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mais il en fut empêché par Charlemagne, qui le jugeoit nécessaire dans la Westphalie.

Quelque temps après, le Saint tomba malade. Il continua d'exercer ses fonctions malgré les douleurs qu'il ressentoit. Le dimanche de la passion de l'année 809, il prêcha de grand matin, dit la messe sur les neuf heures, et fit le soir un second sermon ; après quoi il prédit qu'il mourroit la nuit suivante, et marqua l'endroit du monastère de Werden où il vouloit être enterré. La prédiction se vérifia à minuit, où Dieu l'appela à lui par une mort précieuse. Ses reliques sont encore à Werden (b).

Get esprit de foi et de prière qui animoit continuellement saint Ludger, est bien rare. Le nombre des vrais adorateurs est infiniment petit; on en est même venu jusqu'à ne pas garder la modestie extérieure dans les actes de religion les plus solennels, Il suffit, pour s'en convaincre, de jeter un coup-d'œil sur ce qui se passe dans nos temples. On diroit que la plupart des Chrétiens ont oublié qu'ils sont dans la maison de Dieu : car quelle autre raison apporter de leur peu d'attention et de leur peu de ferveur? Qu'est devenu sur-tout ce silence respectueux dont les Saints nous ont donné l'exemple, silence qui prend sa source dans le sentiment intime de la présence de Dieu, et qui règle tous les mouvemens extérieurs du corps; silence si essentiel, qu'on ne peut y manquer sans perdre le fruit de ses prières; silence dont le Seigneur est si jaloux, qu'il en fit une

(6) Un Anglais, nommé Joseph, qui suivit en France Alcuin son maître, a fait en vers un bel éloge de saint Ludger. Cette pièce, composée de seize vers, a été publiée par Vossius, de Hist. lat. l. 2, c. 3, et par le père Mabillon. Ces deux savans Pont regardée comme une des meilleures pièces de poésie de ce temps-là.

loi expresse pour le temple de Salomon, qui n'étoit pourtant que la figure des nôtres ? Ne semble-t-il. pas que nos temples soient devenus des lieux profanes, où il est permis de tenir des discours frivoles, souvent même criminels? Comment, après cela, voudrions - nous que Dieu nous exauçât ? Nous l'outrageons par nos prétendues prières ; aussi ne remportons-nous du temple que des malédictions.

S. BRAULION, VULGAIREMENT S. BRAULE, ÉVÊQUE DE SARAGOSSE.

SAINT BRAULE aida beaucoup à saint Isidore de Séville à établir une exacte discipline dans l'église d'Espagne. Cette église elle-même a toujours reconnu que le zèle, la science et les travaux de ce saint pasteur lui avoient été infiniment utiles. II mourut en 646, dans la vingtième année de son épiscopat. Nous avons de lui deux lettres à saint Isidore; un éloge de ce même Saint, avec le catalogue de ses ouvrages; une hymne en vers ïambes, en l'honneur de saint Emilien, avec la vie de ce serviteur de Dieu. Emilien, après avoir mené longtemps la vie érémitique, fut fait curé d'une paroisse du diocèse de Tarragone, où est aujourd'hui un célèbre monastère de son nom.

S. JEAN D'ÉGYPTE, ERMITE.

Tiré de Rufin, Vit. Patr. 1. 2, et de l'Histoire lausiaque de Pallade, qui avoit souvent vu le Saint; de saint Jérôme, de saint Augustin, de Cassien, etc. Voyez Tillemont, t. X, p. 9, et le P. Marin, Vies des Pères des déserts.

L'AN 394.

SAINT JEAN, né vers l'an 305, étoit d'une extraction fort basse, et apprit dans son enfance le

métier de charpentier. Il quitta le siècle à l'âge de 25 ans, et se mit sous la conduite d'un ancien anachorète. Le maître trouva dans son disciple une humilité et une simplicité qui le frappèrent d'admiration. Il lui ordonna, pour l'exercer dans la pratique de l'obéissance, plusieurs choses qui paroîtroient ridicules aux yeux du monde, comme d'arroser deux fois le jour une branche d'arbre desséchée. Jean le fit une année entière avec une ponctualité sans exemple. C'est à son humilité et à son obéissance que Cassien attribue les grâces extraordinaires dont Dieu le favorisa dans la suite (1) Il demeura avec le bon vieillard tant que celui-ci vécut, c'est-à-dire, à-peu-près douze ans; il passa ensuite quatre autres années dans différens monastères du voisinage.

