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d'occuper le plus humble emploi conféré par l'État. Dans les droits politiques figurent ceux de siéger comme juré, de paraître comme témoin en justice ou pour donner l'authenticité aux actes civils (V. Inst. crim., Témoin.); ici nous nous occuperons du droit politique le plus important que puissent exercer les citoyens d'un État libre, celui d'élire et d'étre élu. Cette prérogative éminente s'applique aux élections législatives et à celle du chef du pouvoir exécutif, dont on parlera dans ce travail; elle s'applique aussi aux élections communales et départementales sur lesquelles une loi nouvelle est attendue et dont, par cette raison, il sera parlé vo Organis. administ.

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17. Sous l'ancienne monarchie, le roi n'avait que des sujets; la qualité et les droits de citoyens n'étaient pas définis. Égaux quant à leur soumission à l'égard du souverain, les Français ne l'étaient pas entre eux; jusqu'à la fin du siècle dernier, ils formaient trois ordres distincts: le clergé, la noblesse et le tiers état. Cette division, produit de la féodalité modifiée par les luttes des seigneurs avec la couronne, n'était d'accord ni avec les principes du droit ni avec les mœurs de la nation. Elle ne put toutefois disparaître que par suite d'une victoire révolutionnaire remportée sur la royauté. La distinction des ordres avait été maintenue dans les états généraux convoqués pour le 5 mai 1789; dès le lendemain de leur ouverture, les députés des communes prirent une délibération par laquelle ils décidaient que la vérification des pouvoirs des députés des trois ordres devait avoir lieu en commun (V. Droit constit., p. 284), ce qui impliquait l'abolition des anciens ordres, du moins quant à la représentation nationale. Sur le refus de la noblesse et du clergé, le tiers état se constitua en assemblée nationale, le 17 juin (V. eod., p. 285). La royauté voulut résister à ce mouvement; après avoir fait fermer la salle des séances, mesure qui aboutit à la fameuse déclaration connue sous le nom de serment du jeu de paume, le roi tint, le 23 juin 1789 (V. eod., p. 286), la séance où il fit lire une déclaration contenant ses intentions relativement aux réformes à établir, mais dans laquelle il « veut que l'ancienne distinction des trois ordres de l'État soit conservée en son entier, comme essentiellement liée à la constitution de son royaume.» Malgré la volonté du roi, l'assemblée nationale continua de siéger; une partie du clergé s'était déjà réunie à elle; une partie de la noblesse suivit bientôt cet exemple: le reste des deux ordres privilégiés ne tarda pas à comprendre que la résistance devenait impossible, et la réunion fut complète. Dès lors il ne s'agissait plus de fixer des limites entre les prérogatives de différentes classes, mais seulement de déterminer les droits des citoyens. Le grand principe de l'égalité fut d'abord consacré par l'art. 11 du décret du 4 août et jours suivants, portant que « tous les citoyens, sans distinction de naissance, pourront être admis à tous les emplois et dignités ecclésiastiques, civils et militaires, et que nulle profession utile n'emportera déchéance. » Ces derniers mots supposent la conservation de la noblesse, qui fut abolie depuis. Le décret du 22 déc. 1789, relatif à la constitution des assemblées primaires et des assemblées administratives, proclame, art. 10: << Il n'y a plus en France de distinctions d'ordres; en conséquence, pour la formation des assemblées primaires, les citoyens actifs se réuniront, sans aucune distinction, de quelque état et condition qu'ils soient. »

d'acquérir et de perdre le titre de citoyen. A la section 2 du chapitre 1 du titre 3, où il s'agit des assemblées électorales primaires, elle définit, art. 2, les citoyens actifs de la manière suivante: « Pour être citoyen actif, il faut être né ou devenu Français; être âgé de vingt-cinq ans accomplis; être domicilié dans la ville ou dans le canton depuis le temps déterminé par la loi; payer, dans un lieu quelconque du royaume, une contribution directe au moins égale à la valeur de trois journées de travail, et en représenter la quittance; n'être pas dans un état de domesticité, c'està dire de serviteur à gages; être inscrit, dans la municipalité de son domicile, au rôle des gardes nationales, avoir prêté le serment civique. » La constitution du 24 juin 1793, détruisant toute distinction entre les simples citoyens et les citoyens actifs, portait, art. 4 : « Tout homme né et domicilié en France, âgé de vingt et un ans accomplis; tout étranger âgé de vingt et un ans accomplis, qui, domicilié en France depuis une année, y vit de son travail, ou acquiert une propriété, ou épouse une Française, ou adopte un enfant, ou nourrit un vieillard, tout étranger enfin qui sera jugé par le corps législatif avoir bien mérité de l'humanité, est admis à l'exercice des droits de citoyen français. »>>-V. Droit constit., p. 288 et 297.

Dans le même système, mais avec plus de précautions, la constitution du 5 fruct. an 3, art. 8 et suiv., règle les conditions de la jouissance et de la perte des droits de citoyen. « Tout homme, y est-il dit, né et résidant en France, qui, âgé de vingt et un ans accomplis, s'est fait inscrire sur le registre civique de son canton, qui a demeuré depuis pendant une année sur le territoire de la République, et qui paye une contribution directe, foncière ou personnelle, est citoyen français. - Sont citoyens, sans aucune condition de contributions, les Français qui auront fait une ou plusieurs campagnes pour l'établissement de la République. L'étranger devient citoyen français lorsque, après avoir atteint l'âge de vingt et un ans accomplis, et avoir déclaré l'intention de se fixer en France, il y a résidé pendant sept années consécutives, pourvu qu'il y paye une contribution directe et qu'en outre il y possède une propriété foncière, ou un établissement d'agriculture ou de commerce, ou qu'il ait épousé une Française. Les citoyens français peuvent seuls voter dans les assemblées primaires et être appelés aux fonctions établies par la constitution. » — V. cod., p. 303.

