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une indemnité si celui-ci a un titre régulier résultant, par exemple, d'aveux ou reconnaissances, ou une possession vérifiée aux termes de l'édit de 1683, c'est-à-dire autérieure à 1566? Une indemnité serait due évidemment, et c'est là aussi l'avis de MM. Garnier, des Eaux, no 46, et Daviel, t. 1, no 356.-Et il a été jugé, d'une part : 1° que lorsqu'il a été reconnu par le conseil de préfecture, e; qu'il n'est pas contesté par le ministre des travaux publics que l'établissement d'une usine remonte à une époque antérieure à 1566, une indemnité doit être accordée au propriétaire à raison du dommage occasionné à son usine par des travaux exécutés dans l'intérêt de la navigation (ord. cons. d'Ét. 30 mars 1846, M. Guithem, rap., aff. de Boisset);-2° Que le moulin situé sur la partie non navigable d'une rivière qui existait déjà en 1642, et a été vendu comme bien national, doit être considéré comme ayant une existence légale; qu'en conséquence, si aucune clause de l'acte de vente n'a interdit à l'acquéreur ou à ses représentants le droit de réclamer une indemnité en cas de chômage nécessité par des motifs d'utilité publique, ceux-ci sont fondés à demander la réparation du préjudice qu'ils ont éprouvé par suite du détournement des eaux motrices de l'usine, nécessité par les travaux d'exécution d'un canal ; et que les intérêts de l'indemnité due dans ee cas au propriétaire du moulin doivent lui être alloués à partir de la demande qu'il en a faite (ord. c. d'Ét. 29 juill. 1846, M. de Jouvencel, rap., aff. Monard C. canal de la Sambre à l'Oise); 3° Que le moulin situé sur la partie non navigable d'une rivière, qui existait dès l'année 1772, et a été vendu comme bien national, doit être considéré comme ayant une existence légale ; qu'en conséquence, si aucune clause de l'acte de vente n'interdit à l'acquéreur ou à ses représentants le droit de réclamer indemnité en cas de chômage nécessité par des motifs d'utilité publique, ceux-ci sont fondés à demander qu'il soit procédé à l'évaluation đu préjudice qu'ils prétendent avoir éprouvé dans l'exploitation du moulin par suite des travaux d'exécution d'un canal, et au règlement de l'indemnité qui peut leur être due (ord. cons. d'Ét. 5 sept.1816, M. de Jouvencel, rap., af. Morlet C. canal de la Sambre à l'Oise); -4° Mais que si, par suite de travaux non autorisés par l'administration et exécutés depuis l'adjudication du moulin, cet établissement a été mis en état de faire emploi d'une plus grande force motrice que celle qu'il dépensait lors de ladite adjudication, la privation de ce surcroît de force motrice ne peut donner lieu à aucune indemnité (même décision); -5° Que lorsqu'une expertise à l'effet de fixer le montant de l'indemnité due au propriétaire d'un moulin, par suite de l'exécution de travaux publics, a été faite hors la présence d'une partie intéressée, en vertu d'un arrêté par défaut rapporté sur l'opposition de ladite partie, il doit être procédé à une expertise nouvelle avant que le conseil de préfecture prononce sur le règlement de l'indemnité (ord. cons.

(1) (Beaugrand.) LOUIS-PHILIPPE, etc.; - Vu l'arrêté du 19 vent an 6; Considérant qu'il s'agit, dans l'espèce, d'un moulin situé sur une rivière navigable qui n'est pas susceptible de propriété privée ; Que la suppression de la force motrice empruntée à cette rivière, ne pourrait donner lieu à une indemnité qu'autant que le réclamant exhiberait un titre ancien dont il ne justifie pas; - Art. 1. La requête... est rejetée. Du 8 juin 1831.-Ord. cons. d'Ét.-M. Macarel, rap.

(2) Espèce: (Min. des trav. pub. C. Paris et Martin.) - L'établissement d'un chemin de balage sur la rive droite de la Dordogne a fait supprimer le moulin du Barail, appartenant aux sieurs Paris frères et Martin. - Ces derniers consentirent à la démolition, moyennant une indemnité de 12,000 fr., que l'ingénieur en chef proposa de réduire à 11,080. Mais le conseil de préfecture a maintenu celle de 12,000 fr. Recours de M. le ministre des travaux publics. Il a exposé que les propriétaires du moulin du Barail, pour se trouver dans l'exception admise par la declaration du mois d'avril 1683, ne produisent aucun acte authentique de propriété fait avec les anciens rois avant 1566; qu'au contraire, un arrêt du conseil, du 31 août 1728, concernant les propriétaires des moulins flottant sur la Dordogne, et qui désigne nominativement le moulin du Barail, enjoint aux propriétaires desdits moulins de les placer dans les endroits les plus convenables à la navigation et au foltage, et aussi d'entretenir les digues en bon état, le tout à leurs frais, sans que, pour ces nouveaux établissements, démolition ou entretiens, ils pussent prétendre à aucun dédommagement. D'après ce principe, il est Constant que, depuis l'édit de 1566, il n'a pu être établi d'usines sur les Beuves et rivières navigables et flottables qu'à titre précaire et de pure tolerance. Or, si l'on conçoit qu'une indemnité puisse être due aux propriétaires des usines, en cas de suppression, lorsqu'elles n'ont été autorisées que sous la condition d'un capital versé dans la caisse de l'État pour

d'Et. 5 sept. 1846, M. de Jouvencel, rap., aff. Morlet C. canal de la Sambre à l'Oise);- 6° Que la clause par laquelle l'ordonnance réglant les eaux d'une usine dispose qu, pour l'exécution de tra vaux dont l'utilité publique sera constatée, cetle usine pourra être privée sans indemnité des avantages qui lui sont concédés par ladite ordonnance, tous les droits antérieurs réservés, est spéciale aux cas formellement prévus, et ne fait pas obstacle à ce que, dans le cas de suppression totale ou partielle de l'usine pour cause d'utilité publique, le permissionnaire ou ses représentants fassent valoir les droits qui pourraient résulter à leur profit de l'existence légale de ladite usine (ord. cons. d'Ét. 26 nov. 1846, M. Guilhem, rap., aff. Courtès-Bringon; 15 déc. 1846, M. Lepelletier-d'Aulnay, rap., aff. Jouvin).

