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45. La restriction apportée par la loi du 28 sept. 1791 au droit de parcours et de vaine pâture est un fait du législateur pour lequel on ne peut être tenu à garantie (art. 1104, 1184 c. civ.). Par exemple, dans le cas où, par transaction intervenue entre deux communes, la première abandonne certains droits d'affouage qu'elle avait dans les forêts de l'autre, à la charge par celle-ci de lui accorder un droit de parcours sur ses communaux et sur ses propriétés, s'il arrive que les habitants de cette dernière, usant du bénéfice de la loi du 28 sept. 1791, enlèvent leurs propriétés au vain parcours, ils ne seront pas tenus à la garantie pour les droits d'affouage abandonnés à leur profit (Req. 19 fév. 1839, comm. de Guillon, no 44). Mais cette solution a pu faire difficulté, car le fait de se soustraire au parcours par la clôture est purement volontaire, et non imposé par la puissance; il n'y a donc pas seulement ici le fait, la volonté du chef de l'Etat, qui s'impose par la force même de la loi; il s'y joint la volonté de l'un des contractants; or cette volonté, libre d'agir ou non, ne doit pouvoir se dégager du vinculum juris qu'en affranchissant de ce même lien l'autre volonté dont la réunion avait formé dans l'origine le contrat synallagmatique.

46. L'abolition du droit de parcours réciproque entre com. munes voisines et adjacentes, prononcée soit par l'édit de mai 1769, soit par la loi du 28 sept. 1791, est absolue et s'applique à tous les terrains clos et non clos (Req. 18 fév. 1840) (1). On peut voir à la simple lecture de l'arrêt que la distinction que le demandeur avait voulu établir entre les terrains clos et non clos n'était pas sérieusement discutable en présence de l'art. 5 de l'édit de 1769, qui supprime le parcours réciproque dans la Champagne: aussi la cour ne relate-t-elle même pas le moyen invoqué.

47. Du reste, toutes les fois que les contestations sur le droit de parcours et de vaine pâture se trouvent en dehors des dis

la faculté de dépaissance établie par la coutume locale à titre de réciprocité, de tolérance et de familiarité entre voisins, ou, en d'autres termes, que la servitude connue sous le nom de parcours; que le même arrêt ajoute que ladite transaction a eu pour objet moins de fonder et constituer un droit nouveau, que de reconnaître un droit ancien existant en vertu de la coutume, et d'en régler l'exercice; qu'en se livrant à cette appréciation des conventions des parties, la cour royale n'a pas méconnu l'effet légal des transactions et n'a pas violé les art. 2052, 1350 et 1351 c. civ. Attendu que la servitude réciproque de paroisse à paroisse, connue sous le nom de parcours, a été abolie pour la province de Bigorre, par un édit du mois de juill. 1771, enregistré au parlement de Toulouse le 20 novembre de la même année; Attendu que l'art. 2, sect., de la loi du 28 sept.-6 oct. 1791 n'a maintenu que la servitude de parcours fondée sur un titre ou sur une possession autorisée par les lois et les coutumes; - Attendu que, lors de la promulgation de ladite loi de 1791, le droit réclamé par la commune d'Artagnan ayant été aboli par l'édit de 1771 n'était fondé ni sur un titre, puisqu'il est reconnu que la transaction de 1580 n'a fait que constater la faculté établie par la coutume locale, ni sur une possession autorisée par les lois et les coutumes, puisque l'exercice du droit de parcours était prohibé par l'édit de 1771; -D'où il suit qu'en confirmant le jugement qui relaxait la ville de Vic des demandes contre elle formées par la commune d'Artagnan, l'arrêt attaqué n'a pas faussement appliqué l'édit de 1771, et n'a violé ni l'art. 2, sect. 4, ni aucune autre disposition de la loi des 28 sept.-6 oct. 1791;— Rejette le pourvoi contre l'arrêt de la cour de Pau, rendu le 19 août 1840. Du 25 mars 1844.-C. C., ch. civ.-MM. Teste, pr.-Miller, rap.-De Boissieu, av. gén., c. conf.-Gatine et Gueny, av.

(1) (Micheau, etc. C. com. de Lantages.)- LA COUR; Attendu que les dispositions de l'art. 5 de l'édit de mai 1769 sont absolues et s'appliquent clairement au droit de parcours réciproque établi entre communes Voisines et adjacentes; Que c'était un droit de cette nature que les demandeurs, comme habitants de la commune de Chaources, réclamaient sur le terrain litigieux dépendant de la commune de Lantages; et qu'en décidant que ce droit de parcours avait été aboli par l'édit précité de 1769 et par la loi du 6 oct. 1791, la cour royale de Paris a fait une juste application et de l'édit et de la loi, et n'a pu violer l'art. 169 de la coutume de Troyes qu'ils avaient abrogée; Rejette.

Du 18 fév. 1840.-C. C., ch. req.-MM. Zangiacomi, pr.-Faure, rap. (2) (Tasche C. Ducy.) - LA COUR ; - Vu les art. 1, 3, 161 c. inst. crim. et 1341 c. civ.; Attendu que l'action exercée par le demandeur contre Modeste Ducy tend à obtenir la réparation civile du dommage que ce dernier lui a causé en envoyant indûment son troupeau au parcours et à la vaine pâture, sur les terres qui lui appartiennent dans la commune d'Aviron; Que le tribunal saisi de la poursuite ne pouvait, selon l'art. 1341 c. civ., admettre comme fin de non-recevoir qu'une

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TOME XIX.

positions spéciales de la loi de 1791, les principes généraux du droit reprennent naturellement leur empire. C'est ainsi qu'il a été jugé 1° que si l'une des communes qui ont un droit réciproque de parcours sur des terrains situés dans leur territoire respectif vient à aliéner ceux qui sont dans son enclave, elle perd par cela même son droit de parcours sur les autres (Crim. cass. 1er juin 1838, aff. Lombard, V. Commune, n° 795; Ch. réun. cass. 11 fév. 1839, même affaire, V. infrà, no 164). Cette question ne peut faire doute le parcours, comme nous l'avons déjà démontré, est fondé sur la réciprocité entre communes; là où la réciprocité cesse, le droit cesse aussi; · 2° Que l'exercice de la vaine pâture (surtout lorsque ce droit résulte de la tolérance des propriétaires) ne s'étend pas jusqu'à permettre aux habitants de détruire ou même de détériorer les propriétés qui y sont soumises (Req. 10 fév. 1845, aff. com. de Saint-Just, D. P. 45. 1. 157); 3° Que celui qui, prévenu d'avoir indûment envoyé son troupeau au parcours et à la vaine pâture, sur les terres d'un propriétaire, oppose à la demande de celui-ci, tendant à la réparation civile du dommage, l'existence d'une convention, qui, suivant lui, justifie le fait qui lui est reproché, doit prouver par écrit cette convention et ne peut être admis à en faire la preuve par témoins (Crim. cass. 15 nov. 1838) (2).