19. L'art. 16 contenait une disposition d'une grande sagesse, ainsi conçue : « Les jeunes gens ne peuvent être inscrits sur le registre civique, s'ils ne prouvent qu'ils savent lire et écrire, et exercer une profession mécanique. Les opérations manuelles de l'agriculture appartiennent aux professions mécaniques. Cet article n'aura d'exécution qu'à partir de l'an 12 de la République. » Exiger des citoyens, appelés tous à l'exercice des droits civiques, la garantie des premières notions de la culture intellectuelle et la connaissance d'une profession, c'est se montrer justement préoccupé d'éclairer et de moraliser le suffrage populaire. Cette condition n'a pas été reproduite dans les constitutions ultérieures. Un représentant de l'assemblée constituante de 1848, M. Charton, avait proposé d'exiger, dans un délai de cinq ans, que, pour jouir des droits de citoyen, on justifiât de savoir lire et écrire; mais cette proposition ne fut point admise.

20. Aux termes des art. 2, 3 et 6 de la constitution du 22 frim. an 8, tout homme né et résidant en France, qui, âgé de vingt et un ans accomplis, s'est fait inscrire sur le registre civique de son arrondissement communal, et qui a demeuré depuis pendant un an sur le territoire de la République, est citoyen français. Un étranger devient citoyen français lorsque, après avoir atteint l'âge de vingt et un ans accomplis, et avoir déclaré l'intention de se fixer en France, il y a résidé pendant dix années consécutives. Pour exercer les droits de cité dans un arrondissement com

A partir de cette époque les droits politiques ont appartenu à tous les citoyens; il ne s'agit donc que de savoir à qui la loi reconnaît cette qualité. L'art. 3 de la section 1 du décret du 22 déc. 1789, que nous venons de signaler comme le point de départ de l'organisation du nouveau droit politique, est ainsi conçu : « Les qualités nécessaires pour être citoyen actif sont : 1o d'être Français ou devenu Français; 2° d'être majeur de vingt-munal, il faut y avoir acquis domicile par une année de résicinq ans accomplis; 3o d'être domicilié de fait dans le canton, au moins depuis un an; 4o de payer une contribution directe de la valeur de trois journées de travail; 5o de n'être point dans l'état de domesticité, c'est-à-dire de serviteur à gages. »

18. La désignation de citoyen actif avait pour objet l'aptitude électorale. Dans la constitution de 1791, tit. 2, art. 2 et suiv., le législateur confondait le titre de citoyen avec la qualité de Français et déterminait, sous ce rapport, les différents modes

dence et ne l'avoir pas perdu par une année d'absence. Un décret du 17 janv. 1806 contient un titre relatif à la formation des registres civiques. L'art. 7 du c. civ. déclare l'exercice des droits civils indépendant de la qualité de citoyen, laquelle ne s'acquiert et ne se conserve que conformément à loi constitutionnelle. La loi constitutionnelle en vigueur au moment de la promulgation du code civil était la constitution de l'an 8, ce serait donc cette dernière qui déterminerait quels sont les ci

toujours offrir de suffisantes garanties à l'ordre et à la tranquillité. La loi nouvelle, précédée d'une discussion approfondie (Voy. D. P. 49. 4. 171 et suiv.), a consacré le principe de l'ord. du 4

toyens, si aucune loi postérieure n'y avait dérogé. Or, par une circonstance étrange, tandis que les systèmes et les constitutions politiques les plus différents de la constitution de l'an 8 se succédaient, son texte est resté le dernier qui ait défini le citoyen fran-juin 1814, en statuant, à la fin de l'art. 1 : « L'étranger natura

çais. De nombreuses lois, et notamment les lois électorales, ont exigé et exigent encore que les électeurs et les éligibles jouissent de leurs droits civils et politiques; pour reconnaître ce que sont les droits civils, on recourt naturellement au code civil; pour savoir ce que sont les droits politiques, il faut recourir à la constitution de l'an 8, qui diffère cependant de celles des gouvernements représentatifs, monarchiques ou républicains, qui ont surgi depuis 1814. Nous reviendrons sur cette espèce d'anomalie.

21. Nous n'avons plus ici qu'à compléter ce qui regarde la manière dont les étrangers acquièrent en France les droits politiques. On a vu ci-dessus les dispositions contenant les conditions auxquelles les constitutions de 1793, de l'an 3 et de l'an 8 soumettaient l'acquisition, par les étrangers, de la qualité de citoyens français. La constitution de 1791 avait fixé les cas dans lesquels un enfant d'étranger est Français, et avait attribué au pouvoir législatif le droit d'accorder la naturalisation. Un décret des 30 avril-2 mai 1790, fondé sur les mêmes principes, avait statué que tous ceux qui, nés hors du royaume, de parents étrangers, sont établis en France, sont réputés Français et admis, en prêtant le serment civique, à l'exercice des droits de citoyen actif, après cinq ans de domicile continu dans le royaume, s'ils ont, en outre, ou acquis des immeubles, ou épousé une Française, ου formé un établissement de commerce, ou reçu dans quelques villes des lettres de bourgeoisie. » Un acte transitoire, le sénatusconsulte du 26 vend. an 11, portait que, pendant cinq ans, les étrangers qui rendraient ou auraient rendu des services importants à la République, qui apporteraient dans son sein des talents, des inventions ou une industrie utiles, ou qui formeraient de grands établissements, pourraient, après un an de domicile, être admis à jouir du droit de citoyen français. Les autres dispositions réglaient les formes à suivre pour obtenir du gouvernement cette admission. Un autre sénatus-consulte, du 19 février 1808, contient des dispositions semblables, mais les rend permanentes. Le décret du 17 mars 1809 pose le principe de la naturalisation accordée par le chef du gouvernement aux étrangers qui ont rempli les conditions constitutionnelles exigées pour devenir citoyen français.

