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11-15 julli. 1847.-Loi sur les irrigations (D. P. 47. 3. 120). -V. Servitude.

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25-30 mars 1852. — Décret sur la décentralisation administrative qui augmente d'une manière notable les attributions des préfets relativement aux cours d'eau (V. tabl. A, 51°; tabl. D, 1o à 7o, V. D. P. 52. 4. 90). CHAP. 2. DES EAUX Navigables et flottables. 34. On a vu no 4 que la mer n'était à personne, et on a cherché à indiquer les limites de la souveraineté de chaque peuple (V. aussi Domaine public, n° 26).—Quant aux rivages, et aux droits de propriété dont ils peuvent être l'objet, quelques arrêts s'en sont occupés. Ce sont notamment : Req. 23 juin 1830, aff. Rion, V. Propriété; 4 mai 1836, aff. préf. de la Charente-Inférieure, V. eod.; 22 juill. 1841, aff. préf. de l'Eure, V. eod. V. aussi sur ce point v° Domaine public, no 26 et suiv., où l'on indique la limite des rivages de la mer.- Enfin, relativement aux lais et relais, il en est parlé avec étendue vo Domaine, nos 160 et suiv., V. aussi vo Propriété. — On parlera plus particulièrement ici des cours d'eau intérieurs.

SECT. 1. Des rivières navigables.

35. Les rivières navigables sont celles qui portent des bateaux, trains ou radeaux, soit de leurs fonds, soit à l'aide d'ouvrages d'art; il n'en était pas ainsi sous l'ordonn. de 1669 (V. cette ordonnance, vo Forêts, p. 15 et suiv.). L'art. 41, tit. 27 de l'ordonnance porte: « Déclarons la propriété de tous les fleuves et rivières portant bateaux de leurs fonds, sans artifice et ouvrage de main, dans notre royaume et terres de notre obéissance, faire partie du domaine de notre couronne, nonobstant tous titres et possessions contraires, sauf les droits de pêche, moulins, bacs et autres usages, que les particuliers peuvent y avoir par litres et possessions valables auxquels ils seront maintenus » (V. n° 71, les conséquences de ces dispositions dans les art. 42 et suiv. de la dite ordonn.). Ainsi, dans le siècle de Louis XIV,

la science n'avait pas le pouvoir de conférer à une rivière le caractère navigable, comme si la navigabilité était un fait qu'on pût impunément méconnaître lorsqu'il était le résultat des travaux de l'homme.

36. Les fleuves et rivières navigables et flottables ont de tous temps fait partie du domaine du souverain, mais ils ne font réellement une partie inhérente du domaine public que depuis le seizième siècle.-V. Dom. pub., no 24; V. aussi v° Concession, nos 41 et suiv.

37. Nous avons fait ressortir dans l'historique le changement radical introduit dans la législation par les ord. de 1669 et 1683, nous avons dit qu'avant cette époque, les souverains étaient propriétaires des fleuves, comme d'une forêt, comme d'un château royal; depuis ces ordonnances, ils n'ont plus eu sur les fleuves qu'un droit résultant du titre de la souveraineté, ce qui est fort différent. La souveraineté cessant, la propriété s'effaçait. Le souverain peut disparaître; le fleuve coule toujours. Dans la pensée politique de l'ordonnance, le roi ne voulait probablement qu'écarter les prétentions des seigneurs à la propriété des rivières, en déclarant que cette propriété lui était dévolue par le titre seul de la souveraineté. Mais ce principe avait pour conséquence d'altérer le caractère de la propriété et de transformer le souverain en simple dépositaire et administrateur d'une chose commune. Ce système s'enchaînait parfaitement d'ailleurs avec l'ordonnance de 1566 qui déclarait le domaine de la couronne inaliénable et imprescriptible; ordonnance précieuse, puisque sa disposition fondamentale sauvegardait à toujours le domaine de la nation des folles prodigalités des rois. Mais, à cette époque de 1566, on n'avait pas encore imaginé de distinction entre les domaines qui appartenaient à la couronne à titre de propriété, et ceux qui, comme les grands chemins, les fleuves, les ports, les rades, dérivent seulement de la souveraineté. Ce principe ne date que des ordonn. de 1669, 1683, 1693 et 1710 (V. Domaine public, no 4). Du reste, il s'est écoulé beaucoup de temps avant que ce principe ait pris racine en France. Les agents du roi et le fisc tendaient toujours à considérer le roi comme ayant la propriété pleine et entière de tous les biens sans distinction, et ce qui prouve la difficulté que la règle nouvelle avait à s'établir, ce sont les remontrances de quelques parlements, et particulièrement de celui de Bordeaux du 30 juin 1766, vingt-trois ans seulement avant notre TOME XIX.

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grande révolution.-« Il y a, dit ce parlement, des biens appar tenant en commun à la nation, tels que les rivières, les rivages' de la mer et dont la garde et la conservation sont l'attribut de la souveraineté. Il n'était pas besoin de lois pour déclarer ces biens inaliénables, parce qu'ils le sont par leur nature... Ce n'est pas une véritable propriété dans la main du souverain, mais plutôt un dépôt qui lui a été confié de la chose publique ou commune, pour la conserver, la protéger, pour la rendre plus utile à tous ses sujets. »

C'est l'assemblée constituante ou plutôt c'est la révolution française qui a fait entrer ce principe conservateur dans l'esprit général de la nation comme une vérité populaire. Par la loi du 22 novembre 1790, elle rangea les rivières dans les dépendances du domaine public, et par celle du 28 sept. 1791, elle déclara (art. 4, sect. 1 du tit. 1) que nul ne pouvait se prétendre propriétaire exclusif d'une rivière navigable et flottable (V. Droit rural, p. 203), principe qui a été appliqué aux canaux navigables. 38. En droit romain, on regardait comme navigables même les rivières qui ne portaient que des radeaux, rates; on comprenait les radeaux sous le nom de navires. Navigii appellatione etiam rates continentur, quia plerumque et ratium usus necessarius est (L. 43, D., et L. 1, § 4, De flum.).— Lapoix de Fréminville (t. 4, p. 436) dit qu'il n'est pas nécessaire qu'une rivière porte bateau pour être réputée navigable et pour faire partie dès lors du domaine public. Il cite l'exemple de la Garonne, qui ne porte bateau que dans une partie de son cours, en raison des rochers qui l'entravent et de la rapidité de ses eaux (arr. du cons. 9 nov. 1694). Ce qui fait, dit-il, que l'on se sert de radeaux qui transportent les marchandises; aujourd'hui les bateaux à vapeur ont remplacé presque partout les radeaux d'autrefois. Du reste la meilleure citation à produire à cet égard c'est la loi même, c'est l'ordonnance de 1669 qui, dans plusieurs de ses dispositions, range sur la même ligne les rivières navigables et flottables, et se sert de ces deux expressions comme constituant le caractère essentiel des eaux faisant partie du domaine public.

