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» moindre louange qu'on peut lui don»ner, c'est d'être forti de l'ancienne & >> illuftre Maison de la Tour d'Auvergne, qui a donné des Maîtres à l'Aquitaine, » des Princes à toutes les Cours de l'Eu»rope, & des Reines même à la France.

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Mais que dis-je? Il ne faut pas l'en >> louer ici. Quelque glorieufe que fût la » fource dont il fortoit, l'héréfie des derniers tems l'avoit infectée : il rece»voit, avec ce beau fang, des princi>> pes d'erreur & de menfonge; & parmi »fes exemples domeftiques, il trouvoit » celui d'ignorer & de combattre` lą » vérité.

PHEDRE.

Dieux! que ne fuis-je affife à l'ombre des forêts! Quand pourrai-je, au travers d'une noble pouffiere Suivre de l'œil un char fuyant dans la carriere

Quoi, Madame!

CNONE,

P.HEDRE.

Infenfée! Qu fuis-je? & qu'ai-je dite

Ou laiffai-je égarer mes vœux & mon'esprit ?
Je l'ai perdu: les Dieux m'en ont ravi l'usage,
none, la rougeur me couvre le vifage;
Je te laiffe trop voir mes honteufes douleurs,
Et mes yeux malgré moi fe rempliffent de pleurs

Dans un autre endroit de la même Tragédie,
Il faut perdre Aricie; il faut de mon Epoux,
Contre un fang odieux réveiller le courroux :
Qu'il ne fe borne pas à des peines légeres,
Le crime de la fœur paffe celui des freres
Dans mes jaloux transports je le veux implorer.
Que fais-je ? Où ma raison se va-t-elle égarer?
Moi, jalouse! Et Théfée eft celui que j'implore!
Mon Epoux eft vivant & moi je brûle encore!
Pour qui ? Quel eft le cœur où prétendent mes

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Dans la Tragédie d'Andromaque. Etrangere.... Que dis-je ? Efclave dans l'Epire.

Dans la même Tragédie, Hermione en proie aux transports d'une fureur jaloufe, & justement irritée contre l'infidele Pyrrhus qui la quitte pour Andromaque ne peut cependant fe réfoudre à le laiffer périr fous les coups d'Orefte qu'elle a chargé du funefte emploi de lui

ôter la vie.

Le Perfide triomphe, & fe rit de ma rage;
Il penfe voir en pleurs diffiper cet orage;

Il croit que toujours foible, & d'un cœur incertain,

Je parerai d'un bras les coups de l'autre main;
al juge encor de moi par mes bontés passées,
Ou plutôt le perfide à bien d'autres pensées :
Triomphant dans le Temple, il ne s'informe pas
Si l'on fouhaite ailleurs fa vie ou fon trépas:
11 me laiffe, l'ingrat, cet embarras funefte.
Non, non; encore un coup, laiffons agir Orefte;
Qu'il meure: puifqu'enfin il a dû le prévoir,
Et puisqu'il m'a forcée enfin à le vouloir;
A le vouloir ? Eh quoi ! c'est donc moi qui l'o
donne?

Sa mort fera l'effet de l'amour d'Hermione?
Ce Prince, dont mon cœur fe faifoit autrefois,
Avec tant de plaifir, redire les exploits,
A qui même en fecret je m'étois destinée,
Avant qu'on eut conclu ce fatal hymenée;
Je n'ai donc traverfé tant de mers, tant d'Etats,
Que pour venir fi loin préparer fon trépas,
L'affaffiner, le perdre? Ah! devant qu'il expire....

Cette figure eft propre à exprimer le choc des paffions oppofées, les combats de l'amour & de la raifon. On voit dans ce dernier exemple, & dans les deux précédens de la Tragédie de Phédre, des projets infenfés que l'amour enfante & que la raifon détruit.

Voici une correction extrêmementin

génieufe dans la Tragédie de Bajazer. Roxane, amante de ce Prince, vient fonder Atalide qu'elle foupçonne d'être fa rivale, & lui montre un écrit du Sultan, qui demande la tête de Bajazet. Atalide frappée comme d'un coup de foudre à cette vue, peut à peine retenir fes larmes: la pénétrante Sultane qui s'apperçoit de fon trouble, acheve de l'accabler, en lui déclarant qu'elle a réfolu d'obéir à cet ordre cruel; Atalide défefpérée de cette réfolution, effaye de lui infpirer des fentimens plus doux. Quoi, dit-elle, ce Prince aimable..... qui vous aime. Verra finir fes jours qu'il vous a destinés

Quel art dans cette correction! Atalide fe laiffoit d'abord entraîner au dangéreux penchant de fa tendreffe qui la portoit à dire du bien de fon amant; mais bientôt elle fent qu'elle va exciter la jaloufie de fa rivale, elle s'arrête, elle change de style, & ne préfente aux yeux de la Sultane que l'amour de ce Prince, objet feul capable de la fléchir.

De la Defcription.

Voici la plus belle & la plus étendue de toutes les figures: c'eft elle qui raconte

avec tant de feu, qui peint avec des couleurs fi vives,qui préfente des Tableaux fi naïfs,qu'on ne croit plus entendre l'Orateur,ni lire un Ouvrage,mais voir réellement l'objet représenté. C'eft ici qu'on diftingue l'homme éloquent & fenfible,de l'Ecrivain ordinaire.Le commun des Auteurs ne fait que dire les chofes ; le grand écrivain les décrit, les peint. Homere, Virgile, Racine, Voltaire, Boffuet, font voir tous les objets; leurs moindres détails font prefque toujours pittorefques. Cette figure fe fubdivife en plufieurs efpeces. Avant d'entrer dans ce détail, voici deux Portraits généraux, tracés par le plus grand Peintre moral, la Bruyere.

Caractere du Riche.

» Giton a le teint frais,le visage plein, »& les joues pendantes, l'œil fixe & » affuré, les épaules larges, l'eftomac » haut, la démarche ferme & délibérée; il parle avec confiance, il fait répéter celui qui l'entretient, il ne goûte que » médiocrement tout ce qu'il lui dit: il déploie un ample mouchoir & fe mouche avec grand bruit; il crache fort loin, & il éternue fort haut; il dort le jour,il dort la nuit,& profondément; » il ronfle en compagnie, il occupe à la

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