Images de page
PDF
ePub

S. EUSTASE,

ABBÉ DE LUXEU. EN FRANCHE-COMTÉ.

CE Saint, d'une famille noble de Bourgogne, fut élevé avec soin par Miget ou Miet, évêque de Langres, son oncle. Ayant connu de bonne heure la vanité du monde, il se retira dans le monastère de Luxeu, gouverné par saint Colomban. Il prit bientôt, sous un tel maître, l'esprit de prière, d'humilité, de renoncement et de mortification. Devenu, en 611, successeur de saint Colomban, il se vit à la tête de six cents moines, qui le regardoient tous comme leur père. Son zèle ne se renferma pas dans l'enceinte de son monastère, il alla prêcher l'évangile aux habitans de la Bavière et de la Franche-Comté, dont plusieurs étoient engagés dans les ténèbres de l'idolâtrie, ou dans les erreurs de Photin et de Ronose, qui nioient la divinité de Jésus-Christ. La réputation de sa sainteté étoit si bien établie, qu'un grand nombre de Saints, même parmi les évêques, ne se conduisoient que par ses avis. Il mourut en 625. Il est nommé dans le martyrologe d'Adon, et dans le romain.

Voyez dans les Bollandistes et dans Mabillon, la vie du Saint, écrite par Jonas de Bobio, auteur contemporain.

Quelques Grecs mettent au nombre des Saints de ce jour, Marc, évêque d'Aréthuse en Syrie. C'étoit un de ceux qui avoient sauvé la vie à Julien dans son enfance, en le dérobant au massacre qui se fit de presque toute sa famille. Il étoit depuis long-temps haï des païens, parce que, sous le règne de Constance, il avoit arraché beaucoup de monde aux superstitions de l'erreur, et démoli un temple consacré au culte des idoles ; il avoit même fait bâtir une église sur les ruines de ce temple,

ce que les païens regardèrent comme une nouvelle insulte à leur religion.

L'empereur Julien ayant ordonné aux Chrétiens de rebâtir à leurs frais les temples démolis sous les deux règnes précédens, les païens d'Aréthuse, fiers de la protection du prince, tombèrent avec fureur, sur leurs ennemis. Marc voulut d'abord s'enfuir, conformément au précepte de l'évangile; mais sachant que l'on avoit pris à sa place quelques personnes de son troupeau, il revint et se livra lui même aux persécuteurs. Ceux-ci se saisirent de lui, le privent aux cheveux, et le traînèrent par les rues, sans égard pour sa vieillesse. Ils le dépouillèrent ignominieusement, le fouettèrent par tout le corps, et le jetèrent dans des cloaques infects; ils l'en retirèrent ensuite, et l'abandonnèrent à une troupe d'enfans, auxquels ils dirent de le percer avec leurs stilets à écrire. On lui serra les jambes avec des cordes, qui entrèrent jusqu'aux os; on lui coupa les oreilles avec du fil, et dans.ce misérable état, les païens le ballottoient en se le jetant les uns aux autres ; après cela, ils le frottèrent de miel, le mirent dans une espèce de cage, et le suspendirent en l'air au fort de l'été et au soleil du midi, afin d'attirer sur lui les guêpes et les mouches, dont les piqûres sont trèsdouloureuses dans ce pays-là. Le vénérable vieillard montroit une sérénité inaltérable au milieu de ses souffrances; il railloit même ses bourreaux, en leur disant que tandis qu'ils rampoient sur la terre, il étoit élevé vers le ciel.

Les païens, qui avoient d'abord exigé qu'il rebâtit leur temple, se relâchèrent peu à peu, et finirent par lui demander une somme très-modique. Marc leur répondit toujours qu'il ne vouloit point se rendre coupable d'impiété, en contribuant de

la moindre chose à la réédification d'un temple d'idoles (a). Enfin l'admiration ayant fait place à la fureur, on le mit en liberté. Plusieurs païens se firent instruire des maximes d'une religion capable d'inspirer une patience si héroïque. Marc passa tranquillement le reste de sa vie, et mourut sous les empereurs Jovien et Valens. On ne trouve point son nom dans le martyrologe romain, et l'église ne l'a jamais honoré d'un culte public. Il avoit été long-temps engagé dans les erreurs et les factions des Semi-Ariens; mais les éloges que saint Grégoire de Nazianze, Théodoret et Sozomène lui donnent en parlant de ses souffrances, ne permettent pas de douter qu'il ne se fût réuni aux catholiques sur la fin du règne de Constance.

S. JEAN CLIMAQUE, ABBÉ.

Tiré de ses ouvrages, et de sa vie, qui fut écrite, peu de temps après sa mort, par Daniel, moine de Raithe. Voyez la vie du même Saint, que M. le Maitre a donnée en français, et qui se trouve à la tête de la traduction de l'Echelle sainte, par M. Arnaud d'Andilly; Bulteau, Hist. Monast, d'Orient, p. 808; M. Assémani, in Calend. univ. ad 30 Mart. t. VI, p. 213.

