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cet arrêt que contre plusieurs autres dont on va présenter l'énu

» Maintenant les objections tirées du second motif de la cour de Bourges deviennert bien futiles et bien faciles à réfuter. - On s'appuie, dans P'arrêt de Bourges, sur l'arrét rendu en 1817, par la cour des pairs, dans l'affaire Saint-Morris; on rappelle que des arrêts rendus par la cour de cassation ont décidé la question dans le sens du silence de la loi pénale en matière de duel. — Il n'y a qu'une chose à répondre à ces rapprochements, à ces citations: c'est que ce sont là des erreurs de la jurisprudence; c'est que, comme toutes les choses humaines, la jurisprudence est sujette à erreur. Il n'y a en pareil cas qu'une vertu : c'est de revenir à la vérité quand on s'est trompé, et la cour n'a jamais manqué à ce devoir. La jurisprudence a pu varier, c'est un malheur; mais au milieu de ces variations, la loi est toujours restée immuable. La jurisprudence a pu pivoter autour d'elle; mais ces variations ont cessé par votre arrêt du 22 juin dernier. On conçoit qu'à la vue des arrêts de la cour suprême, qui menaçaient de nullité toutes les poursuites, le ministère public a dû cesser d'agir contre les duellistes; on conçoit également qu'on a dû recourir aux chambres pour essayer d'en obtenir une loi nouvelle, puisque l'action des tribunaux était arrêtée par la déclaration de la cour de cassation qu'il y avait une lacune à combler; mais ces perturbations ont dù cesser du moment qu'on est revenu à une meilleure interprétation du code.

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» On parlé de l'opinion des auteurs, et l'arrêt de la cour de Bourges va jusqu'à citer nominativement M. Merlin. C'est sans doute une autorité fort respectable que celle de ce docte jurisconsulte; mais le savoir, mème le plus étendu, s'éclaire par l'expérience des faits et par la réflexion. - Le plus grand jurisconsulte de Rome, Papinien, s'était trompé sur une question, et il n'hésita point à dire : « J'étais d'abord de cet avis autrefois, mais Sabinius m'a ramené à son opinion. » Sic nobis aliquandò placebat; sed in contrarium me vocat Sabini sententia. · Eh bien messieurs, tel a été le langage de M. Merlin. Après votre arrêt, ce savant magistrat, mon prédécesseur, modèle que je ne puis certainement atteindre dans le genre qu'il a si fort illustré, m'écrivit une lettre trop flatteuse pour que j'en donne ici lecture; il me dit : « Votre réquisitoire m'a convaincu; j'adhère à la doctrine de l'arrêt.» (Sensation prolongée.)-Qu'on ne vienne donc plus parler, sous l'autorité de ce grand nom, de l'erreur commune. Cette erreur est loin d'avoir été aussi générale qu'on le prétend. En effet, dix cours royales n'avaient-elles pas jugé en sens inverse de la cour de cassation? et d'ailleurs, ce qui répond à tout, la cour de cassation ellemême est revenue à une interprétation plus exacte de la loi. - Ajoutez à cela les arrêts rendus dans un pays voisin, régi par le même code que nous. Toutes les cours de Belgique ont jugé que le code de 1810 comprenait le duel, et que, dans tous les cas de mort ou blessures survenues par suite d'un duel, il y avait lieu à l'application de ses dispositions. C'est, en effet, une erreur capitale de la cour de Bourges et de ceux qui partagent son opinion, de dire que, si la loi n'a pas prononcé le mot duel, c'est qu'elle entendait le laisser impuni; il semble que le duel soit quelque chose de tellement particulier, qu'il ne puisse rentrer dans aucune définition générale, et qu'il ne puisse être puni qu'autant qu'il aura été appelé par son nom. C'est comme si on disait que certains crimes qui avaient attiré la colère céleste sur deux villes de l'Ancien Testament et qui se trouvaient punis par l'ancienne législation sous des dénominations que la naïveté gauloise de nos pères ne se faisait pas faute d'employer, ne peuvent plus être réprimés aujourd'hui, parce que le code de 1810 ne rappelle pas leur ancienne qualification, et se contente de punir d'une manière générale les attentats aux mœurs. L'erreur de la cour de Bourges est de supposer toujours qu'il faut que le législateur punisse le duel en tant que duel. Mais cette erreur est réfutée d'avance par les sentiments des publicistes et des moralistes les plus célèbres.

» Barbeyrac, dans ses notes sur Puffendorf, liv. 1, chap. 5, § 9, dit : Il n'est pas nécessaire, à mon avis, que les lois défendent expressément les duels, pour qu'on puisse les regarder comme des combats illicites, où celui qui tue son homme est toujours un véritable homicide: cela suit de la constitution même des sociétés civiles. >>

» Pascal, qui, par la seule puissance de sa logique, se rencontre si souvent avec les jurisconsultes, dit, dans sa quatorzième lettre, sur l'homicide: Les édits du roi, si sévères sur ce sujet, n'ont pas fait que le duel fùt un crime; ils n'ont fait que punir le crime qui est inséparable du duel. » Le code ne procède pas par catégories d'homicide. Tout homicide volontaire, tout meurtre doit être puni, s'il ne se trouve pas dans les cas d'exception désignés par la loi, et, à cet égard, les deux codes de 1791 et de 1810 procedent par deux méthodes inverses, mais qui arrivent au même but. Le code de 1791 consacre toutes les exceptions, et il ajoute : <«< Hors les cas déterminés par les précédentes exceptions, l'homicide sera puni des peines portées par la loi. »

» Le de 1810, au contraire, commence par consacrer la disposition générale, et ensuite il pose les exceptions. Mais, comme il ne suffisait pas de ce principe que les exceptions sont de droit étroit, il contient de plus un article tout à fait spécial, l'art. 65, qui défend au juge d'introduire des distinctions, des excuses en matière pénale, autres que celles que la loi a expressément consacrées. Il est donc bien établi que, loin d'avoir voula

