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dire que l'Epopée appartient au ftyle fu blime, la Fable & le Conte au ftyle fimple; que feulement quelques morceaux de l'Epopée, tels que la defcription du Temple de l'Amour, le tableau des amours du Roi & de Gabrielle d'Eftrées, dans la Henriade, &c. tomberont dans le ftyle tempéré, & que quelques Contes & quelques Fables, telles que celle de Philomèle & de Progné, celle de Tircis & d'Amarante, &c. s'éleveront jufqu'à ce même style tempéré. Dans le genre dramatique, on peut dire qu'en général la Tragédie exige affez le ftyle fublime la Comédie ordinaire le ftyle fimple, & que la haute, Comédie, la Comédie touchante, cette Comédie qu'on n'appelle ainfi que faute d'un nom particulier qui la caractérise, semble exiger le style tempéré. De même dans le genre lyrique, l'Ode pindarique appartient au style fublime, l'Ode anacréontique, la Chanfon noble & délicate au ftyle tempéré, le Vaudeville au style simple.

Dans la Chaire, au Barreau, &c. c'est la nature des fujets qui décide du ton général du ftyle, & les ftyles fe mêlent l'infini dans les détails.

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SECTION I V.

Du Style Laconique.

Le Style laconique confifte ordinaire

ment dans un trait court, précis, frappant, qui dit beaucoup en peu de mots. Ce n'eft point un genre d'éloquence diftingué des précédens. Il fe rapporte toujours ou au ftvle fimple, ou au style tempéré, ou au ftyle fublime, mais plus particulierement au fublime qu'aux deux autres. En effet, il y a beaucoup de dignité & de nobleffe dans cette économe & abondante précision.

Qui prodigue le fens & compte les paroles.

M. de la Morte.

Ce style a pris fon nom des Laconiens ou Lacédémoniens, dont la gravité naturelle regardant comme fuperflus les ornemens du difcours, s'accommodoit fort de ces traits vifs & courts, qui, en un feul mot, exprimoient toutes leurs penfées.

Ctéfiphon voulant donner une haute idée de fon éloquence, fe vanta de parler pendant un jour entier, fans préparation

fur le premier fujet qui lui feroit propo fé: les Lacédémoniens, fans vouloir le mettre à l'épreuve, le crurent fur fa parole, & l'exilerent à caufe de cet excès d'éloquence..

Un autre Orateur fe préfentant pourfaire le Panégyrique d'Hercule, ils refuferent de l'entendre, en difant :. Qui pourroit blâmer Hercule ?

Avoient-ils tort? N'eft-ce pas un abus ridicule que de perdre du tems & de l'éloquence à prouver aux hommes des vérités dont ils font intimement perfuadés, à leur expliquer ce qui eft très-clair; tandis qu'il refte tant d'erreurs à combattre, tant de préjugés à déraciner, tant de vérités fuperficiellement connues à approfondir, tant d'autres vérités entierement ignorées à faire connoître à

L'ennemi menaçant un jour ces mêmes Lacédémoniens avec beaucoup de Hauteur & de prolixité tout enfemble, de porter le fer & le feu dans leur Pays, ils lui firent réponse en un feul mor: Si

Philippe leur ayant fait demander quelque chofe qui leur paroiffoit injufte, As lui répondirent.;. Naa

Quelqu'un demandant à un fage de Grece comment il pourroit le venger de fes Ennemis. En devenant homme de bien, répondit-il.

Henri IV, encourageant fes Soldats avant la Bataille d'Ivri, fe contente de Teur dire: Enfans, je fuis votre Roi, vous: étes François, voilà l'ennemi, donnons.

Un difciple de Socrate témoignant à ce Philofophe la douleur qu'il avoit de le voir fi injuftement condamné; Aimeriezvous mieux, dit Socrate, que ce fut jufte ment?

Philoxene, Philofophe & Poëte Grec, n'ayant point voulu goûter quelques mauvais vers de Denis le Tyran, fut mis en prifon. Quelque tems après Denis voulant lui faire mériter fa grace, lui Iut d'autres vers non moins mauvais, & lui demanda fon avis; Philoxene fe tourne vers les Gardes qui l'environnoient, & leur dit froidement : Reme nez-moi en prison..

Maximien avoit été Collegue de Dioclétien, de ce grand Dioclétien à qui on ne peut reprocher que fon zèle aveugle pour les fauffes Divinités, & fa haine injufte contre les Chrétiens. Dioclétien las

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de l'Empire qu'il avoit gouverné en grand Prince, l'abdiqua en grand homme. Maximien, fur qui Dioclétien avoit toujours confervé une autorité prefque abfolue, fuivit fon exemple: il s'en repentit dans la fuite; fon ambition & fa légereté lui infpirerent le pernicieux pro jet de reprendre la pourpre impériale; mais ne pouvant reprendre en mêmetems l'autorité qu'il avoit eue autrefois il écrività Dioclétien pour lui perfuader de remonter auffi fur le Trône, espérant que la confidération dont il jouiffoit les rétabliroit tous deux dans tous les droits dont ils s'étoient dépouillés. Mais il n'étoit plus tems; la puiffance de leurs Succeffeurs étoit trop affermie; la grandeur de Conftantin, qui s'élevoit fur les ruines de fes concurrens, étoit trop difficile à renverfer le fage Dioclétien, pour toute réponse aux invitations de Maximien lui écrivit : Mon cher ami! venez voir les belles laitues que j'ai plantées dans mes jardins de Salone. Réponse pleine de fens, de politique & de grandeur !

Tout ce qu'on appelle bons mots, fail lies, traits vifs, répliques heureufes, fe rapporte au ftyle laconique.

Dans la feule bonne Comédie de Qui

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