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tinua done de répandre de toutes parts la lumière de la foi.

Le roi, en ayant été informé, le fit arrêter, et entreprit de l'effrayer par des menaces; mais Benjamin fut inébranlable, et déconcerta le prince par une question dont l'application étoit sensible. Quelle idée, dit-il, auriez-vous d'un de vos su» jets qui, renonçant à la fidélité qu'il vous doit, » se rangeroit du côté de vos ennemis ? » Le roi, transporté de fureur, lui fit enfoncer des pointes de roseaux sous les ongles des pieds et des mains, et dans d'autres parties du corps extrêmement sensibles, ce qui fut répété plusieurs fois avec une cruauté inouie; il le condamna ensuite à être empalé. Sa bienheureuse mort arriva l'an 424. Le martyrologe romain le nomme en ce jour.

On craint peu la mort lorsqu'on est animé d'un véritable zèle pour la gloire de Dieu. On offroit la vie à saint Benjamin; mais il la refusa, parce qu'il eût fallu l'acheter aux dépens de son devoir. Il savoit qu'il n'y avoit point de différence entre trahir sa foi, et ne pas prendre les moyens de faire glorifier Jésus-Christ. Cette morale n'est plus du goût de la plupart des Chrétiens. On veut allier les choses les plus incompatibles; on veut appartenir à la loi nouvelle, sans observer ce qui est prescrit par l'évangile; on veut entrer dans le royaume du Ciel, sans marcher dans la voie qui y conduit. Etrange aveuglement ! Ne comprendronsnous jamais qu'il faut imiter les Saints pour participer à leur gloire, et qu'il est impossible de se sauver, si l'on n'aime Dieu de tout son cœur, et si l'on n'est dans une disposition continuelle de porter les autres à l'aimer encore plus par ses exemples que par ses discours?

S. ACACE OU ACHATE,

ÉVÊQUE D'ANTIOCHE EN ASIE, CONFESSEUR.

Tiré de ses actes sincères, publiés par Ruinart, p. 139. Voyez Tillemont, t. III, p. 357; Fleury, t. II, p. 193; D. Ceillier, t. II, p. 560.

L'AN 250.

ACACE OU ACHATE étoit évêque de la ville d'Antioche en Asie, où il y avoit un très-grand nombre de Marcionites (a). On lui donna le surnom d'Agathange, qui signifie bon ange. Il sut, durant la persécution de Dèce, maintenir son troupeau dans un inviolable attachement à la foi, tandis que les Marcionites, vaincus par la crainte des supplices, ne rougissoient pas de sacrifier aux idoles. Il confessa lui-même généreusement JésusChrist. Nous allons donner l'histoire de cette confession, qui a été tirée des registres publics.

Martien, homme consulaire, se fit amener l'évêque Acace, qui étoit regardé comme le bouclier et le refuge du pays, à cause de son immense charité envers tout le monde; lorsqu'il fut en sa présence, il lui dit : « Comme vous avez le bon» heur de vivre sous les lois romaines, vous de» vez aimer et honorer les princes qui sont nos » protecteurs. ACACE. De tous les sujets de l'em» pire, il n'y en a point qui honorent plus l'em» pereur que les Chrétiens. Nous demandons sans » cesse à Dieu, dans nos prières, qu'il lui accorde une vie longue, pleine de succès, comblée de » toutes sortes de prospérités; qu'il lui donne l'esprit de justice et de sagesse pour gouverner ses peuples, afin que tout son règne soit heu

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(a) La ville dont il est ici question paroît être la même que celle de ce nom située en Phrygie.

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reux, et se passe dans une paix florissante, qui › entretienne l'abondance dans toutes les provinces » de sa domination. MARTIEN. Cela est fort louable; > mais afin que l'empereur puisse être encore plus fortement convaincu de votre soumission » et de votre fidélité, venez lui offrir un sacrifice » avec nous. ACACE. Je viens de vous dire que je » prie le grand et le vrai Dieu pour le salut de l'em» pereur mais le prince ne peut exiger un sa» crifice de nous; cette sorte de culte ne lui est » point due, ni à quelque homme que ce soit. MAR> TIEN. Dites-nous donc quel Dieu vous adorez, > afin que nous puissions aussi lui présenter nos > hommages et notre encens. ACACE. Je sou> haite de tout mon cœur que vous le connoissiez. » MARTIEN. Quel est son nom? ACACE. Il se > nomme le Dieu d'Abraham, d'Isaac et de » Jacob. MARTIEN. Sont-ce-là aussi des Dieux? » ACACE. Non, sans doute, ce sont des hommes >> auxquels le vrai Dieu a parlé. Il n'y a qu'un » Dieu, et lui seul doit être adoré, craint et aimé. » MARTIEN. Quel est il enfin ce Dieu ? ACACE. » Adonaï, le Très-Haut, qui est assis sur les › Chérubins et les Séraphins. MARTIEN. Qu'est>> ce qu'un Séraphin? ACACE. Un ministre du Très» Haut, et un des principaux princes de la cour » céleste.