mération (V. n° 110), la cour de cassation a persévéré dans sa

en faire la matière d'une exception, le code de 1810 a, en pleine connaissance de cause, refoulé le duel sous l'application des règles générales applicables à l'homicide. Sans doute l'application de la loi devra subir des modifications suivant les circonstances accessoires, suivant l'âge et la position des personnes. S'il s'agit d'un duel d'écoliers, d'un duel d'enfants (et l'on en a vu le triste exemple), le coupable pourra être excusé par son défaut de discernement. Mais prenons une autre hypothèse bien autrement puissante. Si un fils appelle son père en duel, s'il a le malheur de le tuer, quel est le tribunal qui, se fondant sur ce que le duel n'est pas explicitement désigné et puni par le code pénal, refusera d'appliquer la peine du parricide? Et cependant telle serait la conséquence forcée de l'arrêt de Bourges, que le parricide, en ce cas, devrait rester impoursuivi, et que le fils, coupable du meurtre de son père, devrait être acquitté, si tout s'était passé, d'ailleurs, sans déloyauté ni perfidie, et à armes égales!!! >> Dans mon opinion, la préméditation peut ne pas résulter toujours uniquement du fait de la provocation; et si elle est restée sans effet, même par des circonstances indépendantes de la volonté des parties, je ne pense pas qu'on doive indistinctement appliquer l'article du code pénal qui veut que l'on poursuive toujours. Mais supposons un de ces duels où l'on convient qu'il n'y aura qu'un pistolet chargé et qu'on tirera à bout portant; il y aura là une volonté de mort bien préméditée : ce sera une circonstance aggravante, mais il pourra aussi y avoir des circonstances atténuantes, celle, par exemple, d'une provocation violente, dans l'espèce de l'art. 321. En un mot, notre législation est combinée de telle manière que le jury et les juges peuvent graduer les déclarations et les peines, depuis la peine de mort jusqu'à un acquittement complet; ou qu'il peut y avoir, selon les cas, peine corporelle ou de simples dommages-intérêts. Ces dommagesintérêts eux-mêmes, quoiqu'ils ne soient qu'accessoires, seront, le plus souvent, un mode puissant de répression. Il faut qu'on puisse aller jusqu'à ruiner celui qui prive un père de ses enfants, une femme de son époux, une famille d'un de ses membres chéris. Il faut que nos mœurs, sur ce point, imitent celles des Anglais. Il faut qu'on sache demander des dommages-intérêts, sauf ensuite à en faire un emploi de générosité si l'on est riche, et à en profiter si l'on n'est pas fortuné. Il faut qu'on sache en demander; il faut aussi que les tribunaux sachent en accorder: car souvent, par un manque de sévérité, les tribunaux encouragent le mal, et se rendent en quelque sorte responsables de l'emportement avec lequel on demande aux armes une satisfaction qu'on craint de ne pas obtenir d'eux, quand il s'agit de calomnies ou d'injures. En Angleterre, on n'hésite pas, la loi est mieux entendue; la vie privée est murée, et les dommages-intérêts accordés contre les libellistes sont considérables. Le condamné doit garder prison jusqu'à parfait payement et satisfaction donnée à celui qui a été insulté dans son honneur ou attaqué dans sa personne.

» En résumé, le code n'admet pas d'autres distinctions que celles qu'il a faites lui-même; il défend d'en admettre d'autres. Or que fait l'arrêt? Précisément ce que le code défend. Il retient la qualification de duel, dont le législateur n'a pas voulu se servir. Rappelez-vous en effet, messieurs, le mot de Treilhard, à qui l'on disait : « Mais vous n'avez pas parlé du duel. » Il répondit : « Nous n'avons pas voulu lui faire l'honneur de le nommer. » — - Autrefois, c'était un privilégié; de nos jours, on s'est contenté de le reléguer dans le droit commun. La loi ne s'attache qu'aa fait matériel d'homicide volontaire; l'arrêt, au contraire, allègue ie préjugé; il a égard, pour excuser le duelliste, à une prétendue moralite d'intention qui ne permet pas, dit-il, de confondre le duelliste avec le meurtrier! Le préjugé, grand Dieu! et c'est dans un arrêt qu'on trouve une pareille excuse! Mais à quelle fin sont donc institués les magistrats? Est-ce pour céder aux préjugés ou pour y résister? Prêtons-nous serment de fidelité au préjugé ou à la loi? Il est évident que c'est là la pire de toutes les allégations. A la vérité, on essaye de flétrir le duel. On dit bien qu'il est contraire à la religion et à la morale, à l'ordre public et à la sécurité des familles. » Mais, en résultat, on ne flétrit que le législateur, en l'accusant d'avoir, par trois fois, oublié de punir le duel, en remaniant toute la législation criminelle en 1791, en l'an 4 et en 1810. — C'est un préjugé, et on le choie, on le caresse. A entendre dans le monde les ménagements avec lesquels on traite ce préjugé, qu'on a soin de faire remonterà des temps héroïques, on dirait que certaines personnes craignent qu'on ne doute de leur bravoure et de leur bonne disposition à se battre dans l'occasion. C'est dans cette sorte d'illusion qu'on défend le duel, et pourquoi? C'est que l'honnête homme qui raisonne ainsi suppose qu'il aurait pour se battre une cause grave, celle de venger l'outrage fait à sa fille ou à sa femme, et non une querelle futile, une querelle pareille à celle qui fait l'objet du rapport que vous avez entendu. En effet, on se fait toujours des hypothèses favorables; on suppose constamment que l'offensé sera vainqueur. Mais, le plus souvent, n'est-ce pas le contraire? Ne veut-on pas considérér aussi que le fils de famille, espérance, orgueil de son père, sera tué par un spadassin de profession; que le ravisseur de la fille tuera le frère, que le séducteur de la femme tuera le mari? et veut-on que ce dernier succombe, comme dans la gravure anglaise sur le duel, avec cette légende ironique pour épitaphe: Je meurs satisfait?

» C'est à travers le prisme des illusions qu'on se fait que l'on proclame

Jurisprudence, conformément aux réquisitions de son procureur

l'immense distance qu'il y a entre le duelliste et l'assassin vulgaire : l'un, dit-on, veut tuer pour voler ou pour se venger; l'autre ne cherche qu'à défendre son honneur! Ainsi tout dépendra d'un motif supposé et de ce qu'on peut appeler une bonne direction d'intention. Ah! Pascal! illustre ami du sage Domat, si semblable à lui par la hauteur de ta raison et la pureté de ta morale, viens nous dire si ce n'est pas à l'aide de tels sophismes que certains casuistes de ton temps excusaient le vol commis par nécessité dans un pressant besoin, et permettaient même aux domestiques de prendre le bien de leurs maîtres, pourvu que ce ne fût pas avec l'intention de voler, mais seulement d'élever leurs gages à la somme qu'ils estimaient légitimement leur être due? Et, pour l'homicide, ne raisonnaient-ils pas de la même manière? On peut tuer autrui en défendant sa vie; et comme l'honneur est plus cher que la vie, à plus forte raison peut-on tuer pour défendre son honneur. Par conséquent, dit un de ces docteurs, comme un homme qui a reçu un soufflet est déshonoré tant qu'il n'a pas tué celui qui le lui a donné, il peut donc le tuer (a). A merveille. Mais si l'on est seulement menacé de recevoir un souflet, pourra-t-on tuer encore? Oui, s'il n'y a pas d'autre moyen de l'éviter. Et s'il s'agit seulement d'un dementi? on pourra tuer encore. Jusqu'à ce qu'enfin Pascal, excédé de cette énumération, finit par dire à son pieux interlocuteur, avec une amère ironie «Mais, mon père, ne serait-il pas permis de tuer pour un peu moins? » Et on lui prouve que oui, avec autant de facilité.

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>> On peut mettre en regard de ces sophismes deux arguments proposés en faveur des duels, par un magistrat qui, heureusement pour lui, n'a pas signé, dans deux lettres adressées à la Gazette des tribunaux, qui les a insérées à titre d'impartialité, tout en protestant contre la doctrine qui s'y trouve professée. «L'immoralité de la convention de duel est constante, dit l'écrivain, mais ce n'est pas sur la convention que l'impunissabilité se fonde, c'est sur le danger de mort qui établit le droit de donner la mort. Et ce danger de mort, quelque imprudence, quelque illégalité qu'il y ait eu à s'y exposer, donne, dès qu'il existe, ouverture à la légitime défense. Le voleur qui tuerait celui qui, dans le flagrant délit, voudrait le tuer, invoquerait à bon droit le principe de la légitime défense sur le chef du meurtre. Il dirait : « Punissez-moi comme voleur, mais non comme meurtrier, car je n'ai fait que défendre ma vie. De même le combattant dans un duel, etc... » — - N'est-il pas évident, au contraire, que, si le volé peut tuer le voleur, c'est que la loi l'y autorise dans l'espèce de l'art. 329; mais aucune exception de ce genre n'existe en faveur de celui qui n'est en danger que parce qu'il est venu pour voler.