Ici se placent les art. 9 et suiv. c. civ. qui parlent des droits civils des étrangers (V. à cet égard, comme pour les textes relatifs à la naturalisation qui confère la qualité de Français, le mot Droit civil). Une loi transitoire, nécessaire pour fixer l'état civil et politique des habitants des départements réunis à la France depuis 1791, fut rendue le 14 octobre 1814 (V. Droit civil, p. 41). Moyennant les formalités qu'elle établit, les personnes auxquelles elle s'applique ont pu obtenir du roi des lettres de naturalité, et jouir des droits de citoyens français, excepté de celui de siéger dans les chambres législatives, qui est l'objet d'un acte spécial, l'ordonnance du 4 juin 1814 (V. Droit civil, p. 41), qui a créé ce qu'on appelle des lettres de grande naturalisation; elle exige l'intervention des chambres pour qu'un étranger puisse participer aux éminentes fonctions de législateur.

Tel était l'état des choses au moment de la révolution de 1848. Le gouvernement provisoire, déterminé par des considérations politiques, rendit, le 28 mars 1848, un décret destiné à faciliter la naturalisation des étrangers (D.P.48.4. 61.); les considérants et l'art. 1 de ce décret portent expressément que les étrangers ainsi naturalisés sont admis à jouir des droits de citoyen français.

22. Afin de mettre un terme à l'excessive facilité offerte aux étrangers par cette loi, et afin d'établir une complète harmonie entre la législation sur la naturalisation et le système politique consacré par la constitution de 1848, l'assemblée législative rendit, le 5 déc. 1849, une loi sur la naturalisation et le séjour des étrangers en France. Cette réglementation nouvelle et complète était d'autant plus nécessaire que les droits politiques ont reçu de la révolution de 1848 une immense extension; d'aussi importantes prérogatives ne sauraient être accordées qu'avec précaution, surtout en présence du grand nombre de réfugiés que les révolutions étrangères amènent en France et qui peuvent ne pas

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23. Toute personne appartenant à la société française, soit par sa naissance, soit par la naturalisation, quels que soient son âge, son sexe, sa position, a droit aux garanties sociales, et à cette protection de ses intérêts de famille et d'affaires qui constitue les droits civils. C'est ce qu'exprime l'art. 8 c. civ. par ces mots : tout Français jouira des droits civils.-Les droits politiques n'ont pas, ne peuvent pas avoir la même étendue ; à défaut d'autres restrictions, ils sont soumis à des conditions d'âge, nous ajouterions de sexe, si les femmes ne jouissaient pas de quelques portions des droits politiques par leur admission à un certain nombre de fonctions publiques, cercle qui peut être encore agrandi. Pour jouir des droits politiques, en général, il ne suffit pas d'être Français, il faut être citoyen (c. civ. art. 7).

24. A qui appartient cette qualité de citoyen? Selon l'art. 7 c. civ., à ceux à qui la loi constitutionnelle la confère. Or ni la constitution de 1848, ni celle de 1830, ni la charte de 1814 ne définissent le citoyen français, ne déterminent le mode suivant lequel cette qualité s'acquiert et se conserve. En remontant la série chronologique des lois constitutionnelles, on trouve que celle à laquelle le code civil se réfère, c'est la constitution de l'an 8. Cette constitution abroge la distinction faite par celles de 1791, de 1793 et de l'an 3 entre les citoyens et les citoyens actifs. Ces derniers seuls votaient dans les assemblées primaires, appelées à nommer, par l'élection, la plupart des fonctionnaires de la République; la constitution de l'an 8 réduisant l'électorat politique à des conditions illusoires, la distinction entre les deux classes de citoyens devenait sans objet. Après 1814, l'élément électif a repris et a gagné de plus en plus d'importance; et pourtant on ne considère pas comme abrogée la totalité de l'article de la constitution de l'an 8 qui définit le citoyen. Suivant l'art. 2, il faut, pour jouir de cette qualité, réunir les conditions suivantes: 1° être né et résidant en France; 2° avoir vingt et un ans accomplis; 3° s'être fait inscrire sur le registre civique de son arrondissement communal; 4° avoir demeuré, depuis cette inscription, pendant un an, sur le territoire français. Par une étrange indifférence du législateur, cette définition du citoyen n'a pas été revisée depuis que les éléments qui la composent ont, en partie, cessé d'exister. Ainsi, l'institution du registre civique, que l'on avait empruntée aux républiques anciennes, et, en particulier, à celle d'Athènes, et que certains publicistes regrettent, est complétement tombée en désuétude. Il en est résulté que l'usage et l'interprétation doctrinale ont dû reconnaître le titre de citoyens aux Français non inscrits sur des registres qui n'existent plus, et cesser également d'exiger la condition (conséquence de celle du registre) d'un séjour d'un an depuis l'inscription.

