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fouvent dédaignant de perfuader un ef prit rebelle, elle porte fes traits victo rieux dans le fond du cœur, qui lui fournit de lui-même les raifons dont elle a befoin pour achever fa conquête. C'est ainfi que Galba ne pouvant fe laver du crime dont on l'acculoit, produifit aux yeux de l'affemblée fes petits enfans, que fa mort eût rendu orphelins, & par ce fpectacle touchant arracha à fes Juges attendris l'abfolution qu'il ne pouvoit obtenir de leur juftice.

La Réfutation eft liée à la Confirmation par un enchaînement néceflaire; on ne peut bien prouver une thefe, fans détrui re les objections qui s'élèvent contr'elle.

Rien n'eft plus touchant ni plus pathé tique que ce difcours de Mentor à Télémaque, pour lui perfuader d'abandonner l'Iffe de Calypfo, fi funefte à sa vertu.

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Que j'ai pitié de vous, (difoit ce fage »Vieillard à Télémaque.) Votre paflion » eft fi furieufe que vous ne la fentez pas; Vous croyez être tranquille, & vous demandez la mort; vous o ez dire que vous » n'êtes point vaincu par l'amour, & vous ≫ ne pouvez vous arracher à la Nymphe que vous aimez ; vous ne voyez, vous n'entendez qu'elle, vous êtes aveugle s

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» fourd à tout le refte. Un homme que fa » fievre rend phrénétique, dit : Je ne fuis >> point malade. O, aveugle Télémaque! » vous étiez prêt de renoncer à Pénélope » qui vous attend, à Ulyffe que vous ver » rez, à Ithaque où vous devez régner, à » la gloire & à la haute deftinée que les >> Dieux vous ont promife par tant de » merveilles qu'ils ont faites en votre fa30 veur; vous renonciez à tous ces biens » pour vivre deshonoré auprès d'Eucha» ris! Direz-vous encore que l'amour ne → vous attache point à elle? Qu'est-ce >> donc qui vous trouble? Pourquoi vou»lez-vous mourir? Pourquoi avez-vous » parlé devant la Déeffe avec tant de >> transport? Je ne vous accufe point de mauvaise foi, mais je déplore votre aveuglement.Fuyez, Télémaque,fuyez; on ne peut vaincre l'amour qu'en le » fuyant; contre un tel ennemi, le vrai » courage confifte à craindre & à fuir : » vous n'avez pas oublié les foins que >> vous m'avez coûtés depuis votre enfance, & les périls dont vous êtes forti par » mes confeils. Qu croyez-moi, ou fouffrez que je vous abandonne. Si vous fa»viez combien il m'eft douloureux de » vous voir courir à votre perte ; fi vous » faviez tout ce que j'ai fouffert pendant

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» que je n'ai ofé vous parler; la mere qui Vous mit au monde fouffrit moins dans » les douleurs de l'enfantement. Je me fuis tû, j'ai dévoré ma peine; j'ai étouf»fé mes foupirs pour voir fi vous revien>> driez à moi. O'mon fils, mon cher fils, foulagez mon cœur ! Rendez-moi ce qui m'eft plus cher que mes entrailles! Rendez-moi Télémaque que j'ai perdu! Rendez-vous à vous-même ! Si la fageffe en vous furmonte l'amour, je vis »& je vis heureux'; mais fi l'amour vous > entraîne malgré la fagesse, Mentor ne » peut plus vivre. »

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Pour réuffir dans la Confirmation, il faut bien connoître le cœur de l'homme en général, & les diverfes paffions dontil eft capable; fil'on fait les inclinations par ticulieres de ceux devant qui on parle c'eft un avantage qu'il faut faire valoir.Un habile Orateur ne manquera pas de faifir adroitement leur endroit fenfible, & de les prendre par leur foible; un ambitieux, par l'éclat des honneurs ; un avare, par Fappas des richeffes; un amant, par l'ef pérance d'être aimé ; un vindicatif, par les cruelles douceurs de la vengeance; un fujet zelé & fidele, par fa rendreffe pour fon Prince, &c. C'est ce tour heureux.em

ployé ingénieufement par Hégélippers qui ramene Philocles à la Cour d'Idomenée, plutôt que le vol des oifeaux, les entrailles des victimes, & la réponse des Dieux confultés par Philocles. Voici le difcours d'Hégélippe :

>> Etes-vous donc infenfible au plaifir » de revoir vos proches & vos amis qui foupirent après votre retour, & que la feule efpérance de vous embraffer comble de joie? Mais vous qui craignez les Dieux & qui aimez votre devoir, » comptez vous pour rien de fervir votre Roi, de l'aider dans tous les biens qu'il » veut faire, & de rendre tant de peuples heureux ? Eft-il permis de s'abandonner à une Philofophie fauvage, de fe préférer à tout le refte du genre-hu» main, & d'aimer mieux fon repos que » le bonheur de fes concitoyens? Au ref te, on croira que c'eft par reffentiment que vous ne voulez plus voir le Roi: s'il - a voulu vous faire du mal, c'est qu'il ne 20 vous a point connu : ce n'eft pas le véri

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table, le bon, le jufte Philocles qu'il a » voulu faire périr. C'étoit un homme » bien différent qu'il vouloit punir. Mais >> maintenant qu'il vous connoît & qu'il >> ne vous prend plus pour un autre, il > fent toute fon ancienne amitié revivre

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» dans fon cœur ; il vous attend; déja il vous tend les bras pour vous embraffer; dans fon impatience, il compte les jours & les heures: aurez-vous le » cœur affez dur pour être inexorable à a votre Roi & à tous vos plus tendres » amis?

Lufignan, dans le pathétique difcours qu'il fait à Zaïre, pour l'engager à rentrer dans le fein de la Religion qu'elle a abandonnée,ne s'amufe point à lui prouver l'excellence du Chriftianifme; mais il l'émeut, il la touche, il l'attendrit par des images vives & frappantes auxquelles elle ne peut résister.

LUZIGNAN à Zaire.

Ma fille, tendre objet de mes dernieres peines; Songe au moins, fonge au fang qui coule dans tes

veines ;

C'eft le fang de vingt Rois tous Chrétiens comme moi;

C'eft le fang des Héros défenfeurs de ma loi;

C'eft le fang des Martyrs.... O fille encor trop chere !

Connois-tu ton deftin! Sais-tu quelle eft ta mere? Sais-tu bien qu'à l'inftant que fon flanc mit au jout Ce trifte & dernier fruit d'un malheureux amour,

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