48. Il a été jugé : 1o que quoique la vaine pâture de paroisse à paroisse, sur les biens respectifs des habitants, connue sous le nom de parcours, ait été abolie en général par l'art. 2, sect. 4, tit. 1 de la loi du 28 sept. 1791, néanmoins, comme cet article ne prescrit aucune peine pour l'infraction à ses dispositions, il s'ensuit que ce fait ne peut donner lieu à aucune condamnation pénale, à moins qu'il n'ait été défendu par un règlement municipal (c. pén., art. 1; Crim.cass. 8 juin 1821) (5);—2° Que l'art. 3, tit. 2

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convention dont le prévenu aurait établi par écrit l'existence; - Que néanmoins il l'a autorisé à prouver par témoins, qu'un accord conclu entre lui et la partie lésée, rendrait licite le fait qui lui est reproché, D'où il suit qu'en admettant cette preuve testimoniale et en se fondant sur l'accord par elle constaté pour déclarer le demandeur non recevable dans son action civile, le jugement dénoncé a commis une violation expresse des dispositions ci-dessus visées; Casse. Du 15 nov. 1858.-C. C., ch. crim.-MM. Choppin, pr.-Bives, rap. (3) 1re Espèce. (Hamot C. min. pub.) - Un procès-verbal du 20 mars 1821, rédigé par le garde champêtre des communes de Menucourt et Boisrener, avait constaté qu'un troupeau de moutons, appartenant au sieur Hamot, et gardé par Lemaire, son berger, avait été trouvé paissant dans une pièce de terre de la dame Dufour, située au lieu dit Lantil, commune de Boisemont. Sur les poursuites exercées par le commissaire de police de Pontoise, le sieur Hamot soutenait avoir, ainsi que la commune de Courdimanche, dont il est le maire, le droit de faire patire ses bestiaux sur le territoire de Lantil; il n'avait pas demandé qu'il fût sursis au jugement du procès, jusqu'à ce que sa commune, légalement autorisee, pût appuyer, s'il y avait lieu, dans l'intérêt général, le droit dont le défendeur prétendait que tous ses habitants étaient en possession. En cet état, jugement qui, par application de l'art. 2, sect. 4, tit. 1, de la loi du 6 oct. 1791, condamne Lemaire, berger, en 3 fr. d'amende, pour contravention à cet article, et le sieur Hamot, son maître, solidairement avec lui. - Pourvoi. - Arrêt (apr. dél. en ch. du cons.). LA COUR ; Vu l'art. 1 c. pén.; Vu en second lieu l'art. 2, sect. 4, tit. 1, de la loi du 6 oct. 1791, sur les biens et usages ruraux; - Vo enfin l'art. 3 du tit. 2 de la même loi, qui porte que tout délit rural ci-après mentionné sera puni d'une amende, ou d'une détention, soit municipale, soit correctionnelle, ou de détention et d'amende réunies, suivant les circonstances et la gravité du délit ; Et attendu que, d'après la disposition de cet article et l'ordre dans lequel il se trouve placé au tit. 2 de la loi, les peines qu'il prononce, applicables uniquement aux délits mentionnés dans les articles suivants du même titre, sont sans application aux infractions qui peuvent être commises contre les dispositions sur le droit de parcours, placées dans un ordre antérieur, art. 2, sect. 4, du tit. 1 de la même loi; Attendu que, dans l'espèce, le fait de dépaissance pour lequel le berger Lemaire, et le sieur Hamot, comme propriétaire du troupeau, étaient poursuivis devant le tribunal de police, ne paraît avoir été défendu par aucun règlement municipal sur la vaine påture dont l'infraction pût présenter les caractères d'une contravention susceptible d'une des peines de police établies par la loi; —Que le jugement attaqué n'a pas non plus fondé la condamnation qu'il a prononcée sur la violation d'aucun règlement municipal; qu'il l'a motivée sur l'art. 2, sect. 4, du tit. 1, c. rur.; mais que cet article ne prescrit aucune peine pour l'infraction à ses dispositions; que cette infraction ne peut donc devenir la base d'une condamnation pénale; - Qu'ainsi, le tribunal de police de 28

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de la même loi de 1791, portant que tout délit rural ci-après mentionné sera puni d'une amende ou d'une détention de..., ne s'applique pas aux contraventions prévues au tit. 1 de cette loi, et qui, par là, se trouvent placées dans un ordre antérieur (même arrêt); 3° Que le préjudice qui résulte de l'abus dans l'exercice de la vaine pâture, comme si, par exemple, des bestiaux ont été introduits dans un pré avant que les eaux qui l'inondaient se fussent retirées, constitue une question de propriété de la compé tence des tribunaux; et que les dommages-intérêts accordés au propriétaire lésé n'impliquent pas une restriction à l'acte administratif qui, en réglementant l'exercice de la vaine pâture, n'avait déterminé aucune prohibition pour le cas d'inondation (Req. 10 fév. 1845, aff. com. de Saint-Just, D. P. 45. 1. 157). 49. Enfin, pour avoir droit à la vaine pâture, sous la coutume de Bourgogne, il n'était pas nécessaire que le prétendant droit fut tout à la fois de la même seigneurie et de la même paroisse; il suffisait qu'il fût de la même paroisse... Au moins, l'arrêt qui le décide ainsi ne saurait être cassé (Req. 24 déc. 1828, comm. de Change, V. Cassation, no 1398).

50. Dans l'ancienne jurisprudence on distinguait deux sortes de pâture : les pâtures grasses ou vives, et les vaines pâtures. Il en est de même aujourd'hui, nous pensons cependant qu'une modification s'est introduite, sous le rapport légal, dans le sens de ces mots : « Les pâtures grasses, dit Merlin (Rép., vo Vaine påture), sont les landes, marais, pâtis, bruyères qui appartiennent à des communautés d'habitants, ou sont asservis envers elles à un droit d'usage, de manière qu'elles seules peuvent y faire pâturer leurs bestiaux. Les vaines pâtures sont les grands chemins, les prés après la fauche, les guérets et terres en friche, les bois de haute futaie, les bois taillis après le quatrième ou le cinquième bourgeon, et généralement tous les héritages où il n'y a ni semences ni fruits, et qui, par la loi ou l'usage du pays, ne sont pas en défends. »—A l'appui de cette définition, Merlin cite plusieurs autorités, entre autres Brillon, au mot Pâture, no 6, et diverses coutumes: Sens, art. 147; Melun, 302; Troyes, 170.

