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» Prince, qui fut au défefpoir. M. le Duc » pleura; c'étoit fur Vatel que tournoit tout fon voyage de Bourgogne. M. le Prince le dit au Roi fort triftement, On dit que c'étoit à force d'avoir de Do l'honneur en fa maniere.On le loua fort, on leloua & l'on blâma fon courage.Le Roi dit qu'il y avoit cinq ans qu'il retar» doit de venir à Chantilly, parce qu'il comprenoit l'excès de cet embarras. Il » dit à M. le Prince qu'il ne devoit avoir » que deux tables, & ne point se charger » de tout: il jura qu'il ne fouffriroit plus

que M. le Prince en ufât ainfi ; mais »c'étoit trop tard pour le pauvre Vatel, Cependant Gourville tâcha de réparer la perte de Vatel.: on dîna très-bien ; > on fit collation; on foupa; on fe pro» mena; on joua; on fut à la chaffe ;

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tout étoit parfumé de jonquilles ; tout »étoit enchanté. Hier, qui étoit famedi, >on fit encore de même ; & le foir le Roi alla à Liancourt, ou il avoit commandé Medianoche.

Dans une autre lettre à Madame de Grignan.

» Avant hier, à trois heures après minuit, j'entendis crier au voleur, au feu ; » & ces cris fi près de moi, & fi redoublés,

» que,

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que je ne doutai point que ce ne fût ici; je crus même entendre qu'on parloit » de ma petite fille, je ne doutai point qu'elle ne fût brûlée. Je me levai dans » cette crainte fans lumiere, avec un > tremblement qui m'empêcha quafi de me foutenir ; je cours dans fon appartement, qui eft le vôtre, je trouvai tout dans une grande tranquillité; mais je vis la maifon de Guitaut toute en feu: les flammes paffoient par deffus la mai> fon de M. de Vauvineux; on voyoit dans nos cours, & fur-tout chez M. de Guitaut, une clarté qui faifoit horreur : c'étoit des cris, c'étoit une confufion, c'étoit des bruits épouventables de pou tres & de folives qui tomboient. Je fis Ouvrir ma porte, j'envoyai mes gens au » fecours; M. de Guitaut m'envoya une caffette de ce qu'il avoit de plus précieux, je la mis dans mon cabinet, &. puis je voulus aller dans la rue bayer comme les autres : j'y trouvai Monfieur >> & Madame de Guitaut, quafi nuds, Madame de Vauvineux, l'Ambaffadeur » de Venife, tous fes gens, la petite Vauvineux, qu'on portoit toute endormie » chez l'Ambaffadeur; plufieurs meubles >> & vaiffelle d'argent qu'on fauvoit chez » lui: Madame de Vauvineux faifoit dé

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» meubler; pour moi j'étois comme dans » une Ifle, mais j'avois grande pitié de » mes pauvres voifins; Madame Ġueston » & fon frere donnoient de bons con» feils; nous étions tous dans la confter» nation; le feu étoit fi allumé qu'on » n'ofoit en approcher, & l'on n'efpéroit » la fin de cet embrasement, qu'avec la fin de la maifon de ce pauvre Guitaut. Il faifoit pitié; il vouloit aller fauver >> fa mere qui brûloit au troifieme étage, »fa femme s'attachoit à lui & le retenoit avec violence; il étoit entre la douleur de ne pas fecourir fa mere, & la crainte » de bleffer fa femme, groffe de cinq >> mois; enfin il me pria de tenir fa fem» me, je le fis; il trouva que fa mere » avoit paffé au travers de la flamme, & >> qu'elle s'étoit fauvée; il voulut aller >> retirer quelques papiers, il ne put ap

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procher du lieu où ils étoient; enfin il revint à nous dans cette rue où j'avois » fait affeoir fa femme. Des Capucins » pleins de charité & d'adreffe travaillerent fi bien, qu'ils couperent le feu : on jetta de l'eau fur le refte de l'embra» fement, & enfin le combat finit faute de combattans.

Voici encore un exemple remarquable par fa gaieté.

>L'Archevêque de..... revenant hier >>fort vite de S.-Germain, voici ce qui lui arriva. Il alloit, à fon ordinaire, » comme un tourbillon; il paffoit au tra» vers de Nanterre, trà, trà, trà; il ren»contre un homme à cheval, gare, gare; >> ce pauvre homme fe veut ranger, fon » cheval ne le veut pas ; enfin le carroffe »& les fix chevaux renverfent cul par» deffus tête le pauvre homme & le che

val, & paffent par deffus, & fi bien par » deffus, que le carroffe en fut versé & » renverfé. En même tems l'homme & le » cheval,au lieu de s'amuser à être roués, »fe relevent miraculeufement & remon» tent l'un fur l'autre & s'enfuient, & ≫ courent encore; pendant que les La

quais & le Cocher de l'Archevêque, & » l'Archevêque même fe mettent à crier, » arrête, arrê e ce coquin, qu'on lui » donne cent coups de bâton; & l'Arche» vêque, en racontant ceci, disoit, fi » j'avois tenu ce maraud là, je lui aurois » rompu les bras & coupé les oreilles. »

Tous les récits de Madame de Sevigné font auffi animés, auffi intéreffans. On en trouve un fur-tout, dans le nouveau volume d'addition qui a paru depuis quelques années, qu'on peut citer comme un

modele accompli de narration. C'eft une lettre qu'elle écrit à M. de Sevigné fon fils, & dans laquelle elle lui conte avec tout l'enjouement, toute la legereté & toutes les graces poffibles, une aventure ridicule & bizarre arrivée par égarément de dévotion à une Demoifeile qu'il avoit voulu époufer.

CHAPITRE IV.

De la Confirmation.

EST ici le vafte champ où fe déploient toutes les forces de l'Orateur; c'eft ici que la perfuafion, par un charme invincible & tout-puiffant, brife les remparts que le préjugé lui oppose, & triomphe des cœurs les plus obftinés. Preuves folides, pensées frappantes expreffions nerveufes, tout est mis en œuvre pour allumer ou éteindre le feu des paffions. La Confirmation Oratoire ne fe borne pas à prouver d'une maniere feche, quoiqu'invincible, une vérité douteufe ou conteftée; elle laiffe à la Logique l'enthymeme & le fyllogifme; elle fe fert d'autres armes d'autant plus redoutables, qu'elles font plus douces ;

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