L'AN 605.

SAINT JEAN CLIMAQUE (a), que l'on croit originaire de la Palestine, naquit vers l'an 525. Il fut élevé avec soin, et les progrès qu'il fit dans les sciences furent si rapides, qu'on lui donna dès sa jeunesse le surnom de Scolastique (b). Mais à

(a) Marc avoit raison; mais il faut convenir en même temps qu'il se seroit rendu coupable d'injustice en démolissant le temple des païens, s'il n'y eût été autorisé par la loi du prince. (a) Le surnom de Climaque fut donné au Saint à cause de son livre intitulé: Climax ou Echelle.

(b) Le surnom de Scolastique, qui étoit alors fort honorable, ne se donnoit qu'à ceux qui avoient beaucoup de talens et de connoissances.

peine eut-il atteint l'âge de seize ans, qu'il sacrifia tous les avantages qu'il pouvoit espérer du monde. Il se retira sur le Mont-Sinaï, où plusieurs solitaires menoient une vie angélique depuis que les disciples de saint Antoine et de saint Hilarion avoient peuplé les déserts. Il ne voulut point demeurer dans le grand monastère bâti sur le sommet de la montagne, de peur d'y trouver des sujets de dissipation; il alla vivre dans un ermitage écarté, où il se mit sous la conduite d'un vénérable vieillard nommé Martyrius. Un silence rigoureux fut le moyen qu'il employa pour se garantir d'un vice ordinaire aux personnes habiles, c'est-à-dire, de démangeaison de parler de tout, qui provient d'une vanité secrète. Humble d'esprit et de cœur, il faisoit le sacrifice de ses lumières, sans contredire ni disputer. Il s'assuroit par l'obéissance le mérite de ses actions; et il porta si loin la pratique de cette vertu, qu'il sembloit ne point avoir de volonté propre. Par cette soumission à son directeur, il apprenoit à éviter les écueils contre lesquels il eût infailliblement échoué, s'il avoit voulu se servir de pilote à lui-même (c). De cette montagne visible qu'il habitoit, il prenoit saintement son essor pour s'élever jusqu'au Dieu invisible dont la volonté faisoit son unique étude; aussi observoit-il avec attention tous les mouvemens de la grâce, pour y correspondre avec fidélité.

Le fervent novice employa quatre ans à s'éprouver et à s'instruire, avant que de faire la profession monastique. Il pensoit, et il l'a fortement inculqué dans ses ouvrages, qu'un pareil engagement exige un âge mur et des épreuves sérieuses. Quand il vit approcher le jour de son sacrifice, il s'y prépara par le jeûne et la prière, afin de lui donner tout (c) Voyez les paroles du Saint, Grad. 1.

le degré possible de perfection. La consécration solennelle qu'il fit à Dieu de lui-même, fut suivie des plus précieux fruits de la grâce. Martyrius voyoit avec admiration son disciple avancer de jour en jour dans les voies du salut.

Après la mort de Martyrius, arrivée en 560, le Saint, conformément au conseil que son directeur lui avoit donné, résolut d'embrasser la vie des anachorètes; il se retira donc dans l'hermitage de Thole, situé dans la plaine qui est au bas du Mont-Sinaï. Sa cellule étoit environ à deux lieues de l'église (d). Il y alloit les samedis et les dimanches pour entendre l'office, et pour communier avec les moines et les anachorètes du désert: Il évitoit toute singularité, la regardant comme une production de la vaine gloire : de là vint qu'il mangeoit indifféremment de tout ce qui n'étoit pas interdit aux moines d'Egypte, observant seulement de se renfermer dans les bornes d'une exacte sobriété. La prière étoit sa plus douce et sa principale occupation; toujours animé d'une ferveur extraordinaire, il ne perdoit jamais de vue la présence de Dieu. Ses pensées, ses paroles et ses actions se rapportoient toutes à l'accomplissement de la volonté du Seigneur. C'est ainsi qu'il réduisoit en pratique ce qu'il a depuis si fort recommandé à tous les Chrétiens (1). Ilacquit par l'exercice habituel de la contemplation une parfaite pureté de cœur, et une très-grande facilité de voir Dieu en tout. Il donnoit un temps considérable à la lecture des livres sacrés et des ouvrages des Saints Pères, ce qui le rendit lui-même un

(d) 11 paroît que c'étoit l'église de la sainte Vierge, que l'empereur Justinien avoit fait bâtir sur le Mont-Sinaï pour l'usage des moines. Voyez Procope, l. 5 de ædif. Justin, (1) Grad. 27 n. 67.

« PrécédentContinuer »