39. Mais pour qu'une rivière puisse acquérir le caractère de navigabilité, il ne suffirait pas que les bateaux ou radeaux effectuassent des transports en traversant d'une rive à l'autre; il faut que ces bateaux ou radeaux se rendent d'un port à un autre, soit en suivant, soit en remontant le fil de l'eau; il faut enfin que les transports effectués par les bateaux ou radeaux nécessitent l'établissement d'un halage, d'un port ou quai, ou de tous autres accessoires d'une navigation véritable. Ainsi l'établissement d'un bac sur un cours d'eau, et qui traverserait d'une rive à l'autre, ne saurait, par lui seul, faire considérer ce cours d'eau comme navigable. C'est l'opinion de tous les auteurs. Il ne suffit même pas qu'une rivière porte des batelets ou bacs pour le passage des personnes ou voitures, il faut qu'elle puisse être parcourue dans un espace assez considérable pour faire l'office de chemin, et servir de moyen de transport. - V. MM. Garnier, t. 1, p. 42, et Daviel, t. 1, p. 30.

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40. L'administration tend à faire rentrer, autant que la chose est possible, toutes les rivières dans les dépendances du domaine public, et la jurisprudence administrative suit aussi cette direction. Mais cette prétention est en opposition avec la législation dont nous avons rapporté les textes, et avec les discussions qui ont eu lieu dans les chambres lors de la présentation de la loi sur la pêche fluviale. Le rapporteur a dit : « Il résulte évidemment de la disposition qui se trouve dans l'art. 1, qu'il ne suffit pas, pour qu'une rivière soit déclarée navigable ou flottable, et que le droit de pêche en soit dévolu à l'État, qu'elle ne puisse être traversée qu'en bateau; il faut, en outre, qu'on puisse y naviguer librement, y circuler en bateaux, trains ou radeaux, au moins pendant une partie de l'année, depuis le point où elle aura été déclarée navigable jusqu'à son embouchure. » Le rapporteur cependant a peut-être été un peu loin en disant jusqu'à son embouchure. Ainsi la Loire pourrait être navigable de Nevers à Orléans, et ne pas l'être du tout d'Orléans à Nantes, par suite d'un événement quelconque; pendant les grandes chaleurs il arrive souvent qu'elle n'est pas navigable, et cette innavigabilité dure quelquefois quatre à cinq mois; or ce serait toujours une rivière navigable, puisqu'elle porterait bateaux et radeaux servant au

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commerce entre ces deux villes.-La Garonne n'en est pas moins une rivière navigable, quoique des rochers et la rapidité de son cours empêchent d'y naviguer librement dans quelques parties. 41. Les fleuves sont inaliénables et par suite imprescriptibles. Si les eaux d'un fleuve, soit par changement de lit, soit par d'autres causes, ont inondé des terres, suffit-il que l'inondation ait duré pendant trente ans, pour que les propriétaires de terres ne soient pas fondés à les réclamer contre l'État?—v. Prescription.

42. Nous avons posé en principe que le terrain que les eaux couvrent sans débordement, est considéré comme faisant partie du lit de la rivière (L. 3, D., De flum., V. no 16). La jurisprudence a toujours décidé la question dans ce sens.—Ainsi il a été jugé que la limite du lit d'un fleuve, c'est-à-dire le point où finit la propriété du domaine public, se détermine par la hauteur des plus grandes eaux du fleuve au moment où, coulant à pleins bords, il ne pourrait monter davantage sans commencer à déborder, et non par

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(1) Espèce: (Combalot C. l'État.) - En 1826, l'État ayant fait construire sur la rive gauche du Rhône, dans la traversée de Lyon, une digue submersible, le sieur Combalot, propriétaire riverain. prétendit que l'emplacement occupé par cette digue faisait autrefois partie de son terrain, et réclama une indemnité pour la valeur de la portion dont il se trouvait ainsi privé: il se fondait sur ce que les plus hautes eaux du fleuve, dans son état normal, n'atteignaient pas l'emplacement dont il s'agit, qui n'était inondé qu'en cas de débordements et d'inondations. L'État répondit que la limite du fleuve, formant la ligne séparative des propriétés privées, devait être déterminée par la plus grande hauteur des eaux navigables pour le halage, et il articulait, en fait, que cette navigation était encore possible à 3 mètres au-dessus de l'étiage, et qu'à cette hauteur le fleuve inondait le terrain que le sieur Combalot considérait comme dépendance de sa propriété. - 1er fév. 1840, jugement du tribunal de Lyon qui rejette la demande du sieur Combalot, en ces termes : -«Attendu que l'État soutient que, tant qu'une rivière est navigable en remonte, on ne peut la considérer comme débordée; que cela est surtout vrai pour un fleuve aussi rapide que le Rhône, sur lequel cette navigation est plus tôt arrêtée; qu'ainsi, ce fleuve étant régulièrement navigable pour le halage à 3 mètres au-dessus de l'étiage, l'espace couvert alors par les eaux constitue le lit du fleuve et la propriété de l'État; que Combalot, sans présenter sur ce point de règle précise, se prévaut de deux avis d'ingénieurs des ponts et chaussées, qui lui attribuent, l'un tout ce que ne couvrent pas les eaux arrivées à 60 centimètres au-dessus de l'étiage; l'autre, tout ce qu'elles ne couvrent pas élevées à 1 mèt. 50 centim.; Que la prétention de Combalot ne peut être accueillie; qu'elle ne repose sur rien de fixe; que rien n'empêcherait qu'un troisième ingénieur adoptât une troisième base; que la propriété, soit de l'État, soit des riverains, serait ainsi livrée à un complet arbitraire; qu'il est indispensable de reconnaître en ce point une règle fixe et d'une application générale; Que deux systèmes seulement peuvent être présentés, celui soutenu par l'État, qui donne pour régulateur les eaux navigables en remonte, et celui qui donnerait pour règle la hauteur moyenne des eaux ; Que ces deux systèmes auraient dans la cause à peu près les mêmes conséquences, les plus hautes eaux du Rhône, allant à 5 mèt. 25 centim., ce qui donnerait une moyenne de 2 mèt. 62 centim.; mais que, dans l'application générale, une telle règle aurait pour résultat dans certains cas l'envahissement de la propriété riveraine par celle de l'État, et réciproquement dans l'autre, la restriction injuste de cette dernière; Qu'il serait d'ailleurs difficile de considérer l'expression eaux moyennes comme l'équivalent du flumen plenissimum que la loi romaine a adopté et dont tous les auteurs ont fait le point de départ de leurs opinions; Attendu que les fleuves étant abandonnés à l'État pour les besoins de la navigation, il est raisonnable de placer la limite de son droit là où finit l'usage même qui lui a donné naissance; Attendu que, si l'on admettait que la proprieté publique ne va pas jusqu'au halage, et si l'on reconnaissait au propriétaire riverain le droit d'établir des ouvrages fixes entre le halage et la rivière, on arriverait à empêcher l'exercice de la servitude légale de halage et de marchepied, et arrêter ainsi la navigation; que si, au contraire, on refusait ce droit au riverain, on lui attribuerait une propriété inutile, car le terrain placé entre le halage et la rivière ne peut évidemment être employé à aucun usage, tant que s'exerce la servitude; Attendu qu'il suffit de se transporter sur la rive du Rhône pour reconnaître que ses eaux étant à 3 mét. au-dessus de l'étiage, il n'y a pas inondation...; Par ces motifs, etc. » — Appel. Arrêt.

