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hafard

Semble s'être affemblé contre nous par
Je veux dire, la Brigue & l'Eloquence. Car,
D'un côté le crédit du défunt* m'épouvante,
Et d'un autre côté l'Eloquence éclatante
De Maître Petit-Jean m'éblouit.

Mais quelque défiance

Que nous doive donner la fufdite Eloquence,
Et le fufdit crédit ; ce néanmoins, Meffieurs,
L'ancre de vos bontés nous raffure d'ailleurs :
Devant le grand Dandin l'innocence eft hardie,
Oui, devant ce Caton de baffe Normandie,
Ce foleil d'équité qui n'est jamais terni.
Vidrix caufa Diis placuit, fed vita Catoni.

Dans les Sermons & dans les Plaidoyers la propofition fe trouve toujours renfermée dans l'exorde, c'est-à-dire, que l'exorde contient toujours un tableau abrégé du fujet qui doit être traité dans corps du difcours.

le

On peut remarquer en paffant, que le Poëme Epique a une espece d'exorde qui lui eft particuliere. Cet exorde, outre la propofition, renferme encore une invocation, dans cet ordre :

* Chapon,

La propofition précede l'invocation, & l'invocation précede l'exorde propre ment dit, ou l'entrée en matiere. Un exemple rendra la chose plus fenfible. Exorde de la Henriade.

PROPOSITIO N.

Je chante ce Héros qui régna fur la France,
Et par droit de conquête,& par droit de naiffance;
Qui, par le malheur même, apprit à gouverner,
Perfécuté long-tems, fut vaincre & pardonner,
Confondit & Mayenne, & la Ligue, & l'Ibere,
Et fut de fes Sujets le Vainqueur & le Pere.
INVOCATION.

Je t'implore aujourd'hui, févere Vérité !
Répans fur mes Ecrits ta force & ta clarté ;
Que l'oreille des Rois s'accoutume à t'entendre,
C'eft à toi d'annoncer ce qu'ils doivent apprendre;
C'est à toi de montrer aux yeux des Nations
Les coupables effets de leurs divifions.

Dis comment la difcorde a troublé nos Provinces;
Dis les malheurs du peuple & les fautes des

Princes;

Viens,parle : &, s'il eft vrai que la Fable autrefois
Sut, à tes fiers accens, mêler fa douce voix ;
Si fa main délicate orna ta tête altiere;
Si fon ombre embellit les traits de ta lumiere,
Avec moi, fur tes pas, permets-lui de marcher,
Pour orner tes attraits, & non pour les cacher.

Entrée en matiere, ou Exorde proprement dit,

Valois régnoit encore, & fes mains incertaines De l'Etat ébranlé laiffoient flotter les rênes: Ses efprits languiffoient par la crainte abbatus, Ou plutôt, en effet, Valois ne régnoit plus.

On peut regarder les premiers Actes des Pieces Dramatiques comme leur exorde, puifqu'ils contiennent toujours une expofition du fajet, & une idée des mouvemens qui se préparent.

CHAPITRE II I.

De la Narration.

LE talent de narrer eft peut-être le plus

agréable de tous les talens; mais auffi c'eft le plus rare, quoique tout le monde croie le pofféder, & fe mêle de l'exercer. Les hommes n'écoutent volontiers que ce qui les amufe, ou ce qui les intéreffe! Et il ne fuffit pas pour cela que les chofes par

elles-mêmes méritent d'être écoutées, il faut encore qu'elles foient exprimées d'une maniere amufante & intéreffante. Voilà la grande difficulté.

Le style de la narration doit varier fes lon les différens fujets fur lefquels elle s'exerce; une Fable de la Fontaine, & un récit de Tragédie ne font pas écrits du même ftyle. Une vivacité rapide, enjouée, des épisodes agréables & peu nombreux, une naïveté, une fineffe charmante, voilà ce qui nous attache dans la Fontaine un ftyle pompeux, harmonieux, plein d'images tendres, touchantes ou fublimes; voilà ce qui nous enchante dans les récits de Racine & de M. de Voltaire. Le ftyle d'un récit tragique doit être le même que celui du Poëme Epique, parce qu'il eft également queftion, dans l'un & dans l'autre, de peindre avec des couleurs fortes un grand événement, foit heureux, foit malheureux. Voilà pourquoi les récits de Mithridate, d'lphigénie, de Phedre, de Marianne, de Mérope, d'Orefte, font écrits comme la Henriade. Des Cenfeurs peu éclairés ont blâmé l'éloquence épique de ces récits; leur raifon eft, que le ftyle de la Tragédie doit être différent de celui du Poëme épique, Sans doute, lorfque la Tragédie repréfente les paffions en mouvement, elle doit leur faire parler le langage qui leur eft propre; mais lorfqu'elle raconte les effets produits par le mouvement des paffions

comme alors elle fait les fonctions de l'épopée, elle doit en emprunter le ftyle. Cette raifon me paroît palpable, & elle eft d'une fi grande étendue,que dans prefque tous les ouvrages, foit en vers, foit en profe, les récits des grands événemens font écrits en ftyle épique, comme les exemples fuivans le font voir.

Dans la Fable des Coqs, on trouve ce petit tableau épique.

Amour! tu perdis Troye : & c'eft de toi que vint Cette querelle envenimée,

Où du fang des Dieux même on vit le Xanthe

teint.

Dans l'Oraifon funébre de la Reine d'Angleterre.

» Cent pieces de Canon tonnerent fur elle à fon arrivée, & la maison où elle » entra fut percée de leurs coups. Qu'elle > eût d'affurance dans cet effroyable péril! Mais qu'elle eût de clémence pour » l'Auteur d'un fi noir attentat! On l'amena prifonnier peu de tems après; elle lui pardonna fon crime, le livrant pour tout fupplice à fa confcience,& à la honte d'avoir entrepris fur la vie d'une >> Princeffe fi bonne & fi généreufe : tant elle étoit au-deffus de la vengeance

?

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