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table & à la promenade plus de place qu'un autre, il tient le milieu en fe promenant avec fes égaux; il s'arrête, & l'on s'arrête; il continue de marcher, & l'on marche; tous fe reglent >> fur lui: il interrompt, il redreffe ceux » qui ont la parole; on ne l'interrompt

pas, on l'écoute auffi long-tems qu'il » veut parler, on eft de fon avis, on » croit les nouvelles qu'il débite; s'il

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s'affied, vous le voyez s'enfoncer dans » un fauteuil, croifer fes jambes l'une >> fur l'autre, froncer le fourcil, abaiffer fon chapeau fur fes yeux pour ne voir » perfonne, ou le relever enfuite & découvrir fon front par fierté & par au»dace: il eft enjoué, grand rieur, im » patient, présomptueux, colere, libertin, politique, mystérieux fur les affaires du tems: il fe croit des talens & de l'efprit: il eft riche.

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Caractere du Pauvre.

Phébon a les yeux creux, le teint échauffé, le corps fec & le vifage maigre; il dort peu, & d'un fommeil fort » léger; il eft abftrait, réveur, & il a » avec de l'efprit, l'air d'un ftupide; il » oublie de dire ce qu'il fait, ou de ler d'événemens qui lui font connus;

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Py

par

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» & s'il le fait quelquefois, il s'en tire >> mal; il croit pefer à ceux à qui il par»le: il conte briévement, mais froide»ment; il ne fe fait pas écouter, il ne »fait point rire; il applaudit, il fourit à ce que les autres lui difent, il eft de leur avis; il court, il vole il vole pour leur >> rendre de petits fervices; il eft complaifant, flatteur, empreffé; il eft myftérieux fur fes affaires, quelquefois >>menteur; il eft fuperftitieux, fcrupuleux, timide; il marche doucement » & légérement, il femble craindre de » fouler la terre; il marche les yeux baiffés, & il n'ofe les lever fur ceux qui paffent; il n'eft jamais du nombre de » ceux qui forment un cercle pour dif courir, il fe met derriere celui qui parle, il recueille furtivement ce qui s'eft dit, & il fe retire fi on le regarde ; il » n'occupe point de lieu, il ne tient. point de place; il va les épaules fer»rées, le chapeau abaiffé fur fes yeux » pour n'être point vû, il fe replie & fe » renferme dans fon manteau; il n'y a point de rue ni de galerie fi embarraf» fée & fi remplie de monde où il ne trouve moyen de paffer fans efforts, & de fe couler fans être apperçu : fi on le prie de s'affeoir, il fe met à peine fur le

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» bord d'une chaife; il parle bas dans la conversation, & il articule mal: libre » néanmoins fur les affaires publiques,.

chagrin contre le fiecie, médiocre» ment prévenu des Miniftres & du Miniftere : il n'ouvre la bouche que pour répondre, il touffe, il fe mouche fous fon chapeau, il crache prefque fur foi, » & il attend qu'il foit feul pour éter> nuer, ou fi cela lui arrive, c'eft à l'inf çu de la compagnie, il n'en coûte à perfonne ni falut, ni compliment : il » eft pauvre.

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Il y a quatre fortes de defcriptions. La Démonftration, l'Etopée, la Profographie & la Topographie.

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De la Démonftration.

C'est une defcription de chofe, comme l'expofition d'un fait particulier, la 'relation d'un événement, la peinture d'une tempête, d'une bataille, &c. toutes ces peintures doivent être extrêmement animées.

Madame de Sévigné excelle dans cette partie. Elle peint tout, on voit tout ce qu'elle dit. Quelle force dans cette peinture du désespoir de Madame de Lon

gueville, à la mort de fon fils tué dans l'expédition du paffage du Rhin.

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» Madame de Longueville fait fendre » le cœur ; Mademoiselle de Vertus » étoit retournée depuis deux jours à » Port Royal, où elle eft prefque tou» jours: on eft allé la quérir avec M. Arnauld, pour dire cette terrible nou» velle. Mademoiselle de Vertus n'avoit qu'à fe montrer; ce retour fi précipité marquoit bien quelque chofe de funefte en effet, dès qu'elle parut, >> ah! Mademoiselle ! comment fe porte M. mon frere? fa penfée n'ofa aller plus loin. Madame, il fe porte bien » de fa bleffure : & mon fils? On ne lui répondit rien. Ah! Mademoifelle, » mon fils! mon cher enfant! répondez. moi, eft-il mort fur le champ? N'at-il pas eu un feul moment? Ah! mon » Dieu, quel facrifice! & là-deffus elle

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tombe fur fon lit; & tout ce que la > plus vive douleur peut faire, & par » des convulfions, & par des évanouiffemens, & par un filence mortel, & par » des cris étouffés, & par des larmes ameres, & par des élans vers le Ciel, & par des plaintes tendres & pitoyables, elle a tout éprouvé. Je lui fouhaite la

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mort, ne comprenant pas qu'elle puifle » vivre après une telle perte.

Voici un tableau aufli gai que le précédent eft touchant. C'eft dans un détail de ce paffage du Rhin.

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Le Chevalier de Nantouillet étoit tombé de cheval,il va au fond de l'eau, il revient; il retourne, il revient encore; enfin il trouve la queue d'un cheval, il s'y attache : ce cheval le » mene à bord, il monte fur le cheval, fe trouve à la mêlée, reçoit deux coups dans fon chapeau, & revient gaillard.

Saint Jérôme fait une éloquente peinture des combats que lui livroient fes paffions dans le fond de fa folitude.

» Hélas!combien de fois m'est-il arrivé » dans l'affreux défert où je fuis, & dans » l'horrible folitude où je me fuis en

terré moi-même, combien de fois, » dis-je, m'est-il arrivé de me trouver en efprit & en imagination, au mi» lieu des plaifirs que l'on goûte à Ro

me? Un rude fac couvroit tout mon » corps, & ma chair brûlée par les ar» deurs du foleil, étoit toute noire & » toute defféchée; mes yeux répandoient à tous momens des torrens de larmes,

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