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LA COUR; En droit:- Attendu que les fleuves et rivières navigables et flottables n'étant pas susceptibles d'une propriété privée, sont considérés comme des dépendances du domaine public; que, par conséquent, il en est de même de leur lit; Attendu que tout cours d'eau a une me. sure normale de croissance ou de décroissance qui règle naturellement l'étendue du lit qui le renferme et le contient; qu'ainsi son lit ne comprend pas seulement le sol couvert par les eaux d'une manière perma

la hauteur moyenne des eaux, ni par celle où le fleuve est encore navigable par le halage (Lyon, 25 fév. 1843) (1).—Et c'est avec beaucoup de raison que la cour a dit « que tout cours d'eau a une mesure normale de croissance ou de décroissance, qui sert de régulateur naturel à l'étendue du lit qui le renferme. Le cours d'eau, en effet, embrasse, comme une dépendance nécessaire, les parties du sol alternativement couvertes ou découvertes, suivant la crue ou l'abaissement des eaux, sauf le cas de débordement qui constitue une exception hors règle. Ces parties du sol, ainsi soumises à l'habitude du retour des eaux, sont en général frappées d'une stérilité absolue, caractère essentiel de leur sujétion; et leurs limites se manifestent au contraire par un revêtissement de végétation auquel on reconnaît que là finit la domination habituelle du fleuve. ))- -Il est impossible de mieux déterminer

la limite véritable du lit des fleuves.

43. Dans le même sens, il a été décidé que la délimitation du lit d'un fleuve ou d'une rivière navigable, c'est-à-dire le point où

nente, ce qui en restreindrait les limites aux lignes baignées par les plus basses eaux; qu'il embrasse, comme une dépendance nécessaire, les parties du sol alternativement couvertes et découvertes, suivant la crue ou l'abaissement des eaux, sauf toutefois les cas de débordement; que ces parties du sol, ainsi soumises à l'habitude du retour des eaux, sont en général frappées d'une stérilité absolue, caractère essentiel de leur sujétion; que leurs limites se manifestent au contraire presque toujours par un revétissement de végétation, auquel on reconnaît que la finit la domination babituelle et normale du fleuve; qu'en un mot, le lit d'un fleure ou d'une rivière comprend toute la partie du sol sur lequel se répand son cours, lorsque le fleuve ou la rivière coule à pleins bords, c'est-à-dire lorsque les eaux s'élèvent au point au-dessus duquel elles ne peuvent monter sans commencer à déborder; Attendu que c'est cette ligne extrême qui marque l'élévation normale des eaux, et qu'elle doit être considérée, par conséquent, comme la ligne séparative du domaine public et des propriétés riveraines; - Attendu qu'en cas de contestations entre l'État et les propriétaires sur les limites du domaine public et du domaine privé, on doit prendre pour règle cette ligne des plus hautes eaux sans débordement, puisque c'est jusqu'à cette ligne extrême que le fleuve porte la rigoureuse action de son empire; qu'on ne saurait adopter en effet la ligne marquée par la hauteur moyenne des eaux, car ce serait substituer une ligne de démarcation toute fictive, et dès lors arbitraire, à celle que la nature elle-même a tracée; Attendu que la règle des plus hautes eaux sans débordement est d'une application facile sur les terrains d'une configuration plane, au travers desquels un fleuve a marqué son cours régulier et ses rives; qu'elle présente seulement quelques difficultés dans son application, soit aux lieux où l'élévation naturelle des berges domine et contient le cours du fleuve, soit aux lieux où des changements opérés par des travaux d'art motivent de la part des propriétaires riverains une action en indemnité contre l'État, auteur de ces travaux, et où il s'agil de rechercher la ligne antérieure de séparation entre les propriétés privées et la propriété domaniale; - Attendu que, dans ces deux hypothèses, on ne saurait étendre la limite du domaine public à la ligne où arrivent en de pareils lieux les plus hautes eaux possibles, car ce serait admettre, contrairement aux lois mêmes de la nature, qu'il y a deux principes of posés qui règlent les limites des dépendances du fleuve; que ce qui sera considéré comme crue accidentelle extraordinaire sur un point, devra être réputé être une crue ordinaire et régulière sur un autre point, non pas suivant les habitudes du fleuve, mais suivant la configuration variée de ses rives; - Qu'il faut donc, en de tels lieux, marquer seulement l'élération normale des plus hautes eaux par la ligné extrême qu'elles atteiguen", lorsque ses rives bornant un terrain à surface plane, soit en amont, sagt en aval, le fleuve coule à pleins bords et ne peut croître encore sans commencer à déborder; que si c'est là en effet le type régulateur des plus grandes crues normales, on ne peut comprendre dans les dépendances da leuve que les parties du sol qui sont dans cette mesure soumises à l'action rigoureuse des eaux, sujettes à l'habitude de leur retour vers la ligne ou commence la végétation; Que rien n'établit, quant à présent, si les eaux du Rhône, dans la traversée du Rhône, en aval du pont de la Guillotière, sont débordées lorsqu'elles arrivent à 3 mètres au-dessus de l'etage marqué sur l'échelle qui est gravée sur l'une des arches du pont de la Guillotière; Par ces motifs, réformant, en ce que le tribunal aurait admis comme un fait dès à présent certain qu'à 3 mètres au-dessus de Tétrage il n'y a pas inondation, ni débordement, dit qu'il a été mal jugé; rendant droit sur les conclusions des parties, ordonne, avant de faire droit aux parties, qu'il sera par experts vérifié quel était en 1826, sur le terrain litigieux, le point auquel s'élèvent les eaux lorsque, soit en amont, soit en aval, des travaux exécutés dans la traversée de Lyon, le Rhone coule à pleins bords et ne peut croître davantage sans qu'il y ait déborde ment; pour après le rapport étre statué ce qui appartiendra, etc.

