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» dies corporelles dont vous êtes affligée. Vivez tou> jours dans la crainte de Dieu, et n'oubliez jamais >> ses bienfaits. » Il lui donna encore d'autres avis pour mener une vie chrétienne, puis il disparut.

La femme, à son réveil, raconta à son mari le songe qu'elle avoit eu. Elle lui en détailla si bien toutes les circonstances, elle lui dépeignit si exactement les traits de la personne qui lui étoit apparue, que l'officier ne douta point que ce ne fût le saint hermite; aussi alla-t il dès le lendemain le remercier de la faveur qu'il avoit accordée à sa femme. Lorsqu'il fut arrivé, Jean le prévint, et lui dit: « J'ai fait ce que vous avez exigé de moi, j'ai vu » votre femme, et l'ai satisfaite dans toutes les » choses qu'elle m'a demandées. Allez en paix. » L'officier, après avoir reçu la bénédiction du Saint, se retira, et continua son voyage à Syene.

L'histoire que nous venons de raconter a pour garans Evagre, Pallade et saint Augustin. Ce dernier dit qu'il la tenoit d'un homme de qualité, fort grave et très-digne de foi, lequel l'avoit apprise de ceux mêmes à qui elle étoit arrivée. Il ajoute que s'il eût vu le saint ermite, il s'en seroit encore instruit plus particulièrement ; qu'il lui auroit demandé s'il étoit apparu réellement en personne, ou si c'étoit un ange revêtu de la forme extérieure de son corps, ou si l'imagination de cette femme avoit été seulement frappée d'une vision (2).

Plusieurs solitaires, tous étrangers dans le désert de Nitrie, dont les principaux étoient Evagre, Albin, Ammonius et Pallade, avoient un grand désir de voir le serviteur de Dieu. Le dernier, qui fat depuis évêque d'Hélénopolis, et qui a écrit la vie du Saint, partit pour le Thébaïde au commencement de Juillet de l'année 394, lorsque le Nil (2) S. Aug. 1. de curâ pro mortuis, c. 17, p. 294.

étoit débordé. Etant arrivé à la demeure de Jean, il trouva que la porte du vestibule bâti devant la cellule étoit fermée, et il apprit en même temps qu'elle ne seroit ouverte que le samedi suivant. Il atten dit donc ce jour dans l'endroit où logeoient les étrangers. Enfin, il entra le samedi à huit heures. Le Saint étoit assis à sa fenêtre, par laquelle il parloit à ceux qui venoient lui demander ses conseils. Après avoir salué Pallade, il s'informa de quel pays il étoit, du sujet qui l'amenoit, et lui demanda s'il n'étoit pas du monastère d'Evagre. Pallade satisfit à ces différentes questions.

Sur ces entrefaites arrive Alypius, gouverneur de la province, qui avoit l'air d'une personne fort pressée. Le Saint quitta Pallade pour s'entretenir avec le gouverneur. La conversation fut longue. Pallade ennuyé murmuroit contre le vénérable vieillard, comme s'il eût fait acception des personnes. Il étoit même sur le point de se retirer, lorsque Jean lui fit dire par Théodore son interprète, de ne point s'impatienter, que le gouverneur alloit partir, et qu'ils auroient ensuite le temps de converser ensemble. Pallade, étonné de voir lire ainsi dans son ame, attendit sans murmure. Après le départ d'Alypius, le Saint l'appela, et lui dit : Pourquoi vous êtes-vous fâché contre moi, et » pourquoi m'avez-vous accusé intérieurement de » choses dont je ne suis point coupable? Je peux » vous parler en tout autre temps, et quand je ne le » pourrois pas, il y a des pères et des frères qui » sont capables de vous enseigner les voies du salut. » Il n'en est pas de même de ce gouverneur; engagé dans le tumulte des affaires temporelles. » il profite du court intervalle qu'elles lui laissent pour respirer, et vient chercher ici quelques avis » salutaires. Etoit-il juste que je vous accordasse

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» la préférence? » Il lui dit ensuite tout ce qui se passoit dans son cœur, sans oublier la tentation qu'il avoit de quitter sa solitude; il entra même dans le détail des raisons apparentes que le démon lui suggéroit pour justifier une pareille démarche.

Il vous a représenté, continua-t-il, le regret que >> votre absence cause à votre père, et vous a flatté de » l'espérance d'engager votre frère et votre sœur à >> embrasser la vie solitaire. Méprisez les artifices de » l'ennemi de votre salut. Votre frère et votre sœur » ont renoncé au monde; pour votre père, il vivra »> encore sept ans. » Il lui prédit ensuite qu'il seroit évêque, mais qu'il auroit de grandes peines et de grandes persécutions à essuyer ; ce qui arriva effectivement.

