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DANDI N.

Tirez, tirez, tirez,

::.. Tirez donc. Quels vacarmes!

Ils ont piffé par-tout.

L'INTIM É.

Monfieur, voyez nos larmes.

Peroraifon du difcours de Clytemnestre farieufe du deffein que fon mari avoit conçu, quoique malgré lui, d'immoler Iphigénie.

CLYTEMNESTRE à Agamemnon.

Eft-ce donc être pere! Ah! toute ma raison
Cede à la cruauté de cette rrahison.

Un Prêtre environné d'une foule cruelle,
Portera fur ma fille une main criminelle 1
Déchirera fon fein, &, d'un œil curieux,
Dans fon cœur palpitant confultera les Dieux!
Et moi qui l'amenai triomphante, adorée,
Je m'en retournerai feule & défefpérée!
Je verrai les chemins encor tout parfumés
Des fleurs, dont fous fes pas on les avoit semés
Non, je ne l'aurai point amenée au fuplice,
Ou vous ferez aux Grecs un double facrifice:
Ni crainte, ni refpect ne m'en peut détacher;
De mes bras tout fanglans il faudra l'arracher,
Auffi barbare Epoux qu'impitoyable Peie,

G

Venez, fi vous l'osez, la ravir à sa mere:
Et vous, rentrez ma fille, & du moins à mes loix
Obéiffez encor pour la derniere fois.

Les difcours d'Agamemnon & d'Iphi génie font auffi parfaitement beaux; on peut, & on doit même les confulter dans l'original.

Pourroit-on fe laffer de lire, d'étu dier, & d'admirer ces exemples charmans, fi capables de former le goût, & de nourrir dans les terres bien difpofées, le germe malheureufement pou fécond de la véritable éloquence?

Fin du fecond Livre,

LIVRE TROISIEME.

CHAPITRE PREMIER

De l'Elocution, & de fes parties.

C'EST ici la partie la plus effentielle

de l'Eloquence, & celle qui lui appartient le plus particulierement; c'est elle qui donne aux autres tout leur mérite & toutes leurs graces; fans elle, les raifonnemens les plus folides, les mieux enchaînés, les mieux fuivis, n'ont rien que d'ennuyeux & de défagréable: fans elle, la raifon même révolte; & quoique fouvent, à la faveur de la vérité & de l'évidence, elle triomphe malgré l'ennui & les dégoûts qu'on lui oppofe, cependant l'efprit fatigué ne reçoit fon joug qu'avec peine, & cherche tous les moyens de le fecouer. Mais quand la fédui ante Elocution lui prête fon fecours, rien ne lui réfifte, tout céde à fes charmes, les cœurs attendris volent au-devan d'elle, les efprits convaincus fe laiffent entraîner après eux. L'efprit toujours eft la dupe du cœur, & le cœur eft la dupe de l'élocution.

L'Elocution eft la feule partie de la

Rhétorique qui ait des droits incontef tables fur le cœur, parce qu'elle est la feule dont il foit l'unique fource. Pour entendre ceci, il faut obferver que les d ff rentes facultés de l'ame font toujours affectées par les différens ouvrages qu'elles ont produits. Par exemple, c'eft imagination qui invente des raifons ingénieufes, folides, propres à perfuader; C'eft auffi à l'imagination que ces fortes de raifons plaifent par elles-mêmes, & indépendamment de tout fecours é ranger, La diftribution géométrique des parties du difcours, cette heureuse & puiffante économie qui donne une nouvelle force aux raifons, en les mettant à leur place, eft l'ouvrage du jugement; c'eft auffi le jugement qui eft fletté par la régularité de la difpofition: mais fi le cœur ne fe pénétroit vivement de ces raifons, s'il ne les fentoit avec chaleur, s'il ne les peignoit avec force; s'il ne leur donnoit la vie, l'expreffion, les couleurs, par le moyen de l'élocution, on les verroit languir triftement dans les glaces de la monotonie. C'eft donc le fentiment, c'eft cette féconde opération du cœur qui anime le fquelette que l'imagination avoit créé, que le jugement avoit organifé, c'eft le Prométhée qui vi

vifie la ftatue que leurs mains avoient conftruite; c'eft auffi le Pygmalion qui devient amoureux de cette ftatue ainfi vivifiée. Je n'entends point par-là cette tendresse aveugle que les Auteurs conçoivent pour leurs ouvrages, mouvement paternel que la nature infpire; j'entends l'impreffion que fait un ouvrage fur l'ame du Lecteur, & je dis qu'il ny a point de bon ouvrage dont l'imagination n'ait fourni les pensées, dont le jugement n'ait diftribué les parties, & que le fentiment n'ait embelli par les charmes de l'élocution : j'ajoute que l'imagination du Lecteur eft amusée par les penfées; que fon jugement eft flatré par leur difpofition, & que fon cœur eft entraîné par l'élocution; en un mot, chaque faculté de l'ame fent & goûte ce qu'une faculté relative a produit. Or, de toutes ces facultés, la plus forte & la plus étendue étant le fentiment, c'est lui qu'il eft fur-tout important de gagner, & c'eft ce que fait l'Elocution.

Quand l'infortunée Zaïre, emportée par l'impétuofité de fon amour, ofe avouer à Néreftan la coupable flamme dont elle brûle pour Orofmane, Néreftan, iirité d'un aveu fi honteux, combat

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