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il eft immenfe, mais il n'eft jamais rempli & ne peut jamais l'être. La Nature fe varie à l'infini, les routes qui conduifent jusqu'à elle font innombrables, il eft impoffible de les tracer toutes ces genres auxquels on prétend réduire les Ouvrages d'éloquence, font effentiellement incomplets. En un mot, l'art d'être éloquent ne peut être enseigné. A toutes ces objections on peut répondre :

1o. Que quand tous les efforts de la Rhétorique fe borneroient à mieux faire connoître les grands modeles, à rendre plus judicieuse & plus éclairée l'admiration que ces modeles inspirent; ce feroit déjà un avantage confidérable.

2°. Que fi la Rhétorique n'apprend point à être éloquent, elle apprend du moins à éviter les défauts qui pourroient nuire à l'Eloquence, elle dirige dans l'Imitation.

3°. Que tout difcours Oratoire eft effentiellement compofé de par

ties principales, qui, indépendamment de toute circonftance particuliere, ont un caractere diftinct & marqué que la Rhétorique apprend à connoître.

4°. Si dans les Préceptes & les Exemples que fournit la Rhétorique, les divers genres d'Eloquence fe trouvent quelquefois confondus; c'eft qu'en effet ces genres rentrent affez fouvent les uns dans les au& admettent naturellement les mêmes préceptes & les mêmes exemples.

tres,

En général, les principaux genres d'Eloquence fe réduifent à trois; le Judiciaire, le Délibératif & le Démonftratif. Quoique ces trois genres foient effentiellement diftingués dans les détails, & qu'ils exigent dans le style des caracteres différens; cependant, quant aux parties principales du difcours & quant à la généralité des préceptes, peuvent fe réduire à un feul gen

ils

re; c'eft-à-dire, au Judiciaire. En effet, l'Orateur, quelque fujet qu'il traite, a dans fes Auditeurs des Juges à prévenir & à perfuader; il a dans l'objet de fon difcours, un Client à défendre, une Cause à plaider, une Propofition à établir nettement & à prouver folidement; il a enfin une récapitulation courte, véhémente & rapide à faire de ses plus fortes preuves, pour entraîner les fuffrages & achever la perfuafion.

Prenons pour exemple le Genre démonftratif, qui paroît le plus éloigné du Judiciaire, parce qu'il ne préfente aucune idée fenfible de contradiction: il y en a cependant toujours une au moins fuppofée, fans quoi le difcours feroit d'une inutilité trop évidente. On fuppofe donc, foit dans les difpofitions des Auditeurs, comme leur doute ou leur ignorance, foit dans d'autres circonftances particulieres, un contradicteur fecret & métaphysique qu'il faut accabler fous le poids des

raifons. Ainfi les Auditeurs font les Juges; l'objet du Panégyrique eft le Client à défendre; fes vertus font la Propofition qu'on annonce, & les preuves confiftent dans la Partie hiftorique. L'Analogie du genre Délibératif avec le genre Judiciaire, eft trop fenfible pour que nous nous arrêtions à la faire remarquer; ainfi les trois genres, comme nous l'avons dit, fe réduisent au Judiciaire On ne doit donc point s'étonner de voir dans les Livres de Rhétori que, la diftribution des principales parties du difcours, & les préceptes & les exemples fe rappor ter fouvent à ce feul genre. On n'en doit pas conclure que tout cela foit fans application aux deux autres genres; on ne doit point non plus, par la même raison, être choqué de voir les exemples puifés indifféremment dans les trois genres, fans que l'application refpective foit indi quée.

re,

5o. Si-la Rhétorique n'apprendpas à faire tel ou tel Ouvrage élo-. quent, elle apprend en général à en faire d'éloquens, en faifant voir comment on en a fait de tels, & quelle a été la marche du Génie dans la compofition des bons Ouvrages. La Théorie ne peut rien de plus pour les Artsquels qu'ils foient. Le plus excellent Traité de Peintud'Architecture, de Sculpture, de Gravure, de Mufique, &c. ne contribue pas plus à la compofition des Chefs-d'Euvres particuliers dans tous ces Arts, que la Rhétorique, à la compofition d'un Difcours éloquent. La Théorie dans tous les Arts fuppofe le Génie, & ne le crée point; mais elle le dirige; elle lui. montre les défauts qu'il doit éviter les beautés qu'il peut imiter & qu'il doit s'efforcer ou d'égaler ou de furpaffer; elle fait entrevoir comment l'Art, en écoutant la Nature, en fe réglant fur elle, en lui prêtant fon fecours de la maniere qu'elle le de

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