Du 25 fév. 1843.-C. de Lyon.-M. Acher, pr

finit le domaine public, se fixe par la hauteur des plus grandes eaux du fleuve, au moment où, coulant à pleins bords, il ne pourrait grossir encore sans déborder; qu'il n'y a pas lieu de distinguer si cette hauteur des eaux est due à l'influence des marées ordinaires ou des pluies (Rouen, 31 juill. 1844 (1), et sur le pourvoi, Req. 9 juill. 1846, D. P. 46. 1. 270. Conf. Lyon, 10 janv. 1849, aff. Combalot, D. P. 49. 2. 148).

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LA COUR; Attendu que, par les motifs de son arrêt interlocutoire du 16 déc. 1842, la cour décide en principe que le lit d'un fleuve est, comme le fleuve lui même, inaliénable et imprescriptible, et que, par suite, les titres et la possession de Vauchel seraient impuissants pour lui attribuer la propriété du terre-plein litigieux, si ce terre-plein constituait une anticipation sur le lit de la Seine; Attendu que la cour, ne trouvant pas alors dans les documents du procès les éléments propres à former sa conviction sur ce dernier point, confia à des experts la mission de faire les recherches et les constatations nécessaires pour éclairer sa religion; qu'en admettant donc en principe, et d'une manière définitive, l'imprescriptibilité du lit du fleuve, l'application de ce principe étant subordonnée au point de fait soumis à la vérification des experts, la cour n'avait point à s'en occuper d'une manière explicite dans le dispositif de son arrêt interlocutoire; Attendu qu'il importe, dès lors, de rechercher si le terre-plein revendiqué par Vauchel a ou n'a pas les caractères d'une anticipation sur le lit de la Seine; - Attendu, toutefois, qu'avant de confier aux experts la mission de donner leur avis sur le fait de l'anticipation alléguée, la cour s'exprime sur la limite du fleuve dans les termes suivants : « Jugé que l'ancienne limite du fleuve doit être déterminée par la ligne qu'atteignent les eaux moyennes; » Attendu que les parties étant en désaccord sur ce que l'on doit entendre par la limite du fleuve, il importe de fixer d'abord, d'après les principes de la matière, le véritable sens de cette disposition de l'arrêt interlocutoire ; Attendu que, s'agissant de rechercher si le terre-plein litigieux constitue une anticipa tion sur le lit de la Seine, il n'est pas douteux que la cour n'a pu avoir la pensée d'assigner aux eaux une limite qui ne respecterait pas, dans toutes ses parties, le lit de ce fleuve, et que, par les expressions eaux moyennes, elle a voulu seulement éviter les points extrêmes d'étiage ou d'inondation; qu'il faut donc examiner en principe ce qu'on doit entendre par le lit d'un fleuve; Attendu qu'aucune disposition des lois françaises ne s'étant prononcée sur ce point, les auteurs reconnaissent unanimement que c'est à la loi romaine, comme raison écrite, qu'il convient d'emprunter des règles de décision; qu'en l'absence de toute espèce de disposition des lois françaises, ces règles doivent être en effet suivies;

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Attendu que la loi romaine considère comme rive ce qui contient la riviere coulant à pleins bords: Ripa ea putatur esse, quæ plenissimum flumen continet (L. 3, ff. De flum.); Attendu que le lit d'une rivière étant limité par la rive, il est donc évident que ce lit se compose de toute cette partie du sol qui contient les eaux coulant à pleins bords; que la ligne indiquant la limite d'un fleuve qui serait autre que la rive elle-même, ne pourrait, en effet, se concevoir, puisqu'aucune partie du lit du fleuve où l'action des eaux se fait sentir sans débordement, ne peut être utilement conquise au préjudice du fleuve, sans une intervention violente de l'homme qui l'oblige à porter ailleurs l'action de ses eaux; Attendu que ces principes sont généraux et s'appliquent à toutes les rivières navigables sans distinction, que la marée s'y fasse ou non sentir; que les eaux ne franchissent la limite de leur lit que lorsqu'elles commencent à déborder, que, sur ce point encore, la loi romaine ne laisse aucun doute; qu'on lit en effet ce qui suit dans la loi première, § 5, ff. De flum. : « Ripa autem rectè definietur, id quod flumen continet naturalem rigorem cursùs sui tenens. Cæterum si quando vel imbribus, vel mari, vel quâ aliâ ratione ad tempus excrevit, ripas non mutat! Nemo denique dixit Nilum qui incremento suo Egyptum operit, ripas suas mutare vel ampliare; » - Qu'ainsi les rives ne varient pas, quoique, par l'effet des pluies, de la marée ou de quelque autre cause passagère, la rivière déborde; - Attendu que la limite se fixe dès lors en pareil cas, abstraction faite des eaux débordées, mais de celles-là seulement; que, si le débordement n'a pas lieu, la loi ne fait pas plus abstraction de la marée que des pluies et autres causes accidentelles qui augmentent le volume des eaux; Attendu que, par

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de rétrécir le lit à l'aide d'une possession que le temps ou la négligence des surveillants et de l'autorité finirait par légitimer.Il résulte de là que le riverain ne peut faire valoir la question de propriété, devant les tribunaux ordinaires, à l'encontre de l'administration, qui a déclaré qu'un terrain fait partie du lit du fleuve. Cette exception au droit commun est justifiée par la nécessité de conserver le domaine public inaltérable au moyen de son double caractère d'inaliénabilité et d'imprescriptibilité (Conf. v° Domaine pub., no 79 et s.).—C'est en application de ces principes qu'il a été jugé qu'il n'appartient qu'à l'administration de prononcer sur l'étendue et la limite du lit des fleuves et rivières navigables (cons. d'Ét. 4 mars 1843; 6 juin 1844 (2); 31 mars 1847, aff. Balias, D. P. 48. 3. 4; Lyon, 26 mai 1847, D. P. 47. forme d'exemple, et ce qui prouve d'autant plus que l'on ne doit faire abstraction que des eaux débordées pour limiter le lit d'une rivière ou d'un fleuve, la loi cite le Nil, dont personne n'a jamais prétendu que les rives dussent changer, quoique les eaux croissent en certain temps jusqu'à couvrir une partie de l'Égypte; - Attendu que le langage de la loi, à l'égard de la marée et des pluies, est le même, et qu'elle ne s'en occupe que dans l'hypothèse de débordement; qu'il est impossible, en effet, de faire abstraction des pluies lorsqu'il n'y a pas débordement, et que l'on ne doit pas davantage, puisque la loi ne distingue pas, faire abstraction de la marée ou de toute autre cause accidentelle ayant pour résultat l'augmentation du volume des eaux; Attendu que l'on doit tenir pour constant que le lit d'un fleuve embrasse toute la partie du sol dominé par les eaux, y compris les bords qui les contiennent lorsqu'elles sont à leur point le plus élevé sans débordement, et qu'il n'importe pas que le volume en soit augmenté par la marée, par les pluies, ou par toute autre cause accidentelle;

