Loin, lin, trompe afe fortune, En quelque climat que j'erre, Les pleurs dûs à nos amours, Rien de plus délicat & de plus tendre que ces jolis vers fur un berceau, une fontaine & une Maîtreffe, Sous ce berceau qu'Amour exprès Le cœur percé de mille traits » Hélas! que l'on feroit heureux » On pouvoit, toujours amoureux, PROGNÉ ET PHILO ME LE FABLE. 'Autrefois Progné l'Hirondelle De fa demeure s'écarta, Et loin des Villes s'emporta Dans un bois où chantoft la pauvre Philomele: Ma fœur, lui dit Progné, comment vous portez vous ? Voici tantôt mille ans que l'on ne vous a vue; Ne quitterez-vous point ce féjour folitaire ? Tout au plus à quelque ruftique ? Le défert eft-il fait pour des talens & beaux ? Venez faire aux Cités éclater leurs merveilles: Auffi-bien en voyant les bois, Sans ceffe il vous fouvient que Térée autrefois, Parmi des demeures pareilles, Exerça fa fareur fur vos divins appas. Et c'est le fouvenir d'un fi cruel outrage, Qui fait, lui dit sa fœur, que je ne vous fuis pas : L En voyant les hommes, hélas! Il m'en fouvient bien davantage. Rien de plus parfait dans ce genre, que f'Ode de M. l'Abbé Metaftafio, qui a pour titre, la Liberté, ou la parfaite Indifférence. Il n'eft pas poffible de mieux représenter l'état d'un cœur, qui, après avoir aimé, recouvre fa liberté, mais qui, dans l'inftant même qu'il s'applaudit d'être forti d'efclavage, laiffe entrevoir qu'il pourroit encore y rentrer, s'il efperoit un traitement plus doux. Le ftyle de cette Ode eft d'une douceur & d'une nobleffe qui fe font fentir au cœur. Il n'y a pas une circonftance, pas un fentiment qui ne foit pris dans la na ture. I. » Graces à tes tromperies, Nicé, je » refpire, Les Dieux enfin ont eu pitié >> d'un malheureux : enfin mon ame fe fent délivrée de fes liens. Pour cette fois, ma liberté n'eft pas un fonge. Į I, » Mon ancienne ardeur eft éteinte. Je » fuis fi tranquille, que chez moi l'amour » ne trouve point de dépit pour se mal quer. Quand on prononce ton nom »Nicé, je ne change plus de visage; & » quand je te regarde, mon cœur n'est ❤ plus ému. I I I. « Je dors, & je dors fans te voir en fonge. A mon réveil tu n'es plus le pre>mier objet de ma pensée. Je m'éloigne » de toi fans defir de te revoir : je te re vois fans plaifir & fans peine. I V. Je parle de tes charmes fans rien fen»tir. Je me rappelle tes injuftices fans en » être piqué. Tu t'approches de moi, fans » que j'en fois confus. Je puis,même avec mon rival, m'entretenir de ta beauté V. » Regarde-moi d'un œil fier & dédai»gneux; parle-moi avec un air de bonté » & de douceur ; l'un & l'autre m'est égal. »Ta bouche n'a plus d'empire fur mes >>fens: tes yeux ne favent plus le chemin de mon cœur. V I. » Que je fois gai, que je fois trifte: ma gaieté ou ma trifteffe n'eft plus ton ou »vrage. Les bois, les collines, les prai ries me plaifent fans toi, & je m'ennuie avec toi dans un ennuyeux féjour. V I I. » Vois fije fuis fincere. Tu me fembles encore belle, mais tu n'es plus pour » moi une beauté fans pareille. Je vois > même fur ton charmant vifage (que le vraine t'offense point) quelques défauts que je prenois pour des agrémens. 30 VIII. Quand je brifai ma chaîne (je l'avoue à ma honte ) je crus fentir mon cœur ie brifer je crus que j'allois mourir. Mais pour fortir d'efclavage, pour >n'être plus maltraité, pour devenir maî tre de fon fort, que ne fouffre-t'on pas? I X. » L'oifeau, pour fe débarraffer des » gluaux qui l'enchaînent, facrifie quelques plumes. Il tarde peu à les recouvrer; & inftruit par l'expérience, il ne tombe plus dans le piége, X »Tu crois peut-être, Nicé, que ja |