Nous ne pensons pas que la distinction qu'établit Merlin, d'après l'ancien droit, soit entrée dans la pensée du législateur de 1791 et ce qui le prouve, ce sont d'abord les articles mêmes du code rural (art. 9 et 10, sect. 4), ainsi conçus: «-Art. 9. Dans aucun cas et dans aucun temps, le droit de parcours ni celu! de vaine pâture ne pourront s'exercer sur les prairies artificielles, et ne pourront avoir lieu sur aucune terre ensemencée ou couverte de quelques productions que ce soit, qu'après la récolte.-Art. 10. Partout où les prairies naturelles sont sujettes au parcours ou à la vaine pâture, ils n'auront lieu provisoirement que dans le temps autorisé par les lois et coutumes, et jamais tant que la première herbe ne sera pas récoltée. »

Il résulte bien clairement de ces deux dispositions que le législateur ne conçoit et n'admet le parcours et la vaine pâture qu'après la récolte, quelle qu'elle soit ; et même les définitions données par M. Merlin viennent confirmer cette observation. Les pâtures grasses ou vives, dit-il, sont des landes, pâtis ou bruyères; mais souvent ces pâtures sont plus que maigres, souvent on n'y rencontre pas un brin d'herbe. Comment les considérer comme vives et grasses?-Ces pâtures mêmes donnent rarement lieu à une récolte appréciable à prix d'argent; et cela est si vrai, que le propriétaire, n'attachant la plupart du temps aucune imporlance à ces landes ou pâtis, n'en retire aucun fruit, et qu'il abandonne aux communautés voisines les brins d'herbe ou de bruyère que les bestiaux peuvent y brouter. Nous pensons donc que, pour apprécier ce qui constitue, aux yeux de la loi, la pâture grasse ou la vaine pâture, il faut se renfermer dans la pensée que révèlent très-clairement les art. 9 et 10 de la loi ci-dessus

Pontoise, en condamnant le berger en 3 fr. d'amende, et par suite son maître, comme civilement responsable, a créé une peine que la loi n'avait pas prononcée, et violé par un excès de pouvoir, les règles de sa compétence; Par ces motifs, casse et annule le jugement rendu, le 12 avril dernier, par le tribunal de police simple du canton de Pontoise. Du 8 juin 1821.-C. C., sect. crim.-MM. Barris, pr.-Chantereyne, rap. 2 Espèce (Hamot C. min. pub.) Le même jour, un autre arrêt de cassation a été rendu par les mêmes motifs.

(1) (Villemont C. com. de Gannat.) - LA COUR ; - Sur les moyens

citée. Ainsi nous disons que si sur un terrain quelconque, pâlis, terres labourables, landes, bruyères, ou prairies naturelles, peu importe, la récolte est opérée, ou si le terrain n'en produit pas d'appréciable à prix d'argent (lorsque, par exemple, le propriétaire n'a jamais récolté, ni loué ou vendu la récolte, en raison de son insuffisance), il n'y a alors qu'une vaine pâture et non une pâture grasse. - Il n'existe qu'une exception à cette règle, en faveur des prairies artificielles, lesquelles étant toujours en état de produit, présentent une pâture grasse où, en aucun temps, il n'est permis de faire pâturer les bestiaux. Divers arrêts viennent confirmer cette doctrine.

Il a été jugé 1° qu'il suffit qu'il soit constaté, en fait, par les juges du fond, que le revenu d'un terrain, tel que des landes, n'était pas à négliger par le propriétaire, pour que, par suite, le pacage exercé sur ces landes ait pu être considéré, non pas comme une vaine pâture, mais bien comme une vive pâture (Rej. 20 nov. 1837, aff. Balguerie, v° Servitude); 2° Qu'il suffit que des landes produisent des revenus non à négliger par le propriétaire, et que, d'ailleurs, elles reçoivent une culture appropriée à la nature du sol, pour que le pacage exercé sur elles ne doive pas être considéré comme étant une vaine pâture, insusceptible de s'acquérir par la possession (Rej. 1er juill. 1839, aff. com. de Lamey, V. Usage).

51. On a jugé : 1o que l'usage de la grasse pâture, continué pendant un temps suffisant pour prescrire, est attributif de propriété (Req. 19 juillet 1827) (1); 2° Que dans les pays de droit écrit, notamment dans le ressort du parlement de Bordeaux, le droit de vive et de grasse pâture, c'est-à-dire celui qui s'exerce sur des terres productives de fruits, pouvait, à la différence du droit de vaine pâture, c'est-à-dire du droit sur les terres non productives de fruits, s'acquérir par la possession immémoriale et même par la simple possession trentenaire (c. civ. 691) depuis contradiction (Agen, 8 déc. 1829, aff. Bouillon, V. vo Servitude; Req. 1er juill. 1839, aff. com. de Lamey, V. Usage);—3° Que la prohibition portée dans la loi du 28 sept. 1791 d'exercer le droit de parcours ou de vaine pâture, dans le temps où les terres sujettes à ce droit sont couvertes de leurs productions, ne s'applique pas au droit de vive pâture, lequel peut s'exercer en tout temps (Req. 12 avril 1837, V. n° 44); 4° Que le fait par les habitants d'une commune d'avoir mené paître leurs bestiaux sur des terrains vains et vagues, d'y avoir établi des chemins, pris des terres et extrait des matériaux moyennant redevance au profit de la commune, en un mot d'avoir recueilli tous les produits dont ces terrains sont susceptibles, a pu être considéré comme constituant une possession non précaire, suffisante pour autoriser la complainte possessoire, encore que celui qui se prétend propriétaire desdits terrains aurait, par le payement de l'impôt, manifesté l'intention d'en conserver la possession; la possession ne se conservant nudo animo qu'autant qu'elle n'est point contrariée par la possession annuelle d'un tiers; et peu importe que l'ancienne coutume locale (celle de Bretagne, art. 393) ait considéré de tels faits de jouissance appliqués à des terrains vains et vagues comme essentiellement précaires, cette coutume étant sans force sous le droit civil (Req. 20 mai 1851, aff. Letorestier, D. P. 51. 1. 261).

52. Le droit de vaine pâture ne doit pas être confondu avec le pâturage, le panage et le pacage sur les biens communaux. V. Commune, nos 793, 834; Forêts, nos 1400, 1934 et s., Usages forestiers.