De l'abrogation virtuelle de cette partie de l'article de la constitution de l'an 8 et du maintien du surplus, il s'ensuit qu'il suffit, pour avoir la qualité de citoyen, d'être né et résidaut (c'est-àdire domicilié) en France et d'avoir vingt et un ans accomplis. En d'autres termes, est citoyen tout Français âgé de vingt et

un ans.

L'importance d'une disposition aussi générale dépend des prérogatives plus ou moins larges attribuées à la qualité de citoyen, c'est-à-dire au sens compris dans l'expression de droits politiques.

25. Les droits politiques consistent dans le droit d'être électeur, d'être éligible, à l'assemblée nationale, aux conseils de département ou de municipalité, d'être juré, fonctionnaire public (Toullier, t. 1, p. 254), témoin dans les actes notariés. Ces droits ne sont exercés par les citoyens que selon les conditions fixées par les lois, par exemple celle de l'âge, celle du domicile, qui diffèrent selon la nature et l'importance des fonctions.

26. Sous le gouvernement monarchique, depuis 1814, on

conservait, sous le rapport des droits politiques, une démarcation bien tranchée entre la France et les colonies. Les hommes de couleur qui les habitent n'étaient pas représentés à la chambre des députés. Les contributions qu'on y paye ne servaient point à la composition du cens électoral. De toutes ces dispositions, on ne devait pas conclure, toutefois, que l'accès des fonctions publiques, l'exercice des droits électoraux fussent interdits aux hommes de couleur résidant en France. Leur qualité de Français les faisait indubitablement participer, hors des colonies, au droit commun à tous les autres Français de la métropole.-Après 1848, toute différence politique entre les colonies et la France continentale a été abolie. L'art. 109 de la constitution de 1848 porte que le territoire de l'Algérie et des colonies est déclaré territoire français. L'art. 21 comprend les députés de l'Algérie et des colonies parmi ceux qui composent l'assemblée nationale; la loi électorale contient des dispositions spéciales pour cette partie de nos concitoyens, et les assemblées constituante et législative ont vu siéger sur leurs bancs des nègres et des hommes de couleur. -La loi électorale du 2 fév. 1852 (D. P. 52. 4. 49) porte que l'Algérie et les colonies ne nomment pas de députés au corps législatif. Mais cette disposition peut être modifiée par le sénat, auquel l'art. 27 de la constitution du 14 janvier donne le droit de régler la constitution des colonies et de l'Algérie.

27. Ce qui vient d'être dit concerne les Français d'origine. Nous avons maintenant à parler des étrangers naturalisés Français. D'après la législation rapidement retracée ci-dessus, sect. 1, l'é tranger naturalisé jouit des droits de citoyen comme le Français de naissance, sauf l'éligibilité parlementaire sur laquelle nous reviendrons.

28. La qualité d'étranger peut toujours être opposée à un individu qui prétend exercer en France des droits politiques; l'incapacité résultant du défaut de nationalité étant d'ordre public, ne peut être couverte par la possession d'état. On verra ce principe consacré en matière d'élections législatives, ci-après, ch. 2. -C'est aussi au chapitre des élections parlementaires que nous traiterons des conditions auxquelles les étrangers ont pu acquérir les droits politiques, les droits électoraux sous les différentes législations qui se sont suivies depuis 1789, ainsi que de l'application, à l'éligibilité, de l'ord. du 4 juin 1814, qui exigeait des conditions spéciales pour conférer aux étrangers le droit de siéger dans les chambres législatives.-La loi des 3-11 déc. 1849 (D. P. 49.4.171) fait de l'autorisation, pour l'étranger, d'établir son domicile en France, une condition préalable de la naturalisation. Cette autorisation ne confère à l'étranger, avant la naturalisation prononcée, que des droits civils (c. civ. 13); elle ne lui permet de revendiquer aucun droit politique, alors même que le gouvernement aurait, à cet égard, outre-passé ses attributions en investissant cet étranger de fonctions publiques.-V. aussi ci-après, ch. 2. SECT. 3. De la perte des droits politiques.

29. Plusieurs lois et constitutions contiennent des dispositions spéciales relatives à la perte des droits politiques. L'art. 6 du tit. 2 de la constitution du 3 sept. 1791 porte: « La qualité de citoyen français se perd: 1o par la naturalisation en pays étranger; 2o par la condamnation aux peines qui emportent la dégradation civique, tant que le condamné n'est pas réhabilité; 3° par un jugement de contumace, tant que le jugement n'est pas anéanti; 4° par l'affiliation à tout ordre de chevalerie étranger ou à toute corporation étrangère qui supposerait soit des preuves de noblesse, soit des distinctions de naissance, ou qui exigerait des vœux religieux. » — - L'art. 5, sect. 2, ch. 1, tit. 3, de la même constitution exclut de l'exercice des droits de citoyen actif, ceux qui sont en état d'accusation, ceux qui, après avoir été constitués en état de faillite ou d'insolvabilité, prouvé par pièces authentiques, ne rapportent pas un acquit général de leurs créanciers.-L'art. 5 de la constitution de 1793 porte : « L'exercice des droits de citoyen se perd par la naturalisation en pays