Attendu en fait que, d'après la ligne assignée par les experts aux eaux coulant à pleins bords, ligne qui, aux termes des principes précédemment rappelés, doit être considérée comme étant la limite du lit de la Seine, le terre-plein litigieux constitue une anticipation sur le lit de ce fleuve;Attendu que le rapport des experts est régulier, et mérite la confiance de la cour; Par ces motifs, homologue le rapport des experts; dit que le terre-plein litigieux constitue une anticipation sur le lit de la Seine; juge que le principe de l'imprescriptibilité du lit de ce fleuve, admis par l'arrêt interlocutoire, reçoit dès lors son application; déclare Vauchel non recevable et mal fondé dans son action, l'en déboute, et le condamne à l'amende et aux dépens des causes principale et d'appel.

Du 31 juill. 1844.-C. de Rouen, 2 ch.-M. Renard, pr.

(2) 1 Espèce: (Alibert.) Des entrepreneurs de travaux publics avaient été autorisés à extraire des graviers du lit de la Garonne, en un point voisin de la propriété du sieur Alibert, et contigu au fonds-ferme appartenant à ce dernier. Le sieur Alibert actionna l'administration en dommages-intérêts, prétendant que, si les graviers n'étaient pas définitivement incorporés à sa propriété par alluvion, il croyait avoir à leur égard un droit de domaine utile, suffisant pour faire accueillir sa demande. Le préfet répondit que ce terrain dépendait du lit de la rivière, et opposa un déclinatoire fondé sur ce que les contestations relatives aux fleuves et rivières navigables étaient de la compétence exclusive de l'autorité administrative.

Ce déclinatoire fut rejeté par jugement du tribnnal de Marmande du 21 fév. 1843, ainsi motivé: « Attendu que, pour bien apprécier le mérite du déclinatoire proposé, il est indispensable de reconnaître et de préciser d'abord la nature de la demande du sieur Alibert; que si cette demande ne se réfère qu'au droit de propriété sur le gravier formant le bordage du terrain-ferme ou de l'ancienne propriété dudit Alibert, le déclinatoire proposé par M. le préfet devra être écarté; que si, au contraire, il ne se réfère qu'à des servitudes ou à des droits d'usage dans l'intérêt de la navigation sur ce même bordage, ce déclinatoire devra être accueilli, par la raison que la loi confère à l'administration le droit d'user de ce terrain dans l'intérêt de la navigation, et que, d'autre part, l'exercice de ce droit doit être exclusivement réglé par l'autorité administrative et non par l'autorité judiciaire; - Attendu qu'il est reconnu par le sieur Alibert et par M. le préfet, qu'il est même établi par les documents produits au procès, que le bordage ou gravier dont il s'agit, et qui donne lieu à la contestation, se trouve couvert par les eaux du fleuve, toutes les fois qu'il coule à plein bord et pendant certaines saisons de l'année, même avant tout débordement, ce qui fait que ce terrain ou gravier ne peut être considéré comme une alluvion définitivement acquise au sieur Alibert, et que, par conséquent, l'administration conserve le droit de faire sur ce terrain tous les travaux et dispositions qu'elle juge convenables au bien-être de la navigation, sans néanmoins qu'elle-même ou l'État puissent, en aucune manière, s'en attribuer le domaine utile, le propriétaire du fonds-ferme étant toujours, et dans tous les instants, propriétaire de tout le terrain jusqu'au flot, sauf les droits de servitude et d'usage dans l'intérêt exclusif de la navigation qui demeurent réservés à l'administration tant que l'alluvion n'est pas arrivée au dernier degré d'exhaussement et de perfection qui Fincorpore définitivement au terrain

EAUX.-CHAP. 2, SECT. 1.

4. 90; Orléans, 28 février 1850, aff. Poulain, D. P. 50. 2.
Conf. tribunal des conflits, 3 avril 1850, aff. Des-

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marquet, D. P. 50. 3. 49); —Qu'en conséquence, les tribunaur sont incompétents pour décider si des graviers couverts par les vienne se défendre, en disant que le terrain qu'il a pris lui appartient, et que la cause se présente sous un tel aspect qu'il soit besoin, avant tout, de fixer les limites et la largeur du chemin ! Voilà encore une question préjudicielle se présente tout à fait distincte, tout à fait séparée de la préjudicielle qui ne pourra être jugée que par l'autorité administrative.Et pourquoi ? C'est que, d'abord, dans l'un et l'autre cas, la question question principale, appartenant à une autre nature, à une autre sphère d'idées et de lois, et par cela même dévolue à une juridiction différente; c'est qu'ensuite, dans tous ces cas, il y a des textes de lois précis et formels, qui ne permettent pas aux tribunaux civils de s'immiscer dans la connaissance de ces sortes de questions, et qui les attribuent à la juridiction administrative. Mais, dans notre espèce, rien de tout cela. Loin que la question qu'il a convenu à M. le préfet d'appeler préjudicielle soit distincte de la question de propriété qui a été portée par le sieur Monsarrat devant le tribunal de première instance de Bordeaux; loin lois, il est vrai de dire, au contraire, que les deux questions se lient inqu'elle appartienne à une autre nature, à une autre sphère d'idées et de timement, selon l'expression de M. le préfet; et nous ajoutons, nous, pour parler avec plus d'exactitude, que la liaison est tellement intime, que les deux questions n'en font qu'une. Comment, en effet, concevoir qu'il soit possible de déterminer la limite du fleuve sans déterminer, en même temps et par cela même, la limite de la propriété riveraine, sans juger, en même temps et par cela même, la question de propriété en matière d'alluvion? Evidemment, il n'y a pas ici de question préjudicielle. Ce n'est là qu'un prétexte pour enlever à l'autorité judiciaire le jugement d'une question de propriété qui lui appartient.

