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Saint-Germain-des-Prés, sous les yeux de Hugues son oncle, qui en étoit abbé. La régularité de sa conduite et l'innocence de ses moeurs le firent admirer de toute la communauté. Il prit le sousdiaconat à la fin de ses études, et fut nommé chanoine de la collégiale de Sainte Geneviève-duMont (a). Ses confrères, qui devoient naturellement l'aimer et le respecter à cause de son assiduité à la prière, de sa douceur, de sa modestie, de son amour pour la retraite et la mortification

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virent au contraire dans toute sa conduite qu'une censure de leur vie oisive et mondaine; ils résolurent donc de se défaire de lui, en l'engageant à résigner son canonicat. Ce moyen ne leur ayant pas réussi, ils le nommèrent à la cure d'Espinay, dépendante de leur chapitre (b)..

Ces chanoines ne jouirent pas long-temps, du fruit de leurs intrigues. Le pape Eugène III, qui se trouva à Paris en 1147, fut informé de leurs dérèglemens; il les chassa de concert avec Louisle-Jeune, et leur substitua des chanoines réguliers, tirés de l'abbaye de Saint-Victor. Le célèbre abbé Suger fut chargé de cette affaire, et il la termina heureusement pour l'édification de l'église. Eudes de Saint-Victor eut le gouvernement de la nouvelle communauté.

Guillaume embrassa cet institut, et mérita, par ses vertus éminentes, d'être élu sous-prieur. Ses exemples et sa prudence contribuèrent beaucoup à maintenir la régularité parmi ses frères. Son zèle étoit tellement modéré par la douceur, qu'il faisoit pratiquer avec amour tout ce que la règle avoit de plus austère.

La réputation de sa sagesse et de sa sainteté

(a) Il n'y avoit point encore alors de chanoines réguliers. (b) A cinq lieues de Paris, du côté de Melun.

parvint jusqu'aux oreilles d'Absalon, évêque de Roschild, en Danemarck. Ce prélat, l'un des plus pieux de son siècle, résolut de l'attirer dans son diocèse; il envoya pour cet effet à Paris le prévôt de son église (c). Guillaume voyant qu'il s'agissoit uniquement de la gloire de Dieu, consentit sans peine à quitter sa patrie, et à faire le voyage de Danemarck. Absalon le chargea de la conduite des chanoines réguliers du monastère d'Eschil, où il avoit établi une réforme. Le Saint y vécut dans la pratique d'une prière continuelle et des mortifications les plus austères. Il eut cependant beaucoup à souffrir de la part de quelques seigneurs puissans qui le persécutèrent, ainsi que de l'extrême pauvreté de sa maison, située dans un climat fort rude, et d'une longue suite d'épreuves intérieures : mais il triompha de tout par sa douceur et sa patience; aussi eut-il la consolation, pendant les trente années qu'il gouverna son abbaye, de voir plusieurs de ses frères marcher avec ferveur dans les voies de la perfection. Il portoit continuellement le cilice, couchoit sur la paille, et jeûnoit tous les jours. Pénétré d'un respect profond pour la grandeur et la sainteté de nos mystères, il versoit des larmes abondantes, toutes les fois qu'il s'approchoit de l'autel. Il mourut le 6 Avril 1203, et fut canonisé en 1224, par le pape Honorius III.

Voyez dans Surius la vie de saint Guillaume, écrite par un de ses disciples, et le P. Papebroch, t. I, April. p. 520. Voyez aussi les Vies des hommes illustres de l'ordre des chanoines réguliers de Saint-Victor , par M. Gourdan, t. II, p. 324 et 614. C'est un manuscrit qui se garde dans la bibliothèque de Saint-Victor à Paris.

(c) On croit que ce prévôt étoit Saxon le Grammairien, auteur d'une bonne histoire de Danemarck.

S. APHRAATE, ANACHORÈTE EN SYRIE.

Tiré de Théodoret, Philoth. c. 8, et Hist. l. 4, c. 26. Voyez Henschénius, t. I, April. p. 664, et Tillemont, Mém. t. X.

Quatrième siècle.

APHRAATE descendoit d'une famille illustre parmi les Perses. Ses parens, qui étoient idolâtres, l'élevèrent dans les superstitions du paganisme; mais il eut le bonheur de connoître la vraie religion dès sa jeunesse. Affligé de voir l'évangile si peu connu dans son pays, il renonça à tous les avantages qu'il pouvoit espérer dans le monde, et se retira à Edesse, én Mésopotamie, où le christianisme étoit très-florissant. S'étant instruit de la meilleure manière de servir Dieu, il alla se ren fermer dans une petite cellule hors de l'enceinte des murailles de la ville, pour se livrer entièrement aux exercices de la pénitence et de la contemplation.

