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Nul ne fut mieux que lui le grand art de féduire;
Nul fur fes paffions n'eut jamais plus d'empire,
Et ne fut mieux cacher, fous des dehors trompeurs,
Des plus vaftes deffeins les fombres profondeurs.
Impérieux & doux, cruel & populaire,
Des Peuples en public il plaignoit la mifere
Déteftoit des impôts le fardeau rigoureux :
Le pauvre alloit le voir, & reveno't heureux :
Souvent il prévenoit la timi le indigence;
Ses bienfaits dans Paris annonçoient fa présence,
11 favoit captiver les Grands qu'il haïffoit.
Terrible & fans retour alors qu'il offenfoit;
Téméraire en fes vœux, fouple en fes artifices,
Brillant par fes vertus & même par fes vices;
Connoiffant les périls, & ne redoutant rien;
Heureux Guerrier, grand Prince, & mauvais
Citoyen.

Caractere du grand Prêtre Oroës dans
Semiramis.

Obfcur & fo'itaire,

Renfermé dans les foins de fon faint miniftere,
Sans vaine ambition, fans crainte, fans détour,
On le voit dans fon temple, & jamais à la Cour,
Il n'a point affecté l'orgueil du rang fuprême,
Ni placé fa Thiare auprès du Diadême ;
Mois il veut être grand, plus il eft révéré.

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Portrait de Radamifte, fait par lui-même.

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Et que fais-je, Hieron? Furieux, incertain,
Criminel fans penchant, vertueux fans deffein,
Jouet infortuné de ma douleur extrême,
Dins l'état où je fuis me connois-je moi-même ?
Mon cœur, de foins divers fans ceffe combattu,
Ennemi du forfait fans aimer la vertu
D'un amour malheureux déplorable victime,
S'abandonne aux remords fans renoncer au crime.
Je cede au repentir, mais fans en profiter;
Et je ne me connois que pour me dé‹ester.
Dans ce cruel féjour fais-je ce qui m'entraîne ?
Si c'est le dé efpoir, ou l'amour, ou la haine?
J'ai perdu Zénobie; après ce coup affreux,
Peux-tu me demander encor ce que je veux ?
Désespéré, profcrit, abhorrant la lumiere,
Je voudrois me venger de la nature entiere:
Je ne fais quel po son se répand dans mon cœur,
Mais jufqu'à mes remords, tout y devient fureur.

Ce portrait eft admirable, parce qu'il eft faffreux.

Portrait du Prince de Condé.

J'ai le cœur comme la naissance;

Je porte dans les yeux un feu vif & brillant ;
J'ai de la foi, de la constance :

Je fu's prompt, je fuis fier, généreux & vaillant,

Rien n'eft comparable à ma gloire:

Le plus fameux Héros qu'on vante dans l'hiftoire
Ne me la fauroit difputer.

Si je n'ai pas une Couronne,
C'est la fortune qui la donne;
Il fuffit de la mériter.

On peut prendre pour modele de cette figure quatre Portraits inférés dans le premier volume des Euvres de Madame de Lambert, & celui que fait M. l'Abbé de Vertot de ce fameux Vafconcellos, Miniftre Efpagnol, miférablement maffacré dans cette grande révolution qui chassa. la Maifon d'Autriche du Trône de Portugal, pour y faire monter la Maison de Bragance à qui il appartenoit fuivant les loix du Pays.

De la Profographie.

La Profographie eft la peinture d'un objet considéré par rapport à ses qualités extérieures.

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Portrait du Vieillard Thermofyris.

Pendant que ces paroles rouloient » dans mon efprit, je m'enfonçai dans >> une fombre forêt où j'apperçus tout-à

coup un Vieillard qui tenoit un Livre » à la main: ce Vieillard avoit un grand » front chauve & un peu ridé; une barbe » blanche pendoit jufqu'à fa ceinture: fa taille étoit haute & majestueuse, fon teint étoit encore frais & vermeil, >>fes yeux vifs & perçans, sa voix dou»ce, fes paroles fimples & aimables; jamais je n'ai vu un fi vénérable Vieil»lard.

Portrait de Boccoris mourant.

Je me fouviendrai toute ma vie d'a» voir vû cette tête qui nageoit dans le fang; ces yeux fermés & éteints, ce » vifage pâle & défiguré, cette bouche » entr'ouverte qui fembloit vouloir en≫ core achever des paroles commencées, cet air fuperbe & menaçant que la >> mort même n'avoit pu effacer.

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Portrait de Calipfo agitée, jaloufe &
furieufe.

» En parlant ainfi, Calipfo avoit les » yeux rouges & enflammés, fes regards ne s'arrêtoient en aucun endroit; ils >> avoient je ne fais quoi de fombre & de » farouche:fes joues tremblantes étoient » couvertes de taches noires & livides;

elle changeoit à chaque moment de » couleur ; fouvent une pâleur mortelle » se répandoit fur tout fon visage: fes >> larmes ne couloient plus comme autre» fois avec abondance; la rage & le défefpoir fembloient en avoir tari la fource, & à peine en couloit-il quelques-unes fur fes joues : fa voix étoit » rauque, tremblante & entrecoupée. Portrait de Télémaque dompté & accable par l'amour.

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» Il demeuroit fouvent étendu & im» mobile fur le rivage de la mere. Sou » vent dans le fond de quelque bois fom»bre, verfant des larmes ameres & pouf» fant des cris femblables aux rugiffe» mens d'un lion: il étoit devenu maigre » fes yeux creux étoient pleins d'un feu » dévorant, à le voir pâle, abattu & défiguré, on auroit dit que ce n'étoit plus Télémaque. Sa beauté, fon en» jouement, fa noble fierté s'enfuyoient loin de lui; il périffoit. Telle qu'une fleur qui étant épanouie le matin, répand fes doux parfums dans la »gne, & fe flétrit peu à peu vers le foir : » fes vives couleurs s'effacent; elle lan» guit, elle fe deffeche, & få belle têre » fe panche ne pouvant plus fe foutetic Q ▾

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