ferme. Or attendu que par son mémoire à M. le préfet, du 5 mai 1842, le sieur Alibert s'est exclusivement borné à réclamer la propriété utile du gravier ou bordage dont il s'agit et à être admis, en qualité de propriétaire du domaine utile, à jouir des avantages qu'elle lui assure, reconnaissant, d'ailleurs, et de la manière la plus expresse, que, comme chef de l'administration du département, M. le préfet a droit d'exercer sur ce terrrain tous les droits de servitude et d'usage reconnus nécessaires au bien de la navigation, de faire procéder à un curage, vement du gravier, s'il s'agit de procurer une meilleure assiette au lit du à l'enlèfleuve, mais lui contestant formellement le droit de faire enlever le gravier comme propriété utile destinée à la confection des routes ou d'autres travaux d'utilité publique, entendant, dans ce dernier cas, recevoir l'indemnité qu'il croit lui être due comme propriétaire exclusif du domaine utile de ce même gravier; que tel est l'objet, le but véritable du mémoire adressé à M. le préfet, et qui a précédé l'action portée devant le tribunal; qu'ainsi, il s'agit bien de savoir si le sieur Alibert est fondé à se prétendre propriétaire du gravier ou bornage dont il s'agit, et de profiter du domaine utile de ce terrain, sauf les droits de l'administration dans le seul intérêt de la navigation; 21 décembre dernier, M. le préfet conteste bien formellement, dénie même Attendu que, par son déclinatoire du au sieur Alibert un droit de propriété réel et utile sur le gravier ou alluvion naissante dont il s'agit, lui reprochant d'élever, par une fausse interprétation des art. 538 et 556 c. civ., la prétention de se faire reconnaître et déclarer propriétaire de la partie du lit de la Garonne qui confronte à sa propriété jusqu'à l'étiage; qu'il demeure bien évident par tout ce qui précède que, dans l'opinion du sieur Alibert comme dans l'opinion de M. le préfet lui-même, la question qui s'agite est une question de propriété, puisqu'il s'agit de savoir qui, de l'État ou du sieur Alibert, doit être déclaré propriétaire du gravier qui s'est formé au devant de la propriété de ce dernier; - Attendu que si, d'un côté, le sieur Alibert demande à être déclaré propriétaire du gravier formant alluvion (non encore parfaite) au devant de sa propriété et jusqu'au flot; et si, d'un autre côté, M. le préfet demande que le même terrain reste dans le domaine public pour user même du domaine utile, pensant que les dispositions de l'art. 538 c. civ. sont applicables aux rivages des fleuves comme aux rivages de la mer, il est évident qu'il ne s'agit que d'une question de propriété ; Attendu, enfin, que la cause réduite à ces termes par la demande du sieur Alibert et par la défense de M. le préfet sainement comprises et entendues, il demeure certain qu'il ne s'agit que d'une question de propriété qui rentre exclusivement dans la compétence des tribunaux ; qu'en effet, il s'agit de décider si la propriété utile d'un terrain couvert par les eaux d'un fleuve, au moment où il coule à pleins bords, au moment des plus hautes caux, avant le débordement, doit être attribuée à l'État comme domaine de l'utile, comme les rivages de la mer, ou bien au propriétaire du fonds, auquel il se trouve rattaché, comme une alluvion qui n'est pas encore arrivée au dernier degré d'accroissement; qu'envisageant ainsi la cause, le tribunal ne saurait s'empêcher de la retenir, en écartant le déclinatoire proposé. - Conflit. LOUIS-PHILIPPE, etc.; Vu les lois des 22 nov.-1er déc. 1790, 1220 août 1790, 28 sept.-6 oct. 1791;- Vu les lois des 29 flor. an 10 el 26 sept. 1807, le décret du 22 janv. 1808; - Vu les art. 537, 538, 556, 557 et 558 c. civ.; Vu les lois des 14-22 déc. 1789, sect. 3, art. 7; 16-24 août 1790, tit. 2, art. 3; 16 fruct. an 3; - Vu les ordonnances royales des 1 juin 1828 et 12 mars 1831;-Considérant que l'action introduite par le sieur Alibert devant le tribunal civil de Marmande a pour objet une réclamation d'indemnité pour enlèvement et extraction de sable de la part de l'administration des travaux publics sur un terrain qu'il prétend être sa propriété, mais que l'administration soutient faire partie du lit de la Garonne; que, dès lors, il y a lieu de déterminer quelle est la limite du lit de ce fleuve dans le lieu qui borde la propriété du sieur Alibert et à l'endroit où s'est opéré l'enlèvement du sable et du gravier; Qu'aux termes des lois ci-dessus visées, il n'appartient qu'à l'autorité administrative de prononcer sur l'étendue et la limite du lit des fleuves et rivières navigables;-Art. 1. L'arrêté de conflit pris par le préfet du département de Lot-et-Garonne, le 9 mars 1843, est confirmé.-Art. 2. Sont considérés comme non avenus: 1° l'exploit introductif d'instance du 18 juill. 1842; 2° le jugement du tribunal civil de Marmande, du 21 fév. 1843. Du 4 mars 1843.-Ord. cons. d'Ét.-M. Germain rap. 2o Espèce : (Montsarrat et de Gères.) Montsarrat et de Gères il a été dit : « Serait-il vrai qu'il n'appartient Sur le recours des sieurs qu'à l'autorité administrative de prononcer sur la limite des fleuves? Serait-ce là une question préjudicielle? - Qu'un particulier traduit devant un tribunal de police correctionnelle pour délit de pacage vienne se défendre, en disant : « Oui, j'ai fait pacager mon troupeau sur le terrain où l'on m'a surpris; mais ce que j'ai fait, j'avais le droit de le faire, car ce terrain est ma propriété; » et qu'à l'appui de son exception, il invoque les clauses d'un titre administratif, d'une vente nationale, par exemple, dont il faille interpréter le sens et la portée! Voilà une véritable question préjudicielle! voilà un cas où, à bon droit, le conflit pourra être élevé! Qu'un particulier, accusé d'avoir usurpé un chemin communal

M. le préfet de la Gironde paraît croire que le lit des fleuves et des rivières navigables est la propriété de l'État, la propriété dans le sens propre de ce mot, et que, dès lors, c'est à lui qu'il appartient de décider où et quand cette propriété doit cesser, pour faire place à la propriété privée. Mais il commet, en cela, une grave erreur de droit. Les rivières navigables et flottables n'ont été déclarées par la loi dépendances da domaine public que pour qu'elles soient hors du commerce, et ne puissent recevoir l'empreinte d'aucune propriété ; et c'est uniquement comme gardien et conservateur des intérêts de la société, comme administrateur des choses dont l'usage est commun à tous, que l'État en a reçu le dépôt et la surintendance, non point à titre de propriété, mais de souveraineté; d'où il suit que, lorsque le lit d'une rivière navigable ou flottable s'est élevé peu à peu, que l'eau s'en est retirée, aqua fluens, et que le fleuve a cessé d'être navigable en cet endroit, le terrain, ainsi laissé à découvert, ainsi incorporé à la rive, ne doit plus rester dans les dépendances du domaine public, rentre dans le commerce, et devient une propriété privée.