404. Mais la simple possession non reconnue dans les termes de l'édit de 1683, fût-elle immémoriale, ne justifierait pas le droit à une indemnité (Conf. M. Daviel, eod.), et c'est à tort que M. Dubreuil, Législation des eaux, no 127, a prétendu qu'une telle possession serait acquisitive de droits ou d'usage surles eaux du domaine public. Les lois 3, § 4, Dig. De aquá quotid, et æstiv., et 4, Cod., De aquæ duct. et les auteurs italiens Pichins, Gobins et Richeri que cite M. Dubreuil sont sans force, comme M. Davie! en fait très-bien la remarque, lorsqu'il s'agit d'une maxime spéciale du droit français. La possession, en effet, n'a pu faire acquérir ce qui était hors de l'appropriation individuelle, comme les fleuves et rivières navigables (V. plus haut, no 73 el vis Dom. publ., nos 48 s., et Prescript.).-Il a été décidé en ce sens t° que l'autorisation de reconstruire un moulin incendié peut être refusée, même sans indemnité, si le propriétaire ne justifie pas d'un titre ancien, émané de l'administration, bien qu'il excipe d'une existence très-ancienne et d'une autorisation du préfet, de rétablir celle usine dans un temps où elle avait été détruite par les eaux, si cet arrêté n'a point été approuvé par le ministre (ord. cons. d'Ét. 8 juin 1831) (1); — 2° Que lorsqu'une usine établie sur une rivière navigable a été vendue nationalement, sans garantie de servitudes actives ou passives, l'État peut faire emploi des eaux de la rivière dans l'intérêt de la navigation, et au préjudice de l'usine, sans être passible d'aucune indemnité (ord. cons. d'Él. 29 août 1834, M. Montaud, rap., aff. Delorme); -3° Que les propriétaires d'usines situées sur une rivière navigable, qui ne justifient d'aucun titre de propriété antérieur à l'ord. de 1566, ne sont pas fondés à réclamer de l'État une indemnité pour suppression de leurs usines, par suite de travaux publics (ord. cons. d'Ét. 14 janv. 1839 (2); 19 mars 1840, M. Cornudet, rap., aff. Conqueret C. min. des miu.; 16 mars 1842, M. de Jouvencel, rap., aff. Baraigues); — 4° Que l'administration a le droit de prescrire sur les rivières navigables et flottables toutes les mesures qu'elle juge utiles dans l'intérêt du service de la navigaprix de l'autorisation, rien ne saurait justifier l'allocation d'une pareille indemnité, lorsque les usines ont été autorisées, soit à titre gratuit, soit sous la condition d'une simple redevance annuelle qui doit nécessairement cesser avec la révocation de la tolérance. Admettre une doctrine contraire et reconnaitre aux propriétaires d'usines supprimées, alors même qu'elles n'auraient été autorisées que sous la condition d'un capital dé boursé, le droit de prétendre au dédommagement intégral de leur pere actuelle, tel que pourrait l'exiger un propriétaire incommutable, c rait, en réalité, traiter les détenteurs, à titre précaire, des biens de l'Etat non susceptibles d'aliénation, avec plus de faveur que la loi du 14 vent. an 7 n'a traité les engagistes des biens de l'État, susceptibles d'être alienés. J'ajouterai qu'une semblable faveur serait d'autant moins justice, que la plupart des détenteurs dont il s'agit se sont trouvés affranchis, p suite des lois abolitives de la féodalité, des redevances qui leur avalesi été imposées par la déclaration de 1683. Les sieurs Paris et Martin ont combattu le pourvoi, en se fondant surtout sur l'arrêté du 19 vent. an 6, soutenant que cet arrêté avait voulu maintenir toutes les usines dont le propriétaire prouvait avoir acquis la propriété de bonne foi et à juste titre.

LOUIS-PHILIPPE, etc.; Vu l'édit de février 1566, l'ordonnance de 1669, la déclaration d'avril 1683, l'arrêt du conseil du 31 août 1728, l'arrêté du directoire du 16 vent. an 6 et la loi du 16 sept. 1807; Considérant que la rivière de la Dordogne est navigable et flottable a point dont il s'agit; que les sieurs Paris frères et Martin ne justifient d'a cun titre de propriété authentique antérieur au 1er avril 1566; que, des lors, es propriétaires n'étaient en droit de réclamer aucune in temnite pour la suppression de leur usine; Annule l'arrêté du conseil de préfecture de la Dordogne, en date du 7 nov. 1837.

Du 14 janv. 1859.-Ord. cons. d'É-M. de Jouvencel, rap.

tion; et il n'est dû d'indemnité aux propriétaires d'usines si

tuées sur lesdites rivières auxquels ces mesures seraient préju- (ord. cons. d'Et. 24 janv. 1834, aff. Lambin, V. n° 410).

diciables qu'autant que l'origine de ces usines remonterait à une époque antérieure à 1566, ou que, par suite de vente nationale, il y aurait eu affectation spéciale d'une force motrice déterminée (ord. cons. d'Ét. 5 juin 1846, M. Marchand, rap., aff. Montebello; 3 déc. 1846, M. Guilhem, rap., aff. Jeyrousse).

405. Du reste, la difficulté, quant au droit à l'indemnité, s'élèvera bien rarement. Aujourd'hui les anciennes usines ont presque toutes disparu; et, pour toutes les usines qui ont été concédées depuis 1790, leur titre de concession renferme presque toujours cette clause, que si le gouvernement juge nécessaire, dans l'intérêt de la navigation, de supprimer l'usine, cette sup · pression aura lieu sans indemnité (V. n°342); en outre, l'usinier quiobtient une concession sur une rivière navigable ou flottable, sait fort bien que le domaine public est inaliénable, imprescriptible, que les concessions que fait à cet égard le gouvernement sont toujours soumises à une condition résolutoire qui prend sa source dans la nature même de ce domaine.