» La seconde lettre renferme l'argument suivant : « Le duel est une guerre d'homme à homme. On convient de se battre, on se rencontre, on s'attaque, on se tue si l'on peut; on fait ses efforts enfin pour être vainqueur et n'être pas vaincu. Le duel a cet avantage sur la guerre, que toute ruse en est proscrite, tandis qu'à la guerre la ruse peut-être employée. Il a cel avantage de plus, qu'on se bat pour soi, et qu'à la guerre on se bat pour des motifs bien souvent ignorés de ceux qui vont mourir sur les champs de bataille. » - Ainsi la prédilection pour le duel, le désir de le légitimer ou de l'excuser, vont jusqu'à lui donner la préférence sur le plus sublime des dévouements, celui d'exposer sa vie pour son pays en le défendant contre l'ennemi! Voilà où conduisent ces distinctions subtiles ou sophistiques, mises à la place du langage austère et de la logique sévère de la loi.

» Mais, dit-on, cette loi est trop sévère. Cela serait vrai que ce ne serait pas l'office du juge. Le juge doit appliquer la loi si la loi est trop sévère, trop impérieuse, le législateur est là: cela ne regarde pas le juge. Mais cela n'est pas vrai. Notre forme actuelle de législation comporte toutes les appréciations du fait. Je ne conseille ni indulgence excessive ni sévérité outrée pour le duel; je laisse au magistrat le soin de modifier la peine selon les circonstances. Mais il ne faut pas déclarer la loi impuissante, alors qu'au contraire elle arme le pouvoir judiciaire du moyen de maintenir l'ordre dans la société. Il faut que le magistrat poursuive, et que, comme en Angleterre, alors qu'il y a un homme mort par accident ou autrement, on fasse une instruction. Il faut qu'on sache, et qu'on sache bien, si cet homme mort a été assassiné, s'il s'est suicidé, ou si simplement il est mort par accident, auquel cas le magistrat anglais prononce, d'après sa formule, qu'il est mort par la visitation de Dieu. Il faut ample et légale satisfaction donnée à la société et à la morale publique. Il ne faut plus que chez nous le duel reste en quelque sorte en honneur. Il ne faut pas que celui qui tue passe pour un héros, et se présente partout la tête haute, avec la prétention de se faire applaudir.

» La tâche des officiers du ministère public veut être exercée avec intelligence et dextérité. Je puis citer comme un beau modèle de discussion en cette matière le réquisitoire récent de M. Letourneux, premier avocat général à la cour de Rennes. J'ai toujours eu une idée sur cette matière; c'est que dut-il y avoir dix acquittements de suite, ce qui, je l'espère, n'aura pas lieu, la publicité donnée aux poursuites aurait, en peu de temps, les plus salutaires effets. Si, au lieu de lire dans les journaux, au récit de tels et tels duels: « Les deux adversaires se sont comportés loyalement, l'un des deux a tué l'autre avec honneur; » si, dis-je, on lisait dans la (1) V. les textes dans la seizième des Lettres provinciales.

général, dont la discussion a triomphé des arguments de la cour de

Gazette des tribunaux un exposé de faits comme celui qui vient de vous être présenté avec tant d'émotion par M. le conseiller rapporteur, moins d'intérêt et de sympathie s'élèverait en faveur des duellistes: même en cas d'acquittement, il y aurait eu au moins soumission à justice, jugement du pays, leçon morale pour le public. Au lieu de se prendre uniquement d'in- } térêt pour les duellistes heureux, on se sentirait aussi ému de pitié pour les malheureux qui succombent, pour la société que ces violences troublent et sapent par sa base. En effet, le but de l'association est de mettre chacun à l'abri de la violence, de faire prévaloir le droit sur la force brutale, et d'assurer le règne de la maxime que nul ne doit se faire justice à soi-même, mais qu'il faut la demander aux tribunaux. Je sais bien que le duel a ses défenseurs, ses prôncurs, ses amis; il est des hommes qui veulent nous ramener au brutal emploi de la force matérielle contre la force morale qui constitue la société; ils nient que le droit soit fait pour eux; il n'est rien qu'ils ne s'attribuent par les armes : ils portent défi aux personnes, au gouvernement et aux lois. Suivant eux, il est permis de se battre un à un, deux à deux, vingt contre vingt, ou même en plus grand nombre, afin de substituer la puissance de fait à la puissance légale, et pour arriver de la sorte à la destruction du gouvernement établi, en le destituant de ce pouvoir moral qui fait sa force, et en fondant à leur profit l'impunité sur la violence: c'est à vous, messieurs, qu'il appartient d'opposer une barrière à ces prétentions. Magistrats, la mission que vous avez à remplir aujourd'hui est sublime! Vous êtes appelés à faire cesser le désordre introduit dans les esprits par les funestes vacillations de la jurisprudence. Hatez-vous donc de les fixer par un arrêt solennel. Qu'une exécution ferme et mesurée s'ensuive; et ce préjugé d'un autre âge, le dernier de ceux que nous a légués la brutalité féodale, aura disparu devant l'ordre légal et constitutionnel! Dans ces circonstances, et par ces considérations, nous estimons qu'l y a lieu de casser l'arrêt de la cour royale de Bourges. »> Arrêt (apr. délib. en ch. du cons.).

LA COUR;

Vu les art. 295, 296, 297, 302, 509 et 310 c. pén.;Attendu que, si la législation spéciale sur les duels a été abolie par les lois de l'assemblée constituante, on ne saurait induire de cette abolition une exception tacite en faveur du meurtre commis et des blessures et coups volontaires portés par suite du duel; Que, sous le code des délits et des peines de 1791, ces meurtres, blessures et coups étaient restés sous l'empire du droit commun; - Que le décret d'ordre du jour du 29 mess. an 2 ne se réfère qu'au code militaire, et n'est relatif qu'a de simples provocations de militaires d'un grade inférieur envers le supérieur;- Que le code de l'an 4 a été rédigé dans le même esprit que celui de 1791 et ne contient aucune disposition nouvelle sur cette matière;

Attendu que les dispositions des art. 295 et 296 c. pén. sont absolues et ne comportent aucune exception; - Que les prévenus des crimes prévus par ces articles doivent être, dans tous les cas, poursuivis; — Que si, dans les cas prévus par les art. 327, 328 et 329 du même code, les chambres du conseil et les chambres d'accusation peuvent déclarer que l'homicide, les blessures et les coups ne constituent ni crime ni délit, parce qu'ils étaient commandés par la nécessité actuelle de la légitimé défense de soi-même ou d'autrui, on ne saurait admettre que l'homicide commis, les blessures faites et les coups portés dans un combat singulier, résultat funeste d'un concert préalable entre deux individus, aient été commandés par la nécessité actuelle de la légitime défense de soi-même, puisqu'en ce cas le danger a été entièrement volontaire, la défense sans nécessité, et que ce danger pouvait être évité sans combat;

