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Comme cette figure eft extrêmement brillante, & que l'art s'y manifefte d'une maniere fort fenfible, on ne doit en ufer qu'avec quelques ménagemens. Une lumiere fi éclatante éblouit fouvent plus qu'elle n'éclaire. On a reproché à M. Fléchier d'avoir trop émaillé fes éloquens Difcours de ces jeux de mots affectés, de ces petites Antithèses qui deviennent puériles fi elles font trop fréquentes. Il me femble que bien des Cenfeurs pouffent trop loin leur averfion pour l'Antithèse, ils la regardent comme un vice en elle-même, au lieu qu'elle est un agrément, & que fon excès feul eft vicieux ; ils veulent du moins la bannir impitoyablement de tout ouvrage férieux, quoiqu'elle puiffe fouvent y produire un fort bon effet. C'eft tomber dans un excès pour éviter l'autre.

Il faut confidérer que l'Antithèse se trouve par-tout dans la nature, foit dans l'ordre Phyfique foit dans l'ordre Moral. Tout y eft contrafté, & les arts empruntent de la nature même la loi du contrafte: delà l'oppofition des ombres & des lumieres dans la Peinture; delà divers contrastes étudiés dans la Mufique ; delà fur-tout la regle générale de contraster les caracteres dans l'art Dramatique, &c.

L'Antithèse au refte n'eft pas tellement uneFigure de penfée qu'elle ne confifte un peu auffi dans le choix des mots oppofés.

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L'Apoftrophe eft une figure par laquelle P'Orateur coupe tout-à-coup fon difcours pour l'adreffer à quelque perfonne préfente ou abfente, vivante ou morte, ou à quelque objet animé ou inanimé.

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EXEMPLES.

Livre des Rois, chap. I.

Montagnes de Gelboé! que jamais » la rofée ni la pluie du Ciel ne defcende 50 fur vous.

כל

Ezechiel, chap. 21.

»O, Epée vengereffe! fors de ton four>> reau pour briller aux yeux des coupa bles, & pour leur percer le cœur ! Pfeaume 24

Ecoutez, Rois de la Terre ! & vous, » Juges du monde, apprenez votre de » voir.

Boffuet, Oraifon funebre de Marie-Therefe

d'Autriche,

Avant lui la France prefque fans

» Vaiffeaux tenoit en vain aux deux Mers: maintenant on les voit couver»tes depuis le Levant jufqu'au Couchant » de nos Flottes victorieufes ; & la har» dieffe Françoise porte par-tout la terreur avec le nom de Louis. Tu céderas » ou tu tomberas fous ce vainqueur, Alger, riche des dépouilles de la Chré »tienté. Tu difois en ton cœur avare : » Je tiens la Mer fous mes Loix, & les » Nations font ma proie. La légereté de tes Vaiffeaux te donnoit de la confian

כל

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ce: mais tu te verras attaqué dans tes » murailles, comme un oifeau raviffant: qu'on iroit chercher parmi les Rochers: » & dans fon nid, où il partage fon butin à fes petits. Tu rends déja tes Efclaves, Louis a brifé les fers dont tu accablois fes Sujets, qui font nés pour » être libres fous fon glorieux Empire. >> Tes maifons ne font plus qu'un amas » de pierres. Dans ta brutale fureur, tu > tournes contre toi-même, & tu ne: fais comment affouvir ta rage impuiffante mais nous verrons la fin de tes. »brigandages.

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כל

:

Oraifon funebre de la Reine d'Angleterre..

»O Mere!ô Femme ! ô Reine admirable & digne d'une meilleure fortune

files fortunes de la terre étoient quelque chofe ! Enfin il faut céder à votre fort. Vous avez affez foutenu l'Etat qui » eft attaqué par une force invincible & divine, il ne vous refte plus qu'à demeurer ferme au milieu de fes ruines.

Fléchier, Oraifon funebre de M. de
Turenne.

∞ Villes que nos Ennemis s'étoient déja » partagées, vous êtes encore dans l'en ceinte de notre Empire! Provinces qu'ils avoient déja ravagées dans le » defir & dans la pensée, vous avez en> core recueilli vos moiffons! vous durez > encore, Places que l'Art & la Nature » ont fortifiées, & qu'ils avoient deffein » de démolir, & vous n'avez tremblé que fous des projets frivoles d'un Vain»queur en idée qui comptoit le nombre » de nos Soldats, & qui ne fongeoit pas » à la fageffe de leur Capitaine

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Dans la même Oraifon,

»O Dieu terrible, mais jufte en vos confeils fur les enfans des hommes,, > vous difpofez & des Vainqueurs & des Victoires pour accomplir vos vo lontés, & faire craindre vos Jugemens;; Votre Puiffance renverfe ceux que vo

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D

tre Puiffance avoit élevés; vous im» molez à votre Grandeur de grandes » victimes, & vous frappez quand il vous plaît ces têtes illuftres que vous avez tant de fois couronnées.

M. de Voltaire, Tragédie de Zaïre;
c'eft elle-même qui parle à fa Confidente.
Fatime, j'offre à Dieu mes bleffures cruelles ;
Je mouille devant lui de larmes criminelles
Ces lieux où tu m'as dit qu'il choifit son séjour;
Je lui crie en pleurant : Ote-moi mon amour,
Arrache-moi mes vœux, remplis-moi de toi-même
Mais, Fatime, à l'inftant, les traits de ce que j'aime,
Ces traits chers & charmans que toujours je revoi,
Se montrent dans mon ame entre le Ciel & moi.
Hé bien, race des Rois dont le Ciel me fit naître!
Pere & Mere chrétiens! vous, mon Dieu! vous
mon Maître !

Vous, qui de mon Amant me privez aujourd'hui,
Terminez donc mes jours qui ne font plus pour lui!
Que j'expire innocente, & qu'une main fi chere
De ces yeux qu'il aimoit ferme au moins la
piere.

Tragédie d'Alzire.

pau

Mânes de mon Amant! j'ai donc trahi ma foi. C'en eft fait! & Gufman regne à jamais fur moi. ~ L'Océan qui s'éleve entre nos hémispheres,

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