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TITUS..

Que dit-on des foupirs que je pouffe pour elle
Quel fuccès attend-on d'un amour fi fidele ›

Que répond Raulin?

Vous pouvez tout. Aimez, ceffez d'être amoureux: La Cour fera toujours du parti de vos vœux.

C'eft la Cour, mais non pas le Peuple.

Enfin l'Empereur lui ordonne de dire la vérité..

Je veux par votre bouche entendre tous les cœurs,
Vous me l'avez promis. Le refpect & la crainte
Ferment autour de moi le paffage à la plainte.
Pour mieux voir, cher Paulin, & pour entendre
mieux',

Je vous ai demandé des oreilles, des yeurs
F'ai mis même à ce prix mon amitié fecrette;
J'ai voulu que des cœurs vous fuffiez l'interprete,
Qu'au travers des Flatteurs votre fincerité:
Fit toujours jufqu'à moi paffer la vérité. -
Parlez donc. Que faut-il que Bérénice efpere?
Rome lui fe-a-t-elle indulgente ou févere?:
Dois-je croire qu'affife au trône des Gélars»,
Une fi beile Reine offensât:fes regards ??

C'eft alors que Paulin lui allegue leas Joix & les exemples qui condamnent for

penchant. Mais avec quel.ménagement le fait-il? Lorfqu'il dit quelque chofe d'un peu hardi, il a foin d'appliquer à propos le correctif.

Vous n'avez commandé fur-tout d'être fincere,

Et s'il faut jufqu'au bout que je vous obéiffe.

Titus eft le modele des Rois, & Paulin 'devroit l'être des Courtifans, On ne voit dans fon difcours ni la rampante adulation des Courtifans de Neron; ni l'humeur rude, fauvage & inflexible des Défenfeurs de la Liberté Romaine dans les derniers temps de la République.

Efther, pour engager Affuerus à révoquer l'Edit fanglant qu'il a porté contre les Juifs, juftifie d'abord ce peuple de tous les crimes dont on cherchoit à le noircir, & finit par repréfenter au Roi que lui-même doit la vie aux foins & à la vigilance du Juif le plus cruellement perfécuté par Aman.

ESTHER à Affuerus.

Notre ennemi cruel devant vous fe déclare,
C'eft lui, c'eft ce Miniftre infidele & barbare,
Qui d'un zele trompeur à vos yeux revêtu,
Contre notre innocence arma vote yertu

Et quel autre, Grand Dieu ! qu'un Scythe impi

toyable,

Auroit de tant d'horreurs dicté l'ordre effroyable?
Par-tout l'affreux fignal en mème-temps donné,
De meurtres remplira l'Univers étonné ;

On verra fous le nom du plus jufte des Princes,
Un perfide Etranger défoler vos Provinces,
Et dans ce Palais même en proie à fon courroux,
Le fang de vos fujets regorger jufqu'à vous.
Et que reproche aux Juifs fa haine envenimée ?
Quelle guerre inteftine avons-nous allumée ?
Les a-t-on vus marcher parmi vos Ennemis,
Fut-il jamais au joug efclaves plus foumis
Adorant dans leurs fers le Dieu qui les châtie,
Tandis que votre main fur eux appéfantic
A leurs perfécuteurs les livroit fans fecours,
Ils conjuroient ce Dieu de veiller fur vos jours,
De rompre des méchans les trames criminelles,
De mettre votre Trône à l'ombre de fes aîles:
N'en doutez point, Seigneur, il fut votre soutien;
Lui seul mit à vos pieds le Parthe & l'Indien,
Diffipa devant vous les innombrables Scythes,
Et renferma les mers dans vos vaftes limites:
Lui feul, aux yeux d'un Juif découvrit le deffein,
De deux traîtres tout prêts à vous percer le fein.
Hélas! ce Juif jadis m'adopta pour fa fille.

On fent affez quelles impreffions de tels difcours doivent faire fur les efprits & fur les cœurs,

CHAPITRE V.

De la Péroraifon.

LA Péroraifon ou Conclufion du dif

cours, eft la véritable pierre de touche de P'Orateur ; c'eft ici qu'il doit achever de forcer l'incrédulité & la prévention jufques dans leurs derniers retranchemens; c'eft ici qu'il doit raffembler dans un cercle étroit tout ce que l'éloquence a de tours féduifans & de mouvemens pathétiques, afin d'entraîner fes Auditeurs par une douce violence. Cicéron excelloit dans cette partie de l'Art Oratoire.

La Péroraifon eft une efpece d'analyse de tout le difcours; on y raffemble, on y expofe tout à la fois aux yeux, les points principaux qui ont été agités féparément & d'une maniere plus étendue dans le corps du difcours. On vole ici fur chacun d'eux avec une extrême rapidité: ce font comme autant d'aiguillons qu'on enfonce dans l'ame des Auditeurs.

Dans le Paradis perdu de Milton, Setan l'implacable ennemi de Dieu, anime ainfi à la vengeance les compagnons de La révolte

Eh, quoi! pour avoir perdu le champ de bataille, tout eft-il perdu? Une vo> lonté inflexible nous refte encore; un » defir ardent de vengeance, une haine > immortelle & un courage indomptable. » Sommes nous donc vaincus? Non, mal» gré fa colere, malgré toute fa puiffance, il n'aura point la gloire de m'avoir forcé » à fléchir un genou fuppliant pour lui de mander grace.Je ne reconnoîtrai jamais » pour Souverain celui dont ce bras a pu »faire chanceler l'Empire: ce feroit une »bassesse, une ignominie,un affront plus fanglant encore que notre défaite. Faut

il qu'un revers nous ôte tout courage? » Cherchons notre confolation dans les > arrêts du deftin. Notre fubftance elt » immorteile ; nos armes font toujours » les mêmes ; nos lumieres font augmen»tées ; nous pouvons donc, avec plus » d'efpoir de fuccès, par force ou par

rufe, faire une guerre éternelle à notre » grand ennemi, qui maintenant triomphe, & qui, charmé de regner feul, exerce dans le Ciel toute fa tyrannie ».

Perfée, fils de Philippe, Roi de Macédoine, accusoit Démétrius fon jeune frere d'être venu la nuit avec des affaffins. pour l'égorger. Certe accufation n'avoit

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