Attendu que, si aucune disposition législative n'incrimine le duel proprement dit et les circonstances qui préparent et accompagnent cet homicide, aucune disposition de loi ne range ces circonstances au nombre de celles qui rendent excusables le meurtre, les coups et les blessures; Que c'est une maxime inviolable de notre droit public, que nul ne peut se faire justice à soi-même; - Que la justice est la dette de la société tout entière, et que toute justice émane du roi, au nom duquel cette dette est payée (art. 48 de la charte); .. Que c'est une maxime non moins sacrée de notre droit public que toute convention, contraire aux bonnes mœurs et à l'ordre public, est nulle de plein droit (art. 6 c. civ.); - Que ce qui est nul ne saurait produire d'effet, et ne saurait, à plus forte raison, paralyser le cours de la justice, suspendre l'action de la vindicte publique et suppléer au silence de la loi pour excuser une action qualifiée crime par elle et condamnée par la morale et le droit naturel;

Attendu qu'une convention par laquelle deux hommes prétendent transformer, de leur autorité privée, un crime qualifié en action indifférente ou licite, se remettre d'avance la peine portée par la loi contre ce crime, s'attribuer le droit de disposer mutuellement de leur vie et usurper ainsi doublement les droits de la société, rentre évidemment dans la classe des conventions contraires aux bonnes mœurs et à l'ordre public;

Que, si, néanmoins, malgré le vice radical d'une telle convention, on pouvait l'assimiler à un fait d'excuse légale, elle ne saurait être appréciée qu'en cour d'assises, puisque les faits d'excuse, admis comme tels par la loi, ne doivent point être pris en considération par les chambres du conseil et les chambres d'accusation, et ne peuvent être déclarés que par le jury; — Qu'il suit de là que toutes les fois qu'un meurtre a été commis, que

Nancy (Cass.ch. réun, 2 fév. et 11 déc. 1859 (1); Crim. cass. 22 déc.

des blessures ont été faites ou des coups portés, il n'y a pas lieu, par les juges appelés à prononcer sur la prévention ou l'accusation, au cas où ce meurire, ces blessures ou ces coups ont eu lieu dans un combat singulier dont les conditions ont été convenues entre l'auteur du fait et sa victime, de s'arrêter à cette convention prétendue; - Qu'ils ne peuvent, sans excéder leur compétence, et sans usurper les pouvoirs des jurés, surtout sous l'empire de la loi du 28 avril 1832, statuer sur les circonstances, puisque, lors même qu'elle pourrait constituer une circonstance atténuante, ce serait aux jurés qu'il appartiendrait de la déclarer; Que, si, aux termes de la loi constitutionnelle de l'État (charte, art. 56), aucun changement ne peut être effectué à l'institution des jurés que par une loi, les tribunaux ne sauraient, sans porter atteinte à cette disposition et à cette institution, restreindre, et moins en semblable matière qu'en toute autre, la compétence et la juridiction des jurés;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que, le 29 janvier dernier, Pesson a, dans un combat singulier, donné la mort à Baron ; — Que, néanmoins, la chambre d'accusation de la cour royale de Bourges a déclaré n'y avoir lieu à suivre contre ledit Pesson, par le motif que ce fait ne rentre dans l'application d'aucune loi pénale en vigueur, et ne constitue ni crime ni délit; - Qu'en jugeant ainsi, ladite cour a expressément violé les art. 295, 296, 297 et 302 c. pén., et faussement appliqué l'art. 328 du même code; Casse et annule.

Du 15 déc. 1837.-C. C., ch. réun. -MM. Portalis, pr.-Bérenger, rap. (1)1 Espèce :-(Min. pub. C. Gilbert et autres.)-Une ordonnance de la chambre du conseil avait mis en prévention de meurtre le sieur Gilbert, pour avoir grièvement blessé en duel le sieur Champeau, et les sieurs Desroy et Robin en prévention de complicité pour avoir assisté au duel comme témoins. Mais la chambre d'accusation, par arrêt du 15 avril 1838, a déclaré qu'il n'y avait ni délit ni contravention dans le fait imputé à Guilbert.-6 juill. 1838, arrêt de la chambre criminelle qui casse. -La cour de Paris, saisie sur le renvoi, rendit, le 10 août 1838, un arrêt conforme à celui de la cour d'Orléans. Pourvoi du ministère public. -Arrêt.

LA COUR; - Vu les art. 2, 295, 296, 297, 302, 309, 310 et 328 c. pén. ;-Attendu que le code des délits et des peines de 1791, de l'an 4 et de 1810 en punissant les meurtres, blessures et coups volontaires, n'ont point fait d'exception pour les cas où ces meurtres auraient été commis, ces blessures faites et ces coups portés par suite de duel;-Attendu que l'abolition qui avait antérieurement été faite de la législation spéciale sur les duels a, par cela même replacé sous l'empire du droit commun tous les actes répréhensibles auxquels les duels peuvent donner lieu; Attendu que l'homicide, les blessures et les coups, lorsqu'ils sont occasionnés par ce genre de combat, ne peuvent être considérés comme commandés par la nécessité actuelle de la légitime défense de soi-même ou d'autrui, aux termes des art. 327, 328 et 329 c. pén., puisque, dans ce cas, le danger n'a existé que par la volonté des parties;-Attendu d'ailleurs que les circonstances qui accompagnent le duel ne peuvent rendre le meurtre, les blessures et les coups excusables; que la convention par suite de laquelle le duel a lieu, étant contraire aux bonnes mœurs et à l'ordre public, est nulle de plein droit, et que, dès lors, aucun fait d'excuse ne peut en résulter;

Altendu, dans tous les cas, et en supposant l'admissibilité de tels faits d'excuse, que ces faits ne pourraient être légalement appréciés que par la cour d'assises et par le jury, et qu'il n'appartient pas aux chambres du conseil et d'accusation de les prendre en considération; que ces chambres ne pourraient pas mieux s'arrêter à des circonstances atténuantes, puisque c'est encore le jury qui a seul le droit de les apprécier; - Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué, que le 20 mars 1858, dans un combat singulier qui a eu lieu volontairement et avec préméditation, une tentative d'homicide a été commise par Laurent Gilbert fils, sur la personne de Sylvain Champeaux, en lui tirant un coup de pistolet dont la balle lui a fait une blessure grave à la tête, laquelle tentative, manifestée par un commencement d'exécution, n'a manqué son effet que par des circonstances indépendantes de la volonté de son auteur; que dudit arrêt il résulte encore 'que Desroy et Robin ont assisté avec connaissance ledit Gilbert dans les faits qui ont préparé et consommé l'action, et que néanmoins l'arrêt attaqué a déclaré que ces faits ayant eu lieu dans un duel, ne constituaient nicrime ni délit, ni contravention prévus par la loi, et ne pouvaient donner lieu à suivre contre les prévenus ;-Qu'en jugeant ainsi, la cour royale de Paris a expressément violé les articles du code pénal suscités; - Casse. Du 2 fév. 1839.-C. C., ch. réun.-MM. Portalis, 1 pr.-Berenger, rap.Dupin, pr. gén.