409. Aux termes du même art. 48, l'indemnité n'est due que si l'établissement des usines et moulins est légal, ou si le titre même qui les constitue ne contient pas la clause habituellement insérée dans les actes de concession, clause qui soumet les propriétaires à voir démolir leurs établissements sans indemnité si l'utilité publique l'exige. Nonobstant cette disposition, M. Daviel (t. 2, p. 72) établit une distinction qu'il importe de signaler. Il admet très-bien, en général, que si des modifications sont jugées nécessaires dans la constitution d'une usine, le propriétaire n'a droit à aucune indemnité lorsque c'est l'utilité publique qui réclame ou la suppression de l'usine ou les changements prescrits par l'administration. Mais il ajoute ensuite: « Il en serait autrement si, au lieu de pourvoir aux inconvénients survenus naturellement dans le cours des eaux, l'administration croyait devoir donner à une rivière une direction nouvelle, dans des vues d'amélioration. Le propriétaire qui, par suite de l'exécution de ces plans, se trouverait privé d'une prise d'eau pour le roulement d'une usine, aurait droit à une indemnité, car ce serait là vraiment une expropriation pour cause d'utilité publique. M. Proudhon, n° 1009, ajoute-t-il, se propose celte question et la résout négativement, en conséquence, des principes par lui posés sur la propriété des cours d'eau non

fondé en titres valables. Mais l'usage des eaux fait par le riverain est toujours,fondé en titres; car le titre, c'est le droit commun. Lors même que les riverains ne devraient pas être réputés propriétaires des cours d'eau non navigables, les droits d'usage qui leur appartiennent sur ces cours d'eau ne sont pas de simples facultés précaires et de pure tolérance, mais de véritables servitudes actives dont ils ne pourraient être abitrairement dépossédés. »

406. Il est des cas où, de son côté, l'État a droit d'être indemnisé par les usiniers pour les travaux qu'il fait exécuter dans les cours d'eau navigables et flottables. Ainsi, des indemnités sont dues par les usiniers ou les riverains d'une rivière navigable et flottable: 1° pour la reconstruction et réparation des digues|navigables, sauf le cas, dit-il, où le droit de prise d'eau serait qui intéressent la conservation de leurs propriétés, en même temps que le besoin de la navigation l'exige (L. 14 flor. an 11; décr. cons. d'Ét. 19 mai 1811, aff. Nevière C. Devoise; 30 janv. 1812, aff. Nicolaï, V. M. Daviel, t. 1, p. 381);-2o Pour les frais de réparation ordonnée par le directeur général des ponts et chaussées pour les dégradations commises sur les francsbords, ou dans le lit des rivières navigables par les meuniers ou autres propriétaires d'usines (décr. cons. d'Ét. 8 avril 1809, aff. Gruguelu-Martin). 3° Pour les frais d'entretien et de réparation des pertuis à la charge des propriétaires d'usines et du commerce de bois flotté, dans les proportions établies par les règlements en vigueur (ord. cons. d'Ét. 2 août 1826, M. Tarbé, rap., aff. Bernard); —4° Pour la réparation des dommages causés par des tiers à des travaux d'endigage faits sous la direction des agents de l'administration (L. 16 sept. 1807, art. 27; ord. cons. d'Ét. 4 mars 1819, aff. Boivin C. Chabanaux; 4 juill. 1827, M. Tarbé, rap., aff. Blancamp).

407. Dans le cas où il y a lieu à une indemnité au profit du propriétaire de l'usine, par qui et comment devra-t-elle être réglée? S'il y a suppression de la totalité ou de la partie la plus essentielle de l'usine, la loi du 7 juill. 1833, sur l'expropriation publique, devient applicable; si au contraire il s'agit simplement de quelques modifications à opérer à l'usine, comme alors il n'y aurait pas une véritable expropriation, l'indemnité devrait être réglée conformément à la loi du 16 sept. 1807 (Proudhon, no 839).

Le propriétaire d'usines dont la force motrice a été réduite, par suite des travaux exécutés pour rendre la rivière navigable, peut obtenir, non-seulement une indemnité générale, pour lui personnellement, mais encore des indemnités partielles pour chacun de ses fermiers en particulier, afin d'être couvert par-là de la responsabilité dont il est tenu à leur égard... et cela, lors même que ces fermiers ne seraient pas en cause (Rej. 23 nov. 1836, aff. Bruneau, V. no 490).

408. 2° Eaux non navigables.

Nous verrons au ch. 5, no 430, où nous traitons du pouvoir réglementaire, que même en ce qui a trait aux rivières non navigables, l'administration a toujours le droit de modifier les anciens règlements, et même de les remplacer par de nouveaux, si l'intérêt général l'exige, et que jamais son action ne peut être paralysée par les intérêts particuliers. Ces principes s'appliquent aux usines comme aux cours d'eau. L'administration peut, lorsqu'elle le juge nécessaire, modifier le régime extérieur des usines, malgré toute autorisation, ou une possession même immémoriale, et le conseil d'État a décidé que, quelle que soit la diminution des produits d'une usine, par suite des changements introduits par l'autorité publique dans le régime d'un cours d'eau ou des usines en général, le propriétaire n'a droit à aucune indemnité pour cause d'utilité publique, l'usine étant réputée n'avoir obtenu une existence légale que sous la condition qu'elle ne serait pas nuisible

Ces mots du passage cité : l'usage des eaux fait par le riverain est toujours fondé en titres, impliquent l'idée qu'il discute la question au sujet des cours d'eau non navigables, et, comme d'après sa doctrine, ces eaux et le lit dans lequel elles couleat appartiennent aux riverains, cet auteur n'est que conséquent en accordant une indemnité à ces derniers; mais cette opinion, qui n'est exacte qu'à l'égard des usines antérieures à la loi de 1790 (V. suprà, no 290), qui a ordonné que la propriété des moulins et usines fût respectée, lors même qu'ils tireraient leur origine de la concession féodale, ne l'est point pour ceux qui ont été établis depuis sans autorisation.-Aussi a-t-il été jugé qu'une usine construite, sans autorisation écrite, sur un cours d'eau non navigable, postérieurement à 1789, n'a pas d'existence légale, et que, par suite, son propriétaire n'a pas droit d'obtenir de l'État une indemnité, à raison du chômage occasionné par la dérivation du cours d'eau dans un intérêt public, et que l'autorisation administrative, nécessaire pour l'établissement légal d'une usine, n'est pas suppléée pas l'approbation donnée par l'administration à des conventions intervenues entre l'usinier et la commune, et qui supposent l'existence de cette usine, telles, par exemple, que l'obligation prise par le propriétaire de reconstruire et d'entretenir un pont auquel la commune prétendait que l'usine avait nui (ord. cons. d'Ét. 15 mars 1844, aff. Glais-Bizoin, D. P. 45. 3.35).