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étranger, par l'acceptation de fonctions ou faveurs émanées d'un gouvernement non populaire, par la condamnation à des peines infamantes ou afflictives jusqu'à réhabilitation. » — « Art. 6. L'exercice des droits de citoyen est suspendu par l'état d'accusation, par un jugement de contumace, tant que le jugement n'est pas anéanti. » La constitution du 5 fruct. an 3 a étendu les causes de perte ou suspension des droits politiques. Les art. 12, 13, 14 et 15 sont ainsi conçus : « L'exercice des droits de citoyen se perd: 1° par la naturalisation en pays étranger; 2° par l'affiliation à toute corporation étrangère qui supposerait des distinctions de naissance, ou qui exigerait des vœux de religion; 3° par l'acceptation de fonctions ou de pensions offertes par un gouvernement étranger; 4° par la condamnation à des peines afflictives ou infamantes jusqu'à réhabilitation. L'exercice des droits de citoyen est suspendu : 1° par l'interdiction judiciaire pour cause de fureur, de démence ou d'imbécillité; 2o par l'état de débiteur failli ou d'héritier immédiat, détenteur, à titre gratuit, de tout ou partie de la succession d'un failli; 3° par l'état de domestique à gages, attaché au service de la personne ou du ménage; 4° par l'état d'accusation; 5o par un jugement de contumace, tant que le jugement n'est pas anéanti.-L'exercice des droits de citoyen n'est perdu ni suspendu que dans les cas exprimés dans les articles précédents.-Tout citoyen qui aura résidé sept années consécutives hors du territoire de la République, sans mission ou autorisation donnée au nom de la nation, est réputé étranger...»> -Sous l'empire de cette constitution, qui faisait de l'état d'accusation une cause de suspension des droits civiques, on jugeait que le citoyen contre lequel avait été décerné un mandat d'arrêt, mais qui depuis avait été admis à cautionnement, conservait sa liberté et l'exercice de ses droits politiques; qu'ainsi il pouvait remplir les fonctions de directeur du jury (Cass. 12 mess. an 6)(1).

30. Les art. 4 et 5 de la constitution du 22 frim. an 8, qui, ainsi que nous avons eu déjà occasion de le dire, est encore en vigueur quant à la manière d'acquérir et de perdre la qualité et les droits de citoyen français, portent : « Art. 4. La qualité de citoyen français se perd par la naturalisation en pays étranger, par l'acceptation de fonctions ou de pensions offertes par un gouvernement étranger, par l'affiliation à toute corporation étrangère qui supposerait des distinctions de naissance, par la condamnation à des peines afflictives ou infamantes. »-« Art. 5. L'exercice des droits de citoyen français est suspendu par l'état de débiteur failli ou d'héritier immédiat détenteur à titre gratuit de la succession totale ou partielle d'un failli; par l'état de domestique à gages attaché au service de la personne ou du ménage; par l'état d'interdiction judiciaire, d'accusation ou de contumace.

31. La qualité de citoyen supposant celle de Français, les causes qui font perdre la qualité de Français entraînent la perte des droits politiques.-V. v° Droit civil, nos 480 s. et art. 17 c. civ. 32. Les droits politiques se perdent enfin par les condamnations auxquelles le code pénal ou une loi spéciale attache cette grave conséquence.

33. Les dispositions ci-dessus rappelées de la constitution de l'an 8 provoquent plusieurs observations. L'affiliation à des corporations étrangères supposant des distinctions de naissance, a nécessairement cessé d'emporter la perte des droits politiques quand Napoléon eut rétabli l'institution des titres de noblesse, et quand les deux chartes de 1814 et de 1830 déclarèreut maintenir l'ancienne et la nouvelle noblesse. L'art. 10 de la constitution de 1848, reproduisant un décret du 29 février de la même année, ayant, comme conséquence de l'égalité démocratique, aboli tout titre nobiliaire, toute distinction de naissance, de classe ou de caste, on se demande si celle des causes de perte des droits politiques dont nous nous occupons ici a dù renaître avec le rétablissement du gouvernement républicain. L'absence de sanction, soit dans la constitution, soit dans une loi particulière, de l'abrogation des titres nobiliaires et des distinctions de naissance, semble indiquer, surtout dans une matière où les mœurs exposants que ce citoyen avait postérieurement été admis à cautionnement, ce qui, détruisant l'effet du mandat d'arrêt, l'a laissé en pleine liberté et faculté d'exercer ses droits politiques; - Rejette le pourvoi dirigé contre le jugement du tribunal criminel du département des Hautes-Pyrénées, du 19 flor. an 6.

Du 12 mess. an 6.-C. C., ch. crim.-MM. Gohier, pr.-Raoul, rap.

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ne sont pas encore au niveau de la loi, qu'on dépasserait le vœu du législateur en frappant une peine aussi sévère que la perte des droits de citoyen contre une personne que la vanité ou des traditions de famille, peut-être des intérêts positifs, ont rattachée à quelque corporation étrangère dans un pays régi par des institutions moins démocratiques que les nôtres. Il serait difficile de voir là un de ces actes d'ingratitude, d'hostilité ou d'abdication qui indiquent l'intention de se séparer de la patrie.-Au surplus, la question ne peut plus s'élever maintenant, le décret du 27 fév. 1848 ayant été abrogé par celui du 24 janv. 1852.

