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Mais avant de frapper.... Ah! cher ami, demeure Demeure, il n'eft pas temps. Je veux que ce Chrétien Devant elle amené... Non... Je ne veux plus rien... Je me meurs... Je fuccombe à l'excès de ma rage.

Quelle agitation! quel beau défordre! quel combat de paffions!

On peut dire de la dubitation ce que l'on a dit de la correction. Ces deux figures ont beaucoup de reffemblance. L'art & l'ufage de l'une & de l'autre font les mêmes; l'une & l'autre ont pour but de réveiller l'attention des Auditeurs; l'une & l'autre expriment noblement le choc des paffions tumultueufes qui déchirent l'ame divifée contre elle-même, & la font voler rapidement de parti en parti de pensée en pensée, de fentiment en fentiment.

On peut dire que la dubitation eft une correction répétée: elle tient auffi un peu de la communication, en ce que l'Orateur irréfolu femble confulter fon auditeur fur le parti qu'il doit prendre, & le prier de fixer à quelqu'objet certain, fon imagination égarée & vagabonde. C'eft principalement dans la peinture des paffions les plus tumultueufes que cette figure a

fieu. Elle eft fur-tout d'un grand ufage dans les Monologues de Tragédie.

De l'Exclamation,

L'Exclamation eft une figure affez femblable à l'apoftrophe : même vivacité, même véhémence. L'Orateur éleve tout-à-coup la voix par un mouvement imprévu & furprenant, propre à exprimer l'étonnement, la douleur, l'indi gnation, la colere.

EXEMPLES.

Philoctéte exprime à Télémaque la fu reur dont il fut tranfporté quand Ulyffe & Néoptoléme voulurent emporter fes

armes.

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» Alors je me fentis comme une lion» ne à qui on vient d'arracher ses petits; elle remplit les forêts de fes rugiffemens. O caverne, difois-je, jamais je ne te quitterai, tu feras mon tombeau! O féjour de ma douleur ! Plus de nourri»ture, plus d'efpérance ! Qui me don nera un glaive pour me percer! O, fi les oifeaux de proie pouvoient m'enlever! Je ne les percerai plus de mes fléches. O arc précieux, arc confacré par les mains du fils de Jupiter! O cher Hercule, s'il te refte encore quel

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>> que fentiment, n'es-tu pas indigné ? » Cet arc n'eft plus dans les mains de ton » fidéle ami; il eft dans les mains impu»res & trompeufes d'Ulyffe. Oifeaux de proie, bêtes farouches, ne fuyez plus cette caverne, mes mains n'ont plus » de fléches. Miférable! je ne puis vous » nuire, venez me dévorer, ou plutôt que la foudre de l'impitoyable Jupiter

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» m'écrafe.

Exclamation d'Enone quand Phédre
lui a avoué la paffion pour Hippolyte.
Jufte Ciel! tout mon fang dans mes veines se glace.
O défefpoi! ô crime! ô déplorable race!
Voyage infortuné, rivage malheureux,
Falloit-il approcher de tes bords dangereux!
ANDRO MAQUE.

O mânes d'un époux! & Troyens! 3 mon pere!
Omon fils! que tes jours coûtent cher à ta mere

L'Epiphonéme fe rapporte à cette figure. C'est une fentence ou une réflexion vive, qui termine ou un raifonnement ou un récit. En voici des exemples.

Dans M. Boffuet, Oraifon funebre de Madame la Ducheffe d'Orléans.

» J'étois donc encore deftiné à rendre

ce devoir funébre à Très-Haute & TrèsPuiffante Princeffe Henriette - Anne » d'Angleterre,Ducheffe d'Orléans? Elle, que j'avois vue fi attentive pendant » que je rendois le même devoir à la » Reine fa Mere, devoit être fi-tôt après »le fujet d'un difcours femblable, & ma » trifte voix étoit réservée à ce déplora» ble miniftere ! O vanité! ô néant! ô mortels ignorans de leurs deftinées!

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Et dans M. Fléchier.

On éloigne les derniers Sacremens comme fi c'étoient des Myfteres de mauvais augure; on rejette les vœux & les prieres que l'Eglife a inftitués pour les mourans, comme fi c'étoient des > vœux meurtriers & des prieres homi»cides. La Croix de Jefus-Chrit, qui » doit être un fujet de confiance, devient » à ces efprits lâches un objet de terreur; so & pour toute difpofition à la mort, ils » n'ont que l'appréhenfion ou la peine de mourir. Quels funeftes égards! quels ménagemens criminels n'a-t-on » pas pour eux! Bien loin de leur fai»re voir leur perte infaillible, à peine les avertit on de leur danger, & » lors même qu'ils font mourans, on » n'ofe prefque leur dire qu'ils font mor

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tels. Cruelle pitié qui les perd, de peur de les effrayer! Crainte funefte, qui les rend infenfibles à leur falut!

Zaïre à l'aspect de Lufignan qui revoir la lumiere après vingt ans de captivité, fe trouble, s'attendrit, verfe des pleurs. dont elle ignore la caufe, & s'écrie:

Mes larmes, malgré moi, me dérobent sa vûe: Ainfi que ce Vieillard j'ai langui dans les fers. Qui ne fait compâtir aux maux qu'on a soufferts!

Dans Orefte, 1phise annonce à Electre qu'on s'émeut en faveur du fang d'A gamemnon.

Les Gardes dont Egyfthe est sans ceffe entouré,
A ce grand nom d'Orefte ont déja murmuré.
J'ai vu de vieux foldats qui fervoient fous le Pere,
S'attendrir sur le Fils & frémir de colere :
Tant au cœur des humains la justice & les loix,
Même aux plus endurcis font entendre leur voix !

M. de Fénélon, dans fon Ode für les avantages de la folitude.

Des Grecs je vois le plus fage
Jouet d'un indigne fort,
Tranquille dans fon naufrage
Et circonfpect dans le port;.
Wainqueur des vents en furie,.

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