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410. Outre le cas d'utilité publique, la suppression ou la modification d'une usine peut être demandée et ordonnée à raison des sinistres et des dégâts que ses barrages ou écluses peuvent causer aux propriétés voisines (Proudhon, n° 1166). Mais, dans ce cas, il n'est dû aucune indemnité au propriétaire, alors même que l'usine a une existence légale. L'administration publique, en effet, n'ayant pas le pouvoir de disposer des biens des particuliers, les concessions pour établissements d'usines ne sont toujours faites que sous la condition exprimée ou sous-entendue que nulle personne tierce n'en ressentira de dommage. Or, du moment qu'il arrive que des tiers se trouvent gravement lésés par le fait de l'existence de l'usine, le propriétaire ne peut se plaindre de la destruction de l'usine, puisqu'il s'était soumis d'avance à une pareille condition (Conf. Proudhon, no 1169). —|| a été jugé 1° que lorsque, pour prévenir des inondations qui pourraient être occasionnées par un moulin, et qui seraient préjudiciables à une ou à plusieurs communes, l'autorité administra

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tive a prescrit des mesures, telles que le chômage d'une usine et la modification du vannage, cet usinier n'est pas fondé à alléguer sa longue possession pour résister aux mesures de l'autorité, et ce n'est pas avec plus de raison qu'il prétendrait qu'on aurait dû suivre à son égard les formes de l'expropriation pour cause d'utilité publique, les règles du droit civil n'étant pas applicables où l'administration s'est bornée à agir par voie de règlement d'eau (ord. c. d'Ét. 24 janv. 1834) (1);-2° Que la clause de non indemnité, insérée dans les ordonnances des règlements d'eau, pour le cas où des travaux d'utilité publique priveraient l'impétrant des avantages accordés par ces ordonnances, laisse intacts les droits de propriété que pourrait avoir à faire valoir le propriétaire de l'usine dans l'éventualité d'une suppression totale ou partielle (ord. c. d'Ét. 26 nov. 1846, aff. Courtès, D. P. 47. 3. 1).

411. Si l'État, au lieu d'agir dans un intérêt purement d'ordre public, a agi en sa qualité de propriétaire et a occasionné un dommage aux usines voisines, alors il est, comme tout propriétaire qui innove sans autorisation, soumis à une action en dommages-intérêts. C'est par suite de ce principe qu'il a été jugé que lorsque l'Etat, par des travaux exécutés à une usine dont il a la propriété (une poudrerie), a changé le régime des eaux et troublé la marche des usines voisines, il est passible d'indemnité, alors même que ces travaux auraient été exécutés en vertu d'une

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(1) (Lambin.) - LOUIS-PHILIPPE, etc.; Vu les lois des 20 août 1790 et 6 oct. 1791; En ce qui touche les mesures prescrites par l'arrêté du préfet: Considérant qu'il résulte de l'instruction, notamment des rapports d'ingénieurs, que l'état et les dimensions des ouvrages extérieurs du moulin de Crécy avaient plusieurs fois occasionné des inondations dans cette commune et les communes voisines; que, dès lors, aux termes des lois des 20 août 1790 et 6 oct. 1791, l'administration avait le droit et le devoir d'ordonner les mesures propres à prévenir le retour de pareils dommages, sans que les actes administratifs antérieurs ou la longue possession alléguée par le requérant, pussent faire obstacle à l'exercice de ce droit; que, dans l'espèce, l'administration s'est bornée, par voie de règlement d'eau, à prescrire au vannage de cette usine les modifications indispensables, et qu'ainsi, il n'y avait pas lieu à l'application des principes du droit civil en matière d'expropriation pour cause d'utilité publique; En ce qui touche la mise du moulin en chômage: Considérant qu'à défaut par le sieur Lambin d'avoir exécuté, dans le délai fixé, les mesures à lui prescrites, c'est avec raison que notre ministre des travanx publics a ordonné l'enlèvement des vannes de son moulin; Art. 1. La requête du sieur Lambin est rejetée, etc.

Les

Du 24 janv. 1834.-Ord. cons. d'Et.-M. Jouvencel, rap. (2) (Préfet du Pas-de-Calais C. sieur et dame de Colbert). époux de Colbert, ou leurs auteurs, sont, depuis un temps immémorial, propriétaires, le long de la petite rivière de l'Ãa, d'usines se mouvant au moyen d'une chute d'eau de 1 mètre 14 cent., sur un radier de O mètre 50 cent. En aval et à 343 mètres de distance de l'usine Colbert, se trouvait le barrage de la poudrerie royale d'Esquerdes, consistant anciennement en un seul moulin. A cette usine était affectée une chute d'eau de 1 mètre 50 cent., sur un radier posé au fond du lit de la rivière. De la comparaison de cette chute à celle de l'usine Colbert, et considération prise de l'intervalle existant entre cette usine et celle de l'État, il suivait que l'usine Colbert, assurée du libre écoulement de ses eaux, fonctionnait avec facilité. Mais dès 1822, l'État s'est livré à des travaux et a donné successivement à sa poudrerie de grands développements. Ainsi P'État a construit huit moulins différents, et notamment, sur ordonnance royale du 29 juillet 1837, il en a porté un à 73 mètres seulement en aval de l'usine Colbert; et le barrage de ce moulin a été élevé à 1 mètre 65 cent., c'est-à-dire à 0 mètre 35 cent. au-dessus de l'ancien repère, sur un radier élevé lui-même de O mètre 25 cent. Tous ces faits ont été constatés par des expertises, des enquêtes et contre-enquêtes contradictoires, et des rapports émanés de l'ingénieur de l'État. De ces travaux et de ces exhaussements il est résulté que les eaux ont reflué sur l'usine de Colbert dans une proportion considérable, au point que l'ingénieur de l'État luimême, le sieur Kolb, constatait, dès le 24 mai 1834, que les roues du moulin Colbert étaient, comme conséquence de la surélévation du radier de la poudrerie, noyées, l'une de 1 mètre, l'autre de 1 mètre 20 cent.

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Actionné en rétablissement des lieux tels qu'ils étaient primitivement, ou en 125.000 fr. de dommages-intérêts tant pour la perte de la force motrice de l'usine que pour les travaux à y effectuer, l'État prétendit que les époux de Colbert avaient eux-mêmes causé le dommage, en abaissant les radiers, et en enfonçant les roues de leurs moulins; et que, dans tous les cas, l'indemnité à accorder ne pouvait s'appliquer qu'à l'un des moulins exploités par les demandeurs, l'autre n'ayant jamais été légalement

autorisé.