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Espèce:(Min. pub. C. Levy, Hippmann et autres.)- Dans la journée du 28 fév. 1858, les nommés Lucien Pingenot et Michel Lévy se battirent en duel, à la suite d'une altercation qui était survenue entre cux la veille dans un bal. Dans ce combat, Pingenot reçut une blessure qui lui occasionna une incapacité de travail de moins de vingt jours. Levy et trois autres individus qui avaient servi de témoins dans ce duel ayant été traduits en police correctionnelle par le ministère public, le tribunal de Strasbourg, par jugement du 10 mai 1838, les renvoya des poursuites

1837, MM. Bastard, pr., Vincens, rap., aff. min. pub. C. Breanski;

dirigées contre eux. Appel. Le 12 juillet, arrêt confirmatif de la cour de Colmar.-Le 18 octobre, arrêt de la cour de cassation qui casse et annule l'arrêt de la cour de Colmar, et renvoie l'affaire devant la cour de Nancy, qui, par arrêt du 27 fév. 1839, statua en ces termes :

«Considérant que, pour statuer sur le sort des poursuites à l'égard de chacun des prévenus, il est indispensable d'examiner si les actes de violence résultant d'un duel sont incriminés par le code pénal en vigueur; Que cette question doit être résolue, non d'après les préceptes de la morale absolue ou religieuse, mais d'après ceux de la loi pénale; -Que, si on avait à la considérer sous le premier de ces rapports, il se rait trop facile de démontrer que le duel est un acte condamnable, dangereux même, puisqu'il constitue un appel à la force au sein de la civilisation; qu'il porte atteinte au respect que commande la vie des hommes, et qu'il viole un de leurs devoirs religieux, le pardon des injures ;-Mais que l'infraction aux préceptes de la religion et à ceux de la morale ne saurait constituer un délit répressible par la justice humaine, sans le concours de la loi positive ;- Que cette vérité, qui ne perd rien de son évidence, pour être exprimée en termes simples et précis, impose aux tribunaux l'obligation de renfermer l'examen de la question du duel dans les limites de la stricte légalité; - Que, restreinte à ces termes rigoureux, elle consiste à savoir si l'agression connue sous le nom de duel est répres sible en vertu des lois pénales actuellement en vigueur, et, particulièrement, si l'homicide et les blessures qu'elle occasionne sont passibles des peines applicables au meurtre, à l'assassinat et aux autres actes de violence qui font le sujet du tit. 2, ch. 1, sect. 1 et 2, du liv. 3 du code pénal; Que la solution n'en pourrait être affirmative qu'autant qu'il serait établi que les faits résultant du duel se confondent, par identité de nature, avec ceux que la loi a textuellement prévus, ou que, malgré leur dissemblance, la volonté expresse du législateur a été de les soumettre indistinctement à une même et commune disposition;-Que, dans l'examen de cette importante question, le juge ne doit être arrêté ni gêné par la crainte de voir ses intentions travesties ou mal interprétées; que, tout en déplorant de funestes atteintes que le duel porte à l'ordre social, et en faisant des vœux pour qu'elles puissent être réprimées par la loi, son devoir, lorsqu'il est appelé à juger la légalité actuelle de cette répression, ne l'oblige pas moins à respecter les règles du droit et à observer l'impartialité qui est de l'essence de son ministère;-Que le sujet du litige étant de savoir, non pas s'il est opportun' de proscrire le duel et ses résultats, mais si la législation en vigueur les proscrit réellement, la question se réduit, pour le juge, à savoir si la loi contre le duel est faite ou à faire; >> Considérant que les jurisconsultes qui enseignent que cette loi existe prétendent non-seulement qu'elle est renfermée dans le code pénal promulgué en 1810, mais qu'elle se trouvait aussi dans le code de 1791; qu'ils vont même jusqu'à dire qu'elle existait déjà dans le droit commun de l'ancienne monarchie française, d'où elle aurait passé, naturellement et sans innovation, dans notre législation moderne; Considérant que, pour ne négliger aucun des éléments de ce grave débat, il est indispensable de les suivre aussi loin qu'ils peuvent remonter, et de les prendre au point de départ qui leur est assigné; - Que, si les développements qu'entraînera cet examen dépassent les bornes ordinaires d'un acte judiciaire, il suffit qu'ils ne puissent pas excéder, quelle que soit leur étendue, l'importance de la question qui en est l'objet; Considérant que, si on consulte l'ancien droit concernant les duels, on trouve que leur condition légale a subi de notables modifications trois époques différentes de leur histoire;-Que, depuis le commencement de la monarchie jusqu'en 1260, sous saint Louis, ils ont été non-seulement permis entre particaliers pour vider leurs querelles, mais encore ordonnés par justice pour décider les procès, quand les juges n'en trouvaient pas la solution dans la loi; Que, depuis 1260 jusqu'en 1547, sous Henri II, il fut interdit aux tribunaux d'user de cette absurde et sanglante ressource pour le jugement des contestations portées devant eux, mais que les duels extrajudiciaires furent encore permis, à la condition d'être autorisés par le roi;-Qu'enfin, depuis 1547, jusqu'à la promulgation du code pénal du 6 oct. 1791, les duels furent proscrits d'une manière absolue, mis au rang des crimes de lèse-majesté et punis des peines les plus rigoureuses; » Que, durant cette troisième période, les duels ont toujours été l'objet d'une législation spéciale ;-Que, depuis la première ordonnance rendue contre eux, sous le règne de Charles IX, jusqu'à l'édit du 5 fév. 1751, quiclôt la nomenclature des nombreuses mesures législatives dont cette matière a été l'objet, on n'aperçoit aucun intervalle durant lequel le duel ait été régi par le droit commun à l'égard d'aucune des classes de la société d'alors; -Qu'au surplus, il est aisé de concevoir que, plus on remonte dans l'histoire du duel, moins il était possible de le confondre, par un mode commun d'incrimination, avec les meurtres et les assassinats ordinaires, el que cette assimilation aurait rencontré d'autant plus d'obstacles, qu'on sa trouvait plus rapproché de l'instant de la transition du fait légal et permis au fait qualifié crime; Que, toutefois, en regard de cette extrême rigueur déployée contre le duel, à titre de crime de lèse-majesté, le legislateur d'alors, comme par une sorte de compensation équitable, avail eu le soin de déployer une sévérité relative non moins grande contre les

même jour, aff. Badimont, V. no 120; 6 juill. 1838, MM. Bastard,

genres d'insultes qui, d'ordinaire, deviennent la cause provocatrice des Combats singuliers; -Que c'est ainsi que, pour les gentilshommes et les gens de guerre, il avait institué le tribunal des Maréchaux, dont l'origine est contemporaine du premier acte législatif porté contre les duels; que cette juridiction, simplement préventive, mais investie d'un pouvoir souverain, avait le droit d'accorder aux parties offensées les satisfactions nécessaires et convenables (art. 2, 4, 5, 6 et 7, édit du duel, d'août 1679); — Que c'est ainsi encore que, par l'édit de 1704, tout officier de robe ou autre, qui se rendait coupable de voies de fait ou d'outrages défendus par les ordonnances, devait être condamné à vingt ans de prison, pour avoir frappé seul, par derrière et de dessein prémédité, avec canne, bâton ou autres instruments de pareille nature, à quinze ans de prison, si le coup avait été porté par devant,-à deux ans de prison, pour avoir frappé d'un coup de main ou autres semblables, si le soufflet ou coup de main n'avait pas été précédé d'un démenti, et à un an de prison, si un démenti avait précédé le coup, avec obligation, dans ces deux cas, de se soumettre à recevoir des coups semblables de la main de l'offensé, et à lui demander pardon,-à quatre mois de prison, et à demander pardon en sortant, pour avoir donné un démenti, ou menacé d'un coup de main ou de bâton,-à deux mois de prison, et à faire réparation en sortant, pour avoir proféré sans sujet des paroles injurieuses, telles que sot, lâche, traître, ou autres semblables, lorsque ces injures n'avaient pas été repoussées par d'autres semblables ou plus graves (art. 1, 2, 3, 7);-Qu'en faisant marcher de front ces deux législations parallèles et corrélatives, le législateur se montrait conséquent avec lui-même ; — Que, tout en proscrivant le duel par d'énormes pénalités, il sentait combien il était juste et nécessaire d'offrir de fortes garanties contre les causes qui le provoquent ;--Qu'enfin, loin de fermer les yeux sur la gravité relative de certaines insultes, ou de la nier contre l'évidence, ainsi qu'on le fait de nos jours, il témoignait de sa sincérité à la reconnaître et de ses efforts à lui opposer une répression proportionnée ;