53. L'exercice de la vaine pâture dans les prairies, est réglé par les art. 9 et 10 de la sect. 4, tit. 1, de la loi de 1791. Dans la première proposition, l'art. 9 dit : « Dans aucun cas et dans au

qui consistent à dire que les terres litigieuses ne sont autre chose que des terres hermes et vacantes, ne produisant, par conséquent, qu'une vaine pâture, et que l'usage de vain pâturage n'est jamais attributif de propriete: Attendu que ces moyens ne sont pas fondés en fait; que l'arrêt (de Riom, 24 juin 1825) déclare en termes formels qu'il résulte des titres, actes et documents, qui remontent aux quinzième et seizième siècles, que les terrains litigieux sont soumis à une pâture vive et grasse, et que l'usage de la grasse pâture, prolongé pendant le temps nécessaire pour prescrire, est attributif de la propriété;- Rejette.

Du 19 juill. 1827.-C. C., ch. req. MM. Henrion, pr.-Rousseau. rao.

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cun temps, le droit de parcours ni celui de vaine pâture ne pourront s'exercer sur les prairies artificielles. » Dans aucun cas et en aucun temps, dit la loí. - Le principe est absolu, la volonté du législateur ne peut pas prêter à équivoque; aussi a-t-il été jugé que le droit de parcours et de vaine pâture sur les prairies artificielles, étant formellement prohibé par le code rural, ne peut être exercé, alors même qu'un usage contraire serait établi de temps immémorial dans le pays où le parcours a eu lieu (Crim. cass. 4 juill. 1817) (1).

54. La question cependant s'est élevée de savoir si, lorsqu'il y a un titre qui concède, en général, le droit de vaine pâture, ce droit ne peut pas être exercé sur les prairies artificielles.-Il a été jugé que, même dans ce cas, le droit ne peut être exercé << attendu, porte l'arrêt, que d'après la jurisprudence ancienne et nouvelle, et les dispositions absolues des art. 9 et 24 de la loi du 6 oct. 1791, les prairies artificielles sont formellement affranchies de l'exercice du parcours et de la vaine pâture, lors même qu'il est fondé sur un titre » (Riom, 1re ch., 9 août 1838, M. de Byron, 1er pr., aff. Dumirot C. Blangy). - Les auteurs, toutefois, sont partagés sur cette question. M. Proudhon (Droit d'usage, t. 1, no 343) pense que le droit de vaine pâture établi par titre peut être exercé sur les prairies artificielles après la fauchaison.M. Curasson sur Proudhon (Droit d'usage, t. 1, n° 555) est d'une opinion contraire, et nous nous rangeons à son avis. Nous fondons notre manière de voir tout à la fois sur l'art. 9 déjà cité, et sur l'art. 24, aussi décisif que l'art. 9.—En effet, l'art. 24 range dans la classe des délits le fait de celui qui conduit des bestiaux sur les prairies artificielles; la loi dit même, il est défendu, dans aucun temps. — Or, du moment où le fait est qualifié délit, comment admettre que ce fait serait cependant autorisé dans un temps quelconque, par cela seul qu'il reposerait sur une convention? Un contrat illicite est comme s'il n'était pas. -On fait à ce système une objection puisée dans l'abrogation de l'art. 24 c. rural, par l'art. 479, no 10, c. pén., ainsi conçu : << Seront punis d'une amende de 11 fr. à 15 fr. ceux qui mèneront sur le terrain d'autrui des bestiaux, de quelque nature qu'ils soient, et notamment dans les prairies artificielles, dans les vignes, oseraies, etc. »>- - L'art. 24 c. rural se trouve abrogé évidemment par cette disposition, puisque l'art. 479, no 10, énonce une pénalité différente, et, en outre, n'est pas conçu dans les mêmes termes de rigueur. Ces mots de l'art. 24, en aucun temps, n'existent plus dans l'art. 479. - Cela est vrai, mais en lisant l'art. 479, on voit bien que l'intention du législateur n'a

(1) Espèce: - (Min. pub. C. Bareiller.) - Dans l'espèce, il avait été constaté que des moutons appartenant au sieur Bareiller, et conduits par son berger, avaient été trouvés le 20 fév. 1817, paissant sur une pièce de trefle appartenant au sieur Boivin. Les prévenus ayant allégué, devant le tribunal de police de Dourdan, où ils avaient été traduits, que l'usage immémorial dans la commune était de mener paître les troupeaux même sur les prairies artificielles, depuis le 1er nov. jusqu'au 1er mars, ce tribunal, par un premier jugement, ordonna, avant de faire droit sur la plainte, la preuve de ce fait; et, sur un certificat du maire, attestant cet usage, il renvoya les prévenus de l'action intentée contre eux. — Pourvoi du ministère public. Arrêt.

LA COUR ; - Vu l'art. 3, sect. 4, tit. 1, loi du 6 oct. 1791, l'art. 9 de la même section, et enfin l'art. 24 du tit. 2 de la même loi;-Attendu que le tribunal de police a été saisi par suite d'un rapport du garde champètre, constatant que, le 20 fév. 1817, il avait trouvé paissant, sur une pièce de trèfle appartenant au sieur Boivin, des moutons conduits par le berger du sieur Bareiller, lequel rapport a été envoyé au juge de paix par le propriétaire du terrain, avec demande que sa propriété fût prolégée conformément à la loi; - Que c'est d'après cette dénonciation que le berger, conducteur du troupeau, et le sieur Bareiller, comme civilement responsable, ont été poursuivis à la requête du ministère public; - Attendu que, d'après la disposition formelle de l'art. 3 ci-dessus cité, le droit de parcours ou de vaine pâture, même lorsqu'il est fondé sur un titre, ou autorisé, soit par la loi, soit par un usage immémorial, ne peut être exercé que suivant les règles et usages locaux qui ne contrarieraient point les réserves portées par les articles suivants de ladite loi; — Que I art. 9 a excepté de l'exercice du droit maintenu par l'art. 3 les prairies artificielles, et le défend d'une manière absolue, dans aucun cas et dans aucun temps, sur ces terrains; - Qu'enfin l'art. 24, aussi ci-dessus cité, délermime la peine qui devra être prononcée en cas de contravention; Que le fait de la prévention rentrait donc nécessairement dans la disposition prohibitive desdits articles, et était passible de la peine y portée,

pas été de modifier la disposition de l'art. 24, car, après avoir énoncé la défense en ce qui concerne les prairies artificielles, il parle de la prohibition de mener des bestiaux dans les vignes, comme l'art. 24. Or, personne n'a imaginé qu'en un temps quelconque on pût mener les bestiaux dans les vignes; ce serait leur destruction complète.-La suppression du mot en aucun temps, n'est donc qu'une inadvertance; et, dans tous les cas, reste l'observation que le fait constitue une contravention aux termes mêmes de l'art. 479, no 10, et que, dès lors, l'intention du législateur est manifeste, et vient corroborer puissamment la disposition de l'art. 9.

