Images de page
PDF
ePub

nefte accident, toutes les Villes de Judée furent émues ; des ruiffeaux de lar>>mes coulerent des yeux de tous fes Habitans; ils furent quelque tems faifis >> muets, immobiles: un effort de douleur rompant enfin ce long & morne > filence, d'une voix entrecoupée de fan» glots que formoient dans leurs cœurs

D

la trifteffe, la pitié, la crainte, ils s'é>>crierent: COMMENT EST mort get > HOMME FUISSANT QUI SAUVOIT LE PEUPLE D'ISRAEL? A ces cris, Jérufa» lem redoubla fes pleurs ; les voûtes du Temple s'ébranlerent; le Jourdain fe » troubla, & tous les rivages retentirent » du fon de ces lugubres paroles : COM

DMENT EST MORT CET HOMME PUIS

» SANT QUI SAUVOIT LE PEUPLE D'lsRAEL?

M. Boffuet, Oraifon funebre du Grand Condé.

» Venez, Peuples; venez, Seigneurs » & Potentats ! & vous qui jugez la terre, >> & vous qui ouvrez aux hommes les » portes du Ciel, & vous, plus que tous » les autres, Princes & Princeffes, no»bles Rejettons de tant de Rois, lumieres de la France, aujourd'hui obfcurcies » & couvertes de votre douleur comme

כל

[ocr errors]
[ocr errors]

>> d'un nuage! venez voir le peu qui nous »refte d'une fi augufte Naiffance, de tam » de grandeur, de tant de gloire ; jettez » les yeux de toutes parts: voilà tout ce » qu'a pu faire la magnificence & la piété » pour honorer un Héros; des titres, des infcriptions, vaines marques de ce qui » n'est plus; des figures qui femblent pleu rer autour d'un tombeau, & de fragiles images d'une douleur que le tems emporte avec tout le refte;des colonnes qui » femblent vouloir porter jusqu'au Ciel le magnifique témoignage de notre néant, » & rien enfin ne manque dans tous ces honneurs, que celui à qui on les rend. » Pleurez donc fur ces foibles reftes de la » vie humaine; pleurez fur cette trifte > immortalité que nous donnons aux Hé»ros. O vous! qui courez avec tant d'ar» deur dans la carriere de la gloire, ames guerrieres & intrépides! quel autre fut plus digne de vous commander? Pleu>> rez ce grand Capitaine, & dites en gé>> milfant: voilà celui qui nous menoit dans les hafards; fous lui fe font formés tant d'illuftres Capitaines que fes exem»ples ont élevés aux premiers honneurs » de la guerre ; fon ombre eût pu encore » gagner des batailles ; & voilà que dans >> fon filence fon nommême nous anime

ככ

50

» & nous avertit en même tems que » pour trouver à la mort quelques reftes » de nos travaux, il faut, en fervant le »Roi de la terre, fervir encore le Roi » du Ciel.

On peut comparer enfemble ces deux admirables morceaux, qui fuffifent pour donner d'abord une idée générale du fublime; mais il eft bon d'approfondir un peu cette partie importante de la Rhétorique. Longin, dans le Traité fi eftimé qu'il a fair fur cette matiere, paroît avoir trop confondu le fublime avec le beau & n'avoir pas affez confidéré qu'il eft une multitude d'ouvrages qui ne peuvent s'élever au ton majeftueux & fier du fublime, & qui font pourtant, des chefsd'œuvre dans leur genre.

Il eft des graces légeres & naïves; il en eft de nobles & de fublimes; les unes piquent & réveillent le fentiment, les autres tranfportent l'ame & l'enchantent leurs effets font différens comme leurs attraits; elles font toutes également, quoique diversement, aimables.

Le plaifant eft directement oppofé au fublime, & eft abfolument incompatible,

avec lui.

Le doux, le tendre, le touchant s'en

rapprochent davantage, mais ils en font encore bien éloignés.

Tout ce qui, dans le genre grave, rieux & noble eft au-deffus du fimple agrément, peut fe rapporter au fublime.

Le plaifant réjouit l'ame, & la met dans une fituation tranquille & gaie; le fin, l'ingénieux flatte fa délicateffe; le touchant la pénetre & développe fase Tfibilité; le fublime l'étonne, l'éleve, & déploie toute la grandeur & toute la no bleffe dont elle eft capable.

Le bon & le bean font donc bien différens du fublime, & tous ces genres, eftimables en eux-mêmes, s'ils ne font pas aifés à définir, font aifés du moins à diftinguer par les différens effets qu'ils produifent.

Le fentiment que caufe le fublime eft l'admiration; c'eft-là fon caractere diftinctif.

Le fublime

peut naître de quatre fources ; des images, des penfées, des fentimens & des paroles.

Du fublime des Images.

Toute image qui représente avec des couleurs vives & fortes un grand objet, une grande action, produit néceffairement le fublime.

> Dieu dit: que la lumiere fe faffe ; & » la lumiere fe fit.

Voilà une grande action peinte avec de grandstraits; voilà du fublime. C'est avec raifon qu'on admire depuis long-tems ce tableau fi noble & fi précis de la Toutepuiffance Divine. Cette création, qui ne coûte qu'un mot à l'Eternel, cette rapidité avec laquelle fon ordre fuprême eft. accompli auflitôt que donné ; ce tour i vif & fi frappant, qui exprime fi bien toutes ces grandes idées, mérite assurément l'admiration de quiconque fait penfer & fentir. Ces fortes d'images fe rencontrent fréquemment dans l'Ecritre, fur-tout dans les Pfeaumes & dans les Ecrits des Prophétes.

» La Mer le vit, & s'enfuit,« dit David au fujet de la Mer rouge, qui fufpendit fes flots pour ouvrir un paffage au peuple protégé de Dieu & conduit par fon Prophéte. Veut-il peindre ce Dieu excitant une tempête?

"Il parle; les vents accourent, les » flots de la Mer s'élevent.

Il ne les calme pas avec moins d'empire & de facilité; fa bonté n'eft pas moins rapide dans fes effets,que fa colere. » Il change l'Aquilon en Zéphir, & les flots fe taifent.

« PrécédentContinuer »