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>> MARTIEN. Quelles chimères nous débitezD vous là? Laissez vos êtres invisibles, pour ado» rer des dieux que vous puissiez voir. ACACE. Dites-moi donc à votre tour qui sont ces dieux » à qui vous voulez que je sacrifie ? MARTIEN. » Apollon, le sauveur des hommes, qui nous » préserve de la peste et de la famine, qui éclaire, » régit et gouverne l'univers. ACACE. Quoi! cet » Apollon qui n'a pu se conserver la vie, et qui, Tome III.

I

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» épris d'amour pour une jeune fille (Daphné), » couroit après elle sans prévoir qu'il ne posséderoit jamais l'objet de sa passion? Il est évi» dent qu'il ne prévoyoit pas l'avenir, puisqu'il » ignoroit ce qui lui devoit arriver; il n'étoit pas » Dieu non plus, puisqu'il se laissa tromper par une fille. Tout le monde sait qu'il conçut une » détestable passion pour Narcisse, et qu'il eut la mal-adresse de lui casser la tête d'un coup » de palet. N'est-ce pas encore ce prétendu dieu qui, avec Neptune, se fit maçon, et se loua à » un roi pour bâtir les murailles d'une ville? Et » vous exigeriez que je sacrifiasse à une pareille » divinité? Ne voudriez vous pas aussi que j'of» frisse de l'encens à un Esculape, foudroyé par Jupiter; à une Vénus, infâme par ses impudi» cités, et à cent autres monstres semblables, qui sont l'objet de votre culte? Non, il n'en >> sera pas ainsi: et quand il s'agiroit de ma vie, » je ne me résoudrois jamais à adorer ceux que je rougirois d'imiter, et pour lesquels je ne puis » avoir que du mépris et de l'horreur. Comment se peut-il faire que vous adoriez des dieux dont » vous puniriez les imitateurs ? MARTIEN. Je sais » que vous autres Chrétiens avez coutume de dé» crier nos dieux; c'est pourquoi je vous ordonne » de venir avec moi à un banquet sacré en » l'honneur de Jupiter et de Junon, afin que » vous rendiez à la majesté de ces divinités ce qui » leur est dû.

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» ACACE. Pourrois-jo sacrifier à un homme dont on voit encore le tombeau dans l'île de Crète ? » Est-il donc ressuscité? MARTIEN. Ou sacrifiez,

ou mourez. ACACE. Voilà précisément ce que » font les brigands de Dalmatie; lorsqu'ils ont * surpris un pauvre voyageur dans quelque défilé,

, ils lui donnent à opter entre la bourse ou la vie. » Pour moi, je vous déclare que je ne crains rien. » Les lois punissent les adultérés, les voleurs, les » homicides. Si j'étois coupable de quelqu'un de » ces crimes, je seróis le premier à me condamner » moi-même; mais si tout mon crime est d'adorer » le vrai Dieu, et si pour cela je suis mis à mort, je serois condamné non par la loi, mais par l'injustice du juge. MARTIEN. Je n'ai pas ordre » de vous juger, mais de vous contraindre; et en » cas de désobéissance, je saurai vous traiter » comme vous le méritez. ACACE. Et moi aussi » j'ai un ordre; c'est de ne point renoncer mon » Dieu : si donc vous vous croyez obligé d'obéir à » un homme mortel qui deviendra bientôt la pâ»ture des vers, à combien plus forte raison dois-je » obéir à un Dieu tout-puissant, infini, éternel, » qui a déclaré qu'il renieroit devant son père » quiconque le renieroit devant les hommes.

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» MARTIEN. Vous venez de confesser l'erreur de > votre secte, dont je désire d'être instruit depuis » long-temps. Vous dites donc que Dieu a un fils? » ACACE. Oui, sans doute. MARTIEN. Quel est ce fils » de Dieu ? ACACE. Le Verbe de vérité et de grâce. » MARTIEN. Est-ce là son nom? ACACE. Vous ne » m'aviez pas demandé son nom, mais quel il étoit. » MARTIEN. Eh bien, son nom? ACACE. JESUS» CHRIST. MARTIEN. De quelle femme Dieu a-t-il » eu ce fils? ACACE. Dieu n'engendre point à la » manière des hommes; son fils est sorti de son » cœur (a); c'est pourquoi il est écrit: Mon cœur » a produit une bonne parole (1). MARTIEN. Dieu » est donc corporel? ACACE. Lui seul se connoît : » nous ne saurions le voir dans cette vie mortelle ; » nous connoissons pourtant assez ses perfections (a) Ou de son intelligence. (1) Ps. 44.

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