d'un labyrinthe; il eft aisé & dangereux de les confondre : la Rhétorique apprend à les diftinguer.

Le mot Eloquence, pris dans une fignification générale, s'applique à tout ; il n'y a point de fujet qui n'en foit fufceptible. Un Conte, un Madrigal, une Epigramme, a fon éloquence particuliere, auffi bien qu'un Plaidoyer & qu'une Tragédie. Ainfi le caractere de l'éloquence fe.varie à l'infini, fuivant les différens fujets qu'elle traite.

Cette néceffité de varier l'éloquence felon les différens fujets, eft fi étendue, que tous les fujets d'une même efpece ne doivent pas être traités de la même maniere, & exigent différens genres d'éloquence. Ainfi le ftyle de Brutus n'est pas

celui de Zaïre, & celui de Zaire n'eft pas celui d'Edipe; mais les nuances im-, perceptibles qui diftinguent ces différens ftyles, ne peuvent être apperçues que par le goût. La Rhétorique ne peut pas les indiquer, ou du moins elle ne peut les indiquer que d'une maniere bien vague; elle fe repofe de ce foin fur le goût; c'eft fon emploi & fon triomphe.

La Rhétorique ne fournit que des préceptes & des exemples généraux;mais cet inftin&t heureux, ce difcernement fin, ce fentiment exquis qu'on appelle goût, fe forme par ces préceptes & par ces exemples; il s'accoutume au vrai & au beau, fa pénétration dans la fuite fait le refte, & introduit naturellement toutes ces diftinctions délicates que l'art ne peut indiquer. Ainfi la Rhétorique rapporte la multitude infinie des styles à trois genres principaux; le fublime, le fimple & le tempéré. Le goût fubdivife ces trois ftyles felon les circonftances différentes des lieux, des tems & des perfonnes.

Il apprend au Magiftrat à mettre dans fes difcours la gravité de fon état; au Poëte à fe défier des faillies de fon imagination; au Prédicateur, à ne point mettre à la place des vérités faintes dont il doit être l'organe,les écarts peu judicieux d'un enthousiasme déréglé, ou les tranfports fougueux d'une déclamation exceffive:il avertit l'Orateur du barreau de ne dire que ce qu'il faut, mais de dire tout ce qu'il faut, & de ne rien omettre de ce qui peut inftruire ou perfuader fes Juges: il enfeigne au Fabulifte à peindre avec les couleurs les plus fimples tout ce que la nature a de plus naïf; à l'Historien, au

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