55. Après avoir réglé ce qui concerne les prairies artificielles, l'art. 9 de la loi de 1791, ajoute que « le parcours et la vaine pâture... ne pourront avoir lieu sur aucune terre ensemencée ou couverte de quelque production que ce soit. » — Il a été jugé : 1° que le parcours et la vaine pâture, même autorisée par la loi et la coutume, ne peuvent jamais avoir lieu sur les prés naturels tant que la première herbe n'est pas coupée (Crim. cass. 16 déc. 1841, aff. Christ, V. no 30); — 2o Que le n° 10 de l'art. 479 c. pén., qui punit d'une amende de 11 à 15 fr. ceux qui mènent des bestiaux sur le terrain d'autrui, ne s'applique pas aux prairies naturelles dépouillées de leurs récoltes, dans les pays soumis au parcours et à la vaine pâture (Crim. rej. 17 déc. 1841, aff. Mengin, V. no 36); 3° Que le parcours dans les prairies non closes de la ci-devant Normandie, connu sous le nom de banon, ne peut être exercé, d'après l'usage particulier d'une commune et sur son territoire, avant l'époque déterminée par l'ancienne coutume (Rouen, 27 nov. 1806) (2).

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56. En examinant plus haut le caractère essentiel de la vaine pâture, nous avons démontré que le droit de conduire des bestiaux dans un pré après l'enlèvement de la première herbe ne constitue en lui-même qu'un droit de vaine pâture. C'est ce que reconnaît Merlin lui-même (Rép., v° Vaine pâture, § 1, art. 2, n°3), et cet auteur cite à l'appui de son assertion Brillon, Lecamus, d'Houlouve, la coutume de Nivernais, celle de Châlons-surMarne, de Troyes, d'Auxerre, de Sens et de Melun. C'était aussi ce qu'on reconnaissait dans les pays de droit écrit, au témoignage de Despeisses (t. 3, p. 135).-C'est conformément à ces principes qu'il a été jugé : 1° que le droit de faire vendre tous les ans les secondes herbes d'une prairie, exercé par une commune en vertu d'une possession immémoriale, mais sans titre, ne constitue point en sa faveur un droit de copropriété; que cet usage est présumé dériver d'un droit de vaine pâture concédé pri

dès qu'il était resté constant; Que, cependant, sur l'allégation faite par les prévenus dans leurs défenses, que l'usage immémorial dans la commune était de mener paître les troupeaux, même sur les prairies artificielles, depuis le 1er novembre jusqu'au 1er mars, le tribunal de police a ordonné, par un premier jugement, la preuve de ce fait, et qu'ensuite, se fondant sur un certificat du maire de la commune, attestant cet usage, il a renvoyé les prévenus de l'action intentée contre eux; que ce jugement présente une contravention aux dispositions de la loi du 6 oct. 1791, d'autant plus manifeste, qu'il n'a été produit aucun acte émané de l'autorité administrative, qui pût et dût être dénoncé à l'autorité supérieure par les parties qui auraient eu droit d'en demander la réformation comme contraire à la loi, ni par conséquent de nature à mettre obstacle, à l'action des tribunaux; Casse.

Du 4 juill. 1817.-C. C., sect. crim.-MM. Barris, pr.-Rataud, rap.

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(2) (Lenfant C. Legoux.) · LA COUR;- Vu les art. 1 et 2 c. rural; Vu l'art. 82 de la ci-devant cout. de Normandie;-Attendu que, dans le fait particulier, Legoux a usé du droit de banon sur la prairie du sieur Lenfant, avant l'époque déterminée par la coutume pour l'ouverture du banon ;-Qu'à cette époque la prairie du sieur Lenfant était défendue par la loi même ; Que l'errement subsidiaire proposé sur l'appel, outre qu'il ne l'a point été devant le premier juge, devient sans utilité et sans importance aucune dans une espèce où le banon a été exercé avant la mi-septembre, et au mépris de la proclamation formelle de la loi; - Dit mal jugé, corrigeant;- Fait défense à Legoux d'empêcher ledit Lenfant d'approfiter et améliorer la pièce de terre dont il s'agit, de telle manière qu'il le jugera à propos; Fait pareillement défense audit Legoux et à tous autres d'envoyer leurs bestiaux pâturer sur la pièce de prairie sise au terroir de Gasny, triage entre les deux planches, ou sur toutes autres pièces appartenant audit Lenfant, hors le temps du banon, et condamne Legoux en 40 fr. de dommages-intérêts et aux dépens, etc.

Du 27 nov. 1806.-C. de Rouen, 1re sect.

mitivement; qu'ainsi, le propriétaire de la prairie a pu l'affranchir de ce droit en la faisant clore, conformément à l'art. 11 de la loi du 28 sept. 1791 (Bruxelles, 29 juill. 1807)(1);—2° Que la possession immémoriale de faire pacager, dans un pré non clos, immédiatement après la levée des premières herbes, ne constitue point une servitude, mais un simple droit de vaine pâture qui peut être interdit par la clôture de l'héritage (Riom, 3 déc. 1830) (2);-3° Que l'usage de la seconde herbe, dans les prairies qui, après la récolte de la première herbe, sont abandonnées aux bestiaux, n'est admis qu'avec la signification et le caractère de vaine pâture; qu'en conséquence, l'usage de cette seconde herbe ne peut constituer une servitude au profit de celui qui l'exerce sur la propriété d'autrui qu'autant qu'il y a titre ou

(1) (Com. de Hainin C. Durozois.)- La commune de Hainin jouissait, sans titre, mais en vertu d'une possession immémoriale, du droit de faire vendre tous les ans à son profit la seconde herbe d'une prairie située dans son territoire et appartenant à Durozois. Mais l'art. 11 de la loi du 28 sept. 1791 ayant accordé aux propriétaires de prairies le droit de les clore au préjudice des communes, lorsque ces dernières exerçaient leurs droits sur ces prairies sans titre de propriété et seulement en vertu de l'usage, Durozois, quelque temps après la promulgation de cette loi, fait clore sa prairie. Contestation de la part de la commune de Hainin. Elle se fonde sur ce que le droit de clôture, établi par la loi du 28 sept. 1791, ne peut porter atteinte qu'au parcours et à la vaine pâture; or le droit qu'elle possédait de vendre la seconde herbe à son profit était un véritable droit de copropriété. La loi citée est donc inapplicable.-Durozois répond que le droit de la commune n'était qu'un droit de vaine pâture; qu'il importait fort peu que la commune fut dans l'usage de mettre en réserve les secondes herbes pour les vendre annuellement pour son compte, ou qu'elle les fit consommer sur pied par ses bestiaux le fond du droit ne changeait point, quoique le mode de paissance ne fût pas le même. Jugement qui accueille cette défense. - Appel. Arrêt.

