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Voyez la vie de ce Saint, écrite immédiatement après sa mort par quatre Dominicains commis à cet effet, par le pape Honorius IV, avec la relation de ses miracles, et les informations et autres actes dresses juridiquement pour procéder à sa canonisation. Toutes ces pièces ont été publiées par les Bollandistes.

S. BENOIT,

PATRIARCHE DES MOINES D'OCCIDENT.

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Tiré de saint Grégoire le grand, Dial. l. 2, c. 1 qui assure ne parler que d'après ce qu'il avoit appris de quatre disciples da Saint, savoir: Constantin, qui fut son successeur dans le gouvernement du Mont-Cassin; Simplicius, troisième abbé du même monastère; Valentinien, premier abbè du monastère de Latran, et Honorat, abbé de Sublac. Voyez les remarques du P. Mabillon, Annal. Ben. l. 1, t. I, p. 3, et l. 2 p. 38, et Act. Sanc., Ben. t. I, p. 80; dom Mège, vie de saint Benoît; les recherches de Hæften avec l'abrégé du même ouvrage, par l'abbé Steingelt, Ziegelbaver et Legigont, Hist. litter. ord. S. Bened. an. 1754, t. I, p. 3, et t. III, p. 2.

L'AN 543.

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BENOÎT, issu d'une famille honnête, naquit à Norcia, autrefois ville épiscopale en Ombrie. Il ne fut pas plutôt en âge d'apprendre les sciences, que ses parens l'envoyèrent aux écoles publiques de Rome. Comme son cœur n'avoit jamais été infecté du poison du vice, et qu'il redoutoit jusqu'à l'ombre du péché, il craignit pour son innocence au milieu d'une troupe de jeunes gens dont plusieurs menoient une vie fort déréglée. Il ne s'en tint pas là; il résolut de faire un divorce éternel avec le monde, afin de se mettre à l'abri de tous ses piéges. Il sortit donc de Rome, et prit le chemin du désert. Sa nourrice, nommée Cyrille, qui l'aimoit tendrement, le suivit jusqu'au bourg d'Afile, environ à trente milles de Rome; mais il trouva le moyen de s'échapper, et de

gagner seul les montagnes de Sublac (a) : là íl rencontra un moine du voisinage, nommé Romain, qui lui donna l'habit de religieux. Romain l'instruisit ensuite des devoirs de l'état qu'il vouloit embrasser, et le conduisit à une caverne profonde, située au milieu des montagnes, et dans un lieu presque inaccessible.

Cette caverne, appelée depuis la sainte Grotte, fut le lieu que Benoît choisit pour sa demeure. Romain lui promit de garder le secret, et de lui apporter de temps en temps une partie de ce qu'on lui donnoit pour sa nourriture. Il la descendoit dans la caverne avec une corde, et en avertissoit le Saint par le moyen d'une sonnette (b). Benoît vécut ainsi pendant trois ans sans être connu de qui que ce fût, excepté de Romain: mais Dieu, qui le destinoit à briller dans le monde comme une lumière éclatante, permit qu'il fût découvert en 497. Voici comment la chose arriva.

Un saint prêtre du pays, préparant son dîner le jour de Pâques, entendit une voix qui lui disoit: « Vous préparez à manger pour vous, tandis que >> Benoît mon serviteur meurt de faim à Sublac. »> Le prêtre se mit aussitôt à chercher l'ermite, et ce ne fut qu'avec beaucoup de peine qu'il parvint à le trouver. Benoît fut surpris de voir un homme venir à lui, et il ne voulut lui parler que quand ils eurent tous deux prié quelque temps. La conversation ne roula que sur les choses de Dieu. Le prêtre invita ensuite le Saint à manger, apportant

(a) C'est une chaîne de rochers escarpés, au bas desquels sont une rivière et un lac. Les Italiens disent Subiaco, ayant change en i la lettre /, du mot latin Sublacum.

(b) Ce fut vers l'an 494 que saint Benoît se retira sur les montagnes de Sublac. On croit qu'il n'avoit que quatorze ou quinze ans. Saint Grégoire dit effectivement qu'il étoit encore enfant lors de sa retraite.

pour raison que l'on ne devoit pas jeûner le jour de Pâques (c). Le repas fini, le prêtre retourna chez lui.

Quelque temps après, des bergers aperçurent le Saint proche de sa caverne. Ils le prirent d'abord pour une bête sauvage: leur erreur venoit de ce qu'il étoit vêtu de peaux de bêtes, et de ce qu'ils croyoient impossible qu'un homme habitât des rochers aussi affreux que ceux de Sublac. Lorsqu'ils se furent assurés que c'étoit un serviteur de Dieu, ils concurent pour lui le plus grand respect; il y en eut même plusieurs d'entre eux qui, touchés de ses discours, entrèrent avec ferveur dans les voies de la perfection. Le bruit de la découverte du saint ermite s'étant répandu, on s'empressa d'aller le visiter. On lui fournissoit aussi ce que l'on savoit être convenable à sa manière de vivre. Benoît de son côté nourrissoit par des instructions toutes divines les ames de ceux qui prenoient soin de son corps.