Le 6 janv. 1843, un jugement du tribunal civil de Saint-Omer condamna l'État à 20,000 fr. de dommages-intérêts. Appel par l'État.

ordonnance royale; cette ordonnance, en cas pareil, n'est pas un acte administratif, et ne peut avoir d'effet que sauf les droits acquis par les tiers; et que peu importe que l'établissement de l'usine endommagée ne soit pas fondé sur une autorisation en forme, s'il est établi que son ancienneté donnerait lieu de maintenir cette usine par prescription, et si d'ailleurs l'État lui-même a reconnu son existence (Req. 23 avr. 1844) (2). — Toutefois, M. Daviel, eod., remarque aussi que lorsque la suppression des usines est prescrite pour exécuter des projets de desséchement ou d'irrigation, comme le changement dans l'état des lieux n'est pas motivé par l'intérêt des usages publics auxquels le fleuve est destiné, et qu'il s'agit d'une cause d'utilité publique intrinsèque, pour ainsi dire, alors il y a lieu à indemnité. - On peut objecter que cette solution paraît contraire à l'esprit général de la législation qui a été d'affranchir l'État de toute entrave, de toute indemnité lorsque, dans un intérêt public, il se trouve amené à disposer des eaux domaniales contrairement aux usages jusquelà suivis il n'y a que ceux qui ont des droits antérieurs à 1566 qui sont fondés à réclamer contre toute suppression de leurs usines ou de la force motrice.

412. Au reste, si des travaux de redressement d'une rivière, entrepris après la loi du 8 mars 1810 et avant celle de 1833, ont enlevé à une usine son moteur, l'indemnité due, à raison de

Sur la demande des administrateurs de la poudrerie, une ordonnance royale du 31 mai 1843, portant règlement d'eau des usines des époux de Colbert, concéda à ceux-ci une augmentation de chute de 52 cent. (il est à remarquer, au reste, qu'ils en jouissaient déjà en fait, depuis les travaux de l'État, sous la tolérance des propriétaires supérieurs). Nonobstant cette concession, la cour royale rendit, le 25 août 1845, un arrêt confirmatif où elle fixa même les dommages-intérêts à 30,000 fr. (dont 6,000, à payer aux locataires des époux de Colbert). Cet arrêt est ainsi motivé:

« Attendu qu'ils (les époux de Colbert) ont mis en fait que, par suite des travaux effectués à la poudrerie d'Esquerdes en ex cution de l'ordonnance du roi du 29 juill. 1837, le régime des eaux avait été changé, à leur préjudice, entre cette usine et les deux moulins dont ils sont propriétaires. >>

Pourvoi du préfet du Pas-de-Calris, au nom de l'État : 1o Excés de pouvoir, fausse application et même violation de l'art. 1382 c. civ., en ce que l'arrêt attaqué a condamné l'État à des dommages-intérêts envers les époux de Colbert, quoique, d'une part, le préjudice causé à ces derniers ne fût point le résultat d'une faute de l'Etat, qui en faisant les travaux dont se plaignaient les époux de Colbert, avait usé du droit que lai conférait l'ordonnance royale de 1837; et que, d'autre part, les usines des sieur et dame de Colbert n'ayant eu d'existence légale qu'à dater du règlement d'eau du 31 mai 1843, obtenu durant l'instance d'appel, ceux-ci ne pouvaient argumenter, à l'appui de leur action en dommages-intérêts. de la violation d'aucun droit. - 2° Fausse application de l'art. 1582 c. civ., en ce que le même arrêt a accordé aux sieur et dame de Colbert une réparation en argent, sans tenir compte de celle qui leur avait été consentie en nature au moyen de l'augmentation de chute d'eau que lear concédait le règlement d'eau du 31 mai 1843. - Arrêt.

LA COUR; Sur le premier moyen: Attendu, en droit, que lorsqu'un procès a pour objet une demande en dommages-intérêts à raison d'un préjudice causé par un fait quelconque, une semblable question réside toute en fait, et dès lors, est exclusivement soumise à l'appréciation segveraine des juges de la cause; Attendu, en fait, qu'il est constaté par P'arrêt que les travaux exécutés par l'État à la poudrerie d'Esquerdes, ont changé le régime des eaux établi depuis un temps immémorial, et causé un préjudice notable aux époux de Colbert en faisant refluer les eaux sous les roues de leurs moulins et les empêchant de marcher;- Attendu qu'es vain on prétendrait que l'État ayant agi en exécution d'une ordonnance royale, n'a point commis de faute et ne peut être passible d'une indemnité, parce que l'État, dans cette circonstance, a agi comme un simple particulier, et non en vertu de ses pouvoirs d'administration et de haute police sur le règlement des eaux; Attendu que l'on n'est pas plus fondé à soutenir que dans l'origine l'établissement des moulins des sieur el dame de Colbert, n'a pas été autorisé; car l'arrêt constate leur ancienneté, la longue possession des propriétaires, la reconnaissance de la légalité de leur existence, par l'ordonnance du 31 mai 1843, et enfin le droit de les conserver acquis par la prescription;

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Sur le deuxième moyen :-Attendu que la fixation du taux plus moins élevé de l'indemnité appartient exclusivement à la cour royale, et que l'on ne peut disculer les éléments de cette estimation devant la cour de cassation; Attenda que, sous aucun rapport, il n'y a eu l'excès de pouvoir reproché, ni violation de l'art. 1582 c. civ.;-Rejette.

Du 25 avril 1844.-C. C., ch. reg.-MM. Zangiacomi, pr.-Bayeux, rap.Delangle, av. gén., c. conf.-Jousselin, av.

cette dépossession, a dû être fixée, d'après la loi de 1810, par les tribunaux, à défaut de conciliation des parties sur le montant (ord. cons. d'Ét. 17 août 1825) (1).

413. Nous avons examiné la question d'indemnité par rapport à l'État, mais cette question soulève aussi souvent des difacultés entre usiniers, et entre des usiniers et des tiers. Ainsi, il a été jugé 1° que la réserve contenue dans une ordonnance royale, au profit de l'usinier à qui elle enjoint l'abaissement de son déversoir, de faire valoir contre l'usinier voisin, partie dans l'instance, les actions qui peuvent résulter des conventions particulières, doit être entendu en ce sens qu'elle autorise le premier non à faire décider de nouveau, par les tribunaux, la question relative au règlement des eaux, mais seulement à leur soumettre la détermination de l'indemnité à laquelle peut être évalué le préjudice causé par le changement de la hauteur de l'eau, ordonné contrairement à des conventions particulières (Req. 24 fév. 1845, aff. Rozaud, D. P. 45. 1. 193);-2° Qu'un usinier dont l'établissement a été autorisé sur une rivière, avec réserve pour l'État de faire dans l'intérêt de l'industrie ou du commerce, des dispositions qui privent l'impétrant d'une partie des avantages de la concession, est non recevable à réclamer des dommages-intérêts contre le concessionnaire postérieur d'une usine établie en amont, bien que le volume d'eau que celui-ci est autorisé à retenir diminue la force motrice du premier usinier (Req. 18 avr. 1843) (2).-V. au surplus ce qui est dit à la sect. suiv. SECT. 9. Des droits des tiers opposants.