Quelque temps après, il se rendit en Syrie, et fixa sa demeure dans une cellule peu éloignée d'un monastère situé dans le voisinage d'Antioche.. Il y fut visité par un grand nombre de personnes qui venoient le consulter sur les affaires de leur conscience. Il prenoit fortement le parti de la vertu contre le vice, et combattoit en toute occasion l'arianisme, qui avoit beaucoup de partisans dans la ville d'Antioche. L'austérité de sa vie donnoit une grande force à ses discours. Sa nourriture ordinaire consistoit en un morceau de pain, qu'il mangeoit après le coucher du soleil; et ce ne fut que dans une extrême vieillesse qu'il consentit à y ajouter quelques herbes. Il n'avoit d'autre lit qu'une natte étendue sur la terre, ni d'autre vête

ment qu'un habit fort grossier; et cet habit, il ne le quittoit que quand il ne pouvoit plus s'en couvrir. On voit jusqu'où il portoit le détachement sur ce sujet, par la conduite qu'il tint à l'égard d'Anthemius, qui fut ensuite consul et gouverneur d'Orient. Celui-ci, au retour de son ambassade de Perse, le pressa d'accepter une robe qu'il avoit apportée. « C'est, lui dit-il, une production de votre pays. Pensez-vous, lui répondit » Aphraate, qu'il fût raisonnable de renvoyer un vieux domestique d'une fidélité reconnue, pour » en prendre un nouveau, précisément parce que » le dernier seroit compatriote? Non, répliqua An

thémius. Eh bien! continua le Saint, remportez» cette robe; j'ai un vêtement qui me sert depuis » seize ans, et je ne veux point en avoir deux à » la fois. »>

Jusque-là le Saint avoit vécu retiré dans sa cellule; mais il en sortit à la vue des ravages que l'arianisme, protégé par l'empereur Valens, faisoit dans le troupeau de Jésus-Christ. I courut au secours des catholiques d'Antioche, afin de les consoler, et de leur adoucir, autant qu'il seroit en lui, les rigueurs de la persécution. II se réunit aux saints prêtres Flavien et Diodore, qui gouvernoient l'église d'Antioche en l'absence du saint évêque Mélèce, exilé par le prince. Sa sainteté et ses miracles lui donnoient beaucoup de pouvoir, et ajoutoient un grand poids à ses paroles et à ses actions.

Le palais de Valens étoit sur le bord de l'Oronte, et n'en étoit séparé que par le grand chemin qui conduisoit à la campagne. Un jour que le prince regardoit les passans du haut de sa galerie, il vit un vieillard pauvrement vêtu qui marchoit fort vite. Ayant demandé quel étoit ce vieillard, on

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lui répondit que c'étoit Aphraate, ce solitaire, pour lequel le peuple avoit tant de vénération. Aphraate, lui dit Valens, où allez-vous si vîte ? Je vais prier pour la prospérité de votre règne, répondit le Saint. » C'est que les catholiques qui n'avoient plus d'églises à Antioche, tenoient leurs assemblées dans un champ qui servoit aux exercices publics des armes. « Pourquoi, lui dit l'em. » pereur, vous qui êtes moine par état, quittez» vous votre cellule, et menez-vous ainsi une vie » vagabonde ? Je suis resté dans la solitude, » répondit Aphraate, tant que les brebis du divin » pasteur ont été en paix : mais à présent qu'elles » sont exposées aux plus grands dangers, pour» rois-je rester tranquillement dans ma cellule ? » Si une fille voyoit le feu à la maison de son père, » que devroit-elle faire? Devroit-elle attendre sur » son siége que les flammes la vinssent consumer? » Ne seroit-il pas plutôt de son devoir de courir » de tous côtés, et d'aller chercher de l'eau pour. >> éteindre l'incendie? Je fais quelque chose de » semblable, je cours pour éteindre le feu que >> vous avez mis à la maison de mon père. »

L'empereur ne répondit rien; mais un de ses eunuques maltraita le Saint, et le menaça même de la mort. Au reste, Dieu vengea bientôt son serviteur. L'eunuque étant allé voir si le bain de l'empereur étoit chaud, la tête lui tourna, il se laissa tomber dans la cuve, et y mourut faute de secours. Le prince fut si frappé de cet événement, qu'il n'osa exiler le Saint, quoique les Ariens l'y engageassent. Il fut encore singulièrement touché des guérisons miraculeuses qu'Aphraate opéroit en appliquant de l'huile ou de l'eau sur laquelle il avoit fait le signe de la croix.

On remarqua toujours dans le saint anachorète

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