Quoiqu'il fût caché dans le sein de la solitude; il ne laissa pas d'éprouver les assauts du tentateur. Nous avons beau fuir le monde, le démon nous suit par-tout; toujours il entretient des intelligences secrètes avec cet ennemi domestique qui réside dans notre propre cœur, et qui ne mourra qu'avec nous. Pendant que Benoît vaquoit à la contemplation des choses célestes, l'esprit de ténèbres essaya de le distraire, en se présentant à lui sous une forme visible; mais il chassa le fantôme avec le signe de la croix. Le démon eut recours à une nouvelle ruse; il rappela au Saint le souvenir d'une

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(c) Il n'est pas étonnant que Benoît ignorât que l'on étoit à la fête de Pâques ; on ne la célébroit point alors le même jour dans toute l'église. D'ailleurs, comme il n'avoit aucun commerce avec les hommes, il pouvoit ne pas connoître le jour de cette fête.

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femme qu'il avoit vue autrefois à Rome, et il en grava si fortement l'image dans son esprit, qu'il fut tenté de quitter son désert. Un rayon de la grâce ayant aussitôt brillé à ses yeux, il rougit d'une pareille tentation, mit bas ses habits, et se roula tout nu dans des orties et des ronces qui étoient auprès de lui: il ne se releva que quand son corps fut tout en sang. Les plaies qu'il se fit éteignirent les flammes impures de la concupiscence; et cette première victoire assujettit tellement la chair à l'esprit, qu'il n'en ressentit plus dans la suite le funeste aiguillon.

Cependant le bruit de sa sainteté se répandoit de jour en jour. On vit plusieurs personnes touchées de ses exemples, renoncer au monde pour embrasser les austérités de la pénitence. Quelque temps après, les moines de Vicovare (d) le choisirent pour succéder à leur abbé, qui venoit de mourir. Benoît s'en défendit par les principes de cette humilité qui fut toujours sa vertu favorite ; mais on lui fit tant d'instances, qu'à la fin il fut obliger de céder. L'expérience lui apprit bientôt qu'il étoit chargé de conduire des hommes dont la vie n'étoit rien moins que conforme aux maximes de l'état monastique. Son zèle déplut; on se repentit d'avoir élu un abbé si rigide observateur des règles; on passa des murmures à la haine ; et les choses en vinrent à un tel point, que quelques-uns résolurent de se défaire d'un supérieur dont la morale condamnoit leurs désordres. Ces scélérats mirent du poison dans le vin qu'il devoit boire, et le lui présentèrent. Le Saiut ayant formé, selon sa coutume, le signe de la croix sur le verre, il se cassa sur-le-champ. Il reconnut à ce prodige que le verre.

(d) Vicovare, anciennement appelé Varronis Vicus, étoit un village situé entre Sublac et Tivoli.

contenoit un breuvage mortel. Loin de paroître étonné, il dit à ses moines avec sa douceur et sa tranquillité ordinaires: « Que Dieu vous le par» donne, mes frères. Vous devez comprendre >> aujourd'hui combien j'avois raison de vous » répéter que vos mœurs ne pourroient sympa»tiser avec les miennes. »

Le saint abbé quitta donc ces moines incorrigibles pour retourner à Sublac. Il lui vint un grand nombre de disciples; et au bout de quelque temps, il bâtit douze monastères (e), dans chacun desquels

(e) Ils étoient dans la province Valeria, et peu éloignés les uns des autres. Les modernes sont partagés sur le nom et la description de ces monastères. Nous suivrons D. Mège, qui paroît le plus exact de tous ceux qui ont traité ce point d'his toire. Le premier monastère, bâti à soixante pas de la grotte du Saint, étoit appelé Colombaria (aujourd'hui S. Clément); le second portoit le nom de saint Côme et de saint Damien et porte présentement celui de sainte Scolastique; le troisième étoit appelé de saint Michel; le quatrième de saint Donat évêque et Martyr; le cinquième de sainte Marie (aujourd'hui de saint Laurent); le sixième de saint Jean-Baptiste : celuici étoit bâti à l'endroit le plus élevé de la montagne, et se nomme aujourd'hui saint Jean dell'aqua, à cause d'une fontaine qu'on dit que saint Benoît y fit jaillir par ses prières; le septième étoit appelé de saint Jérôme; le huitième Vita æterna; le neuvième de saint Victorien ou Victorin, martyr et patron de la province Valeria; le dixième étoit à Trébare, village voisin ; le onzième portoit le nom de saint Ange; le douzième étoit sur le bord d'une fontaine peu éloignée de l'ancien château, appelé Roca de Bore. Tous ces monastères ont été réunis à celui de sainte Scolastique, qui est aujourd'hui très-célèbre, et étoit regardé comme le chef-lieu de la congrégation de sainte Justine, avant sa réunion à celle du MontCassin. On donne ordinairement l'abbaye en commande; mais cela n'empêche point que, par un privilége spécial, le monastère ne soit gouverné par un abbé régulier, choisi dans le chapitre général. Quant aux autres monastères, on n'y voit plus que des ruines et quelques cellules. Outre les cent quarante-quatre religieux que saint Benoît avoit distribués dans ses douze monastères, il en avoit encore quelques-uns avec lui, comme nous l'apprenons de saint Grégoire. Ceci donne lieu de croire qu'il vivoit dans une maison séparée, bâtie, selon toutes les apparences, aux environs de sa grotte. Il avoit une inspection générale sur les douze monastères dont il étoit le fondateur.

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