Puisque le lit du fleuve n'est autre chose que le terrain occupé par l'eau courante et navigable, il est évident que ce lit doit se rétrécir ou s'é tendre au hasard et sans règle, suivant le caprice du flot et l'incertitude des courants. Il est évident que les commodités et les exigences, soit de l'administration des ponts et chaussées, soit de l'administration des domaines, doivent être ici sans influence, et que la seule chose qu'il y ait alors à vérifier, c'est de savoir comment l'eau s'est retirée, comment les terrains nouveaux se sont formés, et jusqu'à quel point ils sont parvenus à s'élever au-dessus des eaux navigables; car là où il est impossible de naviguer, là il n'y a plus de fleuve, plus de lit de fleuve, plus de dépendances du domaine public; là commence la propriété privée, et, devant le droit d'une telle propriété, toute autre considération doit fléchir.—A reste, il ne peut y avoir en tout cela que des questions de propriété. El certes, ce n'est point avec des rapports d'ingénieurs que de telles questions peuvent être jugées, mais seulement au moyen d'enquêtes, d'expertises, de discussions et d'appréciations judiciaires. Il faut donc reconnaître que l'autorité judiciaire est seule compétente pour le jugement de

notre cause. »>

LOUIS PHILIPPE, etc.;

Vu les lois des 22 déc. 1789, 8 janv.1790, 12-20 août 1790, 29 flor. an 10; le décret du 22 janv. 1808; les art 537, 538, 556, 557 et 558 c. civ.; - Vu les ordonn. des 1er juin 1828 et 12 mars 1831; En ce qui touche les demandes formées par les sieurs Monsarrat et de Gères, à l'effet de se faire déclarer propriétaires d'atterrissements formés dans le lit de la Garonne, par suite de travaus exécutés aux frais de l'État: Considérant que, pour l'appréciation de ces demandes, il y a lieu de déterminer quelle est la limite du lit da fleuve vis-à-vis les propriétés des sieurs Montsarrat et de Gères, et que, aux termes des lois susvisées, il n'appartient qu'à l'autorité administra tive de fixer cette limite; 1844, par le préfet de la Gironde est confirmé en tant qu'il revendique Art. 1. L'arrêté de conflit pris, le 9 fév. pour l'autorité administrative le droit de déterminer quelle est la limite du lit de la Garonne vis-à-vis la propriété des sieurs Monsarrat et de Gêjugement du 6 mars 1843, les actes d'appel du 22 mai 1843, l'arrêt de res il est annulé pour le surplus.- Art. 2. Sont considérés comme non avenus les exploits introductifs d'instance des 2 sept. et 16 oct. 1841, le notre cour de Bordeaux du 30 janv. 1844, en ce qu'ils ont de contraire à la présente ornonnance.

Du 6 juin 1844.-Ord. cons. d'Et.-M. Boulatignier, rap.

eaux d'un fleuve au moment où ces eaux sont fortes, mais avant débordement, font partie du lit de ce fleuve, ou si ces graviers font partie du fonds limitrophe à titre d'alluvion, et si, par suite, l'administration a droit d'en autoriser l'extraction pour autre cause que le service de la navigation, ou si, au contraire, le propriétaire a droit d'exiger pour cette extraction une indemnité préalable, comme ayant sur les graviers un droit utile (même décision 4 mars 1843).

45. Cependant il a été jugé que nonobstant la fixation par P'État des limites d'un fleuve, les riverains peuvent prétendre à la propriété des terrains compris dans ces limites, non dans le but de se faire maintenir dans la propriété de ces terrains, mais dans celui de s'en faire payer la valeur à titre d'indemnité dans ce cas les tribunaux sont compétents pour, en fixant l'étendue de l'ancienne propriété des riverains, déterminer le chiffre de l'indemnité (Lyon, 10 janv. 1849, aff. Combalot, D. P. 49. 2. 148). -C'est ainsi que la question nous a paru devoir être résolue dans cette espèce. Sans doute, on peut objecter qu'il y a ici confusion; que les tribunaux ont bien le droit de fixer l'indemnité, si l'administration croit devoir élargir le lit d'un fleuve, mais que lorsque l'administration dit que le fleuve existe ainsi depuis un temps immémorial, le conseil d'État doit être seul juge de la question d'indemnité; que, sans cela, la question d'inaliénabilité et d'imprescriptibilité domaniale ne serait qu'un vain mot; qu'enfin la largeur du lit des fleuves est fixée par des actes administratifs que les tribunaux n'ont pas le droit de discuter.-Au surplus, l'administration se refuse constamment à accorder des indemnités, lorsqu'elle rend une rivière navigable: elle se fonde sur ce que l'écoulement de l'eau constitue une servitude naturelle, que tout riverain est obligé de supporter; sur ce que le décret du 22 janv. 1808 (V. p. 326) n'accorde de dédommagement aux propriétaires riverains que pour les terrains consacrés aux chemins de halage; qu'il n'étend pas cette disposition au lit des rivières; enfin que la loi du 15 avr. 1829, art. 3, prévoyant le cas où des rivières sont rendues ou déclarées navigables, n'accorde d'indemnité que pour la privation de la pêche; établissant ainsi une compensation avec les avanta. ges que procure toujours aux propriétaires une rivière navigable sur tous les bords qu'elle arrose. Enfin M. Merlin (vo Rivière) étend même le principe que nous émettons ici aux petits cours d'eau « Le gouvernement peut, dit-il, rendre navigable une rivière qui ne l'est pas, et à ce moyen la faire entrer dans le domaine foncier de l'État, sans être tenu d'en payer le prix aux propriétaires riverains. » M. Merlin se fonde sur ce que les eaux non navigables ni flottables n'appartiennent pas aux riverains. Ce dernier système va trop loin en ce qu'il permet à l'autorité administrative de confisquer, sous prétexte qu'il ne s'agit que de déclaration de navigabilité, les propriétés riveraines des fleuves ou de la mer, sans qu'aucune indemnité puisse être demandée devant les tribunaux. Or c'est là une prétention contre laquelle la tendance des esprits se déclare depuis longtemps, et avec raison, suivant nous, car le droit commun doit, autant que possible, exister pour tout le monde.-V. Compét. admin., nos 147 et suiv. et Dom. publ., no 81.