LA COUR; Attendu que la réclamation de la commune n'est fondée que sur un usage immémorial, dénué de tout autre titre; que cet usage est présumé dériver du droit de vaine pâture; Qu'il se trouve soumis à la disposition de l'art. 11, sect. 4, de la loi des 2 et 28 sept. 1791, sur les biens et usages ruraux et la police rurale, portant: « Le droit dont jouit tout propriétaire, de clore ses héritages, a lieu même, par rapport aux prairies, dans les paroisses où, sans titres de propriété et seulement par l'usage, elles deviennent communes à tous les habitants, soit immédiatement après la récolte de la première herbe, ou dans tout autre temps déterminé ; » Qu'ainsi l'intimé, en faisant clore les prairies dont il s'agit, les a affranchies du droit de la deuxième herbe, que la commune de Hainin veut exercer d'après le mode dans lequel elle a converti le pâturage à elle concédé primitivement.

Du 29 juillet 1807.-C. de Bruxelles.

(2) Espèce (Vassel et autres C. Boyer.)- L'État vendit, en 1792, une prairie dans laquelle les habitants de Carbet faisaient pacager leurs bestiaux après la levée de la première herbe. Ils continuèrent leur possession, et démolirent les murs qui les empêchaient d'en jouir. Douze ou quinze ans après cette voie de fait, Boyer, propriétaire du pré, a demandé qu'il lui fût permis de clore sa propriété et de l'affranchir de tout droit de pacage. Vassel et ses consorts répondaient que la loi du 6 oct. 1791 n'avait donné droit de clôture que respectivement aux simples droits de vaine pâture; que la possession immémoriale d'introduire les bestiaux après la levée des premières herbes, droit exercé sur un héritage spécial, ne pouvait être envisagé comme un simple droit de parcours, mais comme un droit de copropriété ou de servitude, surtout dans un pays où tous les prés portent regain. Le tribunal civil d'Yssengeaux accueillit la demande de Boyer, par les motifs suivants : « Considérant que les parties reconnaissent que la servitude ne peut s'acquérir sans titre qu'à raison de la påture grasse et vive sur un fonds déclos, et non à raison de la vaine påture, et que la seule question à résoudre est de savoir si le droit exercé par les habitants de Carbet est une pâture grasse ou une vaine pâture; si l'acquéreur du pré se trouve dans cette hypothèse, et s'il a pu user de la faculté accordée par la loi des 28 sept. et 6 oct. 1791, c'est-à-dire de clore son fonds pour l'affranchir du droit de pacage; Considérant que, suivant la définition que font les auteurs, notamment M. Merlin dans son Répertoire de jurisprudence, le droit de pacage, après la fauchaison de la première herbe des prés non clos, est rangé dans la classe des vaines pâtures; Considérant que la prairie de Boyer se trouve dans cette categorie, puisqu'il est soutenu par Boyer, sans être contredit, que sa propriété n'a été close que depuis quatorze ou quinze ans, et que, depuis cette époque, les habitants de Carbet n'ont pu prescrire le droit de pacage; d'où il suit qu'à défaut de titres, Boyer a pu affranchir son pré par la clôture; Considérant que les habitants ne peuvent invoquer en leur faveur l'inscription mise au cadastre, pour le revenu de la seconde herbe du pré Boyer; que ce serait un litre qu'ils se seraient créé seuls, sans le concours et le consentement de Boyer pour appuyer leur prétention, et

que la propriété est en état de clôture (Poitiers, 18 juin 1835)(3).

57. Le principe général n'est pas douteux, mais dans son application, il a reçu de nombreuses modifications suivant le caractère des faits. Ainsi il a été jugé: 1o que la loi du 28 sept. 1791 n'est pas applicable au cas où, depuis un temps immémorial, les habitants d'une commune jouissent, non pas d'un droit de vaine pâture sur des prairies ouvertes, mais d'un droit de faire pacager les secondes herbes d'un pré clos, et cela, non à titre de simple tolérance, ou en vertu des usages locaux, mais à titre de servitude établie sur un fait renouvelé chaque année, celui d'une trouée faite à la clôture pour laisser pénétrer les bestiaux dans le pré. Il n'est pas besoin, dans ce cas, de justifier d'un titre pour conserver le droit de pacage des secondes herbes

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(3) (Mondor C. Rarat et Martin.) — La Cour; Attendu que l'action introduite par les intimés, demandeurs en première instance, a eu pour objet de faire reconnaître le droit qu'ils prétendent avoir de faire pacager leurs bestiaux dans les prairies de la Grave et de Fouché immédiatement après l'enlèvement de la première herbe, et jusqu'à la végétation de l'année suivante, et qu'ils revendiquent ce droit à titre de vive et grasse pâture, et comme une servitude qu'ils auraient acquise par noe longue possession, conformément à la jurisprudence du parlement de Bordeaux, dont relevait le pays de Saintonge, où sont situés les lieux contentieux; - Attendu que, fût-il vrai, en thèse générale, que le pacage de la deuxième herbe, dans les prés qui peuvent produire du regain, constituat la servitude de vive et grasse pâture, ce principe serait sans application dans le cas particulier de la cause, puisque du fait établi au procès, qu'à certaines époques les propriétaires des prairies dont il s'agit ont pris la récolte du regain sans y faire participer les intimés ou sans les indemniser, il résulte nécessairement que le pacage exercé habituel lement par ces derniers n'a été qu'une simple tolérance de la part des appelants; Mais attendu qu'il est de droit commun, au contraire, que l'usage de la seconde herbe, dans les prairies qui, après la récolte de la première, sont abandonnées aux bestiaux, n'est admis qu'avec la signifcation et le caractère de vaine pâture, et qu'il ne peut constituer une véritable servitude au profit de celui qui l'exerce sur la propriété d'autrui, qu'autant qu'il y en a titre ou que la propriété est en état de clôture, parce que, dans le premier cas, ce titre fait la loi des parties, et que, dans le second, le pâturage, pour l'exercice duquel il faut perpétuellement lutter contre l'obstacle qu'oppose la clôture, n'étant pas une chose de pure faculté et de simple tolérance, il est incontestable que le droit peut s'acquérir par la prescription;