34. L'état de domestique à gages, attaché au service de la personne ou du ménage, avait continué, malgré l'égalité des Français devant la loi, proclamée par les chartes de 1814 et de 1830, à être considéré comme une cause de suspension des droits politiques. La révolution de 1848 a fait cesser cet état de choses. Les domestiques sont admis à voter comme tous autres citoyens pour l'élection des représentants par le décret du gouvernement provisoire, du 5 mars 1848, par la loi électorale du 15 mars 1849, et sous certaines restrictions relatives au mode de preuve du domicile, par la loi du 31 mai 1850. Le droit de voter pour la nomination des députés étant le plus éminent des droits politiques, c'est le cas d'appliquer, en faveur de l'émancipation des serviteurs, la maxime qui peut le plus peut le moins. Sous l'ancienne législation politique, on avait pu et dû juger autrement. Ainsi la cour de Rennes avait décidé, le 23 juin 1827 (aff. M..., V. Oblig. [pieuve litt.]), que la constitution qui déclarait la jouissance des droits civiques suspendue par l'état de domestique à gages n'ayant été, jusqu'alors, abrogée ni modifiée, un domestique était incapable d'être témoin dans un acte notarié autre qu'un testament. Nous avions appuyé cette solution conforme à d'imposantes autorités (V. eod.). La cour de cassation avait aussi écarté les domestiques à gages du vote aux élections municipales (Req. 14 août 1837, aff. maire de Pressagny, V. Organ. admin.).

35. Les lois postérieures à l'an 8 ont maintenu l'incapacité politique des faillis (Req. 6 août 1838, aff. Villeneuve, arrêt relatif aux élections municipales, V. eod.; Crim. cass. 12 novembre 1841, aff. Henry, arrêt relatif à l'incapacité de faire partie du jury, V. Instruction criminelle). - On a demandé si les principes d'égalité, proclamés depuis la charte de 1814, ne s'opposaient pas à ce que l'enfant du failli fût encore déchu momentanément des droits de citoyen, tant qu'il détient à titre gratuit les biens de son père. On a élevé des doutes à cet égard. Mais garantir l'égalité des Français devant la loi, ce n'est pas dire qu'un droit dont la loi a déterminé les conditions devra appartenir à ceux même qui auront négligé de les accomplir. Que l'héritier du failli n'acquitte-t-il les dettes de celui dont il a recueilli la succession? Vous le punissez, a-t-on dit, pour la faute de son auteur. Or, d'après nos mœurs, ces fautes sont personnelles! C'est le fait de l'héritier même que la loi flétrit; elle présume que, par un arrangement frauduleux, le père a dépouillé ses créanciers pour enrichir son enfant. Quelle mesure plus morale et mieux assortie aux intérêts de tous les États? Elle seconde la prospérité du commerce; elle forme l'esprit de famille, en invitant les parents à des sacrifices communs; elle établit une solidarité de la foi publique et de la foi privée; elle éloigne enfin le soupçon de la personne qui, revêtue d'un caractère représentatif de ses concitoyens, préposée à la gestion de leurs affaires, doit joindre au pouvoir la considération et la confiance, et avoir plus que cette probité vulgaire qui suffit pour échapper aux tribunaux. La charte maintenait les causes d'incapacité résultant des lois antérieures non abrogées, et qui, par leur nature, ne sont pas inconciliables avec nos institutions nouvelles. Ces principes avaient été admis, comme on le verra au chapitre des élections, sous les précédents gouvernements. La loi du 31 mai 1850, qui récapitule les incapacités politiques relatives aux élections législatives, ne parlant que des faillis, les héritiers de ceux-ci ne paraissent plus pouvoir être momentanément privés de leurs droits électoraux, ce qui semblerait lever aussi les doutes pour les autres droits politiques, tels que l'admissibilité aux fonctions publiques.

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37. La loi a garanti aux citoyens la jouissance des droits politiques, dont l'exercice est une propriété sacrée. Toutes personnes qui troublent ou empêchent cet exercice se rendent donc coupables; de là les peines correctionnelles de l'art. 109 c. pén., contre chacun de ceux qui, par attroupement, voies de fait ou menaces, auraient empêché un ou plusieurs citoyens d'exercer leurs droits civiques. La circonstance que l'empêchement a eu lieu par altroupement, voies de fait ou menaces, est constitutive du délit, et la question doit en être formellement posée au jury. L'empêchement par simple attroupement sans voies de fait ni menaces, a lieu quand des individus étrangers ou non à l'exercice des mêmes droits se sont réunis en assez grand nombre pour intercepter toutes les entrées du lieu où doivent s'exercer ces droits. La tentative d'empêchement n'est point punissable, le fait n'étant qu'un délit, et la loi ne s'en étant pas expliquée.-V. Tentative.

38. Les criminalistes doutaient, avant la loi de 1832, modificative du code pénal, que l'art. 463 c. pén., relatif à la réduction des peines correctionnelles, fût applicable au délit d'empêchement à l'exercice des droits civiques, attendu que le dommage n'était pas appréciable en argent (Carnot). Que doit-on penser aujourd'hui ? V. Peines.

39. Le délit prend le caractère de crime s'il a été commis par suite d'un plan concerté pour être exécuté soit dans toute la France, soit dans un ou plusieurs départements, soit dans un ou plusieurs arrondissements; la peine alors est le bannissement (c. pén. 110).

40. La tentative seule est dans ce cas punissable (c. pén. 2), car il s'agit non plus d'un délit, mais d'un crime. Cependant MM. Hélie et Chauveau soutiennnent, au contraire (Théor. du c. pén., t. 3, p. 76), que dans le cas de l'art. 110 c. pén., comme dans celui de l'art. 109, « il faut que l'empêchement ait produit son effet et par l'un des trois moyens énumérés par l'art. 109: car c'est le même acte que prévoient l'un et l'autre article; seulement ce fait reçoit un caractère plus grave de la circonstance exprimée part l'art. 110, » c'est-à-dire du concert formé entre plusieurs personnes.

