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voir combien les circonftances fervent à caractériser les chofes : donnons-en d'autres qui faffent voir la maniere de tirer parti de ces circonstances.

ZAMORE dans Alzire.

Après l'honneur de vaincre, il n'est rien fous les
Cieux

De plus grand, en effet, qu'un trépas glorieux;
Mais mourir dans l'opprobre & dans l'ignominie,
Mais laiffer en mourant des fers à la Patrie,
Mais périr fans vengeance, expirer par les mains
De ces Brigands d'Europe, & de ces affaffins,
Qui, de fang enivrés, de nos trésors avides,
De ce monde ufurpé désolateurs perfides,
Ont ofé me livrer à des tourmens honteux,
Pour m'arracher desbiens plus inéprifables qu'eux:
Entraîner au tombeau des Citoyens qu'on aime,
Laiffer à ces Tyrans la moitié de foi-même,
Abandonner Alzire à leur lâche fureur :

Cette mort eft affreufe, & fait frémir d'horreur.

Cet exemple indique bien fenfiblement l'ufage des circonstances.

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Philoctete à Télémaque.

» Quoi ! difois-je, tirer un homme de »fa Patrie, comme le feul homme qui puiffe venger la Gréce, & puis l'aban

donner dans cette ifle déferte pendant » fon fommeil ; car ce fut pendant mon » fommeil que les Grecs partirent. Jugez quelle fut ma furprife, & combien je verfai de larmes à mon réveil, quand je vis les vaiffeaux fendre les ondes. Hélas! cherchant de tous côtés » dans cette Ifle fauvage & horrible, je n'y trouvai que la douleur.

En effet, il n'y a ni port, ni commer»ce, ni hofpitalité, ni homme qui y abor» de volontairement ; on n'y voit que les » malheureux que les tempêtes y ont jet»tés, & on n'y peut efpérer de fociété » que par des naufrages: encore même >> ceux qui venoient en ce lieu, n'ofoient me prendre pour me ramener; ils craignoient la colere des Dieux & celle » des Grecs. Depuis dix ans je fouffrois » la douleur, la faim; je nour:iffois une plaie qui me dévoroit; l'efpérance » même étoit éteinte dans mon cœur.

כל

D

Combien les horreurs d'une fi effroyable folitude ne doivent-elles pas aigrir fes maux & fa douleur !

Dans le Pleaume 55,il femble que le Roi Prophete nous repréfente dans Abfalon l'ingratitude des pécheurs.

» C'est vous, ingrat! qui me combat

» tez, vous qui n'étiez qu'un cœur avec moi, qui conduifiez mes Troupes, & » qui étiez mon intime ami; vous pre» niez à ma table une nourriture délicieufe, & vous marchiez avec moi dans la Maifon de Dieu, fans avoir d'autre volonté que la mienne.

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Dans la Tragédie de Bajazet, Roxane mefure l'ingratitude de ce Prince fur les témoignages d'amour qu'elle lui avoit donnés. Tu m'as putrahir fi cruellement, dit-elle :

Moi, qui de ce baut rang qui me rendoit fi fiere, Dans le fein du malheur t'ai cherché la premiere, Pour attacher des jours tranquilles, fortunés, Aux périls dont tes jours étoient environnés ; Après tant de bontés, de foins,d'ardeurs extrêmes, Tu ne faurois jamais prononcer que tu m'aimes?

Mithridate diminue la honte de fa défaite par ce détail éloquent des circonftances dont elle avoit été accompagnée.

Pompée a faifi l'avantage D'une nuit qui laiffoit peu de place au courage; Mes foldats prefquenue's, dans l'ombre intimidés, Les rangs de toutes parts mal pris & mal gardés; Le défordre par-tout redoublant les alarmes ;

Nous

Nous-mêmes, contre nous tournant nos propres

armes;

Les cris que les rochers renvoyoient plus affreux : Enfin, toute l'horreur d'un combat ténébreux: Que pouvoit la valeur dans ce trouble funefte? Les uns font morts, la fuite a fauvé tout le refte;' Et je ne dois la vie, en ce commun effroi, Qu'au bruit de mon trépas que je laiffe après moi.

Dans la premiere Tragédie de M. de Crébillon, Idomenée, pour excufer l'in difcrétion de fon vou, fait une vive peine turedes dangers qui le lui avoient arraché:

Une effrayable nuit fur les eaux répandue
Déroba tout-à coup ces objets à ma vue ;
La mort feule y parut Le vafte fein des mers
Nous entr'ouvrit cent fois la route des Enfers :
Par des vents oppofés les vagues ramaffées,
De l'abîme profond jufques au Ciel pouffées,
Dans les airs embrafés agitoient mes vaisseaux
Auli près d'y périr qu'à fondre fous les eaux.
D'un déluge de feu l'onde comme allumée,
Sembloit rouler fur nous une mer enflammée,
Et Neptune en courroux, à tant de malheureux
N'offroit pour tout falut, que des rochers affreux
Que te dirai-je enfin?... Dans ce péril extrême
Je tremblai, Sophronyme, & tremblai pour moi

même....

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D

Pour appaifer les Dieux, je priai... Je promis....
Non, jene promis rien, Dieux cruels! J'en frémis..•
Neptune, l'inftrument d'une indigne foibleffe,
S'empara de mon cœur & dicta la promeffe:
S'il n'en eût infpiré le barbare deffein,
Non, je n'aurois jamais promis de sang humain,

Dans la Mort de Cefar, Antoine parle ainfi aux Romains de ce Héros.

Helas! fi fa grande ame eût connu la vengeance. Il vivroit, & fa vie eût rempli nos fouhaits. Sur tous les meurtriers il verfa fes bienfaits; Deux fois à Caffius il conferva la vie.

Brutus!.. Où fuis-je ?OCiel! Ocrime! Obarbarie! Chers amis, je fuccombe ; & mes fens interdits. Brutus!..Son aflaffin...Ce monftre étoit fon fils

On fent combien ces circonftances redoublent l'horreur de l'affaffinat commis par ces farouches Républicains.

La Méchanique générale de ces lieux Oratoires confifte à donner, par le moyen de la définition, une idée exacte de l'objet de fon difcours, à en bien diftribuer toutes les parties par le moyen de l'énumération ; à examiner & faire valoir tous les rapports & toutes les contrariétés qui peuvent fe rencontrer entre le fujet qu'on traite,& quelque autre fujet; enfin à in

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