» Considérant que cet état de choses a été remplacé par la loi du 22 juill. 1791, qui réglait les délits correctionnels et les contraventions de simple police, et par celle du 6 oct. de la même année, qui, sous le nom de code pénal, pourvut à la répression des faits qualifiés crimes; Que la première a prononcé contre les coups et blessures simples une peine d'emprisonnement, dont le maximum était de six mois; mais que, relativement aux injures verbales, quelque graves qu'elles fussent, elle n'a institué aucune peine publique, et s'est contentée d'accorder une action civile en dommages-intérêts devant la justice de paix (art. 18, loi du 24 août 1790, tit. 3, art. 10, § 5; arrêt de cassation 21 pluv. an 11, et 21 déc. 1815); Que la seconde ne contenait aucune disposition particulière au duel, dont le nom ne s'y trouve même pas écrit ;

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» Considérant que, du silence gardé par le code pénal de 1791 concernant le duel, et de l'abrogation des lois anciennes qui avaient pour objet de le prévenir et d'en tarir la source, en accordant aux personnes offensées une réparation judiciaire proportionnée à la gravité relative de l'insulte, on devait naturellement conclure que l'assemblée constituante n'avait voulu frapper d'aucune répression les faits résultant du duel;-Que, cependant, l'opinion contraire prétend faire sortir contre eux, de ce silence et de cette abrogation, une incrimination formelle, et que, pour le démontrer, elle se fonde: 1° Sur ce que, dans l'ancien droit antérieur à 1791, les faits résultant du duel étaient régis par le droit commun à l'égard de tous les citoyens qui n'étaient ni gentilshommes, ni gens de guerre, et que les privileges dont jouissaient les nobles et les militaires ayant été abolis au début de la révolution de 1789, le duel est retombé dès ce moment sous P'empire de la loi générale à l'égard de tous les citoyens indistinctement;

2° Sur ce qu'en tout cas, la législation spéciale relative au duel, sous l'ancienne monarchie, n'aurait été qu'une aggravation du droit commun, et que cette aggravation ayant été supprimée par le code de 1791, les actes résultant du duel se sont trouvés, de plein droit, soumis aux dispositions générales concernant l'homicide et les blessures ordinaires; - 3° Enfin, sur ce que, lors de la discussion préparatoire du code pénal de 1791, un projet de loi spéciale sur le duel ayant été présenté à l'assemblée constituante, elle l'aurait rejeté par le motif qu'elle voulait soumettre désormais les actes résultant du duel aux dispositions du droit commun;

>> Mais que, sion examine attentivement chacune de ces propositions, on s'aperçoit bientôt qu'aucune d'elles ne peut se soutenir;-Que la première est une erreur importée en France, en 1835, par la jurisprudence d'un pays voisin, qui, pour avoir fait partie de l'empire sous le règne de Napoleon, est encore régi par notre code pénal de 1810; Qu'elle n'a pas tardé à être réfutée par les cours royales de France, notamment par celle de Colmar; --- Qu'il suffit de lire les anciennes lois sur le duel, et particulièrement celle de 1679, dans son préambule et dans ses art. 1 et 14, pour se convaincre que, si elles avaient été rendues principalement en vue de la noblesse, elles n'en étaient pas moins applicables à tous les sujets du roi sans distinction; - Que, d'ailleurs, à bien réfléchir sur le genre d'incrimination dont le duel était frappé dans l'ancien droit, on est forcé de reconnaître qu'il en devait être ainsi, à moins d'une disposition expressément contraire qu'on ne rencontre nulle part; - Que le duel était

pr., Dehaussy, rap., aff. min. pub. C. Gilbert, etc.; 4 janv. 1839,

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considéré et puni alors, non comme un crime particulier, mais bien comme crime de lèse-majesté; - Que les crimes de lèse-majesté pouvaient être commis par les roturiers aussi bien que par les nobles; - Que, si le législateur avait entendu que le duel n'aurait ce caractère exorbitant qu'à l'égard de la noblesse, tandis qu'il resterait crime ordinaire à l'égard de la roture, il n'aurait pu se dispenser de s'en expliquer; et qu'en tout cas, une disparité aussi singulière, ou plutôt une bizarrerie aussi remarquable et aussi insolite, n'aurait pas manqué d'être signalée par les criminalistes de l'époque; - Que, cependant, aucun des anciens auteurs n'en a parlé, ni Jousse (Comment. sur l'ord. crim.), ni Muyart de Vouglans (Instit. et inst. crim.), ni Ferrières (Introd. à la pratique), ni d'Aguesseau (t. 8, et Corr. off.), ni Guyot (Rép. de jurisp.), ni Domat (Supp. au droit public); Qu'il y a même cela de remarquable, en ce qui concerne ce dernier jurisconsulte, qu'il traite sous la même rubrique des assassinats, des empoisonnements, des expositions d'enfants et des duels, et que, pour ce dernier crime, pas plus que pour les autres, il ne fait aucune distinction entre les gentilshommes et les roturiers; D'où la conséquence que les pénalités qu'il entraînait s'appliquaient indistinctement à toutes les classes d'individus, sauf quelques accessoires particuliers à la noblesse, et dont quelques-uns présentaient de l'analogie avec ce qui se pratiqué aujourd'hui, en justice criminelle, pour la dégradation des membres de la Légion d'honneur; - Qu'au surplus, la méprise est venue de ce qu'on a cru voir dans le tribunal des maréchaux, institué pour la noblesse et les gens de guerre, une juridiction répressive, tandis qu'elle était purement préventive; Qu'il est constant que le jugement des faits de duel, actes préliminaires et résultats compris, appartenait aux prévôts des maréchaux et aux lieutenants criminels de robe courte, concurremment avec les juges ordinaires, et à charge d'appel aux parlements; - Que tel est le sentiment de M. de Vouglans (Instit.), qui parle de ce point de compétence, non comme d'une opinion sujette à controverse, mais commed'une règle qui ne faisait pas doute;

