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objet de toutes fes complaifances, & n'exhale fa mourante tendrelle pour ce fils infortuné, que par ce fentiment héroïque, peut-être féroce, mais fublime. Approche, trifte objet d'horreur & de tend effe: Approche, cher appui qu'espéroit ma vie:lleffe! Viens embraffer ton pere, il t'a dû condamner; Mais, s'il n'étoit Brutus, il t'alloit pardonner,

: Un Sénateur vient le confoler de la part du Sénat, dont les entrailles plus paternelles que celles de Brutus étoient émues de compaffion. Ce Républicain farouche lui répond fierement;

Vous connoiffez Brutus, & l'ofez consoler!

Quel mélange horrible de grandeur & de cruauté!

Cette parole de Zénobie, au soupçonneux Rhadamifte fon époux, eft pleine d'une noble & délicate fierté:

Je connc is la fureur de tes foupçons jaloux, Mais j'ai trop de vertu pour craindre mon époux.

Heureuse fécurité que la vertu feule peut donner!

Teleft encore le fentiment exprimé par cette réponse admirable de Pauline à PoTieucte, qui lui dit, au fujet de Sévere;

Quoi! vous me foupçonnez déja de quelque om

brage?

PAULINE.

Je ferois à tous trois un trop fenfible outrage.

Dans cet exemple la délicatesse est jointe à la fublimité.

OROSMANE, à Néreftan.

Chrétien, je fuis content de ton noble courage;
Mais ton orgueil ici fe feroit-il flatté
D'effacer Orofmane en générofité?
Reprens ta liberté, remporte tes rieheffes;
A Por de ces rançons joins mes juftes largeffes.
Au lieu de dix Chrétiens que je dûs t'accorder,
Je t'en veux donner cent, tu peux
les demander;
Qu'ils aillent, fur tes pas, apprendre à ta Patrie
Qu'il eft quelques vertus au fond de la Syrie;
Qu'ils jugent, en partant, qui méritoit le mieux,
Des Lufignans ou moi, l'empire de ces lieux.

Quelle noble hardieffe dans ce difcours de Monime à Mithridate, qui, par un détour artificieux, lui avoit arraché l'aveu de fon amour fecret pour Xipharés. Je n'ai point oublié quelle reconnoiffance Seigneur, m'a dû ranger fous votre obéiffance: Quelque rang ou jadis foient montés mes ayeux, Leur gloire de fi loin n'éblouit point mes yeux.

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Je longe avec respect de combien je suis née
Au-deffous des grandeurs d'un fi noble hymenée.
Et malgré mon penchant & mes premiers deffeins
Pour un fils, après vous le premier des humains,
Du jour qu'on m'impofa pour vous ce diadême,
Je renonçai, Seigneur, à ce Prince, à moi-même.
Tous deux d'intelligence à nous facrifier,
Loin de moi par mon ordre il couroit m'oublier.
Dans l'ombre du fecret ce feu s'alloit éteindre,
Et même de mon fort je ne pouvois me plaindre,
Puisqu'enfin aux dépens de mes vœux les plus doux
Je faifois le bonhenr d'un Héros tel que vous.
Vous feul, Seigneur, vous feul, vous m'avez ar-
rachée

A cette obéiffance où j'étois attachée;
Et ce fatal amour dont j'avois triomphé,
Ce feu que dans l'oubli je croyois étouffé,
Dont la caufe à jamais s'éloignoit de ma vue;
Vos détours l'ont furpris, & m'en ont convaincue;
Je vous l'ai confeffé, je le dois foutenir,
En vain vous en pourrez perdre le fouvenir,
Et cet aveu honteux où vous m'avez forcée,
Demeurera toujours préfent à ma pensée.
Toujours je vous croirois incertain de ma foi,
Et le tombeau, Seigneur, eft moins trifte pour

mai,

Que le lit d'un Epoux qui m'a fait cet outrage,
Qui s'eft acquis fur moi ce cruel avantage,

Et

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Et qui me préparant un éternel engi
M'a fait rougir d'un feu qui n'étoit pas pour lui,

Afdrubal, Ambaffadeur de Carthage, plaidoit dans le Sénat Romain la caufe de fa Nation vaincue; i commençoit à fléchir les Sénateurs, lorfqu'un d'eux, l'interrompant avec colere, lui demanda par quels Dieux, après tant de fermens violés, feroit jurée l'obfervation d'un nouveau Traité? Par ces mêmes Dieux, répondit Afdrubal, qui puniffent fi féverement les infracteurs des Traités.

Cette éloquence du cœur, cette expreffion fi noble d'un repentir fincere, appartient au fublime de fentiment.

Les fentimens que Henri le Grand fait paroître à l'afpe& du fage Mornai, lorsque, honteux de fa foibleffe, il s'arrache des bras de la charmante d'Eftrées pour rentrer dans ceux de la gloire, font d'une générofité parfaite.

Enfin, dans ces jardins où fa vertu languit,
Il vit Mornai paroître; il le voit, & rougit:
L'un de l'autre en fecret, ils craignoient la pré-
fence.

Le fage, en l'abordant, garde un morne filence
Mais ce filence même, & ces regards baifiés,

Se font entendre au Prince, & s'expliquent affeza
Sur ce vifage auftere où régnoit la trifteffe,
Henri lut aisément fa honte & fa foibleffe.
Rarement de fa faute on aime le témoin.
Tout autre eût de Mornai mal reconnu le foin,
Cher ami, dit le Roi, ne crains point ma colere;
Qui m'apprend mon devoir, eft trop sûr de me
plaire :

Viens; le cœur de ton Prince eft digne encor de toi:

Je t'ai vu: c'en eft fait, & tu me rends à moi.
Je reprens ma vertu que l'amour m'a ravie.
De ce honteux repos fuyons l'ignominie;
Fuyons ce lieu funefte, où mon cœur mutiné
Aime encor les liens dont il fut enchaîné.
Me vaincre, eft déformais ma plus belle victoire.
Partons; bravons l'amour dans les bras de la
gloire ?

Et bientôt vers Paris répandant la terreur,
Dans le fang Espagnol effaçons mon erreur.
A ces mots généreux, Mornai connut son Maître
C'est vous, s'écria-t-il, que je revois paroître !
Vous, de la France entiere augufte défenseur;
Vous, vainqueur de vous-même, & roi de votre

cœur,

L'Amour à votre gloire ajoute un nouveau luftre; Qui l'ignore eft heureux,quile dompte eftillufire.

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