A l'âge d'environ quarante ans, il se retira tout seul sur le haut d'un rocher, près de Lycopolis (a). Il mura la porte de sa cellule, et n'y laissa qu'un petite fenêtre par laquelle on lui passot ce qui lui étoit nécessaire : c'étoit aussi par là qu'il faisoit des instructions à ceux qui venoient le visiter. Il conversoit avec Dieu seul durant cinq jours de la semaine. On ne le voyoit que le samedi et le dimanche, encore cet avantage n'étoit-il accordé qu'aux hommes. Il ne faisoit tous les jours qu'un petit repas, après le coucher du soleil. Jamais il ne mangeoit de pain, ni de choses cuites. Il vécut de la sorte jusqu'à l'âge de quatre-vingt-dix ans. On bâtit auprès de sa cellule une espèce d'hôtellerie, où ses disciples recevoient les étrangers. Il possédoit le don de prophétie dans un degré éminent

(1) Cassian. Coll. l. 4, c. 21, p. 81.

(a) Cette ville, dont Mélèce le schismatique fut évêque au commencement du quatrième siècle, étoit au nord de la Thébaide en Egypte.

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et découvroit à ceux qui le visitoient, leurs péchés les plus cachés, ainsi que leurs pensées les plus secrètes Il avoit aussi le don des miracles, et guérissoit les malades avec de l'huile qu'il avoit bénite. De tels prodiges eurent bientôt rendu son nom célèbre.

L'empereur Théodose I l'ayant consulté sur le succès de la guerre qu'il alloit faire au tyran Maxime (6), il lui répondit qu'il seroit vainqueur sans presque répandre de sang. Le prince ne doutant point que la prédiction n'eût son accomplissement, s'avança vers l'Occident, et battit deux fois Maxime dans la Pannonie; il passa ensuite les Alpes, et prit dans Aquilée le tyran, auquel les soldats coupèrent la tête. Il revint triomphant à Constantinople, persuadé qu'il étoit redevable de la victoire aux prières du Saint. Il éprouva encore en d'autres occasions que Jean étoit doué de l'esprit prophétique. Eugène ayant pris la pourpre en Occident dans l'année 392, Théodose envoya l'eunuque Eutrope en Egypte, avec ordre d'amener le Saintà Constantinople, ou du moins de le consulter pour savoir s'il marcheroit contre l'usurpateur, ou s'il l'attendroit en Orient. Jean, après avoir prié qu'on le dispensât du voyage, dit que l'empereur vaincroit, mais non sans perdre beaucoup de monde; il ajouta qu'il mourroit en Italie, et qu'un de ses enfans règneroit en Occident. Cette prédiction fut encore vérifiée à la lettre (c).

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(6) Théodose étoit de beaucoup inférieur en forces à son ennemi. D'ailleurs, Maxime étoit devenu fort redoutable parses succès. Il avoit massacré Gratien en 383, et détrôné Valentinien en 387.

(c) Dans la première bataille, Théodose fut repoussé avec perte de dix mille hommes. Etant revenu à la charge le lendemain 6 Septembre 394, il remporta une victoire complète, par une protection visible du ciel, comme le poète Claudien, païen de religion, le reconnoît lui-même. Il mourut le 17 Janvier de

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Nous avons remarqué que notre Saint s'étoit fait une loide ne jamais voir de femmes. Ceci donna occasion à un trait qui mérite d'être rapporté. Un officier étant venu voir Jean, le conjura de ne pas trouver mauvais que sa femme lui fît une visite; il ajouta qu'elle étoit à Lycopolis, et qu'elle avoit eu bien des dangers et des difficultés à essuyer pour se procurer un tel bonheur. Le Saint lui répondit que depuis les quarante années qu'il vivoit sur son rocher, il s'étoit fait une loi inviolable de ne voir aucune femme, et que par conséquent il le prioit de ne pas s'offenser de son refus. L'officier s'en alla fort triste, et vint rendre compte à sa femme du peu de succès de sa demande. Le lendemain il réitéra ses instances, et dit au Saint que sa femme mourroit de douleur, si elle n'obtenoit enfin la grâce qu'il sollicitoit en son nom. « Allez trouver votre femme, répliqua le serviteur » de Dieu, et dites-lui qu'elle me verra cette nuit » sans sortir de sa maison. » Le mari et la femme étoient dans une grande impatience de voir l'accomplissement de cette promesse. Celle-ci ne fut pas plûtot endormie, que Jean lui apparut en songe, et lui dit : «Femme, la grandeur de votre foi m'oblige » à venir vous visiter, Je dois néanmoins vous » avertir de ne pas désirer ainsi de voir les ser» viteurs de Dieu sur la terre. Contentez-vous de » contempler leur vie en esprit, et d'imiter leurs » actions. Et après tout, d'où vient ce désir ex>> trême de me voir? Suis-je un Saint ou un pro» phète ? Non, je ne suis qu'un homme foible et » pécheur. Ce n'est donc qu'en considération de » votre foi que j'ai eu recours à Notre-Seigneur, » qui vous accorde la guérison de toutes les mala;

l'année suivante. Ses fils Arcade et Honorius régnèrent, le premier en Orient, et le second en Occident.

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