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Attendu que les intimés ne produisent aucun titre en preuve de la servitude qu'ils réclament, et que, s'il n'est pas contesté que les prairies de la Grave et de Fouché sont bordées, d'un côté, par la rivière de Sérique, et, des autres côtés, par des fossés qui servent, dit-on, à l'écoulement d'eaux vives provenant de diverses fontaines, il est constant aussi, et très-explicitement reconnu par les intimés dans leurs écritures en première instance, qu'il a toujours existé plusieurs entrées par lesquelles on pouvait facilement introduire les bestiaux, et que ce n'est qu'en 1852 qu'a été opérée la clôture par l'établissement des barrières qui ont donné lieu au procès ; · Attendu qu'en l'absence de titres, et cessant la circonstance d'une clôture d'où pourrait résulter un droit susceptible d'être acquis par une longue possession, l'usage de la vaine pâture demeure soumis aux principes généraux d'après lesquels, en pays de coutume, comme en pays de droit écrit, tout propriétaire a toujours eu la faculté de s'affranchir de cette servitude en faisant clore sa propriété;- Attendu que, s'il est des coutumes qui ne permettaient pas aux propriétaires de soustraire leurs prairies à la vaine pâture, ainsi qu'il paraîtrait, d'après l'autorité de Béchet, qu'on a citée, que cela avait lieu sous l'empire de l'usance de Saintonge, il faut reconnaître toutefois que, dans ce cas-là même, l'usage ne constituait pas une servitude proprement dite, mais un simple droit coutumier qui n'a pu survivre à l'abrogation de la coutume qui en était la seule cause; Attendu que cette abrogation a été formellement prononcée par la loi du 28 sept. 1791, qui, en proclamant comme droit essentiel de la propriété celui qu'a tout propriétaire de clore son béritage, et de l'affranchir par ce moyen de la servitude de parcours et de vaine pâture, a aboli toutes les lois et coutumes, et tout usage qui pourraient contrarier ce droit; Attendu qu'il résulte de tout ce qui vient d'être dit que les intimés ne peuvent pas prétendre à la servitude discontinue qu'ils soutiennent avoir acquise par une possession immémoriale, et que, par conséquent, le tribunal d'où vient appel a mal jugé en les admettant à la preuve des faits tendant à établir cette possibilité ; — Infirme.

Du 18 juin 1855.-C. de Poitiers, 2 ch.-M. Macaire, pr.

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malgré la clôture du pré; il suffit de prouver que la servitude réclamée a été acquise par prescription (Req. 7 mars 1826) (1); 2o Que le droit de pacage dans des prés, au printemps jusqu'au 4 mai, en été du 24 juin au 6 juillet, et en automne après la levée des regains, ne doit pas, alors qu'il est exercé par une commune sur un canton de prairies spécial, dans les limites duquel il est circonscrit, être considéré comme un droit de vaine pâture soumis aux modifications et restrictions introduites par la loi du 28 sept. 1791 sur la police rurale; que,

Sur les

(1) (Hérit. Chabé C. com. de Lumbres.) LA COUR; moyens de forme : - Attendu que les communes dont il s'agit avaient, en première instance, réclamé un droit de copropriété, et que, si elles ont, sur l'appel, et par des conclusions subsidiaires, fondé leurs prétentions sur un droit de servitude, ce n'était pas là une demande nouvelle, mais seulement un moyen nouveau;

Au fond-Aulendu que, par l'acte du 26 fév. 1791, le gouvernement a aliéné, à l'auteur des demandeurs, les prés en question, à la charge des droits et des servitudes, auxquels ils pouvaient être assujettis, et que l'arrêt dénoncé a constaté, en point de fait, que, dans les premières années qui ont suivi cette vente, l'acquéreur avait, en quelque sorte, reconnu le droit des communes, puisqu'en vendant les premières herbes, il avait stipulé qu'elles seraient enlevées le 1er août; Attendu que le même arrêt déclare que, tant des enquêtes auxquelles les parties avaient fait procéder en exécution d'un premier arrêt interlocutoire, que de la discussion qui avait eu lieu, il résultait que « les prés susénoncés, vendus par le gouvernement, le 26 fév. 1791, étaient alors entièrement clos, comme ils l'avaient toujours été; et que, le 1er août de chaque année, l'on faisait une trouée la clôture, après l'enlèvement de la première coupe d'herbes, afin que les habitants des communes pussent y introduire leurs bestiaux et jouir de la seconde herbe; » Considérant que, de ces faits, il suit que les habitants, depuis un temps immémorial, et bien avant la publication de la loi du 28 sept. 1791, jouissaient, non pas d'un droit de vain pâturage sur des prairies ouvertes, mais bien d'un véritable droit de faire pacager les secondes herbes d'un pré clos, à titre de servitude de pâturage; jouissance et possession qui n'étaient pas fondées sur la simple tolérance du propriétaire ni sur les usages locaux, mais sur un fait et sur un ouvrage qui se renouvelait chaque année, celui de la trouée qui se faisait la clôture, dans la seule vue d'ouvrir aux bestiaux des habitants l'entrée dans la prairie, pour y pacager la seconde herbe; Considérant que le fait de la clôture du pré, antérieure à la loi précitée, le place dans une espèce particulière, et que le droit de pâturage s'exerçant, depuis un temps immémorial, sur un pré constamment tenu en état de clôture, c'est-à-dire sur un pré que le propriétaire s'était perpétuellement efforcé de mettre à l'abri de l'exercice de ce droit, il n'avait pu s'établir que par l'effet d'une lutte entre les propriétaires et les usagers; auquel cas, et même dans les coutumes où la servitude d'usage ne pouvait s'acquérir sans titre, l'on a toujours reconnu qu'elle pouvait s'y prescrire du jour où il y avait eu contradiction; Attendu, enfin, que, dans le cas particulier, il s'agissait d'un droit de servitude, acquis avant la publication du code civil, et que les communes de Lumbres et de Setques n'étant pas régies, à ce qu'il paraît, par une coutume qui leur fût propre, elles ont dû l'être ou par celle d'Artois, ou par celle de Saint Omer, d'après lesquelles les servitudes pouvaient s'acquérir par la prescription; Rejette le pourvoi contre l'arrêt de la cour de Douai, du 8 mai 1824. Du 7 mars 1826.-C. C., ch. req.-MM. Henrion, pr.-Botton, rap.

(2) Espèce:—( Bertrand et autres C. com. d'Oberhoffen.) — Il existe, sur le territoire de la commune d'Oberhoffen, un vaste canton de terrain connu sous le nom du Rieth et présentant une surface d'environ 300 hectares, dont les quatre cinquièmes sont en nature de prairies et le surplus en champs. Depuis un temps immémorial, la commune faisait paître ses troupeaux sur le canton du Reith: au printemps, jusqu'au 4 mai; en été, depuis le 24 juin jusqu'au 6 juillet; en automne, après la levee des regains. Mais, en 1834, le sieur Bertrand et soixante autres propriétaires de ce canton, attribuant au droit exercé par la commune le caractère d'un simple droit de vaine pâture, ont demandé, conformément à la loi du 6 oct. 1791, que ce droit fût limité au 1er mars de chaque année.. La commune a opposé sa longue possession; elle a soutenu qu'il s'agissait d'un droit de pâturage, servitude conventionnelle qui peut se prescrire ; - Que, dès lors, la loi de 1791 est inapplicable. Les demandeurs ont répliqué que la commune ne pouvait appuyer de semblables prétentions que sur des titres, aux termes de la loi précitée; - Qu'à leur defaut, son droit n'est censé dériver que de la coutume locale, et que, dans ce cas, il est régi par les principes de la police rurale.