--

414. L'ordonnance qui fait à un particulier concession du droit d'élever une usine est, règle générale, incommutable et inattaquable en elle-même.-Elle lie le gouvernement en ce sens qu'à moins de motifs graves et puisés dans l'intérêt public (ou d'un abus extraordinaire de pouvoir qui ne se suppose pas), il ne

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(1) Espèce (Manisse.) - Manisse était propriétaire d'une fabrique de papiers située à Douai, et mue par une chute d'eau, tirée de la rivière de la Scarpe. Sous l'empire de la loi du 8 mars 1810, l'autorité administrative fit faire, sur la rivière de la Scarpe, des travaux qui, en enlevant le moteur de la fabrique, la frappèrent d'une inactivité absolue. Manisse réclama des dommages-intérêts. L'autorité ne contesta pas les dommagesintérêts; elle contesta seulement la quotité des dommages-intérêts. Le conseil de préfecture, saisi de cette affaire, fixa, par un arrêté, le montant de l'indemnité à la valeur intrinsèque du moteur de la fabrique. Manisse se pourvut contre cette décision au conseil d'État. Il soutint que le conseil de préfecture, compétent pour statuer sur une contestation relative à la dépossession ou à l'indemnité, avait été incompétent pour statuer sur une contestation relative au montant de l'indemnité. CHARLES, etc.; - Sur le rapport du comité du contentieux; loi du 16 sept. 1807 et celle du 8 mars 1810, sur les expropriations forcées pour cause d'utilité publique ; Considérant les travaux de que redressement de la rivière de Scarpe ayant été entrepris postérieurement à la publication de la loi du 8 mars 1810, c'est d'après cette loi que doit être réglée l'indemnité due au sieur Manisse pour la dépossession du moteur de son usine; que, dès lors, à défaut de conciliation sur le montant de cette indemnité, c'est aux tribunaux et non au conseil de préfecture à prononcer; Art. 1. L'arrêté du conseil de préfecture du département du Nord, du 1er août 1825, est annulé pour cause d'incompétence. — Art. 2. Le sieur Manisse se retirera, s'il s'y croit fondé, devant les tribunaux, sauf à l'administration à y faire valoir, s'il y a lieu, les exceptions qui pourraient résulter pour elle de l'arrêté susvisé du préfet du département du Nord, du 25 mai 1804 (5 prair. an 12).

-

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Du 17 août 1825.-Ord. cons. d'Ét.-M. Tarbé, rap.

Vu la

(2) Espèce:-(Ronflette C. Drumeau.)- La dame Ronflette possède, sur le cours d'eau du Nouzon, une usine dont l'établissement a été régulièrement autorisé par ordonnance royale du 30 avril 1828. L'une des clauses de cette ordonnance porte : « que les impétrants ou leurs ayants cause ne pourront prétendre indemnité, chômage, ni dédommagement, si, à quelque époque que ce soit, l'administration, dans l'intérêt de la navigation, du commerce ou de l'industrie, juge convenable de faire des dispositions qui les privent en tout ou en partie des avantages résultant de la présente autorisation. »Postérieurement, le 22 avril 1840, une autre ordonnance royale autorise le sieur Drumeau, propriétaire d'une usine dite de la Cachette, située en amont de celle de la dame Ronflette (sans autre intermédiaire qu'une forge alors en non activité), à faire à son usine des changements dont le résultat fut d'agrandir considérablement le bassin dans lequel le sieur Drumeau retenait l'eau nécessaire à l'alimentation de cette usine pendant les temps de sécheresse, et, par suite, le volume d'eau ainsi retenu. De là, procès avec la dame Ronflette. TOME XIX.

peut ni la révoquer, ni même la modifier.--Elle lie bien plus encore la partie en faveur de laquelle elle a été rendue; car celte ordonnance est pour elle la charte de ses droits et de ses devoirs. Mais si le gouvernement est libre, en thèse générale, de faire à un riverain usinier telle concession qu'il juge convenable, il trouve cependant une borne à son bon plaisir. Cette borne qu'il ne pourrait franchir impunément, c'est le droit des tiers. La vieille clause si expressive, renfermée dans les anciennes chartes et donations des rois, «sauf notre droit en autres choses et l'autrui en toutes,» figure virtuellement dans toutes les concessions faites par le pouvoir suprême. Du reste, les ordonnances d'autorisation portent généralement que la concession est faite au risques et périls des concessionnaires, ou réservent expressément les droits des tiers (ord. cons. d'Ét. 28 avril 1824, aff. Montaut, V. n° 396; 23 août 1836, aff. Laperche, V. n° 472-5°; 27 avr. 1838, aff. d'Houdemare, V. no 426). Ainsi il a été décidé que les ordonnances autorisant des constructions sur des cours d'eau disposent seulement en ce qui concerne le domaine public et sans préjudice du droit des tiers (ord. cons. d'Et. 22 juin 1825, aff. Wacheinheim, V. no 574). Lors donc que l'administration fait une concession, elle doit veiller à ne léser ni les intérêts du service public ni les droits acquis. C'est le moyen de ne pas être obligé de revenir sur le consentement donné, et en outre d'éviter des oppositions et des procès toujours fâcheux. C'est conformément à ces principes que le conseil d'État autorise, en principe général, les tiers à former tierce opposition contre les ordonnances.L'opposition, pour être admise, doit être recevable, c'est-à-dire formée dans les délais et d'après le mode exigés par les lois; elle doit en outre être fondée, c'est-à-dire reposer sur des moyens de fait ou de droit qui mettent le conseil dans le cas de pouvoir révoquer l'ordonnance accordée. Nous nous bornerons -Celle-ci soutint que la retenue de l'usine de la Cachette, avant les améliorations qu'elle venait de recevoir, n'était que de 3,000 mètres cubes; et que, depuis les travaux exécutés, cette retenue se trouvait être de 5 à 6,000 mètres cubes, ce qui causait un préjudice considérable à l'usine inférieure de la demanderesse, laquelle avait joui, de tout temps, d'une retenue plus forte que celle du sieur Drumeau (5,000 mètres cubes). La dame Ronflette a conclu, en conséquence, soit à la suppression des travaux dommageables, soit à des dommages-intérêts; et, à l'appui de son action, elle a produit un rapport de M. l'ingénieur Henry, constatant qu'effectivement la retenue de l'usine du sieur Drumeau était, dans le principe, de 5,000 mètres cubes seulement, offrant, d'ailleurs, d'en faire preuve. Le sieur Drumeau opposa qu'il n'avait fait que se conformer à l'ordonnance royale du 22 avril 1840, et que cette ordonnance n'était elle-même que l'exécution de la clause insérée dans celle obtenue par la dame Ronflette le 30 avril 1828. Jugement du tribunal de Charleville qui déclare qu'il n'y a lieu d'accorder ni suppression de travaux ni dommages-intérêts. Sur l'appel, arrêt confirmatif de la cour de Metz, du 25 nor. 1841.