46. On considère comme dépendances des rivières navigables (1) (Lemenuet et consorts C. l'Etat.) Les sieurs Lemenuet et consorts, propriétaires riverains de la Vire, formèrent devant le tribunal civil de Saint-Lô, à l'occasion de l'ordonnance royale du 10 juillet 1835, déclarant la rivière de Vire navigable, une demande tendant à faire juger que la Vire, entre les moulins de Saint-Lô et les claies de Vire n'étant pas anciennement navigable, l'ordonnance citée constitue envers les demandeurs une véritable expropriation partielle, ayant pour effet de les priver de leurs droits attachés à la propriété du droit de pêche dont ils ont joui jusque-là; qu'ils avaient droit par suite à une indemnité contre État. Le préfet, considérant que la demande d'indemnité exigeait la solution de la question préjudicielle de navigabilité, a décliné la compétence du tribunal, qui, par jugement du 19 juill. 1839, s'est déclaré incompétent.

Appel par les propriétaires.-Nouveau déclinatoire du préfet : 17 fév. 1841, arrêt par lequel la cour de Caen réforme le jugement du tribunal de Saint-Lô et se déclare compétente. Cet arrêt est ainsi motivé: « Considérant que, pour être à portée de prononcer sur le mérite de l'action en indemnité intentée par Lemenuet et joints, il est indispensable de commencer par résoudre la question préjudicielle de savoir si la portion de rivière de la Vire comprise entre la ville de Saint-Lô et les claies de Vire était ou non navigable avant l'ordon. du 10 juill. 1835;— Qu'il est

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les ports, gares, abreuvoirs, et en général tout ce qui est accessoire à ces rivières.-V. Dom. publ., nos 17 et 24.

47. Nous avons dit (n° 42) que la navigabilité suppose nécessairement l'établissement d'un halage, d'un port, d'un quai et de tous autres accessoires d'une navigation véritable; et en effet, le caractère de domaine public ne reposant que sur la navigabilité de la rivière, il s'ensuit que là où cette qualité manque, il n'y a plus de domaine public. Ainsi jugé, avant comme depuis la révolution (arr. du parl. de Paris, 9 déc. 1651; édit d'avril 1683, arr. cons. 10 août et 9 nov. 1694; déclar. 13 août 1709; Conf. MM. Garnier, t. 1, p. 52 et suiv.; Duranton, t. 5, no 203; Favard, Rép., vo Servitude, sect. 1; Merlin, Rép., vo Rivière, § 1, no 3; Proudhon, du Dom. pub., no 752). Il faut observer, dit Jousse, sur l'art. 4, tit. 17, de l'ordonnance de 1669, que les rivières navigables ne sont du domaine du roi, que depuis le point où elles sont navigables. Ainsi jugé par arrêt du 9 déc. 1651 (rapp. par Henrys, t. 2, liv. 3, quest. 49), qui a décidé que la Loire au-dessus de Roanne, où elle ne porte pas bateau, était seigneuriale et non royale. L'édit du mois d'avril 1683 confirme cette décision.-Cependant Daguesseau, dans un de ses plaidoyers (t. 7, p. 179), avait soutenu qu'on devait étendre le domaine public à la partie supérieure de la rivière, quoique cette partie ne fût pas navigable; mais ses conclusions ne furent point adoptées (Nouv. répert., v° Servit., sect. 1; Henrys, t. 2, liv. 3, quest. 5, p. 229).—Enfin la cour de cassation a également consacré ces principes en décidant que la partie non navigable d'une rivière n'est pas soumise à la législation qui régit les cours d'eau navigables, soit quant aux contraventions commises sur la partie non navigable de la rivière (Rej. 29 juin 1813, aff. M....., V. Voirie), soit quant à la compétence (Rej. 23 août 1819, aff. Brousse, V. eod.).

48. Mais à quelle circonstance de fait pourra-t-on s'attacher pour fixer le lieu juste où commence la navigabilité. Il a été jugé qu'une rivière commence à être navigable et flottable au point où il existe des passalis (ord. cons. d'Ét. 19 janv. 1832, aff. Cayla, V. Voirie).

Pour conserver la navigabilité de la rivière, l'administration publique peut, toutes les fois qu'elle le juge nécessaire, défendre de pratiquer dans sa partie supérieure, même dans les ruisseaux y affluant, les prises d'eau que la loi permet, pour l'irrigation des fonds riverains (644 c. civ.), dans les ruisseaux ou rivières ni navigables ni flottables (Conf. M. Proudhon, no 753). -La loi 10, § 2, D. De aquâ pluv. arcend. interdit toute dérivation quæ flumen minùs navigabile efficiat. V. en outre l'arrêté du 19 vent. an 6, et l'art. 714 c. civ.

49. La question de savoir si une rivière déclarée navigable par ordonnance royale, l'était antérieurement, est de la compétence de l'autorité administrative, alors même qu'elle est soulevée préjudiciellement à une demande d'indemnité formée par les propriétaires riverains, qui se prétendent dépouillés, par l'effet de la nouvelle déclaration de navigabilité de la rivière, du droit de pêche dont ils jouissaient auparavant dans cette rivière(ord. cons. d'Ét. 23 juin 1841 (1); arg. L. 22 déc. 1789; 8 janv. et 20 août 1790; 14 flor. an 10; arr. 2 niv. an 4; ord. 15 avr. 1829, art. 3). maintenant de jurisprudence que la connaissance d'une question de cette nature doit appartenir à l'autorité judiciaire; Considérant, en effet, qu'il est bien vrai que l'autorité administrative seule a le droit de déclarer si une rivière est ou non actuellement navigable, ou bien si elle doit être classée comme telle à l'avenir, parce qu'il s'agit dans ces deux cas de régler un point d'administration publique; - Mais considérant qu'il en est autrement quand il ne s'agit plus que de rechercher si une rivière était autrefois navigable, afin de reconnaftre si ceux qui invoquent le titre d'anciens propriétaires dans le but d'obtenir une indemnité, pour prix de la propriété dont ils disent avoir été dépouillés, ont véritablement droit à cette indemnité; — Qu'alors il faut reconnaître que la question de navigabilité ou de non-navigabilité ne se présente plus comme un point d'intérêt public, devant ou pouvant être l'objet d'une décision réglementaire à rendre ou même à interprèter de la part de l'autorité administrative; mais seulement comme une dépendance des éléments de solution d'une pure question de propriété privée, qui doit, dès lors, être appréciée par l'autorité judiciaire saisie de la contestation.»

Conflit.M Boulatignier a soutenu le conflit, par les considérations suivantes : « La cour de Caen prétend que la connaissance de la question de savoir si la portion de la rivière entre la ville de Saint-Lô et les claies de Vire était ou non navigable avant l'orion. du 10 juill. 1835, appar

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