41. Si les moyens employés pour commettre le délit prévu par les art. 109 et 110, constituent par eux-mêmes des délits séparés, ils peuvent être l'objet de poursuites distinctes. Cela a été reconnu dans la discussion au conseil d'État. « Ces articles, a dit Treilhard, ne dérogent pas aux autres dispositions du code; et ainsi, lorsque le coupable, pour exécuter ses projets, aura commis d'autres délits, il portera la peine que ces délits entraînent. »

42. Tout citoyen qui, étant chargé, dans un scrutin, du dépouillement des billets contenant les suffrages des citoyens, sera surpris falsifiant ces billets ou en soustrayant de la masse, ou y en ajoutant, ou inscrivant, sur les billets des votants non lettrés, des noms autres que ceux qui leur auraient été déclarés, sera puni de la peine de la dégradation civique (c. pén. 111). - La peine était le carcan dans l'ancien article.-De nouvelles pénalités ont été établies par les art. 102 et 103 de la loi électorale du 15 mars 1849. Enfin le décret organique électoral du 2 fév. 1852 consacre son titre 4 aux dispositions pénales portées contre les crimes ou délits relatifs aux élections. L'art. 111 c. pén. s'applique, dans sa généralité, au scrutateur d'une élection communale qui écrit d'autres noms que ceux que lui ont désignés des électeurs illettrés (Rennes, 6 août 1840, aff. Leboulicault, V. Organ. adm.).

43. L'art. 111 serait-il applicable au président qui, en donnant lecture des bulletins, prononcerait frauduleusement des noms autres que ceux qui y seraient écrits ? Oui, suivant MM. Chauveau et Hélie, t. 3, p. 79. L'art. 102 de la loi du 15 mars 1849 a consacré cette opinion pour les élections législatives.

44. L'art. 112 c. pén. ajoute : Toutes autres personnes, coupables des faits énoncés dans l'article précédent, seront punies d'un emprisonnement de six mois au moins et de deux ans au

36. Nous pouvons poser ici un principe dont on verra les applications dans les chapitres suivants, à savoir que les incapa-plus, et de l'interdiction du droit de voter et d'être éligibles pen

cités en matière de droit ne se suppléent pas, et ne s'étendent pas.

V. n° 95.

dant cinq ans au moins et dix ans au plus.

45. On demanda au conseil d'État que l'infidélité ne pût être

poursuivie que dans le cas où elle aurait eu pour résultat de priver un citoyen d'une élection qui lui était acquise. Mais cette restriction, proposée par Cambacérès, fut justement repoussée. 46. Il n'y aurait point de délit dans les soustractions ou additions de bulletins faites involontairement.

47. Pour qu'il y ait lieu à l'application de la loi pénale, le coupable doit avoir été surpris en flagrant délit; l'action ne peut plus être intentée si les faits n'ont pas été constatés pendant l'opération même du scrutin. « On a dû craindre, a dit l'orateur du gouvernement, d'ouvrir une issue trop facile à de tardives et téméraires recherches pour des faits qui ne laissent plus de traces quand le scrutin est détruit et qu'on a terminé les opérations qui s'y rapportent. Combien, dans cette matière surtout, les espérances trompées, les prétentions évanouies, et l'amour-propre blessé ne feraient-ils pas naître d'accusations hasardées, s'il était permis de les recevoir après coup et hors les cas où le coupable est surpris, pour ainsi dire, en flagrant délit ! Et il a été jugé que la falsification ou soustraction des billets contenant les suffrages des citoyens ne peut être recherchée que dans le cas de flagrant délit; que ces faits ne sont plus punissables lorsqu'ils n'ont été découverts que graduellement et plusieurs mois après la tenue de l'assemblée électorale (Crim. cass. 28 fév. 1812, aff. Aublin, V. Presse-outrage).— Il ne faut pas généraliser d'une manière absolue cette doctrine. Il arrive parfois, lorsque des protestations, prises en considération par une assemblée politique lors de la vérification des pouvoirs, ont signalé des faits coupables qui se seraient passés au moment du scrutin, que l'assemblée ordonne le renvoi au ministre de la justice, afin qu'il fasse instruire et poursuivre s'il y a lieu; un renvoi ordonné par une autorité aussi haute ne pourrait rester sans conséquence, par cela seul qu'on lui opposerait la fin de non-recevoir tirée de ce que le fait n'aurait pas été constaté pendant la durée même du scrutin.

48. On avait pensé que le fait, de la part d'un individu qui n'est pas électeur, d'avoir, en usant de la carte d'un électeur décédé, voté dans un collége électoral pour la nomination d'un député, ne constituait ni crime ni délit; qu'il n'y avait là ni un délit relatif à l'exercice des droits civiques (c. pén. 109), ni usurpation de fonctions publiques (c. pén. 258; Amiens, 26 juin 1822, M. de Mouchy, pr., aff. Guimier). — Cet arrêt est combattu, et avec raison, par MM. Chauveau et Hélie, t. 3, p. 80. Le fait dont il s'agit a pour effet d'ajouter des billets à la masse; il rentre donc dans les termes des art. 111 et 112.

49. Quels sont les droits civiques dont les art. 109 et suiv. ont pour objet de garantir l'exercice? La sanction de ces articles est limitée, suivant MM. Chauveau et Hélie, t. 3, p. 86, aux élections qui dérivent de la loi constitutionnelle, telles que les élections du président de la République, des représentants du peuple, les élections départementales et municipales et celles des officiers de la garde nationale.

50. Le vote, sous le nom d'un autre électeur, et différentes fraudes de cette nature, sont punis par les art. 98 et suiv. de la loi électorale du 15 mars 1849, et par le tit. 4 du décret organique du 2 fév. 1852.