Pourvoi de la dame Ronflette, pour violation des art. 1382 c. civ., et 5, tit. 4, de la loi du 24 août 1790, en ce que la cour royale de Metz, saisie d'une demande en indemnité formée par un usinier contre un autre usinier pour dommages résultant de travaux faits par ce dernier, aurait dû, tout en ordonnant le maintien de ces travaux, alors qu'ils étaient régulièrement autorisés par l'administration, vérifier l'existence des domages allégués, et rechercher, à cet effet, quels étaient les droits respectifs des parties, avant l'ordonnance d'autorisation. -- Arrêt. LA COUR; Attendu que la cour royale, loin de violer les règles de compétence tracées par l'art. 5, tit. 4, de la loi du 24 août 1790, s'y est exactement conformée en retenant la cause pour y faire droit; - Attendu qu'il est établi par l'arrêt attaqué: 1° que la dame Ronflette s'est soumise à la clause de l'ordonnance royale autorisant l'établissement de son usine, laquelle clause réserve à l'Etat vendeur la faculté de faire, dans l'intérêt de la navigation, de l'industrie ou du commerce, des dispositions qui privent l'impétrante d'une partie des avantages de ladite concession; 2° Que l'État a usé de ce droit en autorisant l'établissement en amont de la forge de Drumeau; -5° Que la disposition des usines placées sur le Nouzon, et la capacité respective des diverses retenues d'eau attachées à chacun de ces établissements étaient telles que la retenue de Drumeau, en la supposant de 5,000 mètres cubes, ne pouvait légitimer une action en donimages-intérêts; Qu'en concluant de ces faits déclarés constants qu'il n'y avait aucune faute imputable à Drumeau et que l'art. 1382 c. civ. était inapplicable à la cause, la cour royale a saine ment interprété la loi ; — Rejette.

Du 18 avril 1845. C. C., ch. req.-MM. Zangiacomi, pr.-Hardoin rap.-Delangle, av. gén., c. conf.-Morin, av.

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à exposer rapidement les diverses positions qui peuvent se pré-
senter pour les intéressés, suivant que l'usine n'est que projetée,
ou que sa construction est commencée, ou qu'elle est terminée.
415. 1° Lorsque l'usine n'est que projetée et que les tiers ont
connaissance de ce projet par les études préliminaires, ou par
l'enquête de commodo et incommodo, la loi n'a pas réglé la forme
des oppositions. Il est admis que les tiers qui redoutent que leurs
intérêts ne soient compromis par l'établissement nouveau non en-
core créé, peuvent se déclarer opposants dans la forme qui leur
convient ou par acte d'huissier, ou par déclaration sur le procès-struction dans laquelle il avait été entendu.
verbal des opérations des ingénieurs ou même par lettre (M. Gar-
nier, t. 3, p. 235), adressée à l'un des fonctionnaires chargé de
procéder aux travaux préliminaires; si l'opposant fait valoir des
titres ou arguë de sa possession, par exemple s'il soutient avoir
la propriété du terrain sur lequel on projette d'établir l'usine nou-
velle, il doit être sursis à l'instruction administrative jusqu'après
la décision des tribunaux ordinaires. C'est ainsi qu'il a été
jugé que lorsqu'il ne s'agit pas d'un règlement général pour
des usines, mais d'une simple autorisation de faire, sur une ri-
vière qui n'est ni navigable ni flottable, une prise d'eau pour l'ir-
rigation des prés et pour l'usage du moulin d'un particulier,
et qu'il y a des oppositions à cette autorisation, fondées sur des
titres de propriété, l'appréciation de ces titres est du ressort des
tribunaux, et doit précéder toute décision administrative (ord.
cons. d'Ét. 14 déc. 1825) (1).

se pourvoir contre l'ordonnance (ord. c. d'Ét. 13 déc. 1833) (3).
Ces deux décisions sont parfaitement justes: la cause sur la-
quelle l'opposant pouvait fonder son action, c'est-à-dire l'intérêt
privé, n'existant pas dans l'une et dans l'autre espèce, il ne lui
restait plus à faire valoir qu'un moyen d'intérêt général, lequel
était réputé avoir été suffisamment apprécié dans l'enquête : le
rejet était donc forcé dans les deux cas : l'opposant n'avait plus
de recours que par la voie gracieuse, et ce recours ne pouvait
être que d'une efficacité très-problématique en présence de l'in-

......2° Ou l'opposition est formée pendant l'exécution des travaux, et avant l'ordonnance: alors le tiers opposant peut également suivre les formes ci-dessus indiquées, et l'administration doit surseoir d'après les règles de compétence exposées sur l'hypothèse précédente.

.....3° Ou enfin, l'opposition a lieu après la confection des travaux, et par conséquent après l'autorisation accordée, alors ou cette opposition, dit M. Garnier, p. 236, n'est que la reproduction d'une opposition déjà formée et rejetée par l'ordonnance qui a autorisé l'usine, ou elle est nouvelle. « Nous pensons, ajoute-t-il qu'elle est recevable dans les deux cas, non-seulement par la voie gracieuse, mais même par recours au conseil d'État dans la forme prescrite par le décret du 22 juill. 1806. »Après quelques variations, le conseil d'État a jugé par une foule d'arrêts qui forment l'état actuel de la jurisprudence, que l'opposant qui a fait valoir ses moyens d'opposition dans Pinstruction qui a précédé l'ordonnance n'est plus recevable à agir par la voie contentieuse (ord. cons. d'Ét. 1er mars 1826, aff. Houpin, V. no 349-3°; 23 janv. 1837, aff. Pommereul, V. n° 340-2°; 20 juin 1837, M. Humann, rap., aff. Levesque; 1er nov. 1857, M. Humann, rap., aff. Touaillon C. de Marolles; 21 déc. 1837, M. Humann, rap., aff. Ropiteau; 14 janv. 1839, M. Fumeron d'Ardeuil, rap., aff. Vallée; 13 fév. 1840, aff. Lissot, V. no 446-2o, et une foule d'autres).