» Que la seconde proposition, dont le but est de revenir par une autre voie à la conséquence de la première, outre qu'elle repose sur une hypothèse gratuite, ne fait, à vrai dire, que décider la question par la question;Que, pour être autorisé à prétendre que l'ancienne pénalité du duel n'était qu'une aggravation des lois ordinaires contre l'homicide, et que, par son abolition, le duel a fait retour au droit commun, il faudrait d'abord que la réalité de cette aggravation fût certaine, et, ensuite, qu'antérieurement à cette législation spéciale et aggravante, ou durant quelque intermittence qu'elle aurait subie, le duel eût été, ne fût ce qu'un seul jour ou une seule fois, assimilé à l'homicide par sa qualification, et, comme tel, puni par application des lois re.atives à l'homicide simple, ou au meurtre, ou à la tentative de ces deux crimes;-Mais que, d'une part, on ne conçoit guère, à l'égard des duels consommés ou commencés avec ou sans résultats matériels, en quoi aurait consisté cette aggravation, ni quel en aurait été le but, puisque la peine capitale était attachée à l'homicide simple comme au meurtre; Que celui-ci était même déclaré non graciable et puni de la roue, pour les nobles comme pour les roturiers; Que les mêmes pénalités frappaient les tentatives et tous ceux qui avaient aidé au crime, catégorie assez large et assez flexible pour comprendre et atteindre toute espèce de participation; Que la loi allait même jusqu'à voir un acte de complicité dans le refuge donné au coupable...;-Qu'ainsi, supplice pour supplice, le droit commun épuisant la sévérité des peines contre les homicides et les meurtriers, n'avait pas besoin d'être aggravé et ne pouvait pas l'être; - Que, si la peine du duel entraînait quelques accessoires particuliers au crime de lèse-majesté, comme, par exemple, l'impre-criptibilité de l'action publique et de la peine, il n'est pas raisonnable de penser qu'ils aient été le motif plutôt que la conséquence de l'incrimination spéciale attachée au duel; Que, d'autre part, de ce qui

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a déjà été dit précédemment, il résulte la preuve que le duel n'avait jamais appartenu au droit commun, puisque, avant de recevoir la qualification de crime de lèse-majesté qu'il a toujours conservée depuis, il était un fait qui, pour être licite, n'avait besoin que de l'autorisation du roi;-Que, si les édits, ordonnances et déclarations particuliers au duel l'avaient saisi déjà rangé dans la classe des homicides, pour lui imprimer une qualification encore plus grave, il serait juste de dire que leur abrogation a dû l'y replacer de plein droit; mais que, par une réciprocité rigoureusement logique, de ce qu'ils l'ont pris libre de toute incrimination pareille, il est nécessaire de conclure que leur abrogation l'a rendu à son premier état; - Que la raison fait de vains efforts pour comprendre comment la condition du duel aurait pu redevenir ce qu'elle n'avait jamais été; comment l'homicide commis en duel aurait pu être replacé sous l'empire du droit commun, auquel il n'avait jamais été soumis; comment, enfin, il aurait repris, au nombre des meurtres et des assassinats, un rang qu'a aucune époque il n'y avait occupé; - Qu'il ne faut pas oublier que le droit commun punissait déjà toutes les sortes d'homicides ordinaires; que l'homicide commis en duel était encore un fait légal ou autorisé; et qu'au moment où, pour la première fois, il a été frappé d'une proscription absolue, ce n'a été ni comme homicide simple ni comme meurtre, mais comme crime de lèse-majesté, en ce qu'il constituait une double

MM. Bastard, pr., Vincens, rap., int. de la loi, aff. Louisy-Le- |

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-

frère; 6 juin 1859, MM. Bastard, pr., Dehaussy; rap., int. de la

plète, et de deux années de détention dans une maison d'insensés,
qui-
conque se serait battu en combat singulier, pour le cas où aucun des com-
battants n'aurait perdu la vie; et de douze années de cachot lorsqu'il en
serait résulté un homicide;
Qu'à la suite de ce projet, le rapporteur

des comités de constitution et de législation criminelle avait consigne leur adhésion dans une note ainsi conçue: « L'usage des duels a survécu à l'institution antique et aux vertus de la chevalerie. Il en était l'abus, de même que la chevalerie errante en était le ridicule. Emprunter ce ridicule pour en faire la punition de l'abus, est un moyen plus répressit que ces peines capitales prononcées vainement contre ce crime par un roi tout-puissant, peines atroces et inefficaces tout ensemble, qui, pas une seule fois, n'ont empêché de le commettre, et qui si rarement ont été appliquées contre ceux qui s'en étaient rendus coupables; : Que l'accueil et le sort qu'obtint cette proposition sont indiqués dans les termes qui suivent « Le projet de code pénal présenté par les comités contenait plusieurs articles sur le duel on ne crut pas devoir les soumettre à la délibération; le résultat d'une conférence tenue dans les comités où s'étaient rendus un grand nombre de membres de l'assemblée, fut que le caractère français rendait inutile, dangereuse et impraticable une loi sur le duel. »

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usurpation du droit de justice et du droit de guerre qui n'appartenaient qu'aux rois; Qu'ainsi, en perdant cette incrimination temporaire, la seule dont il ait été marqué durant deux siècles et demi, sans qu'aucune autre y fût substituée, il est évident qu'il est redevenu un fait affranchi de répression, tout comme il le serait redevenu sous l'ancienne monarchie, s'il eût convenu à Louis XIV ou à Louis XV d'abroger purement et simplement les édits et ordonnances qui l'avaient précédemment érigé en crime; Qu'enfin il importe peu que l'abolition de la législation particulière au duel ait été prononcée en 1791 par une loi générale, et non par une loi spéciale, puisque, avant cette époque, il y avait un droit commun préexistant qui régissait les homicides ordinaires, et qu'à leur égard il n'y a jamais eu ni lacune ni intérim dans la législation d'aucun peuple civilisé; Qu'on peut même aller plus loin, et dire que les fails résultant du duel ne pouvaient, avant le code de 1791, être régis par le droit commun; — Que les principes de l'ancienne législation, concernant les caractères constitutifs des diverses espèces d'homicide, étaient les mêmes qu'aujourd'hui, sauf quelques variétés dans les dénominations; -Que, par l'homicide simple, appelé meurtre dans nos codes modernes, on entendait celui qui était commis dans un premier mouvement, comme dans la chaleur d'une rixe, ou dans la passion de la colère, de l'ivresse, de l'amour, ou même dans le sommeil;—Que l'homicide résultant du duel, c'est-à-dire commis après une convention préalable et de propos délibéré, ne pouvait donc pas revêtir la qualification d'homicide simple, puisqu'il manquait de la condition essentielle à celui-ci d'avoir été commis sans réflexion; Que par le meurtre, appelé aujourd'hui assassinat, on entendait l'homicide commis après délibération, ou de guet-apens ; Que les anciens criminalistes s'accordaient à reconnaître qu'il était de la nature de ce crime d'être fait avec avantage, dol et malice, et que la trahison en formait le principal caractère; Que la nature spéciale de ce crime se refusait donc aussi à toute assimilation avec l'homicide commis en duel; puisque le caractère distinctif de celui-ci était précisément d'exclure tout acte de dol, malice ou trahison, et tout avantage d'un des agresseurs vis-à-vis de l'autre ; - Que le crime autrefois qualifié assassinat, et qui consistait principalement dans l'homicide commis par mains tierces et gagnées à prix d'argent, s'éloignait encoro davantage de la nature du duel; Qu'ainsi, dans l'ancien droit criminel de la France, aucune des espèces d'homicide ordinaire ne pouvait s'assimiler l'homicide commis en duel; Que, dès lors, il n'est pas étonnant que le législateur, impuissant à le faire entrer dans aucune de ces catégories sans froisser son caractère propre, sans effacer ses traits distinctifs et sans mutiler, en quelque sorte, sa constitution particulière, en ait fait un crime d'une espèce à part; Que, si on prétendait que les actes résultant du duel, lors de l'abrogation de la législation spéciale à laquelle ils étaient soumis, ont dû tomber dans la classe des homicides ordinaires, par le seul effet de la similitude de nature existant entre eux, on s'engageait, ainsi qu'il vient d'être dit, dans une véritable pétition de principes, puisque cette prétendue similitude forme précisément le point litigieux;-Que, si elle eût existé réellement, on serait en droit de s'étonner que la loi ne l'eût pas reconnue, avant de porter contre le duel des dispositions spéciales, puis que, de tout temps, il a eu la même constitution élementaire, et que, de tout temps aussi, l'homicide ordinaire, dans toutes ses variétés, a été l'objet d'incriminations formelles; Mais que, si cette similitude n'a jamais existé sous l'ancienne législation, elle n'a pas pu naître tout à coup, lors de l'émission du code pénal de 1791, par la raison péremptoire que la législation nouvelle, bien qu'elle ait changé quelques dénominations, et se trouvait ainsi hors d'état de faire au caractère particu minations dans les spécialités de l'homicide, n'a rien innové aux anciens principes concernant les caractères propres à chacune d'elles; - Que les crimes qu'elle a qualifiés meurtres et assassinats ont continué à se composer des mèmes éléments et des mêmes conditions que l'homicide simple et le meurtre d'autrefois; - Que, sur ce point, il ne s'est jusqu'aujourd'hui élevé aucune controverse, et qu'il ne parait pas possible qu'il donne jamais lieu à aucune divergence d'opinions; Qu'ainsi, ce qui vient d'etre dit de l'ancien droit criminel s'appliquant aussi au nouveau, démontre suffisamment qu'en 1791, pas plus qu'antérieurement, l'homicide ordinaire n'a pu absorber de plein droit l'homicide commis en duel;

