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fifter fur les circonftances qui caractérifent ce fujer, & le diftinguent de tout

autre.

CHAPITRE IV.

Des Lieux Oratoires extérieurs.

ON les appelle extérieurs, parce que

ce font des fecours que l'Orateur puife hors de fon fujet ; tels font pour l'Ora teur de la Chaire, l'Ecriture-Sainte, les Conciles, l'Hiftoire Eccléfiaftique, les Peres de l'Eglife, &c. Pour l'Orateur du Barreau, les Loix, les Coutumes, les Arrêts, les Ordonnances, &c. Pour le Differtateur, les Autorités qui peuvent appuyer fon opinion. Pour tous les autres genres d'Eloquence, les Lieux Oratoires extérieurs fe réduifent à la feule Imitation.

De l'Imitation.

L'imitation eft l'art de faire des larcins adroits à de bons Auteurs. L'Imitation eft bien différente du Plagiat : elle orne, elle embellit, elle marque de fon fceau particulier tout ce qu'elle emprunte; elle fe l'approprie, elle en fait fa conquête

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légitime. Le Plagiat n'eft qu'un vol hon

teux.

Les bons Auteurs vous fourniffent des.

pensées & des expreffions. Si vous prenez les pensées, enrichiffez-les, perfectionnez-les, s'il eft poffible, & fur-tout produifez-les fous des expreffions nouvelles & qui vous foient propres. Si vous vous accommodez des expreffions, qu'elles vous fervent à faire d'heureufes allufions, des applications ingénieufes, &c. Il y a encore une autre maniere d'imiter plus générale que ces deux-ci, & dans laquelle il entre plus d'art. C'eft lorfque l'on prend tellement le génie, le ftyle & le caractere d'un Auteur, & que l'on fe transforme, pour ainfi dire, tellement en lui, que l'imitateur & le modele femblent n'être plus qu'un même Ecrivain, quoiqu'on ne puiffe défigner aucun trait particulier que l'un ait emprunté de l'autre. Au refte, quelque maniere d'imiter que vous adoptiez, tachez de furpaffer vos modè les, de les égaler du moins: foyez original même en imitant. C'eft ainfi que Defpréaux a imité Horace & Juvenal. Voici quelques exemples de la maniere d'imiter.

Horace avoit dit, en parlant de la

Mort:

La Mort frappe également aux fuperbes Palais des Rois, & aux humbles chaumieres des Pauvres.

Voyez avec quelle grace, Malherbe a rendu cette pensée; comme il l'a enrichie en l'amplifiant :

La Mort a des,rigueurs à nulle autre pareilles :
On a beau la prier,

La cruelle qu'elle eft fe bouche les oreilles,
Et nous laiffe crier.

Le Pauvre en fa cabane où le chaume le couvre
Eft fujet à fes loix;

Et la garde qui veille aux barrieres du Louvre, N'en défend pas nos Rois.

Horace avoit dit :

L'argent, tel qu'un Roi puiffant, difpenfe toutes les faveurs; il fait trou>ver une femme pourvue d'une riche dot; il donne du crédit dans le monde, des amis, de la naiffance même, & de » la beauté à ceux qui n'en ont pas. Soyez opulent, la douce éloquence » coulera de vos levres, les graces prendront foin de vous orner.

D

Boileau a encore enrichi fur Horace

Quiconque eft riche, est tout; fars sagesse il est fage,

Ila, fans rien favoir, la science en partage;
Il a l'efprit, le cœur, le mérite, le rang,
La vertu, la valeur, la dignité, le sang;
Heft aimé des Grands, il eft chéri des Belles :
Jamais Surintendant ne trouva de cruelles.
L'or même à la laideur donne un teint de beauté:
Mais tout devient affreux avec la pauvreté:

Horace avoit repréfenté la Terre entiere foumise au pouvoir de Cefar, excepté l'ame in flexible de Caton; Corneille embellit la même idée dans la bouche d'Emilie, qui parle d'Auguste.

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peut faire trembler la terre fous fes pas, Mettre un Roi hors du Trône, & donner les Etats De fes profcriptions rougir la terre & l'onde, Et changer à fon gré l'ordre de tout le monde : Mais le cœur d'Emilie eft hors de fon pouvoir.

Chez le même Corneille, Caffiope s'offrant pour victime aux Dieux, à la place d'Andromede fa fille, emploie les tours vifs & preffés, que la douleur & le danger infpirent dans Virgile à Nifus forfqu'il s'offre aux coups des Rutules pour fauver fon cher Euryale.

Me voici, qui feule ai fait le crime,

Me voici, juftes Dieux, prenez votre victime'; S'il eft quelque juftice encore parmi vous,

C'est à moi feule, à moi qu'est dû votre courroux.

Corneille avoit dit, en ftyle un peu trop négligé :

Ne font

Par tous les climats

pas bien reçus toute forte d'Etats;
Chaque peuple le fien conforme à fa nature,
Qu'on ne fauroit changer fans lui faire une injure.
Telle eft la loi du Ciel, dont la fage équité
Seme dans l'Univers cette diverfité,

Les Macédoniens aiment le monarchique,
Et le refte des Grecs la liberté publique ;
Les Parthes, les Perfans veulent des Souverains,
Et le feul Confulat eft bon pour les Romains,

A M. de Voltaire a fu donner un tour plus noble & incomparablement plus poëtique au même fond d'idées.

Chaque Etat a les loix

Qu'il tient de fa nature, ou qu'ilchangeà fonchoix. Efclaves de leurs Rois, & même de leurs Prêtres, Les Tofcans femblent nés pour fervir fous des Maîtres,

Et de leur chaîne antique adorateurs heureux, Voudroient que l'Univers fût efclave comme eux. La Grece entiere eft libre, & la molle Ionie

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