Ainsi, et conformément à cette jurisprudence, il a été décidé 1° que l'usinier qui n'a qu'une concession provisoire, laquelle même a été révoquée, ne peut former opposition ou tierce opposition à l'ordonnance de concession rendue, après enquête dans laquelle il a été admis à faire ses observations, au profit d'un autre riverain (ord. c. d'Ét. 7 mai 1823) (2);-2o Que celui qui ne base sur aucun droit privé sa demande ou retrait d'une ordonnance de concession, et dont l'opposition a d'ailleurs été appréciée dans l'enquête qui a précédé la concession, doit être déclaré mal fondé à (1) (Ricou, Fabre, etc. C. de Causans.) - CHARLES, etc.; Sur le rapport du comité du contentieux; - Vu le règlement du 12 juill. 1806; Considérant que la signification de l'arrêté attaqué n'ayant été faite que le 19 fév. 1824 aux syndics de l'association de Sarrians, leur pourvoi a été introduit dans les délais fixés par le règlement; Considérant qu'il ne s'agissait pas, dans l'espèce, d'un règlement général pour les usines sur la rivière d'Ouvèze, mais d'une simple autorisation de faire, sur une rivière qui n'est ni flottable ni navigable, une prise d'eau pour irrigation des prés et pour l'usage du moulin du sieur de Causans;

Considérant que des oppositions à cette autorisation ayant été fondées sur des titres de propriété, l'appréciation de ces titres appartenait aux tribunaux et devait précéder toute décision administrative;-Art. 4. L'arrêté du préfet de Vaucluse, approuvé par le ministre de l'intérieur le 22 déc. 1820, est annulé.

Du 14 déc. 1825.-Ord. cons. d'Ét.-M. Maillard, rap. (2) (Pouguet C. Didier.)- Louis, etc.;

Considérant que, dans

416. Examinons maintenant dans quel cas l'opposition pent être considérée comme fondée. Suffit-il que l'ordonnance ait pour effet de priver les usines des propriétés riveraines des avantages qu'elles trouvaient dans l'ancien état de choses, ou bien faut-il qu'il y ait un dommage réel et présent? Quant au dommage d'où peut résulter pour les tiers le droit de former opposition, les anciens docteurs distinguaient entre les causes de préjudice: est-ce l'eau qui, en remontant ou regorgeant, entrave la marche du premier moulin? L'opposition du propriétaire est légitime (Barthole, ff., De fluminib.; Godefroy et Flaust, sur l'art. 210, cout. de Normandie; Legrand, cout. de Troyes, art. 180; Brodeau, cout. de Paris, art. 71; Boucherel, cout. de Poitou, art. 40). Le préjudice n'a-t-il pour cause que la diminution de reveaus provenant de la concurrence? l'opposition n'est pas fondée. C'est ce qu'enseignent d'Argentrée, Favre, C. De serv., et aq. def., 5; Henrys, t. 1, liv. 3, ch. 3, quest. 54).-M. Proudhon (Domaine pub., n° 1093) veut, comme les auteurs que nous venons de citer, que l'on distingue le cas où l'opposant est seulement privé d'un gain ou d'un profit dont il jouissait à l'occasion de sa chose, et celui où il éprouve une lésion matérielle dans sa propriété, et l'opposition, suivant lui, n'est admissible quedans ce dernier cas. -« Ainsi, dit-il, si pour l'établissement d'une usine on a fait, avec l'autorisation de l'administration, un canal latéral à la rivière pour y faire une prise d'eau à une certaine distance plus haut, et que, par cette dérivation du fluide, la masse s'en trouve tellement appauvrie dans la rivière primitive que les propriétaires des fonds à l'autre bord restent privés du bénéfice de l'irrigation dont ils jouissaient précédemment, ils seront non recevables à se plaindre, attendu que, d'une part, le constructeur de l'usine exécutant la construction suivant le plan qui lui aura été donné, et approuvé par l'administration, n'aura rien fait que ce qu'il avait le droit de faire; et que, d'un autre côté, les proprié taires riverains de l'autre bord n'éprouvent aucune lésion materielle dans leur propriété et restent seulement privés d'un bénéfice ou d'un profit accidentel dont ils jouissaient auparavant.... Ainsi encore les propriétaires riverains de l'autre bord de la rivière ne pourraient pas se plaindre non plus de ce que le poisson faisant émigration dans le canal du moulin pratiqué latéralement à la rivière, leur pêche est devenue moins abondante; attendu que ce préjudice ne consiste pour eux que dans la diminution d'un gain et non dans la lésion matérielle de la propriété foncière; que, de son côté, le meunier ne fait que jouir de son droit de canal, et que l'émigration du poisson n'est que la conséquence immédiate et nécessaire de la disposition arrêtée par l'administration pour le règlement du cours d'eau; qu'enfin, le droit de pêche n'étant ici qu'un don de la loi, l'autorité publique agissant par des motifs généraux, peut toujours y apporter les modifications qui résultent des mesures qu'elle adopte pour la construction de la nounotre ordonnance du 6 fév. 1822, l'opposition formée par le sieur Parguet a été visée; — Qu'ainsi ce propriétaire avait été à même de fa re valoir tous ses moyens d'opposition; Considérant, d'ailleurs, que b tierce opposition qu'il élève maintenant est basée sur sa prétendue qualité de propriétaire d'un moulin à chanvre, qui n'avait été autorisé par le préfet que provisoirement; mais que la révocation faite par le ministre de ladite autorisation provisoire a détruit le moyen de tierce opposition; Art. 1. La requête..... est rejetée.

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Du 7 mai 1825.-Ord. cons. d'Et.-M. Tarbé, rap.

(3) (Vaillant C. Crosnier.) — LOUIS PHILIPPE, etc. ; —Vu les lois des 20 août 1790 et 6 oct. 1791; - Considérant que le sieur Vaillant ne fonde sur aucun droit privé le pourvoi par lui formé contre l'ordonnance du 15 mars 1822, et que les motifs de son opposition ont été appréciés et rejetés dans l'instruction qui a précédé ladite ordonnance;-Art. 1. Le pourvoi..... est rejeté.

Du 13 déc. 1833.-Ord. cons. d'Ét.-M. de Jouvencel, rap.

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