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vicieufes dont l'oreille eft choquée ; mais il faut se souvenir qu'il y a plus de cent ans que Corneille écrivoit tout ceci.

Quoi qu'il en foit, il feroit à defirer que tous nos Orateurs fufsent auffi éloquens en profe, que Corneille l'étoit en vers. La fameufe fcène de Sertorius & de Pompée pourroit être rapportée au même genre. Pompée y défend Sylla que Sertorius attaque.

Dans la Tragédie de Brutus, ce Conful plaide noblement la caufe du Peuple Romain contre l'Ambassadeur Toscan Arons, qui défend avec beaucoup d'é loquence celle de Tarquin.

Arons effaie d'abord d'intimider le Sénat par la peinture des dangers qui le menacent, s'il s'obftine à fecouer le joug des Tarquins.

que

Vous voyez quel orage éclate autour de vous:
C'est en vain Titus en détourna les coups;
Je vois avec regret la valeur & fon zele
N'affurer aux Romeins qu'une chûte plus belle:
Sa victoire affoiblit vos remparts désolés ;
Du fang qui les inonde, ils femblent ébranlés.
Ah! ne refufez plus une paix néceffaire.
Si du Peuple Romain le Sénat est le Pere,
Porfenna l'eft des Rois que vous perfécutez.

Mais vous,
du nom Romain vengeurs fi redoutez,
Vous, des droits des Mortels éclairés interpretes,
Vous qui jugez les Rois, regardez où vous êtes.
Voici ce Capitole & ces mêmes Autels,
Où jadis, atteftant tous les Dieux immortels,
J'ai vu chacun de vous, brûlant d'un autre zele,
A Tarquin votre Roi jurer d'être fidele.

Quels Dieux ont donc changé les droits des Souverains?

Quel pouvoir a rompu des nœuds jadis fi faints
Qui du front de Tarquin ravit le D adême
Qui peut de vos fermens vous dégager?

BRUTU S.

Lui-même,

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N'alléguez point ces noeuds que le crime a rompus;
Ces Dieux qu'il outragea, ces droits qu'il a perdus.
Nous avons fait, Arons, en lui rendant hommage,
Serment d'obéiffance & non pas d'esclavage;
Et puifqu'il vous fouvient d'avoir vu dans ces lieux
Le Sénat à fes pieds faifant pour lui des
Songez qu'en ce lien même, à cet autel angufte,
Devant ces mêmes Dieux, il jura d'être juste :
De fon Peuple & de lui tel étoit le lien ;
Il nous rend nos fermens lorfqu'il trahit le fien;
Et dès qu'aux loix de Rome il ofe être infidele,
Rome n'eft plus fujette, & lui seul eft rebelle.
ARON S.

Ah! quand il feroit vrai que l'abfolu pouvoir

Eût entraîné Tarquin par de-là fon devoir,
Qu'il en eût trop fuivi l'amorce enchantereffe;
Quel homme eft fans erreur, & quel Roi fans foi◄
bleffe

Est-ce à vous de prétendre au droit de le punir!
Vous, nés tous fes fujets, vous, faits pour obéir
Un Fils ne s'arme point contre un coupable Pere;
Il détourne les yeux, le plaint & le revere.
Les droits des Souverains font-ils moins précieux?
Nous fommes leurs enfans, leurs Juges font les

Dieux.

Si le Ciel quelquefois les donne en fa colere ;
N'allez pas mériter un préfent plus fevere,
Trahir toutes les Loix, en voulant les venger,
Et renverser l'Etat au lieu de le changer.
Inftruit par le malheur (ce grand Maître de l'hom
me)

Tarquin fera plus jufte & plus digne de Rome.
Vous pouvez raffermir par un accord heureux
Des Peuples & des Rois les légitimes nœuds;
Et faire encor fleurir la liberté publique,
Sous l'ombrage facré du pouvoir Monarchique.

Brutus répond par ce beau morceau imité de Cinna, que nous avons rapporté à l'article de l'imitation.

Le genre judiciaire fe retrouve partout, Les difputes qui s'élevent tous les

jours dans la converfation, entraînent des efpeces de plaidoyers pour & contre, que l'amour-propre & l'envie de briller, toujours fupérieurs à l'éducation, font trop fouvent dégénérer en querelles odieufes & ridicules par l'aigreur, l'emportement & la confufion qui s'y mêlent. Madame de Sévigné difoit que cela rendoit l'efprit d'une rudeffe & d'une contrariété infupportables. M. de Marivaux dans le Spectateur François, fait un tableau vif & burlefque de ces fortes de conteftations, où il montre avec beaucoup de Philofophie, de finesse & de vérité, en combien de maniere l'amourpropre fait fe replier pour paroître triompher, du moins pour ne pas paroître vaincu. S. Eviemont dans l'hiftoire qu'on va rapporter, couvre de ridicule & les com battans & le médiateur.

» La difpute vint fur le fujet de la Reine de Suede qu'on louoit de la connoiffance qu'elle a de tant de chefes. Tout d'un coup le Commandeur fe leva, & ôtant fon chapeau d'un air tout particulier; Meffieurs, dit-il, fi la Reine de Suede n'avoit fu que les coutu mes de fon Pays, elle y feroit encore: pour avoir appris notre Langue & nos @manieres pour s'être mise en état de

réuffir huit jours en France, elle a perdu fon Royaume. Voilà ce qu'ont produit fa fcience & fes belles lumieres que

» vous nous vantez.

» Bautru voyant choquer la Reine de Suede qu'il eftime tant, & les bellesLettres qui lui font fi cheres, perdit toute confidération : & commençant par un ferment: il faut être bien injufte, reprit-il, d'imputer à la Reine de Suede comme un crime, la plus » belle action de fa vie. Je ne m'étonne » point de votre averfion pour les Sciences: ce n'eft pas d'aujourd'hui que vous les avez méprifées. Si vous aviez lu les Hiftoires les plus communes, vous fauriez que fa conduite n'eft pas fans » exemple. Charles-Quint n'a pas été moins admirable par la renonciation » de fes Etats, que par fes conquêtes : Dioclétien n'a-t il pas quitté l'Empire, << & Sylla le pouvoir fouverain? Mais toutes ces chofes vous font inconnues, & c'eft folie de difputer avec un igno» rant. Au refte où me trouverez-vous » un homme extraordinaire qui n'ait eu » des lumieres & des connoiffances acquifes?

D

A commencer par M. le Prince, il * alla jufqu'à Céfar, de Célar au Grand

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