51. L'achat et la vente d'un suffrage, à un prix quelconque dans des élections, est un délit prévu par l'art. 113 c. pén. Peu importe que le prix n'ait pas été convenu en argent : les mots prix quelconque embrassent dans leur généralité toutes les conventions intéressées par lesquelles on obtient du votant un suffrage favorable; « de sorte, dit Carnot, qu'il y aura eu prix bien réel, dans le sens du code, lorsque l'on aura fait la promesse au votant, soit de lui conserver la place qu'il occupe, soit de lui en procurer une. » Outre la peine principale, le vendeur et l'acheteur du suffrage sont condamnés chacun à une amende double de la valeur des choses reçues ou promises. Les faits de corruption électorale sont l'objet de l'art. 105 de la loi du 15 mars 1849, et de l'art. 38 du décret organique du 2 fév. 1852.

52. Pour déterminer, dans le cas où le prix consistera dans une place, le montant de l'amende, il suffira de calculer les produits de la place qu'occupe le votant ou de celle qui lui a été promise: «Dans tous les autres cas, ajoute Carnot, rien ne sera plus facile que de s'assurer du bénéfice qu'auraient pu procurer au votant les promesses qui lui auraient été faites, ou les chances de perte que les menaces auraient pu lui faire éprouver. ». TOME XIX.

53. Le délit d'achat et de vente de suffrages dans les élections, prévu par l'art. 113 c. pén., est de la compétence exclusive des cours d'assises (Crim. cass. 4 déc. 1846, aff. Drouillard, D. P. 47. 1.36).

Dans un procès de cette nature, il n'est pas nécessaire que le jury soit interrogé sur la quotité des sommes données et reçues (Crim. rej. 10 avr. 1847, même affaire, D. P. 47. 1. 90).

54. Les art. 111 et 112 c. pén. ont été déclarés applicables à la falsification de feuilles de pointage, commise par un scrutateur, au moyen de l'addition frauduleuse de signes représentatifs des suffrages, au profit d'un candidat (Crim. cass. 15 juin 1848, aff. Jorand, D.P.48.1.103). Bien qu'elle n'ait été rendue qu'en matière d'élection municipale, cette décision consacre un principe qui est de nature à embrasser les différentes espèces d'élections; car dans les colléges appelés à nommer des représentants, les votes sont aussi constatés au moyen de feuilles de pointage et de comptes ouverts sur ces feuilles à chaque candidat. La falsification dont il s'agit pourrait donc avoir lieu, et plus l'opération électorale est importante, plus il est bon de la placer sous la sauvegarde de la sanction pénale.

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55. La révolution de 1848 a rendu inutiles la plupart des nombreuses décisions qui sont intervenues sur cette matière depuis la promulgation de la charte de 1814, notamment en ce qui a trait au cens, au domicile, etc., etc.; aussi avons-nous supprimé la plupart des textes qui se rapportaient à ces parties du droit électoral. Toutefois, et pour que le lecteur pût retrouver ces décisions, nous avons indiqué, moins en raison de leur utilité qu'à titre de renseignements, les volumes du Recueil périodique où les arrêts, même antérieurs à 1845, sont rapportés. Du reste, on verra que depuis la révolution de 1848, des questions nombreuses ont été résolues, questions nées de l'ordre électoral nouveau, qui conséquemment ont un intérêt actuel, et qu'on indique avec beaucoup de soin. C'est des corps législatifs que la plupart de ces décisions émanent, et elles ont communiqué à l'ensemble du travail une utilité pratique que le légiste saura apprécier, en même temps qu'elles ont permis d'écarter un grand nombre de documents qui, sans utilité aucune, auraient grossi ce traité hors de toute proportion.

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56. Nous n'avons point ici à exposer l'histoire du pouvoir législatif en France; nous n'examinerons pas si l'institution des états généraux, convoqués, par le bon plaisir royal, vingt-sept fois seulement dans cinq siècles, consultés mais non obéis, conférait à la nation une participation réelle à la puissance législative. Nous devons nous borner à rappeler ce qui s'est passé pour l'élection des derniers états généraux, ceux de 1789, glorieux berceau de notre révolution et de notre nouveau droit public. - Au milieu de la lutte des grands pouvoirs de l'État, et des embarras inextricables de l'administration, l'opinion publique, surexcitée par les résistances ambitieuses que les parlements opposaient à la royauté sous le règne de Louis XVI, jeta le cri d'un appel aux états généraux. Le parlement voulait s'en faire une arme contre le roi, le roi une défense contre le parlement.

Louis XVI et ses ministres, sans s'expliquer clairement sur l'avenir des états généraux, y recourent comme à un expédient pour abattre l'hostilité du parlement. Un arrêt du conseil d'État, en date du 5 juill. 1788 (V. Droit const., p. 275), convoque les états généraux pour le 1er mai 1789. Alors éclate un des vices les plus profonds et les plus étranges de la situation politique de la monarchie. Tandis que des publicistes modernes et contemporains affirment l'existence et exaltent les mérites de l'ancienne constitution française, on voit le chef de cette ancienne France déclarer officiellement que, sur un point aussi capital que l'élection des députés représentant la nation, il est hors d'état de décider comment ces élections devaient se faire d'après les lois du royaume. C'est qu'en effet, ces grandes assemblées ne s'étaient pas réunies depuis 1614, et qu'à cette dernière époque on avait suivi, pour leur convocation et leur formation, d'anciens usages qui avaient varié selon les temps et les provinces. Ce que la royauté se sentait incapable de faire, elle le demandait à ses sujets; l'arrêt du conseil dont il s'agit convie

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