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Perfecuteur nouveau de cette Cité Sainte,

D'où vient que ton audace en profane l'enceinte ? Dans la Tragédie d'Athalie, Joab apoftrophe ainfi Mathan :

Où fuis-je ? De Baal ne vois-je pas le Prêtre? Quoi! fille de David, vous parlez à ce traître? Vous fouffrez qu'il vous parle ? Et vous ne craignez pas 1

Que du fond de l'abîme entr'ouvert sous ses pas, Il ne forte à l'inftant des feux qui vous embrâfent? Ou, qu'en tombant fur lui; ces murs ne vous écrafent?

Que veut-il? De quel front cet ennemi de Dieu Vient-il infecter l'air qu'on refpire en ce lieu.

Exorde du Difcours de Moloch, dans le Paradis perdu de Milton.

»Armons-nous; déclarons la guérre; prenons le parti d'agir à force ouverte; n'employons ni rufe, ni ftratagême c'eft la reffource des lâches.

Cette efpece d'exorde ne doit être employée qu'avec beaucoup de ménagement, & le plus rarement qu'il eft p poffible: il eft à craindre que la fuite du difcours ne réponde pas à un mouvement fi violent; d'ailleurs, tant de véhémence n'eft pas toujours du goût de l'Auditeur.

L'exorde tempéré eft d'un ufage beaucoup plus univerfel; en voici des exemples :

Dans l'Oraifon funebre de la Reine de la Grande Bretagne :

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» Celui qui regne dans les Cieux, & » de qui relevent tous les Empires, à qui feul appartient la gloire, la majefté & l'indépendance, eft auffi le feul qui fe glorifie de faire la loi aux Rois, & de » leur donner, quand il lui plaît, de grandes & de terribles leçons. Soit qu'il » éleve les Trônes, foit qu'il les abaiffe; » foit qu'il communiqué fa puiffance aux Princes, foit qu'il fa retire à lui-même »& ne leur laiffe que leur propre foiblef» fe, il leur apprend lears devoirs d'une maniere fouveraine & digne de lui.

Combien cet exorde eft impofant dans fa noble tranquillité.

Idomenée commence ainfi l'histoire de fes malheurs, en s'adreflànt à Mentor & à Télémaque.

» J'avoue que je ne connoiffois point encore affez l'art de régner, quand je Previns en Crete après le Siege de Troye. Vous favez, chers amis, les malheurs

qui m'ont privé de régner dans cette » grande Ifle, puifque vous m'affurez que vous y avez été depuis que j'en fuis parti. Encore trop heureux, files coups les plus cruels de la for une ont fervi à » m'inftruire & à me rendre plus modéré!

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Combien leton de cet exorde eft doux & intéreffant! combien il difpofe à pardonner les fautes qu'on y avoue!

Exorde du difcours de Mithridate à fes Fils.
Approchez, mes enfans. Enfin l'heure est venue
Qu'il faut que mon secret éclate à votre vue:
A mes nobles proje s'je vois tout confpirer,
Il ne me refte enfin qu'à vous les déclarer.
D'Orefte à Pirrhus, Tragédie
d'Andromaque.

Avant que tous les Grecs vous parlent par mavoix
Souffrez que j'ofe ici me flatter de leur choix,
Et qu'à vos yeux,Seigneur,je montre quelque joie
De voir le fils d'Achille & le Vainqueur de Troye.
Oui, comme fes exploits, nous admirons vos

coups:

Hector tomba fous lui, Troye expira fous vous Et vous avez montré par une heureuse audace, Que le fils feul d'Achille a pu remplir sa place.

On fent combien cet exorde eft adroit & prévenant.

De Fatime à Zaïre.

Je ne m'attendois pas, jeune & belle Zaïre, Aux nouveaux fentimens que ce lieu vous infpire. Quel espoir fi flatteur, oujquels heureux deftins De vos jours ténébreux ont fait des jours fereins? Lapaix de votre coeur augmente avec vos charmes Cet éclat de vos yeux n'eft plus terni de larmes; Vous ne les tournez plus vers ces heureux climats Où ce brave Français devoit guider nos pas.

La douceur de ce début eft propre à difpofer Zaïre à la confidence que Fatime lui demande.

De Brutus aux Sénateurs affemblés.

Destructeurs des Tyrans, vous qui n'avez pour
Rois

Que les Dieux de Numa, vos vertus & vos loix;
Enfin notre ennemi commence à nous connoître.
Ce fuperbe Tofcan, qui ne parloit qu'en Maitre;
Porfenna, de Tarquin ce formidable appui,
Ce Tyran, Protecteur d'un Tyran comme lui
Qui couvre de fon Camp les rivages du Tibre,
Refpe&te le Sénat, & oraint un peuple libre.

Ce début refpire la fierté Romaine, fans avoir la brufque vivacité que nous avons remarquée dans l'exorde de Ciceron contre Catilina.

E iv

TAYLOP

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De l'Ambaffadeur Tofcan aux mêmes
Sénateurs,

Confuls, & yous, Sénat, qu'il m'eft doux d'être

admis

Dans ce Confeil facré de fages ennemis,
De voir tous ces Héros dont l'équité févere
N'eût jufques aujourd'hui qu'un reproche à fe
faire ;

Témoins de leurs exploits,d'admirer leurs vertus,
D'écouter Rome enfin par la voix de Brutus ?

On fent affez quelle différence il y a entre cette feconde efpece d'exorde & la premiere; autant l'une eft brufque & violentę, autant l'autre eft douce & modérée : cette derniere eft très-propre à rendre l'Auditeur favorable. L'Aréopage l'avoit défendue, tant il en craignoit les dangéreufes douceurs.

M. Racine, dans fa Comédie des Plaideurs, a tourné en ridicule les complimens que les Avocats faifoient autrefois leurs Juges, & à leurs Adverfaires dans leurs exordes.

L'Intimé commence ainfi fon Plai'doyer Burlesque.

Meffieurs, tout ce qui peut étonner un coupable, Tout ce que les Mortels ont de plus redoutable

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