Vers le même temps, saint Pétrone, avec six autres moines, visita le bienheureux ermite. Jean leur ayant demandé s'il n'y avoit point d'ecclesiastiques parmi eux, ils lui répondirent que non. Cependant un de la compagnie étoit diacre; mais il l'avoit toujours caché par humilité, et les autres n'en savoient rien. Le Saint, éclairé par une lumière supérieure, dit en le montrant au doigt: << Celui-ci est diacre. » L'autre le nia, se persuadant faussement qu'un mensonge cessoit d'être un péché, lorsqu'on avoit intention de s'humilier. Jean lui prit la main, la lui baisa, et dit : « Mon fils, »> ne désavouez jamais la grâce que vous avez re» çue de Dieu, et que l'humilité ne vous fasse point tomber dans le mensonge. On ne peut » mentir, même sous prétexte d'un bien; car tout » ce qui n'est pas conforme à la vérité ne vient » pas de Dieu. » Le diacre reçut la correction avec respect. Après la prière, qui se fit en commun, l'un de la compagnie pria le Saint de le guérir d'une fièvre tierce dont il étoit tourmenté. « Vous

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» désirez, lui répondit-il, d'être délivré d'un mal » qui vous est utile: car de même qu'on nettoie le corps avec du nitre, ainsi les ames sont pu»rifiées par les maladies et autres peines de cette » nature. » Il ne laissa pas de bénir de l'huile, qu'il donna au malade. Celui-ci ne s'en fut pas plutôt servi, qu'il se trouva parfaitement guéri,

Les solitaires étant retournés à l'endroit où logeoient les étrangers, y furent traités avec la charité la plus cordiale. Ils visitèrent une seconde fois le Saint, qui les reçut avec beaucoup de joie. Il leur dit de s'asseoir, et leur fit un discours, où, après les avoir entretenus de sa misère et de la bassesse de son néant, il leur enseigna les moyens de détruire la vanité et l'orgueil, et d'acquérir les différentes vertus. Il leur cita l'exemple de plusieurs solitaires, qui, pour s'être laissé corrompre par une vanité secrète, étoient tombés dans des faules grièves. Un de ces solitaires ayant écouté les illusions de l'esprit d'orgueil, s'étoit d'abord rendu coupable de fornication; il s'abandonna ensuite au désespoir, et commit toutes sortes de crimes. Le péché d'impureté en avoit porté un autre à quitter la solitude: mais un sermon qu'il entendit par hasard lui ouvrit les yeux; il rentra en lui-même, et devint un modèle de pénitence. Lorsque Pétrone et ceux de sa compagnie furent sur le point de partir, le Saint leur donna sa bénédiction, en leur disant : « Allez en paix, mes » enfans, et sachez que la nouvelle de la victoire > remportée sur le tyran Eugène par le religieux » prince Théodose, est arrivée aujourd'hui à >> Alexandrie; mais cet excellent empereur finira » bientôt sa vie par une mort naturelle. »'

Le Saint mourut peu de temps après, selon qu'il l'avoit prédit. Il ne voulut voir personne les

trois derniers jours de sa vie. S'étant mis à genoux pour prier, il rendit tranquillement l'esprit à la fin de l'année 394, ou au commencement de l'année suivante. Il est probable que sa mort arriva le 17 Octobre, jour auquel les Copthes et les Egyptiens font sa fête. Les martyrologes latins marquent son nom au 27 Mars.

Heureux celui qui a le courage de fuir le monde, dans le dessein de se consacrer aux larmes de la pénitence, et à la contemplation des choses célestes! I trouvera dans la retraite une source intarissable de douceurs et de consolations, qui ue sont connues que de ceux qui en ont fait l'épreuve. Le désert se changera pour lui en un véritable paradis. Sa plus chère occupation sera de louer et de remercier le Seigneur, qui lui communique par anticipation la félicité des Saints. Concentré en lui-même, il n'aura d'autre soin que de remonter au principe de ses imperfections, pour s'en corriger; que de réprimer les saillies de ses sens par la mortification; que de purifier les affections de son cœur; que de bannir de son esprit toutes les pensées vaines et frivoles; que de faire, en un mot, de nouveaux progrès dans les vertus qui unissent l'ame à Dieu de la manière la plus parfaite.

S. RUPERT OU ROBERT,

ÉVÊQUE DE WORMS, PUIS DE SALtzbourg. RUPERT, issu du sang royal de France, s'exerça, dès sa jeunesse, à la pratique du jeûne, des veilles et de plusieurs autres sortes de mortifications il étoit aussi un modèle de chasteté, de tempérance et de charité envers les pauvres. Son nom devint si célèbre, qu'on venoit le consulter

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