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Un jugement du tribunal de Strasbourg a accueilli le système de la commune. Après avoir établi que, le droit de pâturage litigieux étant spécial sur le Reith et affectant par anticipation, soit la coupe des foins, soit celle des regains, on ne saurait le considérer comme une vaine pâture, mais bien comme un droit exorbitant de servitude impliquant copropriété, te tribunal considère que la commune ne peut pas être tenue de produire

du moins, un arrêt a pu le décider ainsi, et déclarer qu'un pareil droit était susceptible d'être acquis par la possession immémoriale, quand il reconnaît, en outre, que ce droit est indépendant et distinct de la vaine pâture coutumière, et qu'étant de nature à porter atteinte aux premières et secondes herbes, il constitue une véritable servitude de pâturage on dirait en vain que la possession immémoriale ne peut suppléer à un titre que dans le cas où il s'agit d'un droit de vive et grasse pâture (L. 6 oct. 1791, art. 11, sect. 4, tit. 1; Req. 7 mai 1838) (2) ; — 3° Que même dans

ses titres, parce qu'ils ont pu périr depuis le long espace de temps auquel remonte sa jouissance.

Sur l'appel, la cour de Colmar a d'abord ordonné une enquête sur le caractère de certains faits allégués par la commune : puis, par arrêt définitif du 24 mai 1837, elle a confirmé le jugement précité en ces termes: « Considérant que, soit lors de l'instance terminée par l'arrêt de 1812 (intervenu sur l'action d'autres propriétaires du Rieth), soit lors de l'introduction de l'instance actuelle, la commune d'Oberhoffen était en possession du droit de faire paître ses bêtes à cornes et chevaux, sur le canton de son ban appelé Rieth: au printemps, jusqu'au 4 mai; en été, du 24 juin au 6 juillet, et, en automne, après la levée des regains; que ce droit, qui remonte aux temps les plus reculés, et, par conséquent, se fonde sur une possession immémoriale, a été reconnu dans des actes nombreux de procédure; — Qu'il est en outre attesté par les divers documents du procès et les déclarations des témoins de l'enquête et de la contre-enquête; - Que les appelants n'ont pas élevé de contestation sur l'existence du droit; Qu'ils se sont uniquement attachés à le présenter comme une vaine pâture et à demander qu'il fût limité au premier mars de chaque année, par application de la loi de 1791 sur la police rurale; - Que, dans cet état, l'arrêt interlocutoire du 6 mai 1836 n'a pas ordonné de prouver l'existence du droit, laquelle n'était pas méconnue; - Qu'il n'a eu pour objet que de prescrire des justifications qui missent la cour à même de décider, définitivement et en parfaite connaissance de cause, si le droit en question devait être maintenu comme droit de pâturage, ou s'il devait être restreint comme droit de vaine pâture, ainsi que le demandaient les appelants; - Considérant, à cet égard, qu'il a été pleinement établi par les enquêtes, que la commune d'Oberhoffen avait, en vertu de la coutume locale, sur l'universalité de son ban, un droit de vaine pâture qui s'arrêtait au 1er avril; - Qu'en outre, elle avait le droit de faire paître les bêtes aumailles et chevalines sur le Rieth jusqu'au 4 juin, et du 24 juin au 6 juillet, et enfin après la levée des regains; - Que des parties du Rieth ont été mises successivement en culture et rétablies en nature de prés, uniquement pour l'amélioration du sol, et que, si quelques parcelles ont été laissées en état de culture, c'est qu'elles n'avaient pas assez d'importance pour nuire gravement aux intérêts de la commune; - Que de ces justifications il résulte que le dernier droit ci-dessus énoncé était spécial sur le Rieth et circonscrit dans les limites de ce canton de prairies; - Qu'il était distinct et indépendant de la vaine pâture coutumière; - Que surtout il était plus étendu, puisqu'il se prolongeait jusqu'au 4 mai et se reproduisait au 24 juin pour cesser de nouveau au 6 juillet, et que, par là, il était de nature à donner atteinte aux premières et aux secondes herbes; que conséquemment ce droit présentait les caractères d'un droit de pâturage; Qu'il constituait une véritable servitude, et que, par suite, il est à l'abri de la suppression ou de la modification prononcée par la loi de 1791... » Pourvoi des sieurs Bertrand et consorts. Violation de l'art. 11, sect. 4, tit. 1, de la loi des 28 sept.-6 oct. 1791.-Cette loi, dit-on, est d'intérêt public, puisqu'elle tend à augmenter les produits territoriaux, anéantis en pure perte, avant leur croissance, par des usages abusifs; elle offre aux propriétaires le moyen de s'affranchir par la clôture de la servitude coutumière de la vaine pâture; dans tous les cas, elle défend l'exercice de servitude dans les prairies naturelles avant la récolte de la première herbe. La seule exception qu'elle établisse aux prescriptions qu'elle consacre, n'est qu'en faveur des servitudes conventionnelles et des droits anciens acquis à titre onéreux; mais pour pouvoir invoquer le bénéfice de cette exception, il faut produire un titre, sans quoi le droit est censé dériver de la coutume locale, et tombe, par suite, sous le coup de la loi de 1791: la possession même immémoriale ne suffirait pas pour fonder un droit contre des dispositions d'ordre public. C'est ce qui résulte de l'art. 11, qui porte:- « Le droit dont jouit tout propriétaire de clore ses héritages a lieu, même par rapport aux prairies, dans les paroisses où, sans litre de propriété et seulement par l'usage, elles deviennnent communes à tous les habitants, soit immédiatement après la récolte de la première herbe, soit dans tout autre temps déterminé. » — Donc, toutes les fois que le pâturage n'a lieu qu'après la récolte de la première herbe ou est limité à tout autre temps déterminé, il est légalement présumé d'origine coutumière, à moins qu'il ne soit établi par un titre de propriété. Le décret du 19 avr. 1790 porte une disposition analogue. Ces principes devaient recevoir leur application dans l'espèce, car il s'agissait d'un droit de pâturage restreint à des époques déterminées, et, de plus, la commune ne présentait d'autre titre que sa possession. Dira-t-on que ce droit était spécial sur le canton du Rieth? cela ne peut être une objection sérieuse, car la loi ne distingue

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