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veut fléchir, tous les objets les plus capables de les émouvoir & de les attendrir.

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EXEMPLES.

Priere de Philoctete à Neoptoleme.

» O mon fils! je te conjure par les mânes de ton pere, par ta mere, par tout ce que tu as de plus cher fur la terre, de ne » me pas laiffer feul dans les maux que tu » vois. Je n'ignore pas combien je te serai » à charge; mais il y auroit de la honte à m'abandonner: jette-moi à la proue, à » la poupe, dans la fentine même, partout où je t'incommoderai le moins. Il n'y a que les grands cœurs qui fachent combien il y a de gloire à être bon: ne me laiffe point en un défert » où il n'y a aucun veftige d'homme; > mene-moi dans ta Patrie ou dans l'Eu»bée qui n'eft pas loin du Mont Oeta, » de Trachine, & des bords agréables » du Fleuve Sperchius: renvoie-moi à » mon pere. Hélas! que je crains qu'il ne >>foit mort! Je lui avois mandé de m'en

voyer un Vaifleau : ou il eft mort, ou ≫ ceux qui m'avoient promis de lui dire > ma mifere ne l'ont point fait. J'ai recours à toi, ô mon fils! Souviens-toi

» de la fragilité des chofes humaines. >> Celui qui eft dans la profpérité doit » craindre d'en abuser, & fecourir les » malheureux.

Dans la mort de Céfar; ce Héros & Brutus fon fils fe font l'un à l'autre de très-vives instances.

CESAR.

Caton t'a trop féduit, mon cher fils, je prévoi
Que ta trifte vertu perdra l'Etat & toi. =
Fais céler, fi tu peux, ta raifon détrompée,

Au vainqueur de Caton, au vainqueur de Pompée;
A ton pere qui t'aime & qui plaint ton erreur.
Sois mon fils en effet, Brutus, rends-moi ton cœur;
Prends d'autres fentimens: ma bonté t'en conjure,
Ne force point ton ame à vaincre la nature.
Tune me réponds rien? Tu détournes les yeux ?
BRUTUS.

Je ne me connois plus. Tonnez fur moi, grands
Dieux;

Céfar..

CESAR.

Quoi! tu t'émeus? Ton amè eft amollie?

Ah, mon fils!

BRUTU S.

Sais-tu bien qu'il y va de ta vie?

Sais-tu que le Sénat n'a point de vrai Romain

Qui n'afpire en fecret à te percer le fein ?

(Il fe jette à genoux.)

Que le falut de Rome, &

que

le tren te touche, Ton génie alarmé te parle par ma bouche;

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Il me pouffe, il me preffe, il me jette à tes piés; '
Céfar, au nom des Dieux dans ton cœur oubliés,
Au nom de tes vertus, de Rome & de toi-même,
Dirai-je au nom d'un fils qui frémit & qui t'aime,
Qui te préfere au Monde & Rome feule à toi,
Ne me rebute pas.

Les inftances que fait Electre à Orefte fon frere déguifé fous le nom de Tidée, font extrêmement touchantes, Le faux Tidée lui dit :

Vous le favez, Orefte a vu les fombres bords,
Et l'on ne revient point de l'empire des morts.

ELECT RE.

Et n'avez vous pas cru, Seigneur, qu'avec Orefte
Palamede avoit vu cet empire funefte?

Il revoit cependant la clarté qui nous luit:
Mon frere eft-il le feul que le deftin poursuit ?
Vous même fans efpoir de revoir le rivage,
Ne trouvâtes-vous pas un Port dans le naufrage?
Orefte, comme vous, peut en être échappé.
Il n'eft point mort, Seigneur, vous vous êtes
trompé.

J'ai vu dans ce Palais une marque
affurée
Que ces lieux ont revu le petit-fils d'Atrée,
Le tombeau de mon pere encor mouillé de pleurs;
Qui les auroit verfés? qui eût couvert de fleurs!
Qui l'eût orné d'un fer? Quel autre que mon frere
L'eût ofé confacrer aux Mânes de mon pere?
Mais quoi! vous vous troublez! ah ! mon frere ef
ici.

Hélas! qui mieux que vous en doit être éclairci?
Ne me le cachez point, Oreste vit encore ;
Pourquoi me fuir? Pourquoi vouloir que je l'ie
gnore!

Paime Orefte, Seigneur, un malheureux amour
N'a pu de mon efprit le bannir un feul jour.
Rien n'égale l'ardeur qui pour lui m'intéresse:
Si vous faviez pour lui jusqu'où va ma tendresse,
Votre cœur frémiroit de l'état où je fuis,

Et vous termineriez mon trouble & mes ennuis.
Hélas! depuis vingt ans que j'ai perdu mon pere,
N'ai-je donc pas affez éprouvé de mifere ?
Efclave dans les lieux d'où le plus grand des Rois
A l'Univers entier fembloit donner des loix,
Qu'a fait aux Dieux cruels fa malheureufe fille ?
Quel crime contre Electre arme enfin la famille ?
Une mere en fureur la hait & la pourfuit,
Ou fon frere n'eft plus, ou le cruel la fuit:
Ah! donnez-moi ką mort, ou me sendez Orefte;

Rendez-moi par pitié le feul bien qui me rette.

OREST E.

Et bien ! il vit encore, il est méme en ces lieux! Gardez-vous cependant.....

ELECTRE.

Qu'il paroiffe à mes yeux.

Orefte, fe peut-il qu'Electre te revoie?
Montrez-le moi, duffai-je en expirer de joie.

Tout-à-coup elle ouvre les yeux: l'amitié, la nature, tout lui apprend que le témoin de fa tendreffe en eft auffi l'objet, que Tidée eft Orefte lui-même.

&

Mais, hélas! n'eft-ce point lui-même que je voi? C'eft Orefte, c'eft lui, c'est mon frere & mon Roi.

Au tranfport qu'en mon cœur fa préfence a fait naître,

Eh! comment fi long tems l'ai-je pú méconnoître! Je te revois enfin, cher objet de mes vœux !

Momens tant fouhaités! 8 jour trois fois heureux ! Vous vous attendriffez, je vois couler vos larmes: Ah! Seigneur, que ces pleurs pour Electre ont de charmes

Que ces traits, ces regards pour elle ont de don

ceur!

C'est donc vous que j'embraffe, ô mon frere

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