Moins tu dois t'offenser de fon injufte effroi. Racine peint avec autant de douceur que de délicateffe les mouvemens d'inquiétude qui s'emparent de Junie, & les preffentimens tendres auxquels elle fe livre, lorfque Britannicus fe fépare d'elle pour aller à ce feftin fatal où Néron de voit le faire empoisonner. JUNIE. Mais Narciffe, Seigneur, ne vous trahit-il point? BRITANNICU S. Et pourquoi voulez-vous que mon cœur s'en défie JUNIE. Et que fais-je ? Il y va, Seigneur, de votre vie. Tout m'eft fufpect: Je crains que tout ne foit fé duit; Je crains Néron; je crains le malheur qui me fuit Avoit choifi la nuit pour cacher fa vengeanse! L'Elégie de Mademoiselle Deshoulieres, fur la mort de fon Amant, mérite, par la tendreffe qui y regne, & l'élégance avec laquelle elle eft écrite en quelques endroits, de trouver ici fa place. Au milieu des plaifirs fur cet heureux rivage, leurs,.. Se fait un ordinaire ufage De fes foupirs & de fes pleurs, Et je porte par-tout la chere & trifte image Du deftin de Tirfis à toute heure occupée, Les plus touchans plaifirs font pour moi fans appassi Pour offrir de mon cœur les déplaisirs mortels Eft tout-à-coup interrompu; Et pleine de la mort qui cause mon fupplice, Dans ces cruels inftans, à ma douleur fidelle; 4 Et je fens rallentit mon zele: Ma paffion reprend une force nouvelle, Et mon cœur tout entier retourne à mon Amanté Ce chemin, aux mortels fi rude & fi pénible. Vous qui reconnoiffez toujours D'un Etre fouverain l'éternelle fageffe; Vous, hélas! que la grace accompagne fans ceffe, Et qui dans le repos voyez couler vos jours, Joignez à la douleur qui m'agite & me preffe, De vos utiles vœux l'infaillible fecours. Voici quelques autres exemples, où il entre beaucoup d'imagination & de fentiment; ils font tirés des Poéfies de Madame Deshoulieres. DAPHNI S. EGLOGUE A M. D'AUDIFRET. Daphnis, le beau Daphnis, l'honneur de ces Ha meaux, Qui, dans la tranquille Aufonie, De Pan conduifoit les Troupeaux, Accablé fur ces bords d'une peine infinie, Conduit par le hafard dans ce lieu folitaire, STANCES. Dans un charmant défert où les jeunes Zéphirs En fongeant au Berger que j'aime & qui m'adore; Que, s'il étoit ici, je goûterois encore. Hélas! cent fois la nuit; hélas! cent fois le jour Je m'imagine voir dans ce bois folitaire Daphnis prêt d'expiter d'amour, Me dire en foupirant : L'aftre qui nous éclaire Qu'on doive préférer au bonheur de vous plaire? MADRIGAL. Qu'eft devenu cet heureux tems, Où le chant des oiseaux, les Aeurs d'une prairie, Et le foin de ma Bergerie Me donnoient de fi doux momens? Cet heureux tems n'eft plus ; & je ne fais quel trouble Fait que tous les plaifirs font pour moi fans dou ceur : J'ignore ce qui met ce trouble dans mon cœur ; LES MOUTONS. IDYLLE. Hélas! petits moutons, que vous êtes heureux! Vous paffez dans nos champs, fans foucis, fans allarmes, Auffi tôt aimés qu'amoureux! On ne vous force point à répandre des larmes; |