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>> Considérant qu'il reste à examiner si, comme on l'a dit, le législateur de 1791, en rejetant un projet de dispositions particulières au duel, a manifesté l'intention de soumettre celui-ci aux prohibitions du droit commun; Que cette assertion, reproduite à plusieurs reprises, sous des formes successivement moins affirmatives, n'a jamais pu s'autoriser d'aucun renseignement d'un caractère officiel;-Qu'ainsi elle paraît dépourvue de ce qui pourrait lui donner la valeur d'un argument juridique. Mais qu'elle est de plus en contradiction avec un document historique dont la vérité semble d'autant moins suspecte que l'auteur du livre où il est consigné atteste que ses matériaux ont été puisés à des sources plus sûres el plus abondantes que le Moniteur lui-même (V. Choix de rapports, opinions et discours prononcés à la tribune nationale, t. 1, préface, dernière page, et t. 6, p. 416); - Que les dispositions proposées contre le duel, formulées en sept articles, avaient pour objet de punir d'une exposition, eu place publique, durant deux heures, dans un costume d'armure com

» Qu'à bien réfléchir sur les termes de cette relation, quelque succincts qu'ils soient, il est bien difficile de n'y pas voir la preuve d'une intention en tous points contraire à celle qui a été attribuée au législateur de 1791; -Qu'évidemment on ne peut pas dire que c'est d'une loi spéciale sur le duel que n'a pas voulu l'assemblée constituante, puisque c'est une loi, une loi quelconque sur le duel qu'elle a déclarée impraticable et dangereuse, ni qu'elle a refusé de faire une loi spéciale, par le motif que l'elat de la société n'était plus le même, puisqu'elle déclare que le caractère français (qui, de l'aveu de ses comités, avait bravé les peines capitales sous l'ancien régime) rendait inutile une loi sur cette matière, et que, par cette loi elle ne pouvait entendre qu'une loi répressive; - Ni qu'elie s'est décidée au rejet du projet, par la raison que le duel en lui-même et isolé de ses suites n'aurait plus le même caractère qu'autrefois, c'est-àdire celui de lèse-majesté, ce qui ferait supposer que ce projet ne portait que sur la provocation au duel, l'abstraction faite de ses résultats, puisque, au contraire, il avait en vue le duel consommé, tellement qu'il n'y était pas question du simple cartel non suivi de combat; - Ni, enfin, qu'au lieu de régir le duel par la loi proposée, elle a mieux aimé le soumettre aux dispositions générales du droit commun, lorsque du droit commun il n'a pas été dit un seul mot; lorsque ce droit commun aurait eu pour effet logique de transformer en assassinats ou tentatives d'assassi nat tous les actes du duel consommé, avec ou sans résultats matériels, actes pourtant que la loi proposée n'avait qualifiés ni crimes ni délits;Que les comités, par l'organe de leur rapporteur, avaient appelés abus, et dont la répression, par l'exposition publique et une simple détention temporaire venait d'être jugée impraticable et dangereuse, eu égard an caractère français; Lorsque ce droit commun devait ramener l'applica cation des peines capitales des anciens édits, peines que les comites de l'assemblée constituante avaient qualifiées d'atroces à l'egard des duels; qu'ils avaient accusées de n'en avoir pas empêché un seul, et de ne les avoir presque jamais réprimés ; — Lorsque ce droit commun. plus in flexible dans ses prescriptions qu'aucun de ceux qui l'ont précédé et suivi, n'accordait aux juges chargés de son application aucune latitude pour modération des peines, aux jurés aucun pouvoir pour atténuer les incri

B

lier du duel les concessions dont l'équité, aujourd'hui mème, n'est contestée par personne. --Lorsque, enfin, pour l'assimilation du duel avec l'assassinat, et en continuant à le frapper du dernier supplice, aptes que lui-même avait aboli les anciennes juridictions préventives; apres qu'il avait abrogé les lois si fortement répressives de cette nature d'effenses qui poussent aux combats singuliers; après qu'il avait fermé ainsi les seules voies ouvertes, si peu fréquentées qu'elles fussent, aux satisfie tions légales graduées sur l'offense, le législateur de 1791 aurait veritablement dépassé la rigueur des anciens édits, et se serait mis en contra diction flagrante avec le blâme énergique dont il venait de les couvrir lui-même; Que, s'il y a quelque chose d'inconciliable avec les intentions manifestées en cette circonstance par l'assemblée constituante & avec l'esprit général du rapport qui a précédé l'émission du code pénal de 1791, c'est, sans contredit, la pensée de régir les actes du duel par droit commun, et d'adopter ainsi un système qui, à cette époque plus en core qu'aujourd'hui, et faute d'aucun moyen d'atténuation, devait avoir pour conséquence inevitable le retour aux expédients de l'ancien régime el à ses pénalités qu'elle accusait tout à la fois d'atrocité et d'impuissance; >>Qu'en vain on s'efforcerait d'expliquer en faveur de ce système le silence gardé par l'auteur du projet de loi, après que les comités de constitution et de législation l'eurent rejeté; - Que ce silence s'explique comme forcé, par la circonstance que le rejet, bien que résolu dans les comités, était l'ouvrage, non-seulement des membres qui les composent, mais encore d'un grand nombre d'autres membres de l'assemblée qui s'y étaient rendus; Que s'